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2 I Journal de droit européen I 2016
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Les principales innovations du nouveau règlement
relatif aux procédures d’insolvabilité
Grégory Minne
et Franz Fayot(*)
............................................................................................................
 Le nouveau règlement 2015/848 remplacera, à partir du 26 juin 2017, le règlement 1346/2000 relatif aux procédures
d’insolvabilité
 Sans révolutionner un texte qui a fait ses preuves, le nouveau règlement comprend des innovations importantes visant à
remédier aux déficiences du règlement 1346/2000 et à tenir compte de l’évolution du droit international de l’insolvabilité
 Les principales nouveautés consistent en un élargissement des procédures d’insolvabilité, une clarification de la notion
de COMI, un dispositif anti-forum shopping, une amélioration des relations entre les procédures et du traitement des
créanciers, et la création d’un régime de l’insolvabilité des groupes de sociétés
............................................................................................................
Introduction
Le 25 juin 2015 est entré en vigueur le règlement no 2015/848 du
Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux
procédures d’insolvabilité 1 (« nouveau règlement »). Il est
l’aboutissement d’un parcours législatif ayant débuté en 2012 par
une proposition de la Commission européenne2. Le nouveau règlement, destiné à remplacer le règlement n o 1346/2000 du
Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité3, tel
que modifié (« règlement 1346/2000 »), s’appliquera dans tous
les États membres, à l’exception du Danemark 4, à partir du
26 juin 20175.
Tout comme le règlement 1346/2000 qu’il remplace, le nouveau
règlement définit un cadre juridique pour les procédures d’insolvabilité transfrontalières en régissant notamment les questions
liées à la compétence juridictionnelle, à la reconnaissance des
procédures d’insolvabilité et à la loi applicable. Le nouveau règlement tient également compte des évolutions récentes dans le
domaine de l’insolvabilité en introduisant des innovations importantes telles que l’extension du champ d’application des règles
aux procédures visant au redressement de débiteurs en difficulté (1), la clarification de la notion de « centre des intérêts
principaux » (ou « COMI »6) et les mesures visant à lutter contre
le forum shopping (2), le renforcement des relations entre la procédure principale et les procédures secondaires (3), l’amélioration du traitement des créanciers (4) et la création d’un régime
relatif au traitement de l’insolvabilité des groupes de sociétés
(5).
1 Extension du champ
d’application
Alors que le règlement 1346/2000 ne vise que les « procédures
collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent le
dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic » (article 1er, § 1er), l’article 1 du nouveau règlement adopte une définition des « procédures collectives
publiques » qui s’étend aux procédures provisoires, de sursis de
paiement, de restructuration ainsi qu’aux procédures de surendettement de particuliers.
Cette définition traduit un changement de perspective politique expliquée au considérant 10 du nouveau règlement : il s’agit d’inclure dans le champ d’application du nouveau règlement les
« procédures qui favorisent le redressement d’entreprises économiquement viables mais en difficulté, et qui donnent une seconde
chance aux entrepreneurs »7. Ce qui est désormais prioritaire,
c’est le sauvetage ou le redressement du débiteur (société, personne morale ou personne physique), dans tous les cas où cela
est possible. La faillite traditionnelle et la liquidation sont considérées comme des procédures de dernier recours.
Les procédures d’insolvabilité mentionnées à l’article 1er, § 1er, du
nouveau règlement sont des situations alternatives comme l’expliquent clairement les considérants 10 à 21.
Pour B. Wessels8, le nouveau règlement prévoit donc huit types
de procédures de redressement et de réorganisation, qui peuvent
(*) Les auteurs sont avocats au barreau de Luxembourg. Ils peuvent être contactés aux adresses suivantes : [email protected] et
[email protected]. Les opinions exprimées ici sont exclusivement celles de leurs auteurs. (1) J.O. L 141 du 5 juin 2015, pp. 19 et s. (2) Proposition
de règlement du 12 décembre 2012 soumise dans le cadre de la procédure législative ordinaire organisée par l’article 294 du Traité sur le fonctionnement
de l’Union européenne (COM(2012) 744 final). Cette proposition fut accompagnée d’une communication sur la nouvelle approche européenne en matière
de défaillance et d’insolvabilité des entreprises (COM(2012)742 final) et d’un rapport sur l’application du règlement 1346/2000 (COM(2012) 743 final)
(« rapport de la Commission »). (3) J.O. L 160 du 30 juin 2000, pp. 1 et s. (4) Le Danemark n’est pas lié par le nouveau règlement ni soumis à son application (considérant 88). Toute référence faite ici à un État membre est une référence à un État membre de l’Union européenne à l’exclusion du Danemark.
(5) À l’exception, précise l’article 92, de l’article 24, § 1er, relatif à la création de registres d’insolvabilité (applicable dès le 26 juin 2018), de l’article 25 relatif
à l’interconnexion de ces registres (applicable dès le 26 juin 2019) et de l’article 86 relatif aux informations que les États membres doivent fournir sur leur
droit national et leurs procédures dans le domaine de l’insolvabilité (applicable dès le 26 juin 2016). En outre, l’article 84 indique que le nouveau règlement
s’appliquera aux procédures d’insolvabilité ouvertes postérieurement au 26 juin 2017 et que le règlement 1346/2000 continuera de s’appliquer aux procédures ouvertes avant le 26 juin 2017. Il nous semble qu’un rectificatif de l’article 84 remplaçant les termes « postérieurement au » par « à compter du » serait
nécessaire afin d’éviter toute interrogation quant à l’application du nouveau règlement aux procédures ouvertes le 26 juin 2017. (6) Cet acronyme trouve
son origine dans l’expression en langue anglaise « Centre Of Main Interests ». (7) Pour un relevé de telles procédures qui ne sont pas visées par le règlement 1346/2000, voy. le rapport de la Commission, pp. 5-6. (8) B. Wessels, « The EU Regulation on Insolvency Proceedings (Recast) » (disponible sur
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être catégorisées comme suit sur la base des considérants 10 à
17 :
— celles qui favorisent le redressement d’entreprises viables
mais qui ont des difficultés financières afin de donner une deuxième chance aux entrepreneurs (considérant 10, 1re phrase) ;
— celles qui permettent la restructuration d’un débiteur à un
stade où n’existe qu’une probabilité d’insolvabilité (considérant 10,
2e phrase) ;
— celles qui maintiennent le débiteur pleinement ou partiellement en charge de ses avoirs et de ses affaires (par exemple, les
procédures du type « debtor in possession ») (considérant 10, 2e
phrase) ;
— celles qui prévoient la décharge ou l’ajustement de la dette de
consommateurs ou d’indépendants, soit en réduisant le montant à
payer par le débiteur, soit en allongeant le délai de paiement qui
lui est accordé (par exemple, les procédures de surendettement)
(considérant 10, 3e phrase) ;
— celles qui accordent une suspension provisoire des actions en
exécution engagées par des créanciers individuels lorsque de
telles actions pourraient nuire aux négociations et compromettre la
restructuration de l’entreprise du débiteur (considérant 11) ;
— celles dont l’ouverture est rendue publique afin de permettre
aux créanciers de prendre connaissance de la procédure et de
produire leurs créances, ce qui garantit le caractère collectif de la
procédure, et de leur donner la possibilité de contester la compétence de la juridiction qui a ouvert la procédure (considérant 12) ;
— celles qui sont ouvertes et menées pendant une certaine période, à titre intérimaire ou provisoire, avant qu’une juridiction ne
rende une décision confirmant la poursuite de ces procédures à
titre non provisoire (considérant 15) ; et
— celles qui sont déclenchées par des situations dans lesquelles
le débiteur rencontre des difficultés non financières, à condition
que ces difficultés engendrent une menace réelle et grave pour la
capacité actuelle ou future du débiteur à payer ses dettes à
l’échéance (par exemple, la perte d’un contrat d’une importance
capitale pour le débiteur) (considérant 17).
Par ailleurs, le considérant 14 propose une distinction importante
basée sur le critère de la participation des créanciers : les procédures conduisant à la cessation définitive des activités du débiteur
(par exemple, la faillite) ou à la liquidation de ses actifs devraient
se dérouler avec la participation de la totalité de ses créanciers,
tandis que celles qui ne se déroulent qu’en présence d’une partie
des créanciers devraient viser au redressement du débiteur. Le
considérant 14 pose également comme principe que toutes les
procédures collectives devraient se dérouler avec la participation
de la totalité des créanciers ou alors seulement d’une partie importante de ceux-ci auxquels le débiteur doit une part importante
de ses dettes en cours, mais pour autant que cela ne porte pas
préjudice aux créances des créanciers qui ne seraient pas partie
à ces procédures. Enfin, le considérant 14 indique que le nouveau
règlement devrait inclure les procédures auxquelles participent
uniquement les créanciers financiers d’un débiteur.
Pour remédier aux incertitudes relatives au champ d’application
du règlement 1346/2000, et plus particulièrement à la conformité
de certaines procédures énumérées à l’annexe A avec les conditions de l’article 1er, § 1er9, le nouveau règlement dispose expressément à l’article 1er, § 1er, dernier alinéa, que « la liste des procédures visées au présent paragraphe figure à l’annexe A » et le
considérant 9 précise que cette énumération est limitative10. Le
nouveau règlement reprend ainsi la solution apportée par la Cour
de justice de l’Union européenne (ou « C.J.U.E. ») dans l’affaire
Bank Handlowy11.
À côté de la description des procédures visées par le nouveau règlement, l’article 1er, § 2, prévoit, comme le fait le règlement 1346/
2000, l’exclusion du champ d’application du nouveau règlement
des débiteurs qui relèvent d’autres textes européens en matière
d’insolvabilité (à savoir les établissements de crédit et les entrep r i s e s d ’ i nve s t i s s e m e n t 1 2 a i n s i q u e l e s e n t r e p r i s e s
d’assurances13) et des organismes de placement collectif.
Enfin, le considérant 16 affirme que le nouveau règlement
« devrait s’appliquer aux procédures fondées sur des législations
relatives à l’insolvabilité » et que les « procédures fondées sur une
disposition générale du droit des sociétés qui n’a pas été exclusivement prévue pour les situations d’insolvabilité ne devraient
pas » être considérées comme telles (par exemple, la liquidation
volontaire ou le « scheme of arrangement »).
2 Définition du COMI et réduction
du risque de forum shopping
Le COMI est le critère retenu par le nouveau règlement en vue de
déterminer la juridiction compétente pour ouvrir une procédure
d’insolvabilité principale à l’encontre d’un débiteur, ainsi que la loi
applicable à cette procédure14. C’est également le critère permet-
http://bobwessels.nl/wp/wp-content/uploads/2015/09/EIR-Recast-Aug-2015-Technical-note.pdf, dernière consultation le 23 décembre 2015). (9) Ce problème est identifié et discuté dans le rapport des Professeurs B. Hess, P. Oberhammer et T. Pfeiffer (aussi appelé « Rapport Heidelberg – Luxembourg –
Vienne » de 2011, disponible sur http://ec.europa.eu/justice/civil/files/evaluation_insolvency_en.pdf, dernière consultation le 23 décembre 2015) ayant évalué le règlement 1346/2000. Voy. notamment pp. 10-11 et la jurisprudence qui y est citée. (10) On notera aussi que le terme « procédure d’insolvabilité »
défini à l’article 2, a), du règlement 1346/2000 se réfère aux procédures collectives visées à l’article 1, § 1er, et dont la liste figure à l’annexe A tandis que le
nouveau règlement définit ce terme à son article 2, 4), en faisant uniquement un renvoi à la liste figurant à son annexe A. (11) Arrêt Bank Handlowy, aff. C116/11, EU:C:2012:739, point 33. Sur cet arrêt, voy. L. d’Avout, « Règlement insolvabilité, procédure de sauvegarde et coopération loyale entre États
membres », J.C.P. G, 2013, pp. 87 et s. ; R. Dammann et H. Leclair de Bellevue, « Comment coordonner une procédure principale de sauvegarde et une
procédure secondaire de liquidation judiciaire de droit polonais », D., 2013, pp. 468 et s. ; L. Idot, « Ouverture d’une procédure secondaire de liquidation en
présence d’une procédure principale de sauvegarde », Europe, 2013, comm. 58 ; F. Jault-Seseke et D. Robine, R.C.D.I.P., 2014, pp. 415 et s. ; T. Mastrullo,
« Coordination des procédures d’insolvabilité et coopération loyale entre les juridictions nationales », Rev. proc. coll., 2013, comm. 29 ; A. Nuyts et
H. Boularbah, « Droit international privé européen », J.D.E., 2013, pp. 416-417 ; J.-P. Sortais, « Procédure principale et procédure secondaire selon le règlement no 1346/2000 du 29 mai 2000 », B.J.E., no 1, janvier 2013, pp. 47 et s. (12) Directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril
2001 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit (J.O. L 125 du 5 mai 2001, pp. 15 et s.). Les entreprises d’investissement
qui ne tombent pas dans le champ d’application de cette directive seront soumises au nouveau règlement. (13) Directive 2001/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 concernant l’assainissement et la liquidation des entreprises d’assurance (J.O. L 110 du 20 avril 2001, pp. 28 et s.).
(14) L’article 7, § 1er, prévoit que la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est en principe celle de l’État membre sur le territoire duquel
la procédure est ouverte. Les exceptions à ce principe figurent aux articles 8 à 18.
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tant de définir si le nouveau règlement est applicable ou non15. La
C.J.U.E. a eu l’occasion d’apporter un éclairage sur la notion de
COMI dans les affaires Staubitz-Schreiber 16 , Eurofood 17 ,
Interedil18 et Rastelli19. Pour la C.J.U.E., le COMI est une notion
autonome qui doit être interprétée conformément au droit de
l’Union et non pas selon le droit national des États membres20. Ce
principe s’applique bien entendu également au nouveau règlement. Mais en dépit de l’interprétation faite par la C.J.U.E. dans les
affaires citées, la pratique démontre que la localisation du COMI
d’un débiteur peut être un exercice compliqué.
Pour tenter de pallier cette difficulté, le nouveau règlement prévoit
que « [l]es juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est
situé le [COMI] du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité [principale] » et définit le COMI comme le lieu
où le débiteur « gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par les tiers » (article 3, § 1er)21.
Le nouveau règlement distingue les débiteurs qui sont des sociétés ou des personnes morales de ceux qui sont des personnes
physiques, et introduit des présomptions non irréfragables pour
chacune de ces catégories (article 3, § 1er). Lorsque le débiteur
est une société ou une personne morale (1re catégorie), son
COMI est présumé être le lieu de son siège statutaire. Lorsque le
débiteur est une personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant (2e catégorie), son
COMI est présumé être le lieu principal de son activité. Lorsque le
débiteur est une personne physique n’exerçant pas une telle profession ou activité (3e catégorie), son COMI est présumé être le
lieu de sa résidence habituelle.
Le nouveau règlement souligne, tout comme le règlement 1346/
2000 et en utilisant l’expression forum shopping, que pour assurer
le bon fonctionnement du marché intérieur, les parties ne doivent
pas être incitées à déplacer des avoirs ou des procédures judiciaires d’un État membre à un autre pour améliorer leur situation
juridique au détriment de la masse des créanciers (considérant 5).
Il cherche cependant à poursuivre plus fermement l’objectif d’empêcher le forum shopping qu’il décrit comme « la recherche frauduleuse ou abusive de la juridiction la plus favorable » (considérant 29).
C’est dans ce but de réduire le risque de forum shopping que le
préambule précise que les présomptions de localisation du COMI
devraient pouvoir être renversées (considérant 30).
Ainsi, pour la première catégorie de débiteurs (sociétés ou personnes morales), la présomption peut être renversée si le siège
statutaire a été transféré dans un autre État membre au cours des
trois mois précédant la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité (considérant 31 et article 3, § 1er), ainsi que si l’administration centrale du débiteur est située dans un État membre
autre que celui de son siège statutaire et si une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permet d’établir,
d’une manière vérifiable par des tiers, que son centre effectif de direction et de contrôle ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans cet autre État membre (considérant 30). Cette possibilité
de renverser la présomption de localisation du COMI découle de
la solution apportée par la C.J.U.E. dans l’affaire Interedil22.
Pour la deuxième catégorie (personne physique exerçant une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant), la présomption peut être renversée si le lieu d’activité principal a été transféré
dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la
demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (considérant
31 et article 3, § 1er).
Enfin, pour la troisième catégorie (personne physique n’exerçant
pas une profession libérale ou toute autre activité d’indépendant),
la présomption peut être renversée si le débiteur a déplacé sa résidence habituelle dans un autre État membre au cours des six
mois précédant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (considérant 31 et article 3, § 1er), ainsi que si la majeure
partie des actifs du débiteur est située en dehors de l’État membre
où il réside habituellement, ou s’il peut être établi que le principal
motif de son déménagement était d’ouvrir une procédure d’insolvabilité auprès de la nouvelle juridiction et si l’ouverture de cette
procédure risque de nuire sérieusement aux intérêts des créanciers dont les relations avec le débiteur ont débuté avant son déménagement (considérant 30).
Le nouveau règlement rend explicite, dans le chef des juridictions
saisies d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabili-
(15) Selon le considérant 25, le nouveau règlement « s’applique uniquement aux procédures concernant un débiteur dont le centre des intérêts principaux
est situé dans l’Union ». (16) Arrêt Staubitz-Schreiber, aff. C-1/04, EU:C:2006:39. Sur cet arrêt, voy. R. Dammann, « L’application du règlement CE no 13462000 après les arrêts Staubitz-Schreiber et Eurofood de la C.J.C.E. », D., 2006, pp. 1752 et s. ; J.-M. Jude, R.C.D.I.P., 2006, pp. 683 et s. ; F. Mélin, « Aspects
internationaux – Droit international privé de la faillite - Règlement communautaire », Gaz. Pal., 2006, p. 19 ; J.-L. Vallens, « Le règlement communautaire
sur les procédures d’insolvabilité et le déménagement du débiteur », Rev. soc., 2006, p. 351 et s. ; B. Volders et V. Rétornaz, Clunet, 2006, pp. 654 et s. ;
N. Watté, A. Nuyts et H. Boularbah, « Droit international privé européen », J.T.D.E., 2006, pp. 305 et s. (17) Arrêt Eurofood, aff. C-341/04, EU:C:2006:281.
Sur cet arrêt, voy. Y. Chaput, « Centre des intérêts principaux et catégories juridiques de l’insolvabilité des entreprises (à propos de l’arrêt de la C.J.C.E. du
2 mai 2006) », Rev. Lamy dr. aff., 2006, pp. 26 et s. ; R. Dammann (note 16) ; L. Idot, « Détermination de la juridiction compétente pour ouvrir la procédure
d’insolvabilité d’une filiale d’un groupe », Europe, 2006, pp. 31 et s. ; S. Jacoby, « Le siège social au regard des procédures d’insolvabilité », J.T.L., 2009,
pp. 23 et s. ; F. Jault-Seseke et D. Robine, « L’interprétation du Règlement no 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, la fin des incertitudes ? »,
R.C.D.I.P., 2006, pp. 811 et s. ; G. Khairallah, Clunet, 2007, pp. 156 et s. ; A. Lienhard, « Centre des intérêts principaux d’une filiale étrangère d’un groupe »,
D., 2006, pp. 1286 et s. ; V. Marquette, « Insolvabilité transfrontalière des groupes de sociétés : le rappel à l’ordre de la C.J.C.E. en faveur d’une interprétation
stricte de la notion de centre des intérêts principaux du débiteur », R.D.C.-T.B.H., 2006, pp. 804 et s. ; F. Mélin, Gaz. Pal., 2006, p. 2230 ; M. Menjucq,
« Notion autonome du centre des intérêts principaux d’une filiale étrangère d’un groupe », J.C.P. G, 2006, pp. 1124 et s. ; J.-L. Vallens, « Le règlement européen sur les procédures d’insolvabilité à l’épreuve des groupes de sociétés : l’arbitrage de la C.J.C.E. », J.C.P. E, 2006, pp. 1220 et s. ; N. Watté, A. Nuyts
et H. Boularbah (note 16), pp. 305 et s. (18) Arrêt Interedil, aff. C-396/09, EU:C:2011:671. Sur cet arrêt, voy. G. Minne, « Arrêt Interedil : la Cour de justice
de l’Union européenne clarifie le contenu des notions de “centre des intérêts principaux” et d’“établissement”du règlement no 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité », Bulletin Droit & Banque, no 50, 2012, pp. 59 et s. et les références citées en note 7. ( 1 9 ) A r r ê t R a s t e l l i , a f f. C - 1 9 1 / 1 0 ,
EU:C:2011:838. Sur cet arrêt, voy. R. Damman et F. Müller, « Coup d’arrêt de la C.J.U.E. au mécanisme de l’extension de procédure en cas de confusion
de patrimoines », D., 2012, pp. 406 et s. ; G. Khairallah, R.C.D.I.P., 2012, pp. 442 et s. ; F. Mélin, « Confusion de patrimoines et société située à l’étranger »,
J.C.P. G, 2012, pp. 616 et s. ; N. Morelli, « Confusion des patrimoines et règlement no 1346/2000 : sans COMI en France, pas d’extension de procédure »,
Rev. soc., 2012, pp. 313 et s. ; J.-L. Vallens, « Extension d’une procédure collective à une société étrangère : localisation du centre des intérêts principaux
en France », D., 2012, pp. 403 et s. (20) Arrêt Rastelli, EU:C:2011:838, point 31 ; arrêt Interedil, EU:C:2011:671, point 43 ; arrêt Eurofood, EU:C:2006:281,
point 31. (21) On notera que le règlement 1346/2000 ne définit pas le COMI mais indique dans son considérant 13 que ce dernier « devrait correspondre au
lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est donc vérifiable par les tiers ». (22) Voy. G. Minne (note 18), nos 14 et s.
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té, une obligation de vérifier leur compétence en examinant d’office la question du COMI et en précisant le fondement de leur
compétence (considérant 27 et article 4, § 1er). Il instaure, en
outre, un contrôle permettant au débiteur ou à un créancier du débiteur d’attaquer la décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité principale pour des motifs de compétence internationale
(article 5, § 1er).
3 Relations entre procédure
principale et procédures
secondaires
Le nouveau règlement maintient la distinction faite entre la procédure principale ouverte à l’encontre d’un débiteur (qui a un effet
universel et qui porte sur tous les actifs du débiteur) et les procédures secondaires (qui ont un effet limité au territoire de l’État
membre sur le territoire duquel le débiteur a un établissement23 et
incluent uniquement les actifs du débiteur situé sur ce territoire).
Afin d’empêcher que les procédures secondaires ne puissent,
dans certains cas, entraver la gestion efficace de la masse de l’insolvabilité du débiteur, le nouveau règlement supprime le caractère liquidatif des procédures secondaires24 et renforce la coordination entre les deux types de procédures.
Tout d’abord, le praticien de l’insolvabilité25 de la procédure principale ouverte dans un État membre (État membre A), qui souhaite
éviter l’ouverture d’une procédure secondaire dans un autre État
membre où le débiteur a un établissement (État membre B), peut
s’engager sous certaines conditions envers les créanciers
locaux26, en ce qui concerne les actifs du débiteur se trouvant
dans l’État membre B. Cet engagement consiste à respecter dans
le cadre de la réalisation de ces actifs les droits de répartition et de
priorité prévus par le droit de l’État membre B qui auraient été
conférés aux créanciers locaux si une procédure secondaire avait
été ouverte dans l’État membre B (article 36).
Ensuite, lorsqu’une juridiction est saisie d’une demande d’ouverture d’une procédure secondaire dans un État membre (État
membre X), elle doit en informer immédiatement le praticien de
l’insolvabilité (ou le débiteur non dessaisi27) de la procédure principale ouverte dans un autre État membre (État membre Y) afin
que celui-ci puisse être entendu au sujet de cette demande. Si le
praticien de l’insolvabilité s’est engagé envers les créanciers locaux de l’État membre X de la manière indiquée au paragraphe
précédent, il peut demander à la juridiction saisie de ne pas ouvrir
une procédure secondaire dans l’État membre X si celle-ci estime
que cet engagement protège correctement les intérêts des créanciers locaux. Si le praticien de l’insolvabilité n’a pas pris un tel engagement et que la juridiction compétente dans le cadre de la procédure principale ouverte dans l’État membre Y a suspendu provisoirement les poursuites individuelles pour permettre au
débiteur de négocier avec ses créanciers, le praticien de l’insolvabilité (ou le débiteur non dessaisi) peut demander à la juridiction
saisie dans l’État membre X de suspendre l’ouverture d’une procédure secondaire pour une période de trois mois maximum à
condition que les intérêts des créanciers locaux soient adéquatement protégés (article 38).
Enfin, le nouveau règlement impose une obligation de coopération
dans le chef des praticiens de l’insolvabilité et des juridictions
concernant le même débiteur. Entre praticiens de l’insolvabilité,
cette coopération se manifestera en pratique par la communication d’informations utiles dans le cadre des autres procédures (par
exemple, l’état des créances ayant été produites et vérifiées), par
l’élaboration et la mise en œuvre d’une restructuration du débiteur
ou encore par la coordination de la réalisation ou de l’utilisation
des actifs du débiteur (article 4128). Entre juridictions devant lesquelles une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité
est en cours ou ayant déjà ouvert une telle procédure, la coopération concernera notamment la communication d’informations ainsi
que la coordination de la désignation des praticiens de l’insolvabilité ou celle de la gestion et de la surveillance des actifs du débiteur (article 42). Une obligation de coopération similaire est prévue entre les praticiens de l’insolvabilité et les juridictions
(article 43).
4 Amélioration du traitement
des créanciers
Les principales innovations concernant les créanciers d’un débiteur faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité consistent en
l’amélioration de leur information et la production de leurs
créances. À partir du 26 juin 2018, chaque État membre devra en
effet tenir un registre d’insolvabilité comprenant certaines informations obligatoires qui seront, en principe, rendues publiques et
donc accessibles aux créanciers (par exemple, la date d’ouverture
de la procédure, le type de procédure ouverte, les coordonnées
du praticien de l’insolvabilité désigné, le délai fixé pour la production de créances) (article 24). Au plus tard le 26 juin 2019, la Commission européenne devra avoir mis en place un système permettant l’interconnexion des registres d’insolvabilité tenus par les
États membres et l’accès aux informations figurant dans les registres d’insolvabilité que les États membres rendront disponibles
(23) Le nouveau règlement définit le terme « établissement » comme « tout lieu d’opérations où un débiteur exerce ou a exercé au cours de la période de
trois mois précédant la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité principale, de façon non transitoire, une activité économique avec des moyens
humains et des actifs » (article 2, 10)). (24) L’article 3, § 3, du règlement 1346/2000 prévoit que les procédures secondaires doivent être des procédures de
liquidation. (25) Ce terme, qui remplace celui de « syndic » utilisé par le règlement 1346/2000, vise « toute personne ou tout organe dont la fonction, y compris à titre intérimaire, consiste à [i] vérifier et admettre les créances soumises dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité ; [ii] représenter l’intérêt collectif
des créanciers ; [iii] administrer, en tout ou en partie, les actifs dont le débiteur est dessaisi ; [iv] liquider [c]es actifs [...] ; ou [v] surveiller la gestion des affaires
du débiteur » (article 2, 5)). Les praticiens de l’insolvabilité sont énumérés à l’annexe B. (26) Ce terme désigne les créanciers « dont les créances sur un
débiteur sont nées de l’exploitation d’un établissement situé dans un État membre autre que l’État membre où se situe le [COMI] du débiteur, ou sont liées
à cette exploitation » (article 2, 11)). Il ne s’agit donc pas nécessairement de créanciers domiciliés ou ayant leur siège social dans l’État membre où se situe
l’établissement du débiteur (voy., en ce sens, arrêt Burgo, aff. C-327/13, EU:C:2014:2158, point 51). (27) Ce terme vise tout débiteur « à l’encontre duquel
une procédure d’insolvabilité a été ouverte, qui n’implique pas nécessairement la désignation d’un praticien de l’insolvabilité ou le transfert de l’ensemble
des droits et des devoirs de gestion des actifs du débiteur à un praticien de l’insolvabilité et dans le cadre de laquelle le débiteur continue, dès lors, de contrôler en totalité ou au moins en partie ses actifs et ses affaires » (article 2, 3)). (28) L’article 31 du règlement 1346/2000 prévoit déjà un devoir de coopération
entre les syndics des différentes procédures.
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6 I Journal de droit européen I 2016
Analyse
par l’intermédiaire du portail européen e-Justice (article 25). Le
système devrait, en pratique, permettre aux créanciers de rechercher et d’accéder, dans les langues officielles de l’Union européenne, à certaines informations relatives à leurs débiteurs. Les
créanciers étrangers ne devront plus nécessairement produire
leurs créances par écrit mais par tous les moyens de transmission
qui seront acceptés par le droit de l’État membre d’ouverture
(article 53). De plus, la production de créances par ces créanciers
pourra être faite à l’aide d’un formulaire uniformisé disponible
dans les langues officielles de l’Union européenne (article 55).
5 Traitement des groupes
de sociétés
Le nouveau règlement innove encore en introduisant des dispositions spécifiques aux groupes de sociétés dans un nouveau
chapitre V (article 56 à 77). Ceci est d’autant plus remarquable
que le groupe de sociétés n’est toujours pas consacré juridiquement en droit des sociétés, bien qu’il existe certaines définitions
sectorielles de cette notion : on songe notamment au « soutien intra-groupe » que peuvent s’accorder in tempore non suspecto les
entités d’un même groupe bancaire dans le cadre de la directive
« Redressement et résolution bancaire »29, à la surveillance prudentielle des groupes bancaires et au droit comptable qui connaît
les états financiers consolidés.
L’article 2, 13), du nouveau règlement définit le « groupe de
sociétés » comme une « entreprise mère et l’ensemble de ses
filiales », le terme « entreprise mère » étant défini par référence à
la directive relative, justement, aux états financiers annuels, aux
états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines
formes d’entreprises30.
L’objectif du corps de règles repris au nouveau chapitre V est précisé dans le préambule du nouveau règlement qui indique : « en
vue d’améliorer encore la coordination des procédures d’insolvabilité ouvertes à l’encontre des membres d’un groupe de sociétés,
et afin de permettre une restructuration coordonnée du groupe, le
[nouveau] règlement devrait introduire des règles de procédure relatives à la coordination des procédures d’insolvabilité ouvertes à
l’encontre des membres d’un groupe de sociétés. Il convient, à cet
égard, de s’efforcer de garantir l’efficacité de la coordination, tout
en respectant la personnalité morale distincte de chaque membre
du groupe » (considérant 54). Les règles de coopération et de
communication figurent aux articles 56 à 60 du nouveau règlement. Le considérant 53 prend soin de préciser que ces règles ne
font pas obstacle, le cas échéant, à l’ouverture de procédures à
l’égard de plusieurs sociétés d’un même groupe devant la même
juridiction, si celle-ci estime que le COMI de toutes ces sociétés
est établi dans l’État membre de son for. Dans un tel cas, la juridiction en question devrait également être en mesure de désigner le
même praticien de l’insolvabilité dans toutes les procédures en
cause, pour autant que ce ne soit pas incompatible avec les règles
applicables à ces procédures. Le nouveau règlement contient enfin une procédure de coordination en ses articles 61 à 77.
Il s’agira d’observer la mise en œuvre pratique de ces nouveaux
instruments et leur articulation avec le principe fondamental d’unité et d’universalité des procédures d’insolvabilité, qui pourraient
s’avérer délicates.
Le principe de coopération et de communication prévu par le nouveau règlement s’applique entre praticiens de l’insolvabilité
(article 56), entre juridictions (article 57) et entre praticiens de l’insolvabilité et juridictions (article 58). La forme de la mise en œuvre
de la coopération est libre et peut notamment se faire par la
conclusion d’accords ou de protocoles. La coopération doit être de
nature à faciliter la gestion efficace des procédures. Elle ne doit
pas être incompatible avec les règles qui leur sont applicables et
ne peut entraîner aucun conflit d’intérêts.
L’article 59 du nouveau règlement prévoit le principe selon lequel
les frais liés à la coopération et à la communication sont à considérer comme des frais et dépenses des procédures respectives.
Les pouvoirs du praticien de l’insolvabilité d’une procédure ouverte à l’encontre d’un membre d’un groupe sont précisés à
l’article 60, § 1er, et comprennent, en particulier, le droit, sujet à
certaines conditions prévues à l’article 60, § 1er, b), i)-iv), de demander une suspension de toute mesure liée à la réalisation des
actifs dans le cadre de la procédure ouverte à l’encontre de tout
autre membre du même groupe.
En vue d’améliorer la coordination des procédures d’insolvabilité
ouvertes à l’encontre des membres d’un groupe de sociétés et
afin de permettre une restructuration coordonnée du groupe
(considérant 54), une procédure de coordination peut être demandée auprès de toute juridiction compétente en matière de procédures d’insolvabilité à l’encontre d’un membre d’un groupe par un
praticien de l’insolvabilité désigné dans une procédure d’insolvabilité ouverte à l’encontre d’un membre d’un groupe (article 61).
Le choix de la juridiction compétente est soumis à la règle de
priorité : toute juridiction autre que celle saisie en premier lieu se
déclare incompétente au profit de celle-ci (article 62), sans préjudice de l’article 66, qui prévoit une exception à ce principe lorsque
les deux tiers au moins de tous les praticiens de l’insolvabilité désignés dans des procédures d’insolvabilité concernant les
membres du groupe sont convenus qu’une juridiction d’un autre
État membre est plus appropriée, auquel cas celle-ci a une compétence exclusive.
La juridiction compétente notifie dans les meilleurs délais cette demande ainsi que le nom du coordinateur proposé aux praticiens
de l’insolvabilité désignés pour les membres du groupe
(article 63).
La décision d’ouverture d’une procédure de coordination collective entraîne la désignation d’un coordinateur qui ne peut pas être
l’un des praticiens de l’insolvabilité désignés pour un membre du
groupe et ne doit avoir aucun conflit d’intérêts à l’égard des
membres du groupe, de leurs créanciers et des praticiens de l’insolvabilité désignés pour tout membre du groupe (article 71).
L’article 72 du nouveau règlement définit quant à lui la mission de
ce coordinateur.
(29) Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (J.O. L 173 du 12 juin 2014, pp. 190 et s.). (30) Directive 2013/34/UE du Parlement européen et duConseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises
(J.O. L 182 du 29 juin 2013, pp. 19 et s.).
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2016 I Journal de droit européen I 7
Analyse
Cette nouvelle procédure suppose une participation volontaire
des praticiens de l’insolvabilité concernés. Le considérant 56 du
nouveau règlement précise qu’afin de garantir la nature volontaire
des procédures de coordination collective, les praticiens concernés doivent pouvoir décider en connaissance de cause de leur
participation. Ces derniers peuvent également formuler des objections en ce qui concerne l’inclusion, dans une procédure de coordination collective, de la procédure d’insolvabilité pour laquelle ils
ont été désignés ou quant à la personne proposée en qualité de
coordinateur (article 64). Dans ce cas, les procédures dans lesquelles ces praticiens récalcitrants sont désignés échappent à la
procédure de coordination collective et la désignation d’un coordinateur ne les concerne pas (article 65). Ces praticiens de l’insolvabilité peuvent cependant toujours décider ultérieurement de rejoindre la procédure de coordination (article 69).
Conclusion
Le nouveau règlement se caractérise par la continuité tout en tenant compte d’un changement de paradigme dans le droit international de l’insolvabilité. La multiplication des insolvabilités de
groupes de sociétés dans une économie globalisée et la préférence donnée au redressement des débiteurs en difficulté lorsque
cela est possible ont changé la perspective du législateur européen. Il en résulte un élargissement du champ d’application à des
procédures d’insolvabilité préalablement non reconnues et l’introduction d’instruments permettant de mieux coopérer et, au besoin, de coordonner les procédures insolvabilité. Les insuffisances du règlement 1346/2000, à savoir l’insécurité juridique et
le risque de forum shopping liés à la notion de COMI, ainsi que le
manque d’informations disponibles aux créanciers, ont également
été traités dans le nouveau règlement par l’introduction de nouvelles dispositions. De manière générale, le nouveau règlement
traduit les leçons tirées en pratique de procédures parfois complexes survenues depuis la crise financière, ce qu’il faut saluer. On
regrettera toutefois l’absence d’un rapport interprétatif, à l’instar
du rapport Virgos-Schmit31 qui constitue une clé d’interprétation
importante du règlement 1346/2000, pour guider les praticiens
dans la mise en œuvre du nouveau règlement.
(31) M. Virgòs et E. Schmit, Rapport sur la convention relative aux procédures d’insolvabilité, 3 mai 1996 (réf. 6500/96).