La pêche à Sainte-Angèle-de

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La pêche à Sainte-Angèle-de
La pêche à Sainte-Angèle-de-Laval
Bien avant la création de la paroisse de Sainte-Angèle en 1870, une communauté de
pêcheurs s’organise à quelque distance du village, en plus un petit hameau connu sous
le nom de « Village d’en-Bas » ou plus familièrement le « Village des barbottiers ».
Pendant plus d’un siècle, ces pêcheurs et leur famille exploitent les nombreux poissons
dont le fleuve regorge pour en faire leur principale source de revenus. Les origines de
cette activité de pêche demeurent encore peu connues. Issues de plusieurs familles
différentes : les St-Ours, Lenneville, Richard, Levasseur, Pépin, Bouvette, Doucet,
Lévesque etc., elles puisent pour la plupart leurs racines au sein de la communauté
acadienne arrivée dans la région à la fin du XVIIIe siècle; des familles qui, a priori, ont
une origine territoriale commune, qui sont unies par leur savoir technique et leurs
métiers et qui se regroupent pour mettre à profit un milieu naturel riche et diversifié.
À l’époque, les pêcheurs de Sainte-Angèle sillonnent le fleuve, depuis le lac St Pierre
jusqu’à la région de Lotbinière. Dans leurs embarcations ou à partir du rivage, ils
ratissent le fleuve avec leurs engins de capture (lignes, rets, seines, verveux, etc.),
pêchant de nombreuses espèces parmi lesquelles on retrouve l’alose, l’anguille, le bar,
la barbotte, le brochet, la carpe, le crapet, le doré, l’esturgeon, la laquaiche, la loche, la
perchaude, la petite morue, le corégone… Leur connaissance du milieu résulte d’une
expérience commune, transmise de pêcheur en pêcheur. Ils savent où et à quel moment
trouver le poisson qu’ils recherchent connaissant les habitudes et les mœurs de chaque
espèce. Ils connaissent parfaitement les reliefs du rivage et la configuration du lit du
fleuve, leur attribuant des qualificatifs qui résument leurs caractéristiques et les
royaumes de chacun : la pointe de sable, le trou à Jean Leblanc, l’anse à Leboeuf, le
marigot (marais), la petite batture de Gentilly, la petite pointe aux riches, l’anse des
Joncas, etc. Parfois, les domaines des pêcheurs sont si éloignés que ceux-ci doivent se
construire des abris afin de rester sur place en cas de mauvais temps.
La pêche à Sainte-Angèle est une activité familiale. Dès
leur jeune âge, les enfants sont initiés aux métiers de la
pêche en participant au triage et à la préparation du
poisson. Vers l’âge de 13 ans, ils commencent à pêcher
avec leur père assurant ainsi la relève au « Village d’enBas ». Quant aux femmes, elles tricotent, nettoient et
bordent les filets. Parfois, deux familles travaillent
ensemble, l’une fournissant l’embarcation et l’autre les
Georges Lévesque et Jean
Doucet
engins de capture.
La pêche est un métier saisonnier même si quelques-uns la pratiquent aussi en hiver.
Pour certains elle n’apporte qu’un revenu en allant travailler dans les moulins à papier à
Trois-Rivières alors que d’autres partagent le métier de pêcheur avec celui de
cultivateur. Bien que les pêcheurs de Sainte-Angèle vivent modestement de leur métier,
l’abbé Leclerc écrit dans son étude sur le village d’en-Bas : « un bon pêcheur fit vivre
une famille ordinaire aussi honorablement qu’un bon cultivateur et souvent avec plus
de sécurité qu’un bon ouvrier ».
À Sainte-Angèle, l’habitation du pêcheur est en général une petite maison entourée de
nombreuses dépendances : une glacière, une poissonnerie où l’on apprête le poisson,
une écurie (le pêcheur qui possédait un cheval était relativement à l’aise), un garage ou
une remise qui accueille les agrès, et enfin un fumoir. Le fumoir est probablement la
dépendance la plus typique du village des pêcheurs. C’est une petite cabane coiffée d’un
toit à pente raide avec un âtre, munie de trois à cinq tiroirs constitués de planches
soutenant un treillis métallique. Les tiroirs peuvent recevoir ensemble de 70 à 100 livres
de poissons. On se sert du bois d’érable à sucre ou des cotons de blé d’Inde sucré pour
fumer le poisson que l’on « boucane » durant 7 à 8 heures.
Pour
parvenir
à
vendre
son
poisson, le pêcheur doit souvent
parcourir plusieurs kilomètres. Les
paroisses du sud et du nord du
fleuve reçoivent régulièrement la
visite de ces commerçants. Le
marché de Trois-Rivières constitue
bien sûr un des pôles importants
Au marché aux denrées de Trois-Rivières. Un «cayé» de 10 pieds
et d'un poids de 420 livres.
pour la vente et la distribution du
poisson et l’on s’y rend de deux à trois fois par semaine. Mais pour écouler toute la
marchandise, il faut aussi l’expédier à l’extérieur de la région. Ainsi, une à deux fois par
semaine, on expédie le poisson par train vers les marchés de Montréal, Toronto et
Windsor. Mais la pollution du fleuve et le déclin du marché local dans les années 1960
ont porté un dur coup à l’industrie de la pêche à Sainte-Angèle.
Aujourd’hui (1995), quelques pêcheurs continuent tout de même à récolter et préparer
le poisson. M. Lenneville de « Pêche Sainte-Angèle » est un de ceux-là. Il mentionnait,
lors d’une visite, qu’il ne reste au plus que huit pêcheurs qui pratiquent dans la localité.
Son commerce est l’un des derniers témoins d’une activité qui a marqué le paysage
socio-économique de Sainte-Angèle depuis ses origines.

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