Création mondiale du Nabulio de Bruno Coulais au Festival Berlioz

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Création mondiale du Nabulio de Bruno Coulais au Festival Berlioz
Date : 02/09/2015
Heure : 10:04:05
Journaliste : Jean-Luc Clairet
www.resmusica.com
Pays : France
Dynamisme : 10
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Création mondiale du Nabulio de Bruno Coulais au
Festival Berlioz
En hommage au créateur de formes que fut Berlioz, le Festival initie une
tradition : créer des œuvres d'aujourd'hui. Commande 2015, Nabulio de Bruno
Coulais convoque le fantôme contesté de Napoléon Bonaparte.
Après Berlioz en Amérique en 2014, le Festival fait dialoguer Hector avec Napoléon.
La célèbre route Napoléon du Golfe Juan à Grenoble déroule ses lacets à quelques
lieues de La Côte-Saint-André. Le bicentenaire du retour de l'île d'Elbe permet
d'installer le décor du retour triomphant (Berlioz avait 12 ans) que l'histoire a
gravé. Intitulée Sur les routes Napoléon, l'édition 2015 jette des ponts entre les
deux hommes, dont on sait que le politique fascina le musicien, comme il fascina
Beethoven. Ainsi que le déclare Arnaud Marzorati qui, à la tête de sa clique des
Lunaisiens, donna, sous le Balcon d’Hector, une remarquable suite de concerts
chargés de faire revivre la Légende napoléonienne : « On était pour ou contre
Napoléon mais on ne pouvait faire sans . »
Sous-titré « Oratorio pour chœur polyphonique, orchestre symphonique et récitant
», Nabulio s'inspire d'un genre créé avec succès par Félicien David : l'odesymphonie. Admiré par Berlioz, David, dans son ode-symphonie Christophe
Colomb (ressuscité par le Festival en 2014), évoque le navigateur. Nabulio (ainsi
était surnommé Napoléon enfant dans sa Corse natale) l'empereur.
Architecturée sur des textes de Napoléon (Mémoires de Sainte-Hélène, lettres),
l'œuvre navigue entre 12 chants corses (textes et musiques de Jean-Claude
Acquaviva), 2 poèmes de Fernando Pessoa et de brefs passages symphoniques.
De fait elle navigue également entre 2 styles : passée une énigmatique introduction
confiée au seul piano, Bruno Coulais souffle le chaud et le froid avec une partition
déchirée entre questionnement atonal et immédiate séduction. Dès que la mélodie,
les enchantements des cordes se font entendre, ils cessent aussitôt sans que l'on
puisse trancher entre manque de substance mélodique et angoisse du racolage.
Ce trop prudent entre-deux stylistique ne cesse de nuire à Nabulio, qui, au terme
de ses 90 minutes, n'a toujours pas convaincu. Déplorons enfin qu'au contraire des
odes-symphonies très inspirées de Félicien David, où le récitant savait se faire très
discret, Nabulio soit une œuvre terriblement bavarde.
Tous droits réservés à l'éditeur
BERLIOZ 255877252
Date : 02/09/2015
Heure : 10:04:05
Journaliste : Jean-Luc Clairet
www.resmusica.com
Pays : France
Dynamisme : 10
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Les artistes sont en revanche à louer sans réserve : les 6 hommes du chœur A
Filetta, d’une prégnante émotion dans les plus beaux passages de la partition, la
subtilité imparable du récitant impérial de Didier Sandre (même lorsqu'il s'agit de
donner à voir l'érotisme crypté des mots à Joséphine), le bel Orchestre PoitouCharentes, tous sous la houlette du piano délicat de Jean-François Heisser.
A une époque où l'on n'en peut vraiment plus de voir l'homme envahisseur faire
balbutier l'histoire, avouons pour conclure combien il est malaisé de parvenir à
s'attacher à la figure d'un homme dont l'ambition piétina la vie de tant d'êtres
humains. Malaise subtilement confirmé à la fin de cette courageuse création
(accueillie tout de même avec succès), lorsque l'on entend le récitant conclure à
nu : « Je n'ai plus à défendre la réputation que l'histoire me prépare. Elle dira qu'un
homme pour qui tout un peuple s'est dévoué ne devait pas être si dépourvu de
mérite que ses contemporains le prétendent.»
Crédit photos: Delphine Warin/Festival Berlioz
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