Pour lire la suite, téléchargez le PDF

Transcription

Pour lire la suite, téléchargez le PDF
dialogues
Samedi 1er juin 2013
Planète pour tous!
Médiateur
Pascal Galinier
A
u Monde vous ne vous rendez pas compte que la chaleur monte? » Pierre Oscar
Lévy (Paris) a l’humour
vache. Il l’assume sans complexe: « Mon courriel se veut
véhément.» Nous voilà prévenus. Mais de
quoi parle donc M.Lévy dans son courriel
«véhément»? De l’intégration de la page
Planète quotidienne dans la séquence
International. « Au moment où le dérèglement climatique va devenir incontrôlable,
vous supprimez la rubrique! Un peu comme si vous supprimiez la page Economie
parce que nous sommes en récession…»
Il ne nous a pas échappé, cher lecteur,
que la décision que vous contestez – vous
n’êtes pas le seul – a fait monter la chaleur
du courrier ces dernières semaines…
D’autant qu’au même moment la «page
Economie» n’a pas été supprimée, bien au
contraire – récession oblige…
Avec désormais un cahier quotidien
«Eco &entreprise» et une chaîne numérique en ligne, l’information économique
est devenue une thématique à part entière
au sein de notre journal, au même rang
que l’international, la politique, la culture…
Elle a même eu droit à un «éditorial
signé», de notre directrice (LeMonde du
29avril). Natalie Nougayrède y fixe la
feuille de route du nouveau cahier: «Accroché au réel et tournant le dos aux clivages
idéologiques du passé (…), Le Monde veut
raconter et analyser toujours plus (…) les
grands bouleversements géo-économiques
et microéconomiques (…)»
La concomitance de ces deux changements éditoriaux est manifestement un
sujet de « clivage idéologique» chez nombre de nos lecteurs… « Quitte à faire disparaître certaines pages de votre journal,
pourquoi les pages Eco &entreprise
devraient-elles subsister?, s’interroge
Courrier
Musique
Hommageà HenriDutilleux
Le compositeur Henri Dutilleux vient de mourir, à Paris, à l’âge de
97 ans. Aux hommages qui proviennent du monde entier, je voudrais
ajouter ceux de ses amis de La Sage, petit village montagnard du Valais
(Suisse), situé à 1 700 m d’altitude. En effet, Henri Dutilleux y séjournait
presque chaque été depuis 1951 en compagnie de son épouse, la pianiste Geneviève Joy, disparue en 2009. Là-haut, dans une atmosphère propice à la création, ils retrouvaient leur grande amie Marie des Collines
ainsi que de nombreux collègues musiciens et artistes. A leur arrivée,
un piano à queue était mis à leur disposition dans un chalet centenaire.
Nous n’oublierons jamais les nombreux concerts qu’eux-mêmes et
leurs amis ont offerts dans la chapelle du village, avec modestie et générosité. Peu avant le décès de Geneviève, j’avais rencontré Henri
Dutilleux pour la dernière fois à La Sage. Nous prenions tranquillement
un verre dans leur chalet lorsque, une minuscule valise à la main, il s’excusa de nous quitter afin de ne pas rater l’autobus pour la plaine, en
gare de Sion. Malgré son grand âge, il déclina ma proposition de l’accompagner en voiture et, à ma surprise, il déclara : « C’est plus simple pour
moi de voyager seul depuis ici, puisque je continue jusqu’à Boston où
m’attend mon ami Seiji Ozawa pour une première mondiale ! »
Jean-Michel Quinodoz
Cologny (Genève)
Politique
La rengaine de Ségolène
A la lecture de l’entretien avec
Ségolène Royal publié dans Le
Monde du 14 mai, on a l’impression qu’elle enfonce des portes
ouvertes. « Il faut réformer Bercy » : je ne sais pas mais ça fait belle lurette que cela aurait dû être
entrepris… « La démocratie participative » ? Ça ne mange pas de pain
de le dire et redire. Quant à la simplification nécessaire de la vie
quotidienne des particuliers et
des entreprises, là on n’entend
pas grand-chose. Mais Roosevelt
est là, alors on est sauvés!
Grégoire Milopoulos, Paris
Le combat
contre le chômage
Pour que François Hollande
retrouve les faveurs des Français,
il a une seule chose à faire :
démontrer sous son quinquennat
qu’il est capable par ses mesures
de réduire le chômage et, dans l’intervalle, d’user de pédagogie pour
les convaincre que sa méthode
pour y parvenir est la bonne. Le
jour où il y arrivera, les Français
oublieront, voire apprécieront, sa
cravate de travers et ses manches
trop courtes, car le seul bon look
est celui d’un président qui gagne
ce combat, pas celui d’un président qui le perd tous les jours.
Pierre Jamey
Saint-Jean-de-Blaignac (Gironde)
L’ouverture au privé
En 2005, j’écrivais ce courrier des
lecteurs publié par Le Monde et
force est de constater que rien n’a
changé et qu’il est toujours d’actualité. Je le réécris donc. Il est courant de reprocher aux hommes
politiques anciens fonctionnaires
de pouvoir réintégrer leur corps
d’origine après un échec électoral.
Certains voudraient, par souci
d’égalité, leur retirer ce « privilège». Mais, loin de rendre la politique difficile pour tout le monde, il
faut au contraire l’ouvrir à toutes
les personnes responsables, dans
toutes les professions, afin d’élargir un peu la classe politique aux
salariés du privé.
Il faudrait pouvoir institutionnaliser un « congé politique», qui existe dans certains pays comme la
Belgique, pour permettre aux salariés de mener campagne : s’ils
sont élus, ils siègent, et s’ils sont
battus (ou à l’issue de leur mandat), ils sont réintégrés dans leur
entreprise. Il faut que ce congé
soit accordé « de droit », avec une
protection contre les sanctions et
les licenciements similaires à celle des candidats et élus aux élections de représentants du personnel. C’est en s’ouvrant aux salariés
du privé que la classe politique
sera plus en phase avec la « France
d’en bas », et c’est en s’impliquant
que les Français retrouveront le
sens de l’engagement politique.
Enfin, c’est en laissant ses salariés
s’impliquer en politique que l’entreprise sera mieux comprise par
les politiques.
Chahan Fabrice Kazandjian
Saint-Maur-des-Fossés
(Val-de-Marne)
Des citoyens responsables
Dans cette période très difficile
pour beaucoup de Français, il est
naturel qu’ils s’en prennent
d’abord à leurs dirigeants, même
si les uns et les autres restent tributaires du libéralisme mondialisé posé plus souvent comme
une évidence ou une fatalité que
comme un adversaire. En revanche, quand des membres de l’op-
Julien Dossier, de Nantes (Loire-Atlantique). La part de la finance folle dans la crise
n’est-elle pas avérée? N’avons-nous pas suffisamment de preuves patentes des crises
nées de l’incurie environnementale des
investisseurs?» Et encore ce lecteur se veutil incitatif autant que vindicatif: « Le monde change et les attentes du public n’ont
jamais été aussi fortes pour sortir du
marasme de la crise. Jouez votre rôle de
journal pour les élites! C’est à vous de prendre l’initiative de la pédagogie, de la promotion des individus, des entreprises qui montrent qu’un autre Monde/monde est possible (sans Monsanto, par exemple…).»
Frédéric Petit (Bordeaux) est plus dubitatif: «En réinscrivant le monde (et LeMonde) dans un contexte dominé par les questions diplomatiques, politiques et économiques, vous faites un contresens historique
majeur: vous traitez l’écume du jour sans
voir la lame de fond.» « Une vague de fond
qui partout invente de nouveaux modèles
productifs et économiques qui allient la rentabilité à la restauration écologique et à la
résilience sociale», ajoute Isabelle Delannoy (Paris).
« Auriez-vous subi des pressions d’annonceurs ou de membres du conseil d’administration du journal vous incitant à
stopper cette page sur les sujets liés à l’environnement et à l’écologie ? Je n’ose le
croire… Ou pensez-vous, comme M. Sarkozy lors du Salon de l’agriculture 2010, que
“l’environnement, ça commence à bien
faire”? », raille Philippe Rony (Saint-Etienne). Diantre. Faut-il donc redouter, com-
position instruisent un procès en
incompétence et parfois même
en illégitimité à leurs successeurs,
cela paraît plus osé. D’une part, le
bilan de l’ancienne majorité
devrait l’inciter à plus de discrétion. D’autre part, la dureté de la
crise requiert de renforcer l’unité
nationale plutôt que de s’abandonner aux délices de postures
politiciennes qui révèlent un
refus de l’alternance démocratique. Qui peut croire par exemple
que des responsables politiques
formés dans les mêmes écoles en
sortiraient avec des compétences
aussi contrastées? Mais ce débat
ne doit dissimuler ni les carences
de la représentation sociologique
du pays au Parlement ni les risques que représente la professionnalisation du politique. Celle-ci
déresponsabilise encore davantage des citoyens toujours en quête
d’un mythique homme providentiel. Ils sont ainsi réduits à la
dépendance, surtout quand les
élus s’appliquent à prolonger leur
carrière en multipliant donc les
risques de dérive. La politique est
une affaire trop sérieuse pour que
les citoyens tardent à se la réapproprier.
René Robert
Aiguilhe (Haute-Loire)
Economie
Si on reparlait
des retraites !
Il est manifeste que la classe sociale où les gens vivent le mieux est
celle des retraités. Parmi les pays
de l’OCDE, la France est l’un des
rares pays où le montant des
retraites est aussi élevé, voisin de
la somme que chacun recevait
pendant sa vie active.
La Cour des comptes estime que
le niveau de vie moyen des retraités est supérieur de 15 % à celui de
la moyenne des Français. En effet,
les retraités sont souvent propriétaires de leur logement, n’ont
plus de dettes à payer ni de personnes à charge. Bien sûr, ces
moyennes cachent d’énormes disparités dont il faut tenir compte;
le taux de pauvreté chez les retraités est de 10 % environ, comme
dans le reste de la population.
Mais il est inacceptable que des
retraités aient une vie aisée et que
les jeunes ne réussissent pas à
trouver du travail. Il faut noter
que le législateur a décidé vers
1975 d’augmenter les retraites à
un moment où il ne pouvait prévoir l’allongement de la durée de
vie ni deviner que la récession économique plongerait les jeunes
dans le chômage vingt ans plus
tard.
Il me semble donc que les retraités aisés (cadres moyens et supérieurs) devraient accepter une
réduction progressive de leur
retraite et/ou une augmentation
d’impôts. Et cela pour aider à l’in-
me Isabelle Artus (Paris), que notre choix
éditorial finisse par «amenerun grand
nombre de décideurs et de lecteurs à se
détourner des questions écologiques, faute
d’informations disponibles, l’écologie
[étant] une nouvelle fois reléguée au rang
des sujets annexes, banalisée, minimisée»?
Voilà en tout cas autant de questions qui
méritent réponse.
L
e médiateur a d’abord tendu le
micro à Marie-Béatrice Baudet, la responsable du pôle Planète. « Pour
notre équipe, cette mobilisation de nos lecteurs montre que tous les thèmes que
nous traitons les intéressent, se félicite-t-elle. L’essaimage de nos sujets au sein
du journal est un pari qu’il nous faut relever, et ce alors que la crise économique
éclipse la crise écologique. Or, il y a urgence à agir contre le réchauffement, l’épuisement des ressources. Il est aussi primordial de décrypter les effets de la détérioration de l’environnement sur la santé. »
Notre directrice, Natalie Nougayrède
confirme cette ligne éditoriale et explique la nouvelle organisation: « Il n’y a et
n’y aura aucune diminution du traitement de ces sujets fondamentaux. Ni le
contenu ni l’équipe Planète ne sont supprimés. Dans le cadre de notre réorganisation en quatre grands services thématiques, qui préserve toute l’offre éditoriale
du Monde, l’équipe Planète a rejoint le service International. Elle reste en lien avec
l’équipe Sciences et est amenée à écrire
dans toutes les pages, notamment en Fran-
sertion des jeunes et (un peu) à la
relance de l’économie. Et de plus,
cela manifesterait la solidarité
entre les générations.
Michel Obaton
Perros-Guirec (Côtes-d’Armor)
Langue
L’anglais imposé
Dans le cadre de la polémique sur
la création de cursus en anglais, à
laquelle je suis opposée, je voudrais ajouter un exemple en date
du 17 mai, qui témoigne de la
19
ce et dans le cahier “Eco & entreprise”, où
elle sera en première ligne pour le suivi du
“green business”. Le supplément “Géo
& politique” accueillera lui aussi des articles Planète : un nouvel espace s’ouvre
donc. Nos lecteurs peuvent du reste constater que la têtière “Planète” est préservée
dans le quotidien, ainsi que sur la chaîne
du même nom sur le site. Le Monde
dépeint le monde, et toutes les problématiques environnementales sont l’une des
matières premières de notre palette. »
Fermez le ban ? Pas si simple. Sur les
quelque 2 000 courriels reçus des quatre
coins de France depuis un mois, pas
moins de 1 600 reprenaient tel quel le
modèle de lettre-type proposé par l’association Agir pour l’environnement (APE)
sur son site Internet. Elle y invite ses internautes, dans le cadre d’une « cyberaction », à « écrire massivement à la directrice et au médiateur du Monde pour manifester [leur] incompréhension». De l’agitprop en bonne et due forme ! La mèche
fut allumée le 26 avril par le site Arrêt sur
images : « Planète menacée au Monde :
l’écologie victime de l’économie? ».
Sachez, lecteurs, qu’on s’en pose aussi
au Monde. Témoin le comité de rédaction
convoqué mercredi 29 mai par la Société
des rédacteurs. Au menu : « Quel traitement de l’économie pour quelle ligne éditoriale ?» Les échanges furent pleins de
« chaleur », cher M. Lévy… p
[email protected]
Mediateur. blog. lemonde. fr
situation dans laquelle nous sommes déjà. A l’occasion d’une proposition (en français) de produits
Microsoft à destination du monde universitaire, à laquelle j’avais
répondu, j’ai reçu le message suivant: « L’équipe service dédiée à la
gestion de ce site est joignable
sous : [email protected]
(veuillez s.v.p. écrire en anglais). »
Je suis très favorable à l’enseignement des langues étrangères, et
notamment de l’anglais. Je ne suis
pas non plus opposée à ce que des
cours soient dispensés en langue
étrangère, que ce soit en anglais
ou en d’autres langues, mais je
suis hostile à des cursus complets
en langue étrangère. Il est illusoire de penser que les étudiants
étrangers qui suivraient ces cursus apprendraient le français par
ailleurs, leur motif essentiel de
choix de la France n’étant en général que le coût comparativement
peu élevé des études en France.
Louise Lafitte
Antony (Hauts-de-Seine)
*1er hebdo d’actualité : 3 825 000 lecteurs (Audipresse ONE 2012 LDP) - © Mark Cuthbert, Marco Di Lauro, MiguelTovar/STF
0123