Jérémie Almanza. - Paris : Delcourt, 2013
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Jérémie Almanza. - Paris : Delcourt, 2013
Coeur de pierre / Séverine Gauthier ; Jérémie Almanza. - Paris : Delcourt, 2013 Un enfant naît avec un cœur de pierre. Ses parents sont inquiets et font venir médecins et spécialistes. Le docteur confirme la nouvelle : l’enfant a bien une pierre à la place du cœur. Il sera donc incapable de sourire ou de profiter de la vie. La maman devient folle de douleur, tandis que le papa se mure dans le silence et le chagrin. Du coup, le garçon est encore plus seul et grandit dans la tristesse et la souffrance. Un jour pourtant, dans une autre maison, une jeune fille naît. Elle fait la joie de ses parents, car elle a un artichaut à la place du cœur et tout en elle est bondissant et joyeux. Quand elle grandit, elle fait la joie de tous ses proches et tout le monde aime cette jolie fille rousse. Le jour où la petite fille au coeur d’artichaut rencontre le garçon au coeur de pierre, elle tombe éperdument amoureuse de lui. Dès lors, elle lui offre chaque jour une feuille de son cœur, que chaque jour celui-ci rejette plus méchamment. Le coeur de la petite fille se rétrécit et bientôt elle perd sa joie de vivre. CLT BD GAU Le duo Séverine Gauthier et Jérémie Almanza revient sur le devant de la scène après le très beau "Aristide broie du noir". Le début ressemble fortement à l’album précédent, puisqu’il s’agit d’un enfant qui naît dans un climat de tristesse et de noirceur extrême… Mais cette fois, "Cœur de Pierre" parle essentiellement de l’amour. En effet, les protagonistes ont un cœur bien plus sensible que les autres : l’un tourné vers la souffrance, l’autre vers l’amour. Le récit est une sorte de conte onirique qui se rapproche pourtant fortement de la réalité de la vie. Les dessins participent à cette évasion totale et sublime : dans des couleurs magnifiques, Jérémie plonge le lecteur dans un monde autre, chargé de symbolisme. Les couleurs, les décors et les visages sont le reflet exacerbé des sentiments profonds de chacun. Ainsi, le garçon au cœur de pierre est environné de gris et d’un décor ravagé, tordu et dépouillé de toute vie, tandis que les cases qui représentent la fille au cœur d’artichaut sont pleines d’énergie, de couleurs vives et de plantes vivaces. La rencontre entre ces deux personnages de l’extrême offre de magnifiques cases, où deux styles graphiques s’opposent, où la dépression lutte contre la joie de vivre. Dans un rythme lent et méditatif, l’histoire creuse petit à petit les sentiments de ses personnages… une plongée intimiste et ultra-sensible dans les tréfonds de l’âme et du cœur. Les textes de Séverine Gauthier sont pleins de délicatesse et tout en rimes. Pourtant, l’essentiel est suggéré et c’est dans le non-dit que la vérité éclate de façon explosive. C’est donc un album qui s’adresse à tous les âges avec différents degrés de lecture. La poésie et la finesse des mots touchent au plus près de cette vérité des sentiments mystérieux de l’amour. Un magnifique ouvrage, à la poésie sublime et au dessin envoûtant. (Extrait du site internet "Planète BD" : http://www.planetebd.com/) Aristide broie du noir / Severine Gauthier ; Jérémie Almanza. - Delcourt, 2008 Le petit Aristide a dix ans. Et même si son cerveau est grand, la peur du noir provoque chez lui des insomnies. Car les ombres, menaçantes se cachent partout, jusque sous son lit. Comment trouver le sommeil, quand la survie exige une constante veille ? L’intégralité de cette belle bande dessinée est écrite en alexandrins, ce qui renforce son air de conte tout en lui donnant un certain cachet. Les mots coulent et s’enchaînent, portant le lecteur presque malgré lui d’un bout à l’autre de l’aventure. Et quelle splendeur côté dessin ! Les larges cases autorisent le jeune dessinateur (originaire de Besançon) à mettre en valeur les décors, dont chaque recoin renferme les ombres tant craintes par le petit Aristide. Le noir est bien entendu omniprésent, mais la couleur n’est pas en reste. Orange vif, violet profond, vert tendre, c’est un arc-en-ciel qui est offert pour le plaisir des yeux. Bien sûr, le premier public visé est celui des enfants. Mais Aristide sait parler au gamin qui sommeille à peine en chacun et qui, comme lui, cherche à tout prix à rester en éveil. Ce tout petit attachant dans son isolement et sa peur, donne le sourire du fait de l’incohérence et la simplicité de raisonnement que son intelligence n’arrive pas à contrer. L’émotion est omniprésente, envahissante, exquise. Le final achève de mettre de bonne humeur, avec une planche en pleine page, simple, efficace. (Extrait du site internet "Planète BDGest" http://www.bdgest.com) A découvrir également de la même scénariste : CLT BD GAU - a vec pour dessinateur Thomas Labourot : Garance : Garance possède le pouvoir de marcher sur l’eau. Son ami Léopold ne la croit pas. Décidée à le convaincre, elle lui confie qu’elle l’a hérité de son père, un géant qui vit sur une île et qui crée les vagues en battant des pieds. Tous deux prennent la mer pour lui rendre visite. Un album sur l’absence et la disparition d’un être cher. Mon arbre : Laurine, une petite fille, passe ses journées d’été auprès de son ami le chêne centenaire. Celui-ci lui demande une faveur, celle de prendre soin de ses jeunes pousses. Elle accepte mais ne remarque pas la croix rouge qu’il porte, la même marque qui était inscrite sur les autres arbres du bosquet avant de disparaître. - avec MiniKim pour dessinatrice : Couette : Couette est arrivée sur terre dans une goutte d’eau de la dernière pluie. Partout où elle passe, poussent couleurs, joie et amour universel... Synghe Sabour : Pierre de Patience / Atiq Rahinie. - Studio37 - Orange, 2013 Au pied des montagnes de Kaboul, un héros de guerre gît dans le coma ; sa jeune femme à son chevet prie pour le ramener à la vie. La guerre fratricide déchire la ville ; les combattants sont à la porte. La femme doit fuir avec ses deux enfants, abandonner son mari et se réfugier à l’autre bout de la ville, dans une maison close tenue par sa tante. De retour auprès de son époux, elle est forcée à l’amour par un jeune combattant. Contre toute attente, elle se révèle, prend conscience de son corps, libère sa parole pour confier à son mari ses souvenirs, ses désirs les plus intimes... Jusqu’à ses secrets inavouables. L’homme gisant devient alors, malgré lui, sa Syngué Sabour, sa pierre de patience - cette pierre magique que l’on pose devant soi pour lui souffler tous ses secrets, ses malheurs, ses souffrances... Jusqu’à ce qu’elle éclate ! Un film dur, beau, très fort. Une vision de la femme dans le monde musulman. "Syngué Sabour" est aussi un film de guerre qui pourrait se passer ailleurs. Et la bouleversante Golshifteh Farahani, silhouette frêle qui se redresse progressivement, témoigne que ni le voile ni les servitudes n’aboliront la force du désir. MG F RAH S Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire / Jonas Jonasson. - Presses de la cité, 2011 Alors que tous dans la maison de retraite s’apprêtent à célébrer dignement son centième anniversaire, Allan Karlsson, qui déteste ce genre de pince-fesses, décide de fuguer. Chaussé de ses plus belles charentaises, il saute par la fenêtre de sa chambre et prend ses jambes à son cou. Débutent alors une improbable cavale à travers la Suède et un voyage décoiffant au cœur de l’histoire du XXe siècle. Car méfiez-vous des apparences ! Derrière ce frêle vieillard en pantoufles se cache un artificier de génie qui a eu la bonne idée de naître au début d’un siècle sanguinaire. Grâce à son talent pour les explosifs, Allan Karlsson, individu lambda, apolitique et inculte, s’est ainsi retrouvé mêlé à presque cent ans d’événements majeurs aux côtés des grands de ce monde, de Franco à Staline en passant par Truman et Mao... Livre jubilatoire, où l’on est sans cesse pris à contre pied par l’auteur. Les personnages sont attachants, et c’est également une excellente leçon d’histoire, où le héros rencontre tous les personnages illustres qui ont fait le XXe siècle... L’humour est la force majeure de ce roman, tantôt plein d’esprit, tantôt poétique, tantôt franchement caustique, souvent décalé voire franchement déjanté - il n’y a pas une seule page qui ne décroche au moins un sourire sinon un rire intérieur. Parfois je me suis même surprise à rire à "haute voix" ce qui n’a pas manqué de susciter la curiosité de mon entourage : Qu’est-ce que tu lis... ? Tu me le prêteras... ? A recommander après une journée difficile, ce livre vous réconcilie avec le sourire, et ça fait un bien fou. Livre d’un optimisme inoxydable, véritable coup de cœur ! MG Corpus JONA V Respecter les animaux à petit pas / Florence Pinaud. - Actes Sud Junior, 2013 (A Petits Pas) Les documentaires sur les animaux et sur l’écologie sont nombreux en littérature Jeunesse. Plus original, Respecter les animaux à petits pas se demande ce qui pousse les humains à aimer et en même temps traquer des animaux pour se nourrir ou se vêtir. Il nous apprend surtout que si nous avons longtemps cru les animaux incapables de réagir à la douleur ou de faire preuve de raison, philosophes et chercheurs nous ont apporté des preuves incroyables du contraire. Saviez-vous, par exemple, que les cochons sont capables de mentir ? Que les vers de terre, qui n’ont pourtant pas de colonne vertébrale, réagissent quand on leur fait mal ? Plus étonnant, on a observé au Canada des corbeaux qui placent des noix sur une route pour que les voitures les cassent… et attendent le feu rouge pour aller les ramasser ! Malgré ces preuves d’une sensibilité et d’un raisonnement propre aux animaux, avons-nous changé notre manière de les traiter ? Pas vraiment : ce petit documentaire nous conduit, pêle-mêle, dans les coulisses des élevages, où certains animaux ont passé leur vie sans jamais voir la lumière du jour, des abattoirs où ils sont tués à la chaîne, en passant par les zoos et … nos foyers (responsables de tout de même 100.000 abandons par an !). Heureusement, les défenseurs des animaux existent, depuis bien plus longtemps qu’on ne le croit : Pythagore et d’autres philosophes grecs et romains pensent, dès l’Antiquité, que manger de la viande ne peut justifier un acte aussi grave que la mort. Pour Descartes, qui vivait au XVIIIe siècle, les animaux ne sont pourtant que des machines, agissant par réflexes, tels des automates… théorie que la science rejettera bien plus tard (nos brillants corbeaux lâcheurs de noix ne se seraient sans doute pas adaptés au moderne feu rouge s’ils n’avaient fait confiance qu’à leurs réflexes !) EM J 179.3 PIN Aujourd’hui, des célébrités s’engagent contre la fourrure, des mouvements plaident pour une alimentation végane, exempte de produits issus de l’élevage des animaux (viande, mais aussi lait et œufs). De façon moins extrême, des éleveurs, sans renoncer à la viande, proposent des conditions plus humaines aux animaux qu’ils exploitent : les cochons de Meine Kleine Farm disposent ainsi de beaucoup d’espace, vivent en plein air et ne sont tués qu’à la demande des consommateurs. Florence Pinaud, l’auteure de ce petit documentaire, encourage clairement ses jeunes lecteurs à respecter les animaux. Mais, à l’image de ces exemples différents, elle les encourage surtout à construire leur propre jugement, grâce à un tour d’horizon actuel et historique de la condition animale et de ses acteurs et penseurs. Sans toutefois tomber dans la complexité : les chapitres laissent la part belle aux anecdotes et à de courts points de réflexion et d’informations qui rendent ce documentaire très accessible, attrayant et bien articulé ! A mettre entre les mains des enfants… mais également des adultes qui, comme moi, pourraient bien remettre en cause ce qu’ils pensent des animaux ! Catalogue de l’exposition Pierre Huyghe/sous la direction d’Emma Lavigne. - Ed. du Centre Pompidou, 2013 Après avoir longtemps hésité sur le principe d’une exposition rétrospective, l’artiste contemporain Pierre Huyghe, a finalement accepté l’invitation du Centre Pompidou en 2013. Le catalogue présenté ici permet de découvrir une part importante de l’œuvre de cet ancien étudiant de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Performances, sculptures, dessins, photographies, films ou installations, nous avons devant nous une grande diversité de formes. Les nombreuses illustrations du catalogue peuvent nous sembler énigmatiques, effrayantes ou attrayantes, mais elles dialoguent souvent avec le lecteur / spectateur. Faisant appel à notre imagination, notre capacité à résoudre des mystères ou même à inventer des histoires à partir d’une image ou d’un dessin. Cette confiance retrouvée entre un artiste et son public, accompagnée d’une exigence permanente (rien n’est ici gratuit, il y a toujours une démarche, un souvenir ou une émotion), nous permet de prendre part à l’aventure de la création. L’art contemporain, trop souvent étiqueté comme hermétique ou élitiste, ressemble ici à une véritable épopée. Un jeu de piste (qui entretient également de nombreuses relations avec le cinéma) ouvert à toutes et à tous, dont il ne faut surtout pas se priver. TM 730 HUY Ma vie pour la tienne / Nick Cassavetes. - Metropolitan FilmExport, 2010 C’est l’histoire d’une jeune adolescente atteinte du cancer. Lorsqu’elle est plus jeune, ses parents décident d’avoir un autre enfant pour une greffe mais la petite dernière est décidée à ne pas se laisser faire… Cassavetes a réussi un film poignant sur la maladie. La manière dont il met en exergue la relation mère/fille dans ce film est prenante et réaliste. Voilà un film rempli d’émotions, très nuancé, où chaque acteur est mis en lumière et donne naissance à une œuvre sincère et authentique. YB F CAS M Wonder / R. J. Palacio. - Paris : Fleuve noir, 2012 "Je m’appelle August. Je ne me décrirai pas. Quoi que vous imaginiez, c’est sans doute pire" August Pullman voudrait être un garçon de dix ans ordinaire. Il fait des trucs ordinaires. Il mange des glaces. Il joue sur sa DS. Il fait du vélo. Mais Auggie est loin d’être ordinaire. Lorsqu’un enfant ordinaire entre dans un square, les autres enfants ordinaires ne s’enfuient pas en hurlant. Quand un enfant est normal, les gens ne le fixent pas partout où il va. Né avec une malformation faciale, Auggie n’est jamais allé à l’école. A présent, pour la première fois, il va être envoyé dans un vrai collège... Pourra-t-il convaincre les élèves qu’il est comme eux, malgré tout ? Dans la lignée du Bizarre incident du chien pendant la nuit, un petit bijou de sensibilité et de drôlerie. Un roman irrésistible sur le destin peu ordinaire d’August Pullman, un enfant différent. Oui, l’histoire a des côtés "très américains", sur le collège, la remise des diplômes, etc, mais ça reste très drôle et aussi très émouvant ! August qui sait se moquer de lui-même : "avec ces nanas qui se jettent sur moi et tout"... et qui aime tant Halloween et toute occasion de se déguiser pour cacher son visage et être enfin comme les autres (par exemple, l’expo d’antiquités égyptiennes où il se déguise en momie). un beau message de courage et d’optimisme, de tolérance, d’amitié. Avec une infinie délicatesse, R.J. Palacio nous dévoile tout en douceur les aventures et les événements de la vie d’Auggie. KPM J R PAL Magnifique ! Vraiment le livre qui vous met du baume au cœur, qui illumine votre journée. Parce que c’est une belle histoire, parce que c’est émouvant, parce qu’on a envie de faire partie de la famille d’August, de connaître ses amis. August est vraiment un personnage courageux, plein de vie, mais tous les personnages du livre sont également réalistes et touchants. J’ai apprécié le fait qu’il y ait plusieurs narrateurs, cela apporte vraiment un plus. Alors oui, j’insiste, ce livre m’a vraiment fait un bien fou. La maison des bois : série télévisée en sept épisodes / Maurice Pialat. - GCTHV, 1968 Pendant la Première Guerre mondiale, un garde forestier recueille dans sa famille plusieurs enfants parisiens réfugiés à cause du conflit, dont le petit Hervé. Tous partagent la vie du village de campagne, l’école, les nouvelles du front, l’attente de la visite des mères… Petite histoire dans la grande, cette série est l’une des œuvres les plus délicates de Maurice Pialat. Si le format télévisé de l’époque donne un aspect légèrement désuet à l’ensemble, "La maison des bois" reste une très belle évocation d’une période marquante de l’histoire de France. Avec les émotions quotidiennes d’Hervé, c’est toute la gravité du contexte de guerre qui apparaît tout au long de ces épisodes. Un moment de cinéma à découvrir. TM F PIA M Middlesex / Jeffrey Eugenides. - L’Olivier, 2003 "J’ai été la risée de mes camarades, le cobaye des médecins, l’objet des palpations des spécialistes et des recherches des chercheurs. Une rousse originaire de Grosse Pointe est tombée amoureuse de moi, ignorant qui j’étais (je ne déplaisais pas non plus à son frère). Un tank m’a mené au cœur d’une bataille de rues ; une piscine m’a métamorphosé en nymphe. J’ai quitté mon corps pour en occuper d’autres – et tout cela avant d’avoir eu seize ans." Cal / Calliope Stephanides a connu deux naissances, l’une comme jeune fille d’une famille grecque de Detroit, l’autre comme jeune homme qui, à la suite de l’adolescence, décide de choisir la part masculine de son identité. Car Calliope est née avec une apparence et des caractéristiques féminines, mais des organes génitaux masculins, suite à une mutation génétique. Cette mutation sert de fil conducteur à une véritable épopée, qui nous projette en Grèce au début du XXème siècle, sur les traces de ses grands-parents Desdemona et Lefty Stephanides. Frères et sœurs, mais aussi amants, leur relation incestueuse sera à l’origine de la mutation de Cal. Leur fuite en Amérique leur permettra de fonder une famille en pleine ascension sociale, des milieux ouvriers de Detroit à leur banlieue cossue. La naissance du fordisme, les révoltes des Noirs-Américains de 1967, la contre-culture de San Francisco, la fondation de Nation of Islam où Desdemona se retrouve couturière… les Stephanides traverseront également l’Histoire américaine, avec parfois tellement de rebondissements et des coïncidences avec les faits historiques que l’on ne peut s’empêcher de sourire. Mais là est la force de Jeffrey Eugenides : marier l’histoire intime de Cal avec de grandes mises en scènes, prenant l’allure de peintures historiques… ou de vignettes kitch pour lesquelles on est toujours en équilibre entre le drame et un humour distancié. EM Corpus EUGE M Car malgré une intrigue où l’auteur exploite toutes les possibilités du genre romanesque, on arrive réellement à entrer dans l’intimité de Cal, notamment au moment de la puberté et de la découverte de sa double identité, de son attirance pour le sexe féminin et des différences entre son propre corps et celui des autres. On retrouve ici l’Eugenides de Virgin Suicides, son langage fleuri et sa description délicate de l’adolescence, avec pour cadre les banlieues huppées de Detroit qui étaient déjà à l’honneur dans son premier roman. Un roman dense où l’écriture ne souffre d’aucune retenue, où l’imagination ne semble pas avoir de fin, tout comme les genres et les registres qui pourraient le caractériser. Lyrique, ironique, kitch, intime ou épique, en tout cas une œuvre hybride, mêlant la grande histoire et la petite avec un véritable sens de la mise en scène. Camille Claudel 1915 / Bruno Dumont. - ARP Selection, 2013 Cette nouvelle évocation de la vie de Camille Claudel, relate ses jours d’internement (imposé par sa famille) dans un asile du sud-est de la France. Cet isolement durera 30 ans, jusqu’à la disparition de la sculptrice. Habitué des sujets difficiles et des séquences chocs, Bruno Dumont semble pourtant avoir trouvé dans ce sujet la distance idéale avec la brutalité des faits biographiques. Aidé par une photographie splendide qui capte la lumière de la région (mais aussi la dureté et l’aridité du lieu), ainsi que la performance de Juliette Binoche, il faut absolument découvrir ce portrait d’artiste et ce film d’une grande dignité. TM F DUM C Ne lâche pas ma main / Michel Bussi. - Paris : Presses de la cité, 2013 Un couple de touristes amoureux dans les eaux turquoise de l’île de la Réunion. Tout paraît idyllique mais pourtant le rêve va vite tourner au cauchemar. L’épouse disparaît dans l’enceinte même de l’hôtel. Son mari devient le suspect N°1. Il prendra la fuite avec leur fille âgée de 6 ans. Une véritable chasse à l’homme s’engage, ponctuée de cadavres. Un thriller haletant. Qui cogne comme un verre de punch. A DEGUSTER TRES VITE, BONNE LECTURE SB Corpus BUSS N Les pages de notre amour / Nicholas Spark s. - Paris : Pocket, 2004 "Je suis un homme ordinaire et j’ai mené une vie ordinaire. Aucun monument ne sera élevé à ma mémoire, et mon nom sera vite oublié. Mais j’ai aimé de tout mon cœur, de toute mon âme." Noah et Allie, deux jeunes gens âgés de quatorze ans, se sont un jour rencontrés et aimés. Cinquante ans ont passé, Noah veille sur Allie atteinte de la maladie d’Alzheimer et lui fait revivre chaque instant leur propre histoire… Un livre très touchant, avec toujours cette douceur que possède Nicholas Sparks pour atteindre nos émotions. Les mots et l’histoire nous transportent dans la vie de Noah et Allie et nous donnent envie d’être aimés de cette façon. Deux personnages très attachants auxquels on pense longtemps après avoir refermé le livre. MV Corpus SPAR P Ballade d’un amour inachevé / Louis-Philippe Dalambert. - Paris : Mercure de France, 2013 Avril 2009 : la terre tremble en Italie. Dans un village des Abruzzes, un couple mixte, Azaka (immigré haïtien) et Mariagrazia (autochtone) attend dans la joie l’arrivée de son premier enfant. Sous le regard réprobateur des uns, opposés à la présence d’étrangers dans la région, et la curiosité bienveillante des autres. Les secousses exacerbent les tensions et rappellent à Azaka un épisode traumatisant de son enfance : un autre séisme, à l’autre bout du monde, pendant lequel il a été enseveli sous les décombres. L’histoire se répéteraitelle ? Ironie du sort, ce double cauchemar fait resurgir l’angoisse et saccage la nouvelle vie qu’il avait mis tellement de temps à bâtir. PE Corpus DALE B L’auteur, d’origine haïtienne, vit actuellement entre son pays natal, l’Italie et la France. Il a écrit ce livre lors d’une résidence d’écriture dans le Jura. Il aborde dans ce récit des thèmes graves mais toujours avec humour : l’exil et le déplacement, le poids des traditions, la vie au cœur des catastrophes naturelles, le racisme, la religion… C’est un roman polyphonique (l’histoire est racontée par les deux personnages principaux), rythmé de respirations et de cris (qui constituent les chapitres), et sa structure n’est pas linéaire mais imbrique présent et passé, parallèlement aux pensées d’Azaka. Roman d’amour, roman épique, tragique, historique, mais aussi roman de l’exil et analyse lucide de la société. L’auteur raconte des événements terribles avec finesse et humour, sans tomber dans le piège du pathos. Et le lecteur a la sensation de vivre ce séisme avec les personnages, au rythme des pages de cette tragique "ballade" qui montre la fragilité de la vie, mais aussi sa force puisque c’est elle qui gagne malgré tout… Un tremblement de terre et de cœur. Un livre dont on ne sort pas indemne. Dans l’ombre de la lumière / Claude Pujade-Renaud. - Arles : Actes Sud, 2013 Dans la vie de Saint-Augustin se tient une ombre, une femme, nommée Elissa dans le roman, qui partagea sa foi manichéenne, fut sa concubine, lui donna un fils, vécut avec lui quinze ans à Carthage, Thagaste, puis en Italie où le jeune rhéteur la congédia de son existence, avant de devenir évêque d’Hippone et Père de l’Eglise. C’est cette ombre brisée et inconsolable, mais aussi ardente et fidèle, à qui Claude PujadeRenaud donne la parole dans ce roman magnifique. Femme comblée puis reniée, Celle qui sait se souvient et raconte les débuts puis la carrière du grand homme, mais aussi leur liaison intense et sensuelle. Belle réplique aux biographies officielles, qui mentionnent très rapidement l’existence de cette femme, le livre entremêle l’Histoire et l’intime tout en finesse et subtilité. Il nous plonge dans l’Afrique romaine du 5ème siècle et nous fait vivre une époque de profond bouleversement, avec le pillage et la destruction de la Rome éternelle par les barbares. Claude Pujade-Renaud excelle dans les portraits de femmes fortes, passionnément amoureuses. Chapitres courts et phrases ciselées nous font partager le mélange de douceur et de colère qui anime cette héroïne tellement attachante. Extrait : Tu aimais la courbe de ma nuque, le parfum de mes cheveux. Ma passion des fleurs, des couleurs, la robe violette achetée à Rome, mes courgettes grillées sur la braise. Et ma patience, disais-tu. Tu aimais le terrier odorant de mes aisselles, mon rire, ma purée d’olives et d’anchois, le calme lisse de mon sommeil, ma discrétion tout au long du jour et mon impudeur dans la jouissance. Tu aimais m’entendre chantonner en me coiffant, rire et babiller avec notre fils. Tu aimais lorsque j’offrais mon visage à la pluie de septembre. Tu m’aimais. GB Corpus LAVI D