1 Retentissements des douleurs neuropathiques lors des soins

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1 Retentissements des douleurs neuropathiques lors des soins
Retentissements des douleurs neuropathiques lors des soins
Cécile Pago*, Marie Faucheur**, Isabelle Durgun***
*Infirmière, **Cadre de santé, pôle rééducation, évaluation, réadaptation (RER)
***Infirmière ressource douleur
Hôpital Raymond Poincaré, Garches (78)
Introduction
Infirmière dans le pôle RER à l’hopital Raymond Poincaré je souhaitais témoigner de notre
expérience de soignante dans la prise en charge des douleurs neuropathiques au sein du pôle .
Depuis dix ans, le profil des patients accueillis dans le service a évolué. Nous recevons
désormais plus de patients dits cérébraux lésées que des patients médullaires.
Ces patients cérébro-lésés présentent des lésions le plus souvent d’origine vasculaire qui
induisent des douleurs, et en particulier des douleurs neuropathiques.
Les soignants sont donc confrontés quotidiennement à la difficulté de la prise en charge des
patients douloureux. De plus l’hospitalisation longue (entre 3 et 6 mois) est souvent
éprouvante pour le patient et son entourage. Le symptôme douleur majore ce ressenti.
Malgré les différents projets les difficultés persistent, les douleurs neuropathiques sont encore
mal prises en compte et parfois méconnues des soignants. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre
encore « Mais pourquoi criez-vous Madame, je vous ai à peine touché… ».
Comment prendre en charge ce type de patient, comment tendre vers une indépendance
lorsque le « toucher » devient insupportable et que l’on sait que les traitements
médicamenteux bien conduits ont une efficacité modeste ?
Quels projets avons-nous réalisés ?
En 2005 à la suite du congrès de la SFETD « Mémoires et Douleur, pratiques plurielles le
désir s’est fait sentir de « développer la culture douleur » au sein de notre service de
rééducation fonctionnelle de 45 lits dédiés à des personnes cérébraux lésés (hémiplégiques,
traumatisés crâniens sévères) et de 20 lits dédiés à des malades dits médullaires
(paraplégiques et tétraplégiques).Il fallait donc :
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-
Renforcer les compétences de chaque membre de l’équipe
-
Développer l’implication des soignants dans le traitement de la douleur
-
Améliorer la pratique pluridisciplinaire et la coordination des soins
La mise en place de ce projet s’est déroulée sur deux ans et en deux étapes :
-
Première étape :
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un premier temps centré sur
- l’approfondissement des connaissances avec : une réactualisation des savoirs
théoriques. Des cours1 ont été dispensés par le médecin assurant les consultations
douleurs une fois par semaine sur l’hôpital. Le nombre constant de participants ainsi
que le retour positif du questionnaire d’évaluation du projet nous permet de penser
que notre objectif a été atteint.
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un deuxième temps centré sur
- une meilleure connaissance de soi-même : groupe animé par un psychologue. Les
peurs, les craintes, les réactions négatives des soignants sur ce sujet très impliquant
n’ont pas permis l’atteinte de cet objectif. Ce thème a probablement été planifié trop
tôt avec une équipe pas suffisamment mature professionnellement.
-
Deuxième étape : mise en place d’ateliers de réflexion sur la prise en charge des
malades douloureux avec participation de l’équipe interdisciplinaire. Ce travail de
groupe a été élaboré à partir des demandes des soignants évoquées dans le questionnaire
d’évaluation des cours théoriques.
La méthode proposée :
une présentation de cas clinique sur les différents types de patients (blessés médullaires,
malades hémiplégiques souffrant d’algodystrophie de l’épaule, traumatisés crâniens) .
Cette méthode interactive, dynamique, impliquante (recherche de donnée pour présenter
le cas clinique, lien entre connaissances théoriques et pratiques) a permis des
acquisitions professionnelles utilisables.
Parallèlement à ce projet une « enquête douleur » réalisée dans le service, a fait
apparaître une demande des patients : la création d’un livret informatif simplifié sur la
douleur neuropathique et ses traitements.
Une autre enquête réalisée sur l’évaluation de la douleur et son suivi au sein de
l’établissement a permis la création :
1 Souffrance et douleur : mécanisme physiologiques, classification des douleurs par leur mécanisme (douleur
nociceptives et neurologiques) et par leur durée douleur aigue, douleur chronique)
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- d’une fiche de suivi des douleurs chroniques permettant d’adapter au mieux les
traitements
- d’une fiche de demande de consultation douleur fournissant des indications précises
Qu’avons–nous fait de tous ces acquis ?
Toutes ces étapes ont incité chaque membre de l’équipe à développer tout un savoir,
un savoir être et un savoir faire.
Dans le domaine du savoir nous tentons de
- mobiliser les connaissances acquises pour adapter le contenu des messages à chaque
patient,
- donner des explications sur les différents traitements pouvant dérouter le patient et sa
famille (préjugés sur le Laroxyl®, le Rivotril® souvent
étiquetés « traitements
psychiatriques », sur la morphine assimilée à la dépendance),
- prévenir les douleurs neurologiques chez les patients souffrant d’algodystrophie.
Une fiche a été créée afin d’éduquer les patients et leurs familles.
- repérer les épines irritatives (escarres, fécalome, infections, spasticité) qui provoquent
une majoration des douleurs neuropathiques.
Dans le domaine du savoir être nous tentons
- d‘être à l’écoute, attentif à tout changement de comportement afin d’identifier
rapidement la douleur neuropathique,
-
de toujours croire le patient dans ce qu’il nous dit et toujours croire nos
collègues dans leurs évaluations,
-
d’avoir une attitude rassurante, posée et centrée sur le malade,
-
d’être en empathie,
-
d’entrer en relation d’aide : parfois le simple fait d’écouter la plainte soulage le
patient,
-
de faire le lien entre les différents corps de métiers afin d’optimiser la prise en
charge du patient, de travailler dans la complémentarité. De ce fait, il est important
d’échanger toutes les informations en grande équipe transversale ce qui permet à chacun
d’adapter quotidiennement son soin (traitement, toilette, rééducation…).
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Dans le domaine du savoir faire, nous tentons
-
d’évaluer correctement la douleur en partenariat avec le patient, de le rendre
« actif »,
-
d’utiliser des échelles adaptées à son état cognitif (échelle visuelle verticale pour les
patients hémi négligents),
-
de mettre en place le recueil de la douleur chronique dans le dossier de soin,
-
d’adapter nos soins par rapport aux douleurs neuropathiques.
Exemples d’adaptation des pratiques soignantes pour les patients présentant des douleurs
neuropathiques :
lors de la toilette, ne pas commencer par le membre douloureux.
pour un patient présentant une allodynie faire des contacts francs et non des
frottements.
avoir une organisation souple dans les soins (personnalisation du soin).
pouvoir différer la toilette du patient ou la faire de façon partielle (membre douloureux
lavé seulement 1 jour sur deux). Il nous est arrivé de faire une toilette succincte à une
patiente pendant plus d’un mois tellement elle était douloureuse et angoissée. Ce temps a été
nécessaire pour adapter son traitement et qu’elle prenne confiance en nous.
proposer la douche un jour où les douleurs neuropathiques sont moins présentes
être en nombre suffisant pour une toilette « difficile » » afin de mobiliser un minimum
le patient
prévoir un peu plus de temps auprès des patients présentant des douleurs
neuropathiques
ne pas faire les prélèvements sanguins et la prise de tension sur le bras hémiplégique
En 2009 : quel bilan réalisons nous ?
Malgré tous les aspects développés et les efforts de chacun nous nous heurtons encore à des
difficultés :
-
la mixité des douleurs pose parfois des problèmes pour les diagnostiquer et les traiter.
-
le changement semestriel d’interne
-
l’intégration de nouveaux soignants
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-
le questionnement des médecins face au bénéfice/risque dans le traitement : un fort
dosage peut provoquer un ralentissement idéo-moteur et ainsi compromettre la
rééducation ; mais lors d’un dosage plus faible la plainte douloureuse persiste……
-
la difficulté à traiter les douleurs neuropathiques engendre souvent des phases de
découragement, d’épuisement de l’équipe face aux plaintes réitérées
En conclusion :
La prise en charge de la douleur neuropathique reste donc
complexe. Pour palier les
difficultés de prise en charge, nous nous efforçons d’optimiser notre travail mais comme dans
toutes les unités, nous sommes confrontés à des effectifs soignants de plus en plus restreints et
des exigences de qualités dans bien d’autres domaines (escarres, hygiène…)Il nous faut
cependant avec l’aide des cadres et de notre direction maintenir :
-
notre participation aux différents congrès traitant de la douleur car ceux-ci sont des lieux
privilégiés d’échanges , de rencontres et de ressourcement,
-
des espaces de transmissions avec la réferente douleur et l’équipe soignante ainsi que des
échanges en équipe interdisciplinaire.
Le travail ensemble dans la complémentarité est un défi qu’il nous faut relever
La préparation de ce travail m’a donné un nouvel élan dans mon rôle de référente
douleur du service.
Parler, échanger sur notre vécu, nos frustrations face à cette douleur rebelle ne peut-être
que bénéfique pour une meilleure prise en charge du patient douloureux.
Le travail ensemble dans la complémentarité est un défi qu’il nous faut relever
Bibliographie :
-
Soins infirmiers et douleur C. Metzger /A.Muller .M.Schwetta/C.Walter Editions
Masson
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Les Douleurs Neuropathiques Institut Upsa de la douleur
-
L’infirmière et les soins palliatifs. SFAP, Editions Masson
-
Prendre soin à l’hôpital. W. Hesbeen, Editions Masson
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