Résumé de thèse Camps François

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Résumé de thèse Camps François
Résumé de la Thèse de François-David CAMPS
LE TRAITEMENT PSYCHIQUE DE LA PERTE DANS LES SCHIZOPHRENIES
APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ET PROJECTIVE
L’ensemble des travaux psychiatriques actuels se concentre essentiellement sur
l’aspect symptomatiquement de la dépression chez les sujets schizophrènes. A l’inverse, nous
avons tenté d’étudier non pas la dépression clinique, mais les problématiques de perte dans les
fonctionnements psychiques des sujets marqués par le processus schizophrénique. Autrementdit, nous avons interrogé le rôle et les fonctions de la perte au sein d’un moi ayant perdu ses
frontières et le sentiment de son existence, dans un fonctionnement psychique où les limites
soi/non-soi sont aléatoires, les défenses narcissiques précaires ou inefficaces.
A travers l’examen de la perte chez le schizophrène, c’est donc l’étude des diverses
modalités de la relation d’objet et des affects associés dans cette pathologie que nous avons
étudié. Il s’agissait donc de passer au-delà de l’aspect purement symptomatologique et
phénoménologique de la dépression chez le sujet schizophrène pour interroger sa fonction au
niveau métapsychologique.
Nous nous sommes intéressés aux diverses opérations psychiques mises en œuvre par
les sujets atteint de schizophrénie pour faire face aux divers problématiques de perte. Par
problématiques de perte, nous entendons toutes les situations où le sujet a perdu un objet, ou
doit y renoncer, que ce soit dans les problématiques de séparation d'avec l'objet primaire,
l’abord de la position dépressive, de mélancolie, de deuil. Nous avons donc interrogé les
articulations et intrications entre problématiques de perte et problématiques dissociatives.
Notre recherche est animée par l’idée que la schizophrénie est un processus qui détruit
les liens objectaux et les représentations d’objet mais surtout qui empêche d’en reconstruire
de nouveaux, en cela il s’attaque à l’objectalité même. Persuadé que les schizophrénies
procèdent d’une incapacité à utiliser le dipôle narcissisme-objet, nous souhaitions observer les
diverses « constellations relationnelles » au sein des fonctionnements psychiques marqués par
la schizophrénie, à travers leur représentations. Notre idée était que les différentes formes de
schizophrénies témoignaient des différentes modalités d’approche de l’objet ou de la relation
à l’objet.
Notre première hypothèse postule que, plus les fonctionnements psychiques marqués
par le processus schizophrénique sont habités par des représentations d'objet, même si ces
objets sont partiels, persécuteurs, mal différenciés ou incestueux, plus la pensée reste
« vivante » même si elle est désorganisée.
Une seconde hypothèse postule que chez les sujets atteints par un processus
schizophrénique il n'y a pas de possibilité d'élaborer les problématiques de perte, même si on
observe de grandes différences individuelles. Cependant la présence d’éléments témoignant
de problématiques de perte peut venir signer un assouplissement partiel des défenses
psychotiques et révéler un fonctionnement de l’appareil psychique moins abrasé.
Une sous-hypothèse propose l’idée que la reconnaissance de problématiques de perte
est possible, chez certains sujets atteints de schizophrénie, le traitement de la perte diffère
alors de celui du deuil ou de la mélancolie.
Enfin une troisième hypothèse porte sur l’existence d’un processus mélancolique que
nous pourrions repérer dans certaines formes de schizophrénies (les formes dysthymiques) qui
ne peut pas se constituer véritablement pour autant.
Pour mettre à l’épreuve ces hypothèses nous avons étudié le fonctionnement
psychique de vingt sujets diagnostiqués « schizophrènes » à travers la médiation des épreuves
projectives (Rorschach et T.A.T.). Nous avons ainsi tenté d’observer s’il existe des
différences ou au contraire des invariants dans le traitement de la perte et de la dépression
selon les différents types de schizophrénies et leurs symptomatologies associées à partir des
critères de classifications internationales (CIM10) : schizophrénie simple, catatonique,
hébéphrénique, paranoïde, indifférenciée et dysthymique. Nous avons ainsi mis en évidence la
spécificité du fonctionnement psychique pour chacune des formes de schizophrénie en
matière de relations, d’affects et de sensations liés à la question de la perte et de la dépression.
Nos résultats démontrent que le fonctionnement des sujets atteints par la
schizophrénie, loin d’être anobjectal, tend au contraire à se défendre de l’influence de l’objet
sur le moi. Sous une apparence plus délirante et hallucinatoire, le fonctionnement psychique
des sujets atteints de schizophrénie paranoïde et dysthymique est plus « vivant » que les
formes de schizophrénies simples, indifférenciées ou hébéphréniques. Le fonctionnement
psychique des sujets paranoïdes et dysthymiques se présente comme plus désorganisé, mais
paradoxalement apparait comme plus animé, car plus « habité » par des représentations
d’objets. Ce maintien de représentations d’objet dans la psyché apparait comme un des signes
d’un fonctionnement psychique moins mortifère, malgré des symptômes peut-être plus
bruyants.
L’intérêt principal de notre travail est de mettre en lumière que si les problématiques et
les affects dépressifs peuvent être perçus, ils amènent des traitements défensifs différents mais
toujours sous-tendus par des dénis. La présence d'affects dépressifs ou d’affects de tristesse,
isolés ne signifie pas la présence de problématiques de perte reconnaissable par le sujet. Nous
concluons donc à l’impossibilité d’élaborer les problématiques de perte dans les
fonctionnements marqués par la schizophrénie. Autrement dit, il possible de reconnaitre des
situations de perte, mais celle-ci ne peuvent faire l’objet d’un travail d’intégration psychique.
Cette impossibilité dépend à la fois de l’intensité destructrice du processus schizophrénique et
des capacités de mise en œuvre d’un réinvestissement narcissique de soi, même transitoire.
Cependant nous nuançons notre propos en affirmant une grande différence individuelle sur
cette question.
Enfin, si nous observons des ébauches de mouvements mélancoliques chez nos
participants, ceux-ci ne peuvent se constituer jusqu’au bout, restent inachevées du fait de
l’inconsistance de l’objet perdu, de son caractère potentiellement persécuteur mais aussi de
l’inconsistance des limites entre soi et l’objet.
Mots-clés : Schizophrénie – Perte – Dépression – Rorschach – T.A.T.