SRAPI - Témoignage et entretien Aurora Mozziconacci
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SRAPI - Témoignage et entretien Aurora Mozziconacci
Témoignage et Entretien Aurora MOZZICONACCI Arboriste, 21 ans Après un stage d’orientation en 3ème en paysagisme, Aurora s’est orientée en BEP travaux paysagers puis a obtenu son bac professionnel. Après avoir cherché du travail, elle décide de partir en formation CS tailles et soin aux arbres, qu’elle ne pensait pas du tout être de l’élagage. Elle a aimé ce métier et a été engagée après on stage et aujourd’hui, elle continue de se former en parallèle au Centre de Formation Professionnelle Forestière de Châteauneuf du Rhône. Propos recueillis par B. Michaux pour le projet SRAPI le 16 décembre 2010 SRAPI : Comment se déroule vos relations homme femme dans l’entreprise ? Aurora MOZZICONACCI : Mon expérience est toute récente, j’ai été prise après deux semaines de stage, maintenant cela va faire un mois que je côtoie mon employeur. Mais depuis tout repose sur mes épaules et il compte sur moi pour changer l’image de l’entreprise puisqu’il intègre une fille. En effet, une fille est plus minutieuse et va plus dans les détails qu’un homme. Je ne sais pas si j’ai une analyse différente qu’un homme, mais le sens du détail c’est certain. Depuis mon entrée en formation au CFPF, j’ai travaillé 3 semaines dans mon entreprise et j’ai été bien accueillie. Aucune jalousie. Au contraire, les hommes sont plus distingués quand une fille est présente. Ils sont contents qu’on change un peu de conversation. Mais avec le temps, je pense que la conversation va redevenir comme avant. Et si demain un macho entre dans l’entreprise et vient m’embêter, je ne sais pas comment réagir pour que cela cesse. SRAPI : Comment vous placez-vous en tant que femme au niveau de votre potentiel de travail ? AM: Je pense qu’en tant que client on va rechercher plus un homme en élagage, notamment du fait que les femmes ont moins de force et sont moins résistantes physiquement. Dans mon cas, j’adapte mon mode de travail à ma condition physique, par exemple, je ne remplis mon container de déchets verts qu’à moitié pour être capable de le porter. SRAPI : Pensez-vous que votre employeur va adapter votre travail à vos conditions physiques ? AM : Je n’y avais pas songé et je ne vois pas comment l’employeur pourrait le faire. Les machines ont toujours le même poids... Mais je pense que c’est à nous de nous adapter. Ma motivation, c’est le côté nature et puis je n’aime pas rester dans un bureau. Pour le moment, je souhaite rester dans l’entreprise où je suis actuellement en Corse, donc les conditions climatiques liées au travail à l’extérieur ne m’effraient pas. La seule chose qu’on ne peut ne pas adapter c’est la peur de grimper, si on a peur c’est fichu. SRAPI : Qu’est ce qui vous a décidé au paysage, les espaces verts et la dérive vers l’élagage ? AM: L’arbre est la première chose qu’on voit dans un jardin, il en détermine sa beauté. Si on réalise de mauvaises tailles, il ne va pas être beau et de même pour le jardin. Il est vrai qu’un arbre se « taille » tout seul, mais pour la sécurité des gens, sa cohabitation, il est important de le tailler. SRAPI : Pensez-vous que le fait d’avoir des enfants sera un frein pour la carrière ? AM: Pendant un certain temps oui, 3 mois. Mais après on peut recommencer sans problème. Au niveau de la carrière, de manière générale, pour tous, on reste dans le métier jusqu’à 50 ans. Ensuite, je pense plutôt à créer mon entreprise dès que j’aurais assez d’expérience : c’est mon but. Et si passé un certain âge, le métier est trop dur, il y a toujours la création et l’aménagement de jardin qui reste moins difficile que l’élagage. SRAPI : Est-ce qu’au final l’élagage est un moyen d’accéder à la création de votre entreprise ou s’agit-il d’une vocation ? AM: C’est un peu des deux. J’ai toujours voulu m’installer. Et ainsi, je serai polyvalente à la fois paysagiste et arboriste. Je pense que les clients auront plus tendances à prendre des hommes pour travailler dans ce secteur. Alors j’espère que lorsque je créerai mon entreprise, les clients n’auront pas la même vision que moi, qu’on ne dise pas « c’est une femme, elle n’est pas capable ». La crainte n’est pas sur ma formation ou ma capacité à travailler mais plutôt sur ma crédibilité en tant que femme. SRAPI : Pensez-vous qu’une femme puisse réaliser le métier l’élagueur et si oui lui conseillerez-vous? AM: Oui pourquoi pas, il y a bien des hommes qui font infirmiers. Tant qu’on a la volonté… Il y a des femmes plus motivées que des hommes et la motivation fait tout. C’est le gage de réussite. J’ai aujourd’hui moins de force qu’un homme mais cela se travaille et les samedis je pars grimper avec un des formateurs pour m’entrainer. Je conseillerais à une femme d’exercer sans problème car je pense déjà qu’il est plus facile pour une femme d’être acceptée, on est plus chouchoutée (à moins de tomber sur un gros macho qu’il faut remettre à sa place). Le travail est agréable même s’il est physique. SRAPI : Pourquoi alors n’y a-t-il pas plus de femme dans ce secteur? Est-ce une question d’information ? AM: Je n’ai jamais été informé sur ces métiers durant ma scolarité. En troisième, mon stage d’orientation a été déterminé dans un test fait sur ordinateur où le résultat a orienté mon stage en espace vert. Et puis il y a l’image que les hommes ont de la femme. Une femme doit être jolie, rester à la maison et faire le ménage. C’est la place d’un homme d’être dehors sur un chantier, au froid... SRAPI : Comment vous sentez-vous face à ce stéréotype ? AM: Ca dépend. Lors d’un travail en ville, quand les hommes me regardent avec des grands yeux, cela me gêne. Mais c’est vrai que je n’aime pas quand on me regarde travailler. En fait cela dépend comment on me perçoit mais sinon, faire un métier d’homme ne me dérange pas. En fait c’est un problème culturel. SRAPI : Alors comment faire pour éviter ces stéréotypes ? AM: Tout simplement, que les machos arrêtent d’être machos en observant le travail que peut faire une femme et qu’elle peut faire la même chose qu’un homme. En termes de communication, je ne sais pas trop ce qui pourrait être fait. Il y a toujours eut un manque d’orientation même dans les centres d’orientation. Il serait intéressant de présenter ce type de formation dans les établissements scolaires proches ou lors de journées portes ouvertes. SRAPI : Au final, quels sont les freins pour accéder à ce métier ? AM: Le seul frein que je vois à ce métier c’est la peur, sinon le physique se travaille. La peur est un facteur décisif car incontrôlable, c’est pareil pour les hommes. Finalement, je pensais avoir plus peur dans l’arbre mais non. Ce n’est pas la hauteur de l’arbre qui m’effraie mais plutôt les grandes distances entre les axes quand l’arbre est large. Etre dans l’arbre m’est facile, le travail dans l’arbre est plus dur. Une de mes professeurs pensait que je ne serais pas à la hauteur physiquement et que j’aurais dû partir sur des métiers moins pratiques mais plus intellectuels, que je devrais avoir un poste supérieur aux hommes pour pouvoir m’imposer. Au final, elle voulait faire de moi quelque chose que je ne voulais pas. Mais je suis fière d’être dans mon arbre, je montre à tous que je peux faire ce métier.