1- Ambassade de la République Démocratique du Congo en France

Transcription

1- Ambassade de la République Démocratique du Congo en France
Ambassade de la République Démocratique du Congo
en France
FRANCOPHONIE
INTERVENTION
DE
SON EXCELLENCE MONSIEUR
ILEKA ATOKI
AMBASSADEUR
A LA 192ème REUNION DE LA COMMISSION POLITIQUE
POINT 3 : SITUATION POLITIQUE DANS L’ESPACE FRANCOPHONE :
RAPPORT SUR LES ACTIVITES POLITIQUES ET DIPLOMATIQUES ET TOUR DE
TABLE
Paris, le 06 février 2015
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Madame la Présidente,
Permettez-moi avant toutes choses m’acquitter de l’agréable devoir de vous remercier d’avoir bien voulu
convoquer la présente réunion de notre Commission politique.
Puisque je prends la parole pour la première fois cette année ici à l’OIF, permettez-moi, en outre, de saisir
cette occasion pour féliciter la Très Honorable Madame Michaëlle JEAN pour sa désignation en qualité de
Secrétaire générale de notre Organisation, l’assurer de notre soutien et réitérer notre engagement à ses cotés dans
la défense et la promotion des valeurs de la Francophonie. Je la remercie pour le caractère essentiel de son
Rapport sur les activités politiques et diplomatiques soumis à notre examen tel que présenté par Monsieur le
Directeur.
Madame la Présidente,
Je prends la parole aujourd’hui pour informer les différentes délégations au sujet des manifestations
violentes qui ont eu lieu à la mi-janvier à Kinshasa et dans certaines villes de mon pays suite à l’adoption par le
Parlement du projet de la nouvelle loi électorale, au motif que ladite loi subordonnait l’enrôlement des électeurs au
recensement de la population.
Ces manifestations ont causé la mort de quelques uns de mes concitoyens. Elles ont occasionné quelques
pillages et quelques destructions de propriétés. Nous sommes les premiers à le regretter amèrement et avons
exprimé notre compassion et sympathie à l’ensemble des victimes. Cela n’aurait jamais d’avoir lieu. Est-ce par
manque de pédagogie? Est-ce par de vils calculs de politique politicienne? Dieu seul sait et l’avenir nous le dira.
Nous aurions pu nous épargner ce type de débordement. Des manifestants sont descendus dans la rue au
motif que le projet de loi électorale suggérait en son article 08, alinéa 03, un lien entre les processus de recensement
et celui de l’enrôlement des électeurs, et partant un possible glissement du calendrier électoral qui proviendrait de la
volonté d’effectuer le recensement avant de tenir les élections locales, législatives et présidentielles.
Il est important de faire la part des choses et d’éviter tout amalgame. Un recensement est une opération
statistique de dénombrement d'une population et qui vise entre autres l’identification d’un individu, le nombre
d'habitants, leur âge, profession, conditions de logement, les noms et prénoms, la religion, la langue, le rythme
national de naissance, de mariage et de décès. Il s’agit donc d=une opération permanente et administrative de
routine dont le résultat va servir à plusieurs domaines de la vie nationale.
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En effet, la question de la nécessité de conduire un recensement de la population congolaise, n’est pas
nouvelle; Elle se pose depuis 1984, date du dernier recensement de la population zaïroise. Celui de 1989 n’a pas
pu être mené à son terme en raison de l’instabilité politique naissante issue du mouvement de démocratisation, ainsi
que du début de la crise multiforme qui va endeuiller toute la Région des Grands Lacs.
Lors des élections de 2006, cette question est revenue. Elle a toutefois été mise en berne par le souci de
toutes les parties prenantes, principalement la communauté dite internationale, au retour à la normalité dans mon
pays et avancer résolument dans le processus de paix en cours. Vous vous souviendrez qu’à l’époque, certains
partis politiques avaient boycotté le Référendum de 2005 et les élections générales de 2006, au motif notamment de
l’absence du recensement administratif et de la non fiabilité du fichier électoral de la Commission Electorale
Indépendante, CEI en sigle.
Les élections de 2011 ont encore mis en lumière cette impérieuse nécessité. La CEI, devenue Commission
Electorale Nationale Indépendante (CENI), devant les difficultés économiques et financières de tous ordres
d=organiser le recensement administratif, avait porté provisoirement son choix sur l=identification et l=enrôlement
des électeurs, c=est-à-dire des Congolaises et Congolais en âge de participer aux scrutins uniquement.
C=est ainsi que lors de sa réunion du 16 décembre 2011, le Conseil des Ministres avait décidé de rendre
opérationnel un Office National d’Identification de la Population, ONIP, en sigle.
A ce stade, je voudrais relever que l’opposition politique congolaise, réunie en Conclave du 02 au 11 juillet
2013 avait jugé utile de, je cite « Repenser le système électoral congolais, notamment (1) par le recensement
général de la population, afin de déterminer, entre autres, le calcul du quotient électoral, non pas en fonction du
nombre des citoyens enrôlés, mais plutôt de celui recensé »
De même, la classe politique congolaise en concertations nationales tenues du 07 septembre au 01 octobre
2013, avait retenu parmi la centaine de recommandations prioritaires qui constitue le programme du Gouvernement
de Cohésion Nationale, autrement dit le Gouvernement actuel, une mesure visant « la finalisation en urgence du
projet de constitution et d’entretien du fichier de l’état civil conformément à la décision du Conseil des Ministres du
16 décembre 2011 et rendre opérationnel l’ONIP ». C’est ainsi que l’ONIP a vu le jour le 15 octobre 2014. Par
l’identification de la population, l’ONIP sera sans nul doute un outil indispensable pour obtenir des données fiables,
qui permettront de définir le nombre d=habitants et par conséquence, avoir des circonscriptions électorales justes et
représentatives.
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Madame la Présidente,
Il est important de préciser que c’est toute la classe politique congolaise s’était accordée pour signifier le fait
que les élections de 2011, tout comme celles de 2006, ont été organisées en l’absence d’un recensement
administratif préalable de la population, lequel a suffi à lui seul pour en limiter le corps électoral.
Qui plus est, les rapports de la Mission d’Observation électorale de l’Union Européenne, le rapport de la
Fondation CARTER, celui des Églises catholiques, avaient unanimement conclu que le facteur premier rendant les
élections de 2011 non crédibles résidait dans le manque de transparence de l=enrôlement.
Pour rappel, en 2011, l’Opposition, comme la Majorité, avait demandé la prolongation des opérations
d=enrôlement dans certaines provinces jugeant que le nombre d’enrôlés ne correspondait pas au nombre supposé
d’habitants en arguant que l’enrôlement ne reflétait pas la réalité démographique et que, par conséquent, il y avait
carence de représentativité.
La CENI est également arrivée à la même conclusion, en constatant que pour ces élections, l’une des
difficultés à laquelle elle a fait face dans la collecte des données relatives à l’enrôlement et l’identification des
électeurs résidait dans l’inexistence d’un fichier d’état civil fiable. Aussi, n’a-t-elle jamais cessé de proposer la
constitution et la gestion par le Gouvernement d’un fichier permanent d=état civil congolais et l=organisation d’un
recensement administratif de la population.
En conclusion de ce chapitre et voulant me situer au-delà des considérations de politiques politiciennes, je
dois dire que l’identification de la population a l’avantage de permettre d’éviter les controverses des élections de
2006, et plus particulièrement celles de 2011, lesquelles ont engendré un manque de crédibilité et une contestation
de la légitimité des urnes, parce que basées sur un système non contraignant et aléatoire, celui de l enrôlement.
Madame la Présidente,
S’agissant du recensement électoral, je souhaiterais vous renvoyer à l’excellent ouvrage publié en mai 2005
pour le compte de la Fondation KONRAD ADENAUER, par Messieurs MASSIALA MUANDA et KUMBU KI NGIMBI,
respectivement Administrateur et Coordonnateur du Programme de Sensibilisation des Citoyens aux Elections. Ces
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auteurs y définissaient les deux opérations fondamentales qui s’y réalisent simultanément, à savoir: l'identification et
l'enrôlement des électeurs.
L’identification des électeurs étant comprise comme l'ensemble des opérations d'identification et de
comptage des nationaux remplissant les conditions requises pour voter, et l'enrôlement des électeurs comme
l'inscription des éléments d'identification des électeurs sur la liste des votants, appelée par ailleurs, liste électorale.
A ces deux opérations fondamentales, s'ajoutant celle de mise à jour des listes électorales.
Par la participation aux scrutins électoraux, chaque Congolais remplissant les conditions requises pour voter
pose un acte qui peut changer positivement le destin du pays. II s'agit donc là d'un acte très important pour la
transformation qualitative du pays, que chaque citoyen, soucieux du destin de la République Démocratique du
Congo, doit s'empresser de poser avec lucidité.
Mais pour pouvoir le faire, il faut impérativement passer par les opérations d'identification et d'enrôlement,
lesquelles constituent, de ce fait, une condition sine qua non pour voter. En République Démocratique du Congo,
nul ne peut exercer son droit de vote s'il ne s'est préalablement fait identifier et enrôler.
L'identification et l'enrôlement des électeurs ne concernent pas l'ensemble de la population congolaise, ni
encore moins les personnes étrangères qui vivent sur le territoire congolais. Ils ne concernent que les seuls
Congolais qui remplissent les conditions requises pour voter.
En outre, dans mon pays, l’identification des électeurs, l’enrôlement des électeurs et le vote ne sont pas
obligatoires. En conséquence, les électeurs sont uniquement ceux-là qui ont leur carte d'électeur. Il faut donc
absolument différencier le recensement électoral du recensement de la population, ce dernier n’a aucune incidence
ou impact sur le déroulement des élections.
Madame la Présidente,
Concernant les événements malheureux de la mi-janvier, force est de noter que rien n’a été entrepris en
dehors de la Constitution.
En application du programme lui mandaté par les Concertations Nationales, le
Gouvernement a déposé au Parlement un projet de loi portant modification de la loi électorale en vigueur. Celui-ci a
été adopté par l’Assemblée Nationale qui l’a transmis au Sénat. Après examen, la Chambre Haute a procédé à des
amendements, notamment en retirant l'incise de l'article de la loi qui semblait poser problème et l’a renvoyé à la
Chambre Basse, laquelle l’a finalement adopté en des termes identiques.
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Ce qui aurait du être un bel exercice d’une démocratie en marche, au contraire, a donné lieu à des appels à
la violence et au renversement des institutions élues et légales, en violation des principes et des valeurs que notre
Organisation défend, tels que contenus dans les Déclarations de Saint-Boniface et de Bamako, en ce qui concerne
notamment la démocratie et la prévention des changements anticonstitutionnels.
Ces appels sont également une violation flagrante des prescrits de la Constitution de mon pays, que
d=aucun a la prétention de défendre, plus précisément les dispositions pertinentes relatives à la liberté d'expression;
la liberté de manifestation; le droit à la paix et à la sécurité; l=interdiction de tout arrangement ou tout autre fait, qui a
pour conséquence de priver la nation, les personnes physiques ou morales de tout ou parties de leurs propres
moyens d'existence tirés de leurs ressources ou de leurs richesses naturelles, lequel sans préjudice des dispositions
internationales sur les crimes économiques, est érigé en infraction de pillage punie par la loi.
Dans le même ordre d’idées, l’article 64, alinéa 02, de la Constitution établi toute tentative de renversement
du régime constitutionnel est constituée en une infraction imprescriptible contre la nation et l'Etat, et, la punit
conformément à la loi.
Je me dois également de préciser que le Législateur a prévu dans cette même Constitution les mécanismes
de recours. A titre d’exemple, je citerais l'article 139 qui défini les conditions de saisine de la Cour constitutionnelle
pour déclarer une loi à promulguer non conforme à la Constitution.
Dans tous les cas, nous avons apprécié à leur juste valeur les appels au calme, à la retenue et à la concorde
nationale. Cela constitue l’un des soutiens que nous attendons de nos frères et amis de la Communauté
internationale.
Je voudrais terminer ici par un dernier éclaircissement. Il est souvent demandé au Gouvernement de publier
le calendrier électoral. De part la Constitution, l’élaboration du calendrier électoral n’est pas du ressort du
Gouvernement, mais plutôt celui de la CENI.
En effet, l’article 211 de la Constitution charge la CENI de
l’organisation du processus électoral, notamment l’enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des
opérations de vote, de dépouillement et de tout référendum.
La CENI et l’ONIP mériteraient de pouvoir bénéficier de votre concours, aussi modeste soit-il.
Pour conclure, je me répète. Je trouve bien regrettable que ce qui aurait d’être un bel exercice de la
démocratie, ait été une occasion de déplorer des vies humaines et des dégâts matériels importants, ce qui, du reste,
lance un mauvais signal pour l’étranger et l’image de marque de la République Démocratique du Congo.
Je vous remercie pour votre attention.
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