Les Relations entre la Russie et la Côte d`Azur

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Les Relations entre la Russie et la Côte d`Azur
Les relations entre la Russie
et la Côte d'Azur
L’Histoire des liens de la Russie et de la Côte d’Azur s’inscrit dans l’Histoire avec un H majuscule,
ce que beaucoup ont aujourd’hui oublié. Notons que la baie de Villefranche sur Mer servait,
autrefois, de base navale à la Marine Impériale russe en Méditerranée, justifiant les déplacements
de la Tzarine et du Tzar. Mais notons que l’histoire de ces liens est aussi devenue une histoire de
proximité et d’affection, d’un enrichissement culturel, encore visible aujourd’hui dans le paysage
urbain de la Côte, avec de magnifiques églises « russes » dans plusieurs villes, et encore présent
dans des héritages que le temps n’a pas effacé, mais renforcé, comme l’illustre, par exemple, la
tradition des Ballets de Monte-Carlo sous la direction du grand Diaghilev.
Le lien entre la Russie et la Côte d’Azur peut apparaître, à première vue, antinomique, mais s’arrêter
à cette apparence, serait se cantonner à des constats trop simples, comme celui de l’attirance
entre opposés, le froid et le chaud, entre un Etat continent et un des plus petits Etats du monde,
qu’est la Principauté, même si les conditions climatiques sur la Côte et le privilège d’y avoir pu,
presque depuis toujours, et de pouvoir encore y bénéficier d’une stabilité politique et sociale hors
pair, sont certainement des facteurs que les « Russes » apprécient à Monaco.
Néanmoins, ce serait faire preuve d’une connaissance seulement superficielle du peuple russe, de
son histoire et de sa richesse culturelle, que de ne voir que ces aspects.
Ce serait également erroné de ne voir les relations entre Russie et Côte d’Azur et en particulier,
entre la Russie et la Principauté de Monaco, que dans la perspective du passé.
La Compagnie Monégasque de Banque a édité cet ouvrage dans la forte conviction que les relations
entre la Russie et Monaco sont appelées à trouver un essor, aujourd’hui et dans le futur, notamment
dans les domaines économiques et culturels.
Par cet ouvrage, elle souhaite illustrer les relations historiques et la richesse de la présence russe
sur la Côte dans le but, de contribuer à construire un rapport futur fort et durable entre la Russie,
les Russes et la Principauté.
Si parfois le constat que l’histoire se répète est marqué d’amertume, ce n’est pas le cas dans
l’évocation de ce passé commun, fastueux et riche, à la mesure de l’affection de l’aristocratie et de
l’élite des affaires russe, à partir du dix-neuvième siècle pour ce Sud, ensoleillé, sans hostilités, ni
politiques, ni climatiques, et la Compagnie Monégasque de Banque se félicite de pouvoir être
aujourd’hui un acteur actif et engagé dans les relations entre la Principauté et la Russie.
L’ouvrage qui suit a été entièrement réalisé par une collaboratrice de la Compagnie Monégasque de
Banque, Mademoiselle Bérangère Martinelli, à qui nous adressons nos sincères remerciements.
L’existence des relations entre la Russie et la Côte d’Azur est de nos jours indéniable.
Pour les comprendre, il faut remonter au XIXème siècle, période à laquelle elles ont débuté.
L’arrivée de la famille impériale sur la Riviera a eu une incidence considérable sur les liens entre
les deux nations.
D’abord avec Alexandra Feodorovna, qui a œuvré généreusement pour la région, puis avec
Nicolas Alexandrovitch, dont la tragique disparition à Nice a donné naissance à l’existence de
plusieurs lieux de recueillement destinés aux Russes.
Par la suite, la révolution de 1917 a contraint certains d’entre eux à s’exiler, notamment sur la Riviera.
Ces rapprochements historiques ont permis à une nouvelle communauté russe de se constituer
sur la Côte d’Azur.
Mais ils ont également permis une véritable collaboration culturelle.
Diaghilev et ses ballets Russes a permis aux deux communautés de réinventer l’art scénique dans
son ensemble.
La ville de Monaco s’est profondément enrichie de sa présence, et des personnalités que son
talent a attiré sur le Rocher.
De nos jours, de nombreux hommages ont été rendus à cet homme talentueux sur la Côte d’Azur.
De manière plus générale, la culture russe est régulièrement mise à l’honneur à travers de
nombreux festivals.
Les jumelages entre villes et autres partenariats culturels permettent de riches échanges entre
la région et certaines villes russes.
La Russie et la Côte d’Azur entretiennent également d’excellentes relations économiques.
Depuis une décennie, l’on constate une importante recrudescence de touristes russes sur la Riviera.
Afin de répondre au mieux à cette nouvelle clientèle, hôtels, restaurants, magasins et lieux
touristiques s’attachent à embaucher du personnel russophone.
La Riviera attire également les nouvelles fortunes qui investissent dans l’immobilier et jouissent
de toutes les activités littorales de la région.
Sommaire
1. LES RELATIONS HISTORIQUES
1.1. L’arrivée de la famille impériale : le temps des premières constructions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1. Alexandra Feodorovna, l’impulsion russe à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1.1. Le contexte précédant l’arrivée d’Alexandra Feodorovna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1.1.1. L’enjeu de la marine militaire russe en Méditerranée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1.1.2. Un déplacement aux enjeux diplomatiques considérables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.1.1.1.3. La première rencontre entre l’impératrice Alexandra et le roi Victor Emmanuel II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.1.1.2. L’arrivée à Nice de l’impératrice douairière de Russie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.1.1.2.1. L’arrivée d’autres membres de la famille impériale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.1.1.2.2. Les entretiens entre l’impératrice et le roi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.1.1.3. Les conséquences du séjour de l’impératrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.1.1.3.1. La base navale russe de la rade de Villefranche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.1.1.3.2. La construction de l’église orthodoxe russe de la rue Longchamp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.1.1.3.3. La construction du cimetière orthodoxe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.1.1.3.4. Dons et aide à la fondation de la Cassa di Risparmio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.1.1.4. Annexion de Nice par la France et retour de l’impératrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.1.2. Nicolas Alexandrovitch : une empreinte indélébile dans la ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.1.2.1. Le séjour de Nicolas Alexandrovitch à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.1.2.2. L’hommage rendu suite à son décès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.1.2.2.1. Une chapelle commémorative dressée à la place de la villa Bermond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.1.2.2.2. La construction de la cathédrale orthodoxe de Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.1.2.2.3. La création d’un boulevard en son honneur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.2. Fin du XIXème siècle : la poursuite des aménagements russes sur la Riviera . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22
1.2.1. De nouveaux aménagements dans la ville de Menton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
1.2.2. Des investissements immobiliers dans la région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
1.2.3. Un nouveau lieu de culte à Cannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.2.4. L’accueil de la famille impériale russe à Nice : la construction du Parc Impérial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.3. Les révolutions du début du XXème siècle : une nouvelle dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
1.3.1. Des vagues successives d’immigration en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.3.2. L’organisation de la communauté russe sur la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2. LES RELATIONS CULTURELLES ET LES LOISIRS
2.1. La passion du jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32
2.2. Les Ballets russes de Diaghilev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33
2.2.1. L’année 1911 : première saison, premiers succès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.2.2. Les prouesses de Nijinski et la reprise éclatante des Ballets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.2.3. D’illustres personnalités attirées par l’art de Diaghilev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.2.4. La dernière saison (1929) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3. L’influence de Diaghilev sur les relations entre la Russie et l’Occident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.3.1. La poursuite des Ballets russes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.3.2. Un siècle plus tard : hommage au génie de Diaghilev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.3.2.1. Monaco et les journées du patrimoine : centenaire des Ballets russes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.3.2.2. L’exposition de l’aéroport Nice Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.4. Les principales manifestations culturelles mettant la Russie à l’honneur sur la Riviera . . . . . . . . . 40
2.4.1. Jumelages et autres partenariats culturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.4.1.1. Menton – Sotchi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.4.1.2. Antibes – Krasnogorsk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.4.1.3. Nice – Saint Petersbourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.4.2. L’année France-Russie sur la Riviera . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.4.3. L’inauguration de la section internationale dans un lycée de Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.4.4. « Lydia Delectorskaya, muse et modèle de Matisse » au musée Matisse à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.4.5. « Ruskoff » Festival des arts et du cinéma russe à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.4.6. L’exposition « Moscou : Splendeur des Romanov » à Monaco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
2.4.7. Festival de l’Art Russe à Cannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3. LES RELATIONS ECONOMIQUES
3.1. Les Russes et le tourisme sur la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48
3.1.1. Une augmentation massive de la fréquentation de clientèle russe en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.1.1.1. Au niveau national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.1.1.2. Au niveau de la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.1.2. La consommation russe en augmentation en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.1.3. L’adaptation de la Côte d’Azur aux touristes russes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.1.4. Nouvelle liaison entre Nice et Moscou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3.2. Les nouvelles fortunes russes sur la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .56
3.2.1. La culture et l’événementiel à l’honneur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
3.2.2. La recrudescence d’investissements immobiliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
3.2.3. 2015 : Année de la Russie à Monaco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Les relations historiques
« Ce sont les Russes, plus que les Anglais, qui ont lancé la
Côte d’Azur. »
Martine Gasquet-Daugreilh, directrice du Centre Universitaire
Méditerranéen, lors du colloque « Emigration Russe et culture
spirituelle en Occident », 2010, Nice.
Cette phrase résume assez bien l’ampleur des relations entre la Russie
et la Côte d’Azur depuis deux siècles.
Au début du XIXème siècle, la Riviera a été assez peu fréquentée et
de manière relativement épisodique par les Russes.
Quelques rares, mais néanmoins, illustres hommes de lettre tels que
Lermontov, Gogol, ou encore Tolstoï y ont séjourné.
Force est de constater que ce sont les visites de la famille impériale
Russe qui ont largement contribué au rayonnement de la Côte d’Azur
auprès du peuple Russe.
La promenade des Anglais, début du siècle dernier
(source: actuacity.com)
L’arrivée de la famille impériale : Le temps des premières
constructions
Alexandra Feodorovna, l’impulsion russe à Nice
Le contexte précédant l’arrivée
d’Alexandra Feodorovna
Le professeur Leroy-Ellis, dans « Nice Historique » écrivait en 1984 que l’impératrice
Alexandra « est la véritable fondatrice de Nice comme centre de villégiature pour une société
riche et élégante ».
L’histoire commence donc avec Charlotte de Prusse, devenue impératrice de Russie sous
le nom orthodoxe d’Alexandra Feodorovna, en 1825, suite au couronnement de son époux,
Nicolas Ier de Russie.
En raison de troubles de santé, il fut très vite conseillé à la tsarine de séjourner d’abord à
Palerme, puis en Crimée, dans un palais que lui fit construire son époux. Elle ne put y rester
qu’un an, la guerre de Crimée ayant débuté en 1852.
En 1855, la santé de Nicolas Ier se dégrada et ce dernier mourut des suites d’une grippe.
Veuve, Alexandra se retira alors dans le palais Alexandre situé à Tsarskoïe Selo, non loin de
Saint-Pétersbourg.
Mais, voyant sa santé se fragiliser au fil du temps, elle ne put y rester.
C’est donc sur les conseils de ses médecins que l’impératrice dut privilégier la douceur du
climat azuréen à la rudesse des hivers russes.
L’impératrice douairière de Russie
Alexandra Feodorovna (1798-1860)
Tableau peint en 1856 par
Franz-Xaver Winterhalter.
Musée de l’Hermitage-Russie
Son adaptation sur la Côte se fit sans difficultés puisqu’elle y fréquenta très régulièrement
Joséphine Koberwein, la fille naturelle de son défunt époux.
Mais, bien que son déplacement sur la Riviera ait été souhaitable pour sa santé, les raisons
de l’arrivée de l’impératrice douairière étaient également stratégiques.
Tout d’abord, il convient de rappeler que les relations entre les gouvernements russes et
piémontais étaient excellentes.
Les Romanov avaient d’ailleurs profondément soutenu les Savoie lors de l’occupationannexion de leur royaume.
Ainsi, malgré quelques périodes plus sombres, notamment durant la guerre de Crimée, les
deux Etats entretenaient de bons rapports.
L’enjeu de la Marine Militaire
Russe en Mediterranée
Après Waterloo, la Méditerranée demeurait un lieu hautement stratégique pour la Russie qui
souhaitait y voir sa flotte militaire présente, afin de se substituer à l’empire turc comme
maître de la Mer Noire et des Détroits.
La marine russe fut créée grâce au tsar Pierre Ier de Russie, plus connu sous le nom de
Pierre Le Grand.
Il fonda Saint-Pétersbourg en 1703 et mit en place une flotte russe dans la baie de
Kronstadt.
Quelques années plus tard, la Grande Catherine donna une deuxième forte impulsion afin
de faire céder les turcs qui occupaient, alors, une majeure partie des rives de la Mer Noire.
Deux escales russes, dont celle de l’amiral Orloff, progressèrent ainsi vers la Méditerranée
occidentale.
9
Les relations entre la France et la Russie ne cessèrent de se développer puisqu’en 1749
c’est un niçois, Jean-Michel Auda, qui devint conseiller de commerce en Russie, alors
qu’existait déjà un Consulat Russe à Nice.
Quelques années plus tard, en 1770, la flotte impériale russe fit d’ailleurs escale dans
la rade de Villefranche sous le commandement d’Alexis Orloff, devenu ami de JeanMichel Auda.
En 1783, la Russie, suite à l’annexion de la Crimée, obtint même le droit de naviguer
librement sur la Mer Noire ainsi qu’un droit de passage par les détroits.
En 1794, la construction du port d’Odessa permit à l’empire russe de posséder un port
commercial important. Mais ce port devint également une base navale stratégique. Comme
l’explique l’auteur contemporain Joseph Duplouy, « l’amirauté russe est ainsi en mesure, par
les détroits de Gibraltar d’une part et du Bosphore d’autre part, de coordonner l’évolution de
ses deux flottes de la Baltique et de la Mer Noire ».
Les Russes aspiraient, alors, à disposer également de la maîtrise des passages entre Mer
Noire et Méditerranée.
Un déplacement aux enjeux
diplomatiques considérables
Après que la Russie ait mis fin au conflit en Crimée et conclu la paix au Congrès de Paris
en mars 1856, un objectif précis a été fixé par le tsar, Alexandre II de Russie, à sa mère,
Alexandra.
A Nice, elle aura pour rôle d’établir un dialogue avec le roi Victor-Emmanuel II.
De même, son frère Constantin, commandant suprême de la marine russe, se devra de
conclure un accord de mouillage en rade de Villefranche au profit des bâteaux de guerre
russes lorsqu’ils opèrent en Méditerranée.
De leur côté, les Savoie ont également tout intérêt à entretenir des relations cordiales avec
la Russie.
Portrait officiel d’Alexandre II
de Russie
La première rencontre entre
l’Impératrice Alexandra et le Roi
Victor-Emmanuel lI
En effet, ils ont besoin au moins de la neutralité – si ce n’est de l’appui – de la Russie afin
de parvenir à prévenir un conflit avec l’Autriche.
Dans un tel contexte, l’activité diplomatique est intense et primordiale.
La première rencontre entre Alexandra Feodorovna et Victor-Emmanuel II eut lieu à Gênes,
où Alexandra faisait escale avant de se rendre à Nice.
Le jeudi 23 octobre 1856 donc, l’impératrice Alexandra rencontra le roi de Piémont
Sardaigne qui tenait à être lui-même présent pour accueillir la mère du tsar.
L’arrivée à Nice de
l’Impératrice Douairière
de Russie
Alexandra embarqua à Gênes sur une frégate de la marine sarde, le « Carlo Alberto », mis
à sa disposition par le roi lui-même.
A l’occasion de son arrivée, le dimanche 26 octobre 1856, la ville de Nice fut plongée dans
une profonde effervescence.
Durant plusieurs jours, la circulation et le stationnement des charrettes furent limités dans
les quartiers sur le point d’être traversés par le cortège impérial.
De même, de nombreuses illuminations furent installées pour l’occasion et les Dames de
La Halle s’activèrent afin d’offrir un magnifique bouquet de fleurs à l’impératrice.
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Celle-ci débarqua dans la rade de Villefranche – le port Lympia ne permettant alors pas un
débarquement à quai – et, après transbordement, se trouva reçue par les autorités locales,
le gouverneur militaire, l’intendant général, et le Sindaco (maire) de la ville de Nice, Adrien
Barralis.
Une importante foule s’était massée afin d’assister à l’arrivée de l’impératrice. La
population niçoise applaudit Alexandra, la Garde Nationale rendit les honneurs.
Le débarquement de S.M. l’impératrice de
Russie, le 26 octobre 1856 à Villefranche.
Dessin et lithographie de Fossat.,
Bibliothèque de Céssole, Nice.
L’arrivée d’autres membres de la
famille impériale
Son cortège impérial se déplaça ensuite en direction de la Villa Avigdor (ci-contre), où le
banquier Septime Avigdor, propriétaire des lieux, s’apprêtait à la recevoir, notamment avec
une sérénade dans ses jardins.
L’on raconte que l’impératrice Alexandra, touchée par tant d’égards, remercia
chaleureusement, en français, toutes les personnes s’étant investies pour un tel accueil.
L’impératrice fut très vite rejointe par son fils, le grand-duc Michel, en janvier 1857. Il
s’installa, alors, à proximité, chemin des Anglais, dans la demeure de la vieille famille
niçoise, la Villa De Orestis.
De même, son autre fils, le grand-duc Constantin loua dès le premier trimestre 1857 la
Villa Lavit.
Ce choix était judicieux : le grand-duc se trouvait à quelques pas de la Villa Avigdor dans
laquelle résidait sa mère.
Le grand-duc Constantin se rendit à Nice, non pas pour une visite de courtoisie, mais en sa
qualité de commandant suprême de la Marine russe. En effet, son frère, le tsar Alexandre
II, lui avait confié pour mission de négocier avec le roi de Piémont-Sardaigne la location
d’une escale navale à Villefranche.
Le grand-duc Constantin vint donc plusieurs années d’affilée à Nice, durant les hivers, afin
d’obtenir la mise en place d’un accord de mouillage en rade de Villefranche.
Les entretiens entre
l’Impératrice et le Roi
Le 22 janvier 1857, le roi Victor-Emmanuel II arriva à Nice pour la première fois, malgré
ses huit années de règne sur le trône de Sardaigne. Il débarqua à Villefranche, puis fit son
entrée à Nice, où il ne fut accueilli qu’avec très peu d’enthousiasme, les niçois ayant bon
nombre de revendications à lui présenter.
Mais l’intérêt de son déplacement n’était pas là. Le roi était venu afin de rencontrer
l’impératrice de Russie Alexandra Feodorovna et de maintenir la récente amélioration des
relations diplomatiques entre leurs deux états. Son voyage fut d’ailleurs soigneusement
préparé et rien ne fut laissé au hasard.
Dès le 15 janvier 1857, trente-sept chevaux des écuries royales arrivèrent à Nice, ainsi
qu’une grande quantité de meubles, de malles et de coffres contenant de l’argenterie, en
vue des réceptions à venir.
De même, la veille de l’arrivée du roi, les deux plus éminents ministres du gouvernement
sarde, le ministre des finances Cavour et le ministre de l’intérieur Rattazi se rendirent
également à Nice.
Le 22 janvier au matin, après une courte étape au Palais du Gouvernement, devenu pour
l’occasion le Palais Royal, le roi et son escorte se dirigèrent vers la Villa Avigdor afin de
rejoindre l’impératrice, qui attendait Victor-Emmanuel II sur le perron de sa résidence.
Après ce second entretien – celui de Gênes revêtant un caractère beaucoup plus
protocolaire – le roi s’installa au Palais Royal.
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Les jours qui suivirent furent marqués par de grandes réceptions, tantôt à la villa Bermond,
tantôt au Palais Royal.
Ainsi, dès le lendemain, l’impératrice, et sa belle-sœur la grande-duchesse veuve Hélène
de Russie, accueillirent Victor-Emmanuel II à la Villa Bermond.
Le 24 janvier, c’est au Palais Royal que les festivités eurent lieu. De même, le dimanche 25,
après avoir assisté à l’office dominical à la cathédrale Sainte Réparate, le roi reçut ses
invités et leur fit découvrir un somptueux feu d’artifice.
Après une soirée de bal le mardi suivant, le mercredi 28 le roi et sa cour dînèrent chez
l’impératrice avant de s’apprêter à repartir de Nice. Le roi quitta finalement les lieux vers
minuit, empruntant la route de Gênes via Menton.
A peine deux mois plus tard, le 1er avril 1857, Victor-Emmanuel II revint à Nice. Le jeu
politique et diplomatique international instauré quelques mois auparavant se poursuivit. Le
roi souhaita toujours trouver des soutiens pour chasser l’Autriche des Habsbourg du Nord
de l’Italie et vit en la Russie un allié potentiel précieux.
A nouveau, il s’entretint avec l’impératrice de Russie avant que cette dernière ne mette fin
à son séjour niçois.
Les conséquences du séjour de
l’Impératrice
Ils se virent pour la dernière fois lors d’un grand diner organisé au Palais Royal par le roi
sarde le 2 avril 1857.
Tout d’abord, il demeure essentiel de préciser que ce séjour eut une conséquence
importante et durable : l’amplification de la présence des Russes à Nice.
En effet, en 1850, l’on dénombrait cinquante-deux familles russes à Nice. Dix années plus
tard, il y en avait deux cent quatorze.
La ville de Nice ainsi que ses alentours ont connu énormément de changements après ce
séjour.
La base navale Russe de la
rade de Villefranche
De janvier à avril 1857, Nice fut donc le lieu privilégié des pourparlers relatifs à l’escale de
la flotte russe dans la rade de Villefranche. L’objet exact des négociations était en réalité
l’ancien bagne savoyard de la rade.
Le roi de Piémont-Sardaigne avait en effet fait construire en 1769 une prison pour les
galériens. Et c’est cet endroit que les russes souhaitaient aménager comme « lieu de dépôt
pour le charbon et les vivres de navires de guerre ».
Le comte de Stackelberg, avant l’arrivée de l’impératrice, avait d’ailleurs officiellement
demandé à Cavour, par une lettre du 15 octobre 1857, la cession de l’ancien bagne
« pour l’établissement de magasins et même d’un petit atelier de réparations ».
Le gouvernement de Turin accepte relativement rapidement, sans qu’un accord soit pour
autant formalisé.
La base navale russe devient très vite un élément tactique sur la scène internationale.
En effet, en rendant service au tsar, le roi espère obtenir l’appui et le soutien des russes
pour plusieurs projets territoriaux. Il souhaite encore à ce moment là agrandir son royaume
aux dépens de l’Autriche.
Dès l’automne 1858, l’accord de mouillage est effectif.
Le 16 novembre, la marine russe prend officiellement possession des lieux.
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L’évènement reste cependant relativement discret. L’arrivée et le séjour à Nice d’un certain
nombre de princes et de princesses russes fait occulter la présence des navires de guerre
à Villefranche.
Le 4 décembre, le grand-duc Constantin prend officiellement possession des lieux et entre
avec son escadre dans la rade.
Cet évènement a entrainé l’aménagement de la route Nice-Villefranche par le bord de mer.
L’arrivée de la marine russe en rade de Villefranche va immanquablement entrainer un
passage important de voitures et d’attelages divers. Il devient alors très vite impératif de
moderniser la route du bord de mer.
Alors que les responsables niçois avaient dû, dans un premier temps, rendre carrossable le
chemin de Villefranche, après la visite de l’impératrice Alexandra, il devient primordial de
créer un boulevard reliant Villefranche et la place Saluzzo, plus connue désormais sous le
nom de la place Virgile Barel.
Le 14 mars 1857, le Maire Adrien Barralis remet à l’impératrice une paire de ciseaux pour
couper le ruban vert commémorant l’ouverture du chantier, qui sera terminé en 1863,
Napoléon III ayant confirmé l’autorisation pour la base russe d’exister lors du rattachement
définitif du Comté de Nice à la France en 1860.
Evolution de la Base Navale
En 1878, alors que la flotte Russe ne circule plus en Méditerranée, la base est
transformée en laboratoire spécialisé.
En 1884, Alexis Korotneff, venant de Roscoff crée la Station Zoologique dans la
« Maison Russe », ancien bagne des rois de Sardaigne. Il profite en fait du
contexte social et politique. L’engouement des Russes pour Nice, la disparition
de la base navale russe en rade de Villefranche et de son dépôt de charbon du
bâtiment des Galériens du fait de l'abolition des contraintes sur les détroits,
imposée pendant la guerre de Crimée, sont autant de raisons de donner vie à
cette station.
Le financement des recherches est d’ailleurs assuré par la Russie. Korotneff,
Professeur à l'Université de Kiev, est secondé sur place par M. Davidoff.
Les années suivantes sont marquées par l’acquisition du premier navire de la
Station, la Velella.
En 1917, la révolution russe engendre un certain nombre de difficultés
financières. Le laboratoire, pris en charge par le Ministère de la Marine, passe
sous le contrôle de celui de l'Instruction publique, puis est oublié. Des aides sont
demandées auprès de l'Académie des Sciences et du Ministère des Affaires
étrangères également, auprès de l'Institut Carnegie.
Finalement, ce sont les aides du gouvernement tchèque, puis une dotation de
l'Académie russe en 1923 qui lui permettent de survivre. Pendant cette période
délicate, un lien s'établit entre la communauté slave et les biologistes marins
français, confirmant une fois de plus la prédominance de rapports cordiaux
entre la Russie et la France.
De nos jours, l’Observatoire Océanique de Villefranche sur Mer est toujours en
activité, menant de vastes programmes de recherche.
La construction de l’église
orthodoxe russe de la rue
Lonchamp
Lors de son premier séjour à la Villa Avigdor, l’impératrice Alexandra, désireuse de disposer
d’un lieu de culte, avait fait aménager sur la terrasse une petite chapelle provisoire.
Cette chapelle fut d’ailleurs consacrée et l’office célébré selon le rite orthodoxe, grâce à la
présence du pope Pierre Speransky et du diacre Grégoire Bajikoff.
Mais ceci n’était qu’une installation temporaire.
Très vite, devant la recrudescence de russes résidant ou séjournant à Nice, Alexandra
Feodorovna décida de tout mettre en œuvre afin que la communauté ait une église
conforme au rite orthodoxe.
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Cependant, elle se heurta très vite à un problème d’ordre légal. La religion d’Etat étant le
catholicisme, ne pouvaient être construites que des églises ou chapelles de rite catholique
romain.
A cette époque, la tolérance religieuse était prônée, mais les aménagements de la ville pour
d’autres pratiques religieuses n’étaient pas autorisés.
A priori bloquée dans ses démarches, la communauté russe décida de se fonder sur un
précédent récent afin de se faire entendre.
En effet, quelques années auparavant, en 1855, les protestants avaient obtenu
l’autorisation de construire un temple. Les Russes souhaitaient donc obtenir une
autorisation similaire pour leur église orthodoxe.
En avril 1857, avant son départ, l’impératrice Alexandra annonça donc sa participation personnelle
à la souscription publique que le comte de Stackelberg venait de lancer. Ce dernier obtint alors un
terrain dans le quartier Longchamp, alors dénommé le « Campo Longo ».
Mais le pari n’était pas encore gagné. Les Russes durent attendre avant d’avoir un permis
de construire en bonne et due forme. En effet, la municipalité et les autorités locales
craignaient quelque peu les réactions des niçois et de leurs curés.
Finalement, l’action de concert des gouvernements de Saint-Pétersbourg et de Turin permit
de débloquer le dossier par le biais d’un décret royal en date du 4 décembre 1858. Le projet
de construction d’une maison de prière allait enfin voir le jour.
Les milieux catholiques niçois protestèrent cependant et de nombreuses contraintes
architecturales furent imposées.
Par conséquent, la partie sacrée de l’édifice a été placée à l’étage, et l’église ne dispose
pas d’un clocher.
Néanmoins, l’architecte niçois Antoine-François Barraya, aidé de l'architecte synodal
Alexandre Koudinov, se chargea de l’exécution des travaux et prit pour initiative de
rehausser le bâtiment et de le doter d’une large coupole, que les plans initiaux ne
prévoyaient pas.
La construction alla relativement vite. Ainsi, seulement un an après la pose de la première
pierre, l’église, desservie par des prêtres du diocèse de Saint-Pétersbourg, fut consacrée,
le 12 janvier 1860, rue Longchamp.
La cérémonie eut lieu en présence de la comtesse Stroganov, née grande-duchesse
Marie de Russie, fille de l'impératrice douairière, sœur d'Alexandre II et présidente de
l’Académie des Arts.
Si l'impératrice Alexandra, trop affaiblie, restée alitée, ne put se déplacer, l’on trouvait
quand même, parmi les invités, une partie de la famille de la princesse de Bade, ainsi que
des diplomates et des officiels russes.
L’église russe Saint-Nicolas et Sainte-Alexandra, rue Longchamp,
Carte postale de l’époque
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L’église russe Saint-Nicolas et SainteAlexandra, de nos jours
La cérémonie fut coprésidée par le grand-duc Constantin et par sa fille ainée, la grandeduchesse Maria. Malgré son absence en ce jour de consécration, il demeure indéniable que
l’impératrice Alexandra, comme à son habitude, s’était énormément investie dans ce
projet.
Ainsi avait-elle commandée, à son retour en Russie en 1857, une icônostase en bois sculpté
à des artisans d’art de Saint-Pétersbourg. Elle fit également don à l’église d’une précieuse
icône de la Vierge de Géorgie dont la fête coïncide avec le jour où son mari, Nicolas Ier avait
été sacré tsar.
En hommage à son défunt époux, elle décida également de nommer le bâtiment l’église
Saint-Nicolas et Sainte-Alexandra.
Fière de son investissement dans le projet et de l’achèvement des travaux, elle organisa
tout de même, le lendemain de la consécration, une grande réception dans la villa De
Orestis pour les deux-cent invités qu’elle avait conviés la veille.
Ce projet ayant abouti, d’autres idées sont apparues.
La construction du cimetière
orthodoxe
Dans cet élan de construction, apparut l’idée de fonder à Nice un cimetière orthodoxe.
Recteur de l’église de la rue Longchamp, le Père V. Polejaieff consacra alors toute son
énergie à la réalisation d’un cimetière russe. Il parvint à obtenir des fonds de la part des
fidèles et surtout il obtint les autorisations nécessaires de la part des autorités locales par
un arrêté préfectoral du 4 août 1866.
Dès lors, l’administration de l’église obtint le 5 janvier 1867, par-devant notaire, un terrain
qui sera béni quelques jours après.
D’illustres personnalités Russes telles que la comtesse Anna Tolstoï contribuèrent au
développement de ce projet.
Ainsi, le 5 mai de la même année, l’on posa la première pierre de la chapelle pour laquelle
la comtesse offrit, en mémoire de son mari, les deux tiers de la somme nécessaire à son
achèvement.
Le cimetière s’avéra très vite être un lieu de sépulture pour les résidents permanents, mais
aussi pour ceux dont les familles ne pouvaient se permettre d’envisager un rapatriement
des dépouilles en Russie.
En effet, en 1859, avec la recrudescence d’hivernants russes, les infrastructures destinées à la
communauté demeuraient dès lors non seulement fort appréciables mais nécessaires.
Le cimetière de Caucade compte plus de 3.000 tombes.
L’on peut notamment y trouver la Princesse Marina Petrovna Romanov dite Maria
Petrovna de Russie, Princesse Galitzine, née à Nice en 1892 et décédée à l’âge de 89 ans.
Maria était membre de la Maison de Holstein-Gottorp-Romanov.
Repose également Hélène de Serbie, née en 1884, épouse du Prince de Russie Ioann
Constantinovitch, et décédée à Nice en 1962.
La construction de cette église et de ce cimetière a des conséquences sur la ville de Nice.
Afin de calmer les esprits quelque peu réticents à la construction de lieux de culte
orthodoxe, Alexandra Feodorovna va s’engager et œuvrer généreusement pour un hôpital
de la ville et va surtout contribuer à la création de la première caisse d’épargne.
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Dons et aide à la fondation de la
Cassa di Risparmio
L’on suppose que toutes les décisions importantes relatives à l’amélioration des rapports
entre Nice et la Russie ont été prises lors de la seconde visite du roi Victor-Emmanuel II, le
1er avril 1857.
En effet, l’impératrice Alexandra s’est par la suite montrée très généreuse puisqu’elle a fait
un don de deux-mille lires pour l’hôpital de Saint-Roch, afin d’aider à fournir du linge aux
malades dans des conditions d’extrême pauvreté.
Dans les faits, cet argent a plutôt servi à finaliser la construction du nouvel hôpital, rue
Scaliero, dont la construction avait débuté en 1853, sous l’impulsion du Maire, Adrien Barralis.
Quoiqu’il en soit, le Conseil municipal s’est montré ravi d’un tel don puisqu’il déclarait, le
16 avril 1857 : « Le Conseil charge le maire de présenter au nom de la ville de Nice à Sa
Majesté l’impératrice Douairière de toutes les Russies une lettre lui exprimant de vifs
remerciements pour les dons qu’elle a bien voulu consentir en faveur de l’hôpital Saint-Roch
et pour le lancement d’une caisse d’épargne ».
Alexandra Feodorovna ne s’est en effet pas contentée de donner de l’argent pour les hôpitaux
niçois, elle a aussi participé à la création de la première caisse d’épargne de Nice.
Au XVIIIème siècle, les caisses d’épargne étaient relativement rares et se trouvaient
essentiellement en Allemagne, en Angleterre et en Suisse.
La plus ancienne caisse d’épargne d’Europe a d’ailleurs été fondée à Hamburg en 1778.
Ce n’est qu’après les guerres napoléoniennes, à partir de 1815, que les caisses
apparaissent dans la plupart des pays européens. Dès lors, le processus de création de
caisses d’épargne va prendre beaucoup d’ampleur.
Même si elles se présentent sous des formes diverses et ne fonctionnent pas
complètement de la même façon, le but est toujours de venir en aide aux plus défavorisés
en leur permettant d’épargner afin de mieux faire face à l’avenir.
L’apparition des caisses d’épargne à une époque où la société est très stratifiée et très
inégalitaire est donc très appréciée.
Même si la création de ces banques répond à un besoin social, il faut préciser que les Etats
ne sont que très rarement à l’origine du projet. Ce sont des particuliers, notables, bourgeois
ou aristocrates qui fondent ces caisses.
L’intérêt de ces caisses est double : elles permettent de réduire la misère populaire et par
conséquent d’éviter la naissance de troubles de l’ordre public.
En France, la création de la première Caisse d’Epargne remonte à 1818, à Paris.
Le mouvement se généralise par la suite dans l’hexagone et dans les années 1850, des
villes telles que Rouen, Nantes, Troyes, Brest, Marseille, Lyon, Reims, Le Havre, ou encore
Antibes ont toutes leur caisse d’épargne.
Du côté du royaume de Piémont-Sardaigne, alors sous la souveraineté de la maison de
Savoie, le processus de création de caisses est arrivé plus tardivement.
Ainsi, c’est en 1827 qu’est fondée la première Caisse d’Epargne sarde, dans la ville de
Turin. Les suivantes voient le jour à Chambéry, Alessandria et Annecy.
La situation de Nice en la matière est quelque peu particulière. En terme d’habitants, la ville
est plus importante qu’Annecy ou Chambéry. Pourtant, il va falloir attendre 1858 pour
qu’elle soit dotée de sa propre Caisse d’Epargne.
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Il peut paraitre étrange qu’une grande ville ait attendu aussi longtemps avant d’ouvrir sa
caisse. D’autant plus qu’aucune décision politique du gouvernement de Turin ne semble
avoir freiné cette création. Aucun obstacle gouvernemental ne s’est dressé face à Nice,
mais aucune aide particulière n’a été fournie pour autant.
Il y a fort à parier que la crise politique et financière de 1848 a été un facteur défavorable
à la création d’une Caisse d’Epargne à Nice. La nouvelle constitution adoptée, le Statuto, a
retardé son apparition.
Ainsi, il faut attendre le 10 février 1853 pour qu’un homme, Jules Avigdor, dans un article très
détaillé du journal « l’Avenir de Nice », prenne ouvertement position en faveur de la création
d’une Caisse d’Epargne niçoise.
Il souhaite une Caisse d’Epargne « ayant un caractère privé […] complètement indépendante
de l’Etat, dans l’organisation et la gestion » et plaide ainsi pour une
« véritable banque du travailleur », une « tirelire de l’ouvrier économe ».
Et Jules Avigdor ne se contente pas de lancer l’idée d’une banque d’un genre différent, il
s’engage aussi à apporter sa propre contribution financière. Ainsi annonce-t-il qu’il
donnera cent francs annuellement « jusqu’à ce que les frais d’installation soient couverts
par le produit de la Caisse ». Malheureusement, cet appel public n’aboutit à rien.
En 1854, un nouveau projet voit le jour. Lors d’un Conseil municipal, un certain Giordano
propose à la municipalité de créer une Caisse d’Epargne afin d’aider les ouvriers,
notamment, à économiser.
Adrien Barralis, le maire de Nice s’y intéresse alors.
Mais les souscriptions privées ne sont, encore une fois, pas à la hauteur des espérances et
des exigences du projet.
L’on comprend mieux, alors, pourquoi la générosité de l’impératrice Alexandra va être un
élément déterminant dans la construction de la Cassa di Risparmio di Nizza. Sa
contribution financière est d’autant plus appréciable et nécessaire que, dans le droit sarde,
les caisses d’épargne sont des sociétés par actions, et qu’il faut donc impérativement des
actionnaires riches afin de constituer les premiers fonds propres.
Le projet Giordano abandonné, il faudra attendre 1857 pour que Septime Avigdor, le frère
de Jules Avigdor, reprenne le combat mené par ce dernier, décédé en 1856.
La même année, un journaliste anonyme publie également un article dans « l’Avenir de Nice »,
réitérant l’idée selon laquelle une Caisse d’Epargne à Nice est nécessaire.
L’article dénonce entre autres « l’apathie de l’administration municipale » ainsi que des
« administrateurs bien coupables d’avoir négligé par le passé et de négliger encore la
création d’une œuvre de bienfaisance qui intéresse au plus haut degré toute la population
ouvrière ».
Mais, à plusieurs reprises, la tentative a échoué faute de moyens. Turin aurait fixé un capital
minimum de douze mille lires, alors même que le gouvernement royal ne pouvait apporter
son concours financier et que la ville de Nice ne pouvait s’engager faute de moyens
financiers suffisants à ce moment là.
Dans un tel contexte, l’arrivée de l’impératrice apparait comme une opportunité
exceptionnelle de donner vie à ce projet.
Adrien Barralis, apprenant sa visite, ainsi que celle du roi Victor-Emmanuel II, a
certainement compris que l’occasion était rêvée. De plus, les manœuvres diplomatiques
engagées lors de cette visite pouvaient probablement servir cette cause.
Si l’on ne connait pas les circonstances exactes dans lesquelles l’impératrice a pris sa
décision, il est certain qu’Alexandra a largement contribué à la création de la Cassa. Ainsi
a-t-elle donné six mille lires.
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Ce don est vécu comme un véritable don du ciel. L’on suppose que dès 1815/1820,
l’impératrice a eu vent de ce courant d’idées visant la protection sociale des plus pauvres
et qu’elle a voulu participer à ce projet, le royaume sarde ayant par ailleurs également aidé
la Russie dans ses projets.
Une fois de plus, la communauté russe – et plus particulièrement la famille impériale dans
le cas présent – marque une nouvelle fois de son sceau la Côte d’Azur, contribuant à son
développement. .
L’annexion de Nice par la France
et le retour de l’Impératrice
C’est le 17 octobre 1859, à bord de la frégate Svetlana que l’impératrice douairière de
Russie revient à Nice.
Ce retour, retardé à plusieurs reprises à cause de la guerre franco-sarde contre l’Autriche,
fut de nouveau un évènement.
En effet, grâce à ses dons multiples pour la ville, l’impératrice Alexandra demeurait
extrêmement populaire.
Un journaliste rappelle d’ailleurs à son propos ses « inappréciables qualités et les actes
incomparables de bienfaisance prodigués » pour Nice.
De nouveau, Alexandra Feodorovna s’installe à la Villa De Orestis, demeure dans laquelle
elle avait séjourné la première fois. Ce choix au détriment de la Villa Avigdor n’est pas un
hasard.
L’impératrice y voit un intérêt pratique indéniable : elle demeure plus proche de son
entourage qui séjourne dans le quartier avoisinant, le quartier de la Croix de Marbre. De
plus, elle se trouve également proche de l’église du Campo Longo qu’elle désire ardemment
visiter malgré les travaux encore inachevés.
En 1860, l’année de la consécration de l’église, l’impératrice y séjournera d’ailleurs de
nouveau, l’annexion de Nice à la France n’ayant altéré en rien ses rapports avec la
région.
Elle s’éteindra en Russie quelques mois plus tard, en novembre 1860.
Les années suivantes, ce sont des circonstances malheureuses qui vont favoriser les
relations entre la Russie et la Riviera.
Nicolas Alexandrovitch, une empreinte indélébile dans la ville
Le second temps fort dans l’histoire des relations entre la famille impériale Russe et la Côte
d’Azur est né de la présence à Nice de Nicolas Alexandrovitch de Russie, et de sa mère
Marie Alexandrovna.
Nicolas Alexandrovitch est le deuxième enfant et le premier fils de l’empereur Alexandre II et
de l’impératrice Marie Alexandrovna, née princesse de Hesse-Darmstadt.
En 1860, le grand-duc, âgé de 17 ans fit une chute de cheval et heurta violemment sa
colonne vertébrale. Ceci ne l’empêcha pas de parcourir la Russie les quatre années qui
suivirent, puis de la quitter pour se rendre en Europe, en juin 1864.
Accompagné de sa suite, à savoir, notamment du comte Strogonoff, du colonel Richter,
du lieutenant Kozloff, du Prince Bariatinsky, des professeurs Stassioulevitch et
Tchitchérine, ou encore de son médecin personnel, le docteur Chestoff, il se rendit ainsi
à Kissingen, à Scheveningue – où il prit d’ailleurs des bains de mer, conseillés par les
médecins de Saint-Petersbourg – ou encore à Fredenborg, près de Copenhague.
Il séjourna ensuite à Nice.
18
Le séjour de Nicolas
Alexandrovitch à Nice
En septembre 1864, alors qu’il n’avait ressenti qu’à deux reprises des douleurs dans l’épine
dorsale depuis son malencontreux accident, il eut une violente rechute. Ainsi, après avoir
passé quelques jours à Copenhague aux côtés de sa fiancée la jeune Princesse Dagmar,
il fut décidé qu’il irait retrouver sa mère à Nice.
Marie Alexandrovna avait en effet déjà pris pour habitude de séjourner à Nice six mois par
an, dans la villa Bermond.
Depuis 1856, la villa Bermond était devenue un point de rassemblement des membres de
la famille impériale et de sa cour.
La villa Bermond et ses alentours, notamment la propriété Peillon, étaient occupées par les
russes, renforçant ainsi la fréquentation du quartier du boulevard Tzarewitch.
Nicolas Alexandrovitch débarqua donc le 13 novembre à Nice, ville qu’il découvrait pour la
première fois. Après y avoir séjourné quelques temps avant de se rendre à Florence, il
regagna la Riviera le 1er janvier 1865 et s’installa au premier étage de la villa Diesbach.
L’état de santé du jeune prince commença à se détériorer. Se mouvoir devint de plus en
plus difficile et ses proches commencèrent à craindre le pire.
En mars 1865, son état d’épuisement s’aggrava. Las du bruit des vagues qui l’empêchait
de dormir, il s’installa à la villa Bermond.
Le 11 mars, « Le Journal de Nice » publia un article relatant l’inquiétude générale quant à la
santé du grand-duc héritier.
Un mois plus tard, son état empira encore. Le diagnostic du professeur Burci qui le suivait
depuis un certain temps se vérifia alors tragiquement.
Dès lors, l’impératrice ne quitta plus son chevet, et son père, l’Empereur Alexandre II, quitta
précipitamment Saint-Pétersbourg pour Nice.
Présentation du corps du Grand-Duc à
l’église de la Rue Lonchamp,
le 26 avril. Gravure d’après un croquis
de M.Lieto.
(Photo : M. de Lorenzo. Bibliothèque de
Cessole, Nice)
L’hommage rendu
suite à son décés
L’on raconte que la population niçoise fut très touchée par cette nouvelle, elle se porta
d’ailleurs en foule vers la villa Bermond.
Le 22 avril 1865, l’empereur fut accueilli à la gare par une foule immense et
silencieuse. Le 24 avril, après que le clergé ait récité la prière des agonisants, Nicolas
Alexandrovitch s’éteignit.
Un détachement de cinquante chasseurs de la garde impériale française prit la garde dans
le parc de la villa Bermond.
Les aigles étaient voilés, les officiers portaient le crêpe à l’épée.
En ville, tous les édifices publics portaient les drapeaux à mi-hampe ou voilés.
Les navires, à Nice et à Villefranche, avaient mis leurs pavillons en berne.
Lorsque le corps fut transporté à l’église russe de la rue Longchamp, la population niçoise
suivit le cortège. Son corps fut alors emmené à Villefranche et embarqué dans une frégate
pour être inhumé à Saint-Pétersbourg.
La ville fut profondément touchée par le décès de cet homme si jeune, et si bon.
L’historien Stassioulévitch déclara d’ailleurs à son sujet : « Ce n’est pas seulement un
homme qui a disparu. C’est aussi la jeunesse, la beauté… C’est un jeune homme qui
personnifiait les espoirs en l’avenir de millions de braves gens. C’est la noblesse, la bonté,
l’affabilité, l’esprit de justice et d’équité. C’est le symbole de tout ce qui nous est cher et
sacré sur cette terre. »
19
Une chapelle commémorative
dresssée à la place
de la Villa Bremond
Alexandre II, profondément bouleversé par la disparition de celui qu’il avait formé pour être
son digne successeur, souhaita rendre hommage à son fils.
Il acheta la propriété Bermond et fit raser la grande habitation d’une quarantaine de pièces
afin de faire élever en 1867 une chapelle commémorative, le « Mausolée Impérial », à
l’emplacement exact de la chambre où le jeune prince s’était éteint.
Les historiens contemporains racontent que le désir d’Alexandre II était de construire cette
chapelle dans un « jardin d’Eden », l’endroit n’étant pas, à l’époque, entouré de
constructions.
La chapelle, inaugurée le 26 mars 1869 en présence du Grand-Duc Alexandre
Alexandrovitch (futur Alexandre III) peut toujours être visitée de nos jours.
L’on peut y trouver une croix en fer forgé à l’endroit même où Nicolas Alexandrovitch est
décédé.
Elle est également ornée de nombreuses icones, dons des corps d’armée impériale, faisant
honneur au Tsar qui se trouve être le chef des armées. Ainsi, l’on peut trouver des
représentations de différents Saints, tels que Saint Michel, Sainte Olga, Saint Paul le
confesseur, ou encore Sainte Trinité.
La chapelle commémorative de nos jours
La construction de la Cathédrale
orthodoxe de Nice
Une autre chapelle est également dédiée à Saint-Nicolas, en hommage à Nicolas
Alexandrovitch. Elle fut érigée en mars 1868 sur le territoire du cimetière récemment
fondé, en souvenir du Tsarévitch.
La construction d’une grande église orthodoxe, reconnue de nos jours comme la
cathédrale russe de Nice, débute en 1903.
Elle sera très bien accueillie, répondant à l’expansion de la colonie russe qui l’a rendue
nécessaire.
Pour l’anecdote, il convient de préciser que la princesse danoise, la princesse Dagmar
qui avait été fiancée au grand-duc héritier décédé, fut par la suite mariée à son frère le
grand-duc Alexandre.
Le couple – dont l’union avait été acceptée par Nicolas Alexandrovitch lui-même, qui,
ayant compris leurs sentiments réciproques, avait réuni leurs mains sur son lit de mort –
s’investit dans la construction de l’église.
La princesse Dagmar, renommée Maria Feodorovna, ayant fixé sa résidence à Cap d’Ail
à cette époque, prit une part essentielle dans la décision de construire ce lieu de culte
orthodoxe.
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En décembre 1912, donc, est inaugurée la nouvelle église Saint-Nicolas, à laquelle le
Saint-Synode accorda le titre de Cathédrale - fait unique pour une église hors de Russie
- afin de marquer sa reconnaissance à l’Empereur régnant, Nicolas II, qui avait cédé son
domaine du « Mausolée Impérial » pour son érection, et permis, par sa générosité,
l’achèvement des travaux.
Cette cathédrale est encore de nos jours considérée comme le plus grand édifice
orthodoxe russe situé hors de Russie. Elle a été classée monument historique en
1987.
L’on y retrouve un bulbe central, ainsi que plusieurs bulbes plus petits, nécessaires en
Russie afin de protéger les toits des violentes neiges qui peuvent parfois s’abattre sur
une ville en hiver.
La création d’un boulevard en son
honneur
L’église n’est d’ailleurs pas sans rappeler
Saint-Basile près du Kremlin. Un boulevard,
nommé le boulevard Tzaréwitch, perpétue
également le souvenir de Nicolas
Alexandrovitch à Nice.
21
Fin du XIXème siècle : la poursuite des aménagements russes
sur la Riviera
De nouveaux aménagements dans la ville de Menton
En 1880, le cimetière orthodoxe de Menton est aménagé.
Depuis 1917, des familles de descendants de Russes blancs y sont enterrées. Les cendres
de l'amiral Grigorovitch, dernier ministre de la marine de l'Empire de Russie, ont été
solennellement transférées en 2005 de Menton à Saint-Pétersbourg avec tous les honneurs
officiels et militaires rendus.
L’année 1880 fut une année majeure dans le développement et l’implantation des Russes
à Menton. Après le cimetière, la grande duchesse Anastasia, petite fille de l’empereur
Nicolas I er et tante du tsar Nicolas II, décide de créer une société russe dénommée
« Association orthodoxe russe de Sainte-Anastasie », afin de permettre aux citoyens
de son pays de venir séjourner dans une maison de repos.
Cet établissement était, à l’origine, le bâtiment abritant la clinique Hermitage de Menton.
Ce n’est qu’en 1908 que l’association vend l’Hermitage et construit un autre bâtiment qui
sera l’actuelle Maison russe.
En 1882, la grande duchesse va également être à l’origine de la création d’un groupe
financier destiné à venir en aide aux sujets russes malades.
La communauté russe, relativement importante à cette époque, ne possède pas encore de
lieu de culte dans les environs.
Ainsi, en 1884, le comte Protassov-Bechmetieff fait édifier au cimetière du Vieux Château
une chapelle orthodoxe possédant une crypte dans laquelle sont recueillis les restes
mortels des ressortissants russes. Les plans de cette chapelle sont établis par Yourassof,
alors vice-consul de Russie à Menton. Elle est inaugurée le 12 mars 1886.
Un peu plus tard, en 1892, est construite l’église orthodoxe de la rue Paul Morillot, grâce à
des fonds à nouveau recueillis par la grande duchesse Anastasia et provenant de dons de
riches familles russes.
L’église est consacrée le 24 octobre 1892. Dédiée à la Vierge et à Saint-Nicolas, elle est
nommée l’église de Notre-Dame joie des affligés et Saint-Nicolas le Thaumaturge.
Cette nouvelle église, symbole de la présence russe à Menton, communiquait directement
avec la maison de repos l’Hermitage.
Des investissements immobiliers dans la région
A Cannes, en 1883, la vicomtesse Dulong de Rosnay achète un terrain et fait construire une
maison, louée au grand duc Michel Mihaïlovitch, oncle de Nicolas II, en 1895 et 1896. En
1897 la comtesse de Torby, petite-fille de Pouchkine, épouse morganatique du grand duc
Mikhaïl Romanov, acquiert la propriété et fait agrandir la maison, dès lors baptisée Villa
Kazbek, du nom d'un mont du Caucase où le grand duc tenait garnison. Pendant plus de
30 ans, Mikhaïl et son épouse y ont séjourné, avant que ce dernier n’y décède, le 26 avril
1929.
Anastasia Mikhaïlovna Romanova, grande duchesse de Russie, était l'une des princesses
qui fréquentait régulièrement la Riviera. Petite fille du tsar Nicolas Ier, Anastasia passe son
enfance dans un Caucase sauvage et austère. Elle accompagne ensuite son mari le grandduc Frédéric François, prince de Wenden-Schwerin et Ratzebourg à Cannes où il a pris
possession de la Villa Wenden, construite sur les premiers contreforts de la Californie.
22
Ces deux propriétés princières surplombent d’autres demeures de notables et fidèles de la
cour impériale, notamment celle de la princesse Alexandra Feodorovna Skrypitzine, épouse
du consul Eugène Tripet.
En 1882, la Villa La Tropicale est construite, dans l’avenue du même nom à Cannes, pour le
prince et la princesse Lobanov-Rostovsky.
Le prince Alexey Borisovitch Lobanov-Rostovsky, dont le père Dmitri Ivanovitch LobanovRostovsky était l’homme de confiance de Catherine II, gouverneur de Saint-Pétersbourg en
1808, fut ministre des Affaires étrangères du tsar Alexandre II. Le Prince et Nadedja
Schablickine, son épouse, se rendaient souvent à Cannes, dans leur villa. Ils y donnèrent
d’ailleurs de grandes réceptions jusqu’à la guerre de 1914.
Petit à petit, Cannes devient un lieu résidentiel privilégié par les familles princières russes.
La ville de Nice n’est pas en reste. En 1867, le baron Paul Von Derwies, financier russe,
ingénieur ayant investi et fait fortune dans les chemins de fer, conseiller du tsar Alexandre
II, décide d’acquérir de grandes parcelles dans le vallon de Valrose.
Un grand chantier se met alors en place. Plus de 800 ouvriers œuvrent pendant 3 ans dans
le but de construire deux châteaux, une salle de concert, ainsi que fontaines, grottes et serres,
notamment.
Le projet, de plusieurs millions de francs-or témoigne une nouvelle fois de l’investissement
immobilier des russes sur la Riviera.
Désormais transformé en campus, Valrose accueille la présidence de l’université de Nice
Sophia-Antipolis depuis 1965.
Depuis 1991, le grand château, le petit château et le parc sont classés monuments
historiques par arrêté du 22 juillet 1991.
Un nouveau lieu de culte à Cannes
L’archiprêtre orthodoxe Grégoire Ostrooumof, aumônier de la grande duchesse Anastasia
Mikhaïlovna Romanov est missionné, dans les années 1880-1890, pour faire bâtir une église
orthodoxe russe à Cannes, afin d’accueillir les fidèles de la ville. Le grand-duc Michel
Mikhaïlovitch, fils de Michel Nicolaevitch, lui-même fils de Nicolas 1er, séduit par ce projet,
prend la présidence d’un comité chargé de recueillir des fonds pour financer les travaux. Très
vite, 60.000 francs-or sont réunis, et Madame Tripet Skrypitzine fait don d’un terrain de
1.750m2 situé non loin de l’avenue des Pins, rebaptisée depuis boulevard Alexandre III.
L’église sera donc érigée au pied de La Californie, à l’est de l’agglomération cannoise.
L’architecte cannois Louis Nouveau est chargé de la construction. La première pierre de
l’édifice est posée en avril 1894.
Le 22 novembre 1894 a lieu l’inauguration, devant bon nombre de princes, ducs, duchesses
et invités de tout rang. Le métropolite de Saint-Pétersbourg en personne, Monseigneur
Pallade, y est d’ailleurs présent, portant avec lui le message de félicitation de Nicolas II
Alexandrovitch, tsar depuis le 1er novembre 1894.
Dans un premier temps, l’église ne possède pas de clocher, faute de moyens. Il fallut
attendre janvier 1896 et l’aide d’un riche donateur, Monsieur Elaguine, qui fit venir de
Russie sept cloches.
A l’intérieur, la décoration provient en majorité de dons effectués par des notables russes,
comme la famille Tchikhatchev.
En 1897, une maison de trois étages destinée à loger le clergé est construite au nord de
l’église. De même, début 1900, un certain nombre de dons a porté la superficie totale du
terrain de l’église à 5.612m2.
23
Le rayonnement de l’église va être intensifié par la succession d’évènements tels que le
mariage du grand-duc André, cousin du dernier tsar Nicolas II, avec Mathilde Kchassinka,
ou encore les obsèques solennels du grand-duc Nicolas Nicolaïevitch Romanov, en janvier
1929, en présence de la reine d’Italie, de la princesse de Roumanie, du maréchal Pétain et
de nombreuses autres personnalités.
La présence des Russes à Cannes sera d’autant plus encouragée par cette nouvelle
construction.
L’arrivée et le séjour de la famille impériale sur la Riviera, malgré les circonstances
tragiques précédemment relatées, a marqué le début des relations entre la Russie et la
Côte d’Azur.
Un certain nombre d’aménagements a permis aux Russes de trouver dans la région des
lieux de culte et de recueillement.
Mais, dans le même temps, d’autres évènements ont également favorisé le développement
des relations entre Russes et Azuréens.
L’accueil de la famille impériale russe à Nice : la construction du Parc
Impérial
Quelques décennies plus tard, en 1900, fut construit l’Hôtel du Parc Impérial (ci-dessous), un
projet de grande envergure, pour la famille impériale russe, toute sa suite, ainsi que pour les
hivernants russes.
Le bâtiment est doté d’un caractère spectaculaire, même pour ses contemporains. Sa
beauté et surtout ses dimensions en font encore de nos jours un des monuments les plus
imposants de la ville.
A sa création, c’est un nouvel établissement dans la catégorie des hôtels de premier ordre
qui confirme la vocation de station hivernale de Nice. À l’époque, ce n’est pas seulement
un bâtiment qui vient s’inscrire dans le paysage niçois. Sa construction marque le passage
d’une économie agrico-touristique à une économie plutôt touristico-industrielle.
L’accueil des hôtes étrangers vient s’ajouter à l’activité agricole et entraîne la construction
de nouvelles villas à côté de l’emplacement de la villa Bermond. Leur nom évoque les
hivernants prestigieux qui y ont séjourné.
Ainsi, les villas Alexandrovitch et Grande Duchesse Marie rappellent-elles la présence de la
famille impériale russe.
Dès les prémices de sa création, l’hôtel désire être mis en avant, et rappeler son lien avec
la famille impériale russe, notamment afin de concurrencer l’hôtel Régina du quartier de
Cimiez, construit peu auparavant, pour accueillir la Reine Victoria.
24
L’hôtel a vocation à être relié à deux artères importantes : le boulevard Gambetta et le boulevard
du Tzaréwitch. Il possède les avantages liés à la proximité de la ville, tout en gardant ceux de se
trouver en dehors du tissu urbain dense. Les terrains disponibles sont encore étendus, à des
prix relativement raisonnables et permettent donc une forte plus-value.
Le commanditaire de cette vaste construction, Jean-Baptiste Benoît Gay, réputé pour être
« un hôte fidèle de Nice » collaborera étroitement avec l’architecte des lieux, Adam Dettloff,
un Polonais, dont les précédentes œuvres ont déjà été considérablement appréciées à
Nice.
Le Parc Imperial de nos jours
Après l’achat du domaine, Gay fait dresser un plan qui découpe les terrains en 73 lots de
dimension similaire, avoisinant les 100 m2 de superficie. Plusieurs avenues sont tracées. Le
Grand Boulevard du Parc Impérial se raccorde au boulevard Gambetta. L’avenue Gay se
raccorde au boulevard du Tzarévitch. Trois avenues s’orientent directement sur le bâtiment
de l’hôtel projeté : l’avenue de Russie (aujourd’hui Suzanne Lenglen), l’avenue d’Angleterre
(aujourd’hui avenue Paul Arène) et l’avenue Impérial (aujourd’hui avenue Anatole France).
Créer un tel hôtel, avec de somptueuses villas aux alentours a une vocation : répondre aux
attentes d’une clientèle aisée, bourgeoise ou aristocratique. Les journalistes de l’époque
parlent d’ailleurs de l’émergence d’un second Parc Monceau à Nice.
La Russie est une nouvelle fois mise à l’honneur et un certain souci du détail se fait sentir :
le Pavillon Impérial est l’aboutissement de l’avenue de Russie.
Quoiqu’il en soit, après plusieurs années d’efforts, la cérémonie d’inauguration du bâtiment
a lieu le 18 janvier 1902. Elle intervient au cœur de la saison hivernale et la veille d’un temps
fort du calendrier des festivités, à savoir le carnaval.
Au final, le bâtiment obtiendra en récompense au concours municipal des primes à
l’architecture une médaille d’or en 1902. Le jardin est lui aussi récompensé d’une médaille
d’argent.
Les courts de tennis de l’hôtel furent le théâtre des exploits de la championne Suzanne
Lenglen.
L’hôtel, privé de ses hôtes traditionnels, en conséquence des évènements historiques en
Russie, sera finalement transformé en lycée en 1924.
Il convient de préciser que d’autres structures hôtelières ont vu le jour à cette époque afin
de répondre aux exigences des hivernants fortunés notamment Russes. Ainsi, l’hôtel BeauRivage fut inauguré en 1882 et le Negresco en 1913.
La période historique qui suit s’avéra beaucoup moins légère.
Les révolutions du début du XXème siècle : une nouvelle dynamique
Des vagues successives d’immigration en France
Avant 1870, les Russes présents à Nice étaient relativement peu nombreux. Seuls les
hivernants et autres touristes venaient y séjourner.
25
C’est à partir de 1905, après les troubles politiques et sociaux agitant la Russie cette année
(Dimanche rouge de Saint-Pétersbourg et mutinerie du Cuirassé Potemkine), que vingt-cinq
mille émigrés politiques viennent rejoindre les quinze mille aristocrates, écrivains ou riches
intellectuels déjà installés en France.
En 1917, après la Révolution d’octobre, nombreux sont les Russes qui se voient
également contraints de quitter leur terre natale pour se réfugier en France. Jean-Jacques
Depaulis, dans son livre « Novaritchs, les nouveaux princes de la Côte » déclare d’ailleurs
que « la French Riviera passe du statut de villégiature impériale à celui de terre d’exil des
Russes blancs ».
Hélène Menégaldo estime quant à elle que « Nice, Cannes et Menton sont la « Riviera Russe
» ; maisons de retraite et de repos, sanatoriums et colonies de vacances, financés par des
mécènes et des associations caritatives, perpétuent les traditions de villégiatures d’avant la
révolution. »
Cette année là, bon nombre de soldats expéditionnaires russes ayant combattus en France
et n’ayant pu rejoindre leur pays arrivent. Les combattants des armées blanches de
Denikine et Wrangel rejoignent également la France, malgré un état d’affaiblissement
relativement inquiétant.
« La semaine Russe », dans un article, les décrit d’ailleurs comme « affreusement mutilés,
arrivés on ne sait d’où et par quels moyens ».
Arrivent également de nombreux civils : hauts fonctionnaires, riches paysans, membres de
professions libérales, notamment.
Quelques années plus tard, en 1922, la création de l’URSS divise la communauté.
Certains Russes décident de regagner leur pays tandis que d’autres refusent la
condition léniniste qui veut que « tout retour implique l’approbation du régime soviétique,
le dénigrement de l’Occident, et l’aveu d’un échec personnel ». Ces derniers optent en
conséquence pour la naturalisation française.
Pour ces réfugiés russes, forcés de fuir la Révolution bolchévique, et devenus apatrides
par le décret soviétique du 15 décembre 1922 qui révoque la nationalité de tous les
émigrés, la Société des Nations, via l'Office international Nansen pour les réfugiés,
crée en 1924 un passeport spécial : « le passeport Nansen ».
Ce passeport reconnait que les émigrés russes n’ont pas de patrie légale, ne sont donc
pas « soviétiques ». Beaucoup de gouvernements acceptent de reconnaître ce
passeport, permettant ainsi aux réfugiés de traverser les frontières à leur guise et
d’éventuellement aller s'installer dans le pays de leur choix.
Il faut dire que les Russes immigrés doivent faire face à de nombreuses contraintes
administratives et doivent supporter de longues procédures, souvent payantes, afin de
pouvoir régulariser leur situation sur le territoire. Face à de telles circonstances, l’Etat
français fait preuve d’une clémence particulière pour les réfugiés russes.
Cette année là, l’intelligentsia Russe - à savoir principalement les écrivains et les
artistes - se voit expulsée ou préfère fuir son pays, n’acceptant pas l’instauration d’un
régime communiste. Ces érudits arrivent d’abord à Paris, mais un certain nombre
d’entre eux s’installe sur la Côte d’Azur, dont ils ont déjà entendu parler par le passé.
L’arrivée de ces artistes donne lieu à de nombreuses manifestations culturelles, mais
surtout à la création de l’Union artistique de la Riviera en 1925.
A cette époque, d’autres personnalités importantes telles que le grand-duc Nicolas
Nikolaëvitch Romanov ou le grand-duc Cyrille Vladimirovitch Romanov choisissent
eux-aussi l’exil sur la Côte d’Azur.
Dix ans plus tard, en 1932, il est estimé que la totalité des Russes dans le département
des Alpes-Maritimes s’élève à 5312 personnes dont 2652 à Nice selon les « Cahiers de
la Méditerranée ».
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L’organisation de la communauté russe sur la Côte d’Azur
La communauté Russe de cette époque va forger sa propre existence au fil des générations.
Elle a alors deux objectifs principaux : lutter contre le bolchévisme et préserver sa culture.
Sur la Côte d’Azur, les Russes se regroupent par quartiers, essentiellement entre Nice,
Cannes et Menton. Les structures mises en place par le passé permettent de regrouper les
réfugiés dans le département.
La communauté voit très vite une vie sociale, politique, culturelle et religieuse s’organiser.
Des réseaux de communication se mettent en place.
« Le messager Franco-Russe » publie ainsi des adresses utiles pour les réfugiés, notamment
celles de médecins et pharmacies russes.
La Société Russe de bienfaisance, fondée dans les années 1880 par Anastasia Mikhaïlovna
de Russie s’avère alors très utile, en particulier pour venir en aide aux personnes âgées
installées sur la Riviera.
En 1923, la Société des monarchistes légitimistes russes du sud de la France est créée.
Malgré les circonstances, la préoccupation principale des russes reste la préservation de
leur culture, et le maintien de la connaissance de leur langue. C’est la raison pour laquelle,
les années suivantes, entre 1925 et 1930, deux écoles russes sont créées. L’une se trouve
Boulevard du Tzaréwitch et accueille une cinquantaine d’élèves ; l’autre voit le jour peu de
temps après, et se nomme « l’école du Jeudi ».
Beaucoup d’associations oeuvrent pour le maintien de ces structures et apportent une aide
aussi bien financière que morale. De nombreuses activités artistiques et distractives sont
également organisées.
Dans le même esprit, deux hebdomadaires destinés à la diaspora voient le jour. Il y a
« La semaine russe », rédigé en français, et « La voix de la Riviera » en cyrillique.
De plus, de nombreuses associations émergent. La Croix Rouge russe aboutit notamment
à la création d’un établissement de retraite pour les Russes et d’une structure d’aide et de
soins baptisée Maison Russe à Menton.
Le Zemgor, autre association d’entraide est aussi créée. Cette association se fait connaitre
grâce à des publications dans « Le Petit Niçois », « L’eclaireur de Nice et du sud-est »,
« L’action patriotique de Nice et des Alpes-Maritimes », ou encore dans « La saison de
Cannes ». Le marquis franco-russe Méranville de Sainte-Claire se fait alors connaître. Après
avoir été officier des services d’ordre de l’Empire, il s’installe à Nice et participe à la
création du Comité des repas économiques et de secours aux citoyens russes de Nice,
de la Société de secours par le travail aux émigrés russes de la Côte d’Azur ou encore
de l’Union des travailleurs chrétiens russes à Nice.
En 1930, le sommet de l’immigration est atteint. Les Russes installés en Allemagne se
voient contraints de quitter le pays en raison du contexte politique et économique de
l’époque, de nombreux immigrés russes étant de confession israélite.
En 1935, l’immigration baisse. Les problèmes économiques, l’augmentation du chômage et
l’arrivée du Front Populaire au pouvoir font craindre aux Russes une nouvelle Révolution.
Les Etats-Unis deviennent alors une destination prisée par les plus nantis d’entre eux.
Juste avant la Seconde Guerre Mondiale, une nouvelle vague d’immigrés va tout de même
apparaitre. Les Russes de confession israélite regagnent également la France.
27
Les Russes immigrés, quelle que soit leur date d’arrivée, s’installent principalement autour
des lieux de culte bâtis par le passé. On les trouve essentiellement près des églises
orthodoxes, de la commanderie Saint Philippe de Nice, et non loin de la villa De Orestis sur
la Promenade des Anglais.
La communauté Russe, à ce moment là, est la première communauté étrangère sur la Côte
d’Azur. L’on trouve aussi bien des jeunes adultes que des personnes d’âge mûr, à peu près
autant d’hommes que de femmes, et toutes les catégories sociales sont représentées.
La Côte d’Azur est également le lieu où l’aristocratie se réfugie en priorité, en raison des
habitudes nées dès le XVIIIème siècle.
L’exemple du prince Paul Demidoff illustre cette idée. D’abord exilé sur l’île de Malte, il
décide de revenir à Nice où il possède plusieurs propriétés. Il souhaite les vendre et exercer
un nouveau métier : représentant de banque industrielle.
Alors que depuis des décennies leurs repères se sont effondrés, force est de constater que
les Russes ne se laissent pas abattre et ne subissent pas passivement les évènements. La
communauté a appris à s’organiser, à se fédérer, et l’on ne peut qu’admirer leur unité et
leurs efforts pour œuvrer dans un but commun.
Un clivage apparait néanmoins en ce qui concerne la religion et les appartenances
politiques. Ces discordances se retrouvent dans les associations religieuses fondées dans
les Alpes-Maritimes.
Ainsi, l’on distingue trois associations :
Il y a tout d’abord l’association culturelle orthodoxe russe n°1. Cette association est pour
l’autonomie totale de l’Eglise orthodoxe.
Il y a ensuite l’association culturelle orthodoxe russe n°2, qui réunit les dissidents
orthodoxes affranchis de la tutelle du métropolite Euloge.
Il y a enfin l’association des dissidents orthodoxes russes n°3, qui obéit à des chefs
orthodoxes russes à Moscou et dont l’importance est très minime.
Malgré cela, les métropolites jouent un rôle important en Russie, dans la hiérarchie des
chaires. Le métropolite est l’homme au sommet de la hiérarchie cléricale, au dessus des
évêques et des archevêques.
La visite du métropolite Monseigneur Euloge à Nice en 1922 fut donc un véritable
honneur pour une majeure partie de la communauté. Ce dernier, alors à la tête des
paroisses orthodoxes russes à l’étranger se rendit à l’église de la rue Longchamp où il
célébra un « Te Deum » avant de demander aux fidèles, comme le rapporte le journal
« La semaine Russe » en mai 1922 de « supporter avec patience et dans un esprit de
soumission à la volonté divine les épreuves terribles qu’il avait plu à Dieu » de faire abattre
sur la Russie. Il se rendit également à la cathédrale russe afin d’y donner une messe
solennelle et au cimetière de Caucade pour consacrer l’église dédiée à Saint-Nicolas.
Dans ce climat relativement apaisé, une nouvelle difficulté va cependant apparaitre.
En effet, quelques années plus tard, une fâcheuse tragédie vient quelque peu entacher
l’intégration des Russes « blancs » dans la capitale, comme sur la Côte d’Azur. Il s’agit
de l’assassinat de Paul Doumer, le 6 mai 1932. Alors qu’il se rend à la vente annuelle
des Ecrivains combattants, le président Doumer est atteint de deux balles de pistolet
tirées par un exilé Russe, Pavel Gorguloff, qui vient du sud de la France, où il réside
habituellement.
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Dans son édition du 7 mai 1932, « Le Petit Niçois » rapporte les réactions locales :
« Sitôt la nouvelle apprise, les habitants des Alpes-Maritimes furent en proie à un profond
choc. L’état de santé de Paul Doumer, grave mais non désespéré selon les bulletins
médicaux, tirailla pendant quelques heures la population du département entre inquiétude
et espoir. La presse locale évoqua avec précision le comportement des habitants à travers
les différentes villes des Alpes-Maritimes. A Nice, Antibes, Cannes, Grasse, Vallauris,
Monaco, Beausoleil, et Menton, entre bien d’autres villes, s’amassèrent d’imposantes
foules devant les bureaux des journaux, qui affichaient les dernières dépêches reçues de
Paris. »
Le 8 mai, à l’annonce du décès de Paul Doumer, les habitants des Alpes-Maritimes
expriment leur profonde tristesse.
Un deuxième événement vient considérablement compliquer l’intégration des Russes en
France. Il s’agit de la signature, en août 1939, du pacte germano-soviétique par Ribbentrop
et Molotov, en présence de Staline. Le gouvernement français, déjà alerté par un rapport
du commissaire spécial de Nice du 31 août 1936, décide alors de faire dissoudre
l’Association des amis de l’Union Soviétique, de faire interdire le Parti Communiste, ainsi
que le journal « L’Humanité ».
Si les relations entre émigrés Russes et Français se sont provisoirement quelque peu
compliquées suite à l’ assassinat et au pacte précédemment mentionné, force est de
constater que la communauté a su préserver son patrimoine culturel et architectural.
Marie Pietri, dans son rapport de thèse intitulé « La communauté Russe des AlpesMaritimes entre les deux guerres » déclare d’ailleurs que « souvent mal jugée par les
Français, cette communauté témoigne des capacités d’adaptation dont ont fait preuve
ses membres : capacités à se créer une nouvelle vie à force de travail, de volonté et
d’idéal ».
Si la communauté russe multiforme enregistrait une baisse des exils aux prémices de la
Seconde Guerre mondiale, au lendemain de la libération trente-huit mille Russes
« rouges » arrivaient tout de même en France.
Ainsi, l’on trouve actuellement soixante-dix mille Russes de souches présents sur le
territoire Français. Cinquante mille d’entre eux sont des descendants de Russes blancs
émigrés et réfugiés politiques, et douze à quinze mille résidents sur la Côte d’Azur. Ces
données ne tiennent pas compte des Russes qui ne voient en la Riviera qu’une résidence
secondaire.
Si l’Histoire et ses évènements, parfois tragiques, ont fait que les relations entre la Russie
et la Côte d’Azur ont connu un formidable élan dès la fin du XVIIIème siècle, l’art et le
domaine des loisirs ont également contribué à renforcer ces liens.
29
Les relations culturelles
et les loisirs
La passion du jeu
Le Casino de Monte Carlo fut construit par le célèbre architecte Charles Garnier, architecte
de l'Opéra de Paris. Il est considéré comme étant dans le style « Beaux Arts » aussi appelé
style « Napoléon III » par Garnier.
En 1854, le jeu fut légalisé en Principauté par le Prince Florestan Ier. Il souhaitait en effet,
grâce aux conseils de sa mère la Princesse Caroline, encourager l’implantation d’un cercle
de jeux destiné aux riches étrangers qui découvraient la Côte d’Azur.
En 1856, son successeur le Prince Charles III de Monaco autorise l’ouverture d’un casino
dans sa Principauté, dans une villa du quartier de la Condamine, sur le port. Mais cette
première tentative échoue, et ce n’est qu’en 1858 que la construction de l'édifice actuel
débute.
Pour rentabiliser le Casino de Monte Carlo, une concession de 50 ans pour opérer les salles
de jeux est accordée à François Blanc, casinotier de l’époque, en 1861.
Le Casino Monte Carlo ouvre ses portes en 1863. Depuis 1898 l’établissement est tenu
par la Société des Bains de Mer. En 1910, l’édifice fut agrandi pour incorporer un
théâtre.
Conséquence de cette construction, en mars 1898, Anton Tchekhov, médecin et
dramaturge originaire de Taganrog, arrive à Nice et séjourne dans un hôtel nommé
« la Pension Russe », 9 rue Gounod. Il y retrouve une quarantaine de ses compatriotes,
dont Alexandre Soumbatov dit Youjine, et Ignace Potapenko.
Bien que Tchekhov apprécie le temps ensoleillé, les fleurs, les palmiers, la mer paisible et
bleue, ainsi que de longues balades sur la Promenade des Anglais, c’est au casino de
Monte-Carlo qu’il se retrouve avec ses deux amis.
Lorsqu’il les décrit, Tchekhov déclare « Youjine est venu pour gagner à la roulette quelques
centaines de milliers de Francs en vue de construire un théâtre ; Potapenko est venu pour
gagner un million […] Ils jouent tous les jours. »
Cette citation semble bien illustrer l’amour que peuvent porter les Slaves au jeu. Vladimir
Fédorovski énonce d’ailleurs à leur sujet qu’« ils croient au fatum, au destin ».
Monte-Carlo semble dès lors être la ville appropriée pour cela. Gala Dalì déclare
d’ailleurs à propos du Rocher qu’« un Russe y médite beaucoup sur l’art, le destin, et la
prédestination. »
Les célèbres nouvelles d’Alexandre Pouchkine telles que « la Dame de Pique », « le Coup de
feu », ou encore « le Joueur » de Fiodor Dostoïevski témoignent de cet intérêt voire de cette
fascination sur le destin et la chance.
D’autres Russes célèbres séjournèrent à Monte Carlo, expérimentant ainsi son casino.
Gueorgui Gapone, prêtre orthodoxe Russe, se précipita lui aussi à Monte-Carlo, lors d’un
voyage en Occident, après les incidents du Dimanche rouge en 1905. L’on raconte qu’il
passa des nuits entières à jouer au casino.
Cette passion du jeu n’épargnait pas les femmes. Gala Dalì, elle aussi, éprouvait une
frénésie à se rendre à Monte-Carlo. Elle se disait fascinée par la roulette et les gestes
méthodiques des croupiers, par la fatalité du hasard. Elle revivait des scènes des nouvelles
de Pouchkine.
32
La possibilité d’expérimenter les jeux de hasard à Monte-Carlo était d’autant plus
appréciable qu’il était devenu impossible de jouer en Europe, les jeux publics ayant été
supprimés.
C’est ainsi que l’aristocratie russe affectionnait Monaco et vouait un culte aux tables de son
casino. Princes et grands ducs donnaient des fêtes époustouflantes tandis que Diaghilev
propulsait les Ballets de Monte-Carlo au sommet de la gloire.
La Société des Bains de Mer de Monte-Carlo a d’ailleurs organisé, en début d’année 2010,
une grande soirée de gala visant à faire renaître les splendeurs de la Russie d’antan. Celleci s’est déroulée dans un lieu hautement symbolique : la Salle Empire de l’Hôtel de Paris,
salle du casino réputée pour avoir fait rêver les Russes.
Les Ballets russes de Diaghilev
Lors de la célébration de la fin du siècle dernier, plusieurs journaux français et étrangers
ont décidé de désigner les personnalités les plus marquantes du XXème siècle.
De grandes figures des Ballets russes ou intimement liées à ces ballets ont bien entendu
été citées.
Parmi elles, l’on pouvait trouver Dalì, Ernst, Stravinski, Cocteau, Picasso, Matisse,
Prokofiev ou encore Nijinski. Tous ont en commun de s’être épanouis dans les coulisses
des Ballets Russes.
A une époque, pour espérer percer dans l’artistique, il fallait être dans les Ballets Russes,
et pour ce faire, il fallait se trouver chaque printemps à Monaco.
Diaghilev a eu une influence considérable sur l’art du ballet et tous les arts annexes à celuici. Picasso disait d’ailleurs de lui qu’il était « la figure décisive de l’histoire artistique du
XXème siècle »
Portrait of Sergei Pavlovich Diaghilev with
His Nurse, 1906, Leon Bakst
Au fil du temps, il devint le « tsar » des Ballets Russes, balayant les préétablis, les idées
reçues, et innovant en permanence.
Bien que fidèle à sa patrie, Diaghilev passa beaucoup de temps à Monaco chaque année, de
plusieurs semaines à plusieurs mois, y apportant chaque fois une énergie nouvelle.
L’année 1911 : première saison, premier succès
La première saison de la troupe permanente eut lieu au printemps 1911. Diaghilev obtint
que les salles du palais fussent mises à disposition pour les répétitions.
Il arriva donc avec Nijinski en mars. Ils s’installèrent dans un hôtel dominant le Rocher : l’hôtel
Beausoleil. L’on raconte que Nijinski, qui avait quitté sa Russie natale pour découvrir la
Riviera, fut complètement enchanté par Monaco et ses alentours.
Durant le printemps 1911, beaucoup de danseurs de très grande renommée les rejoignirent
à Monaco. Ils y retrouvèrent le chorégraphe de la troupe, Michel Fokine, le décorateur
emblématique de la compagnie Léon Rosenberg, et le chef d’orchestre Nicolaï
Tcherepnine. Le peintre Alexandre Benois devait également être présent.
Benois fut décrit au début de cette formidable aventure comme le pilier de ce « cercle de
poètes » qui cherchaient inlassablement à élargir leurs connaissances, et qui étaient tous
hantés, comme cela se disait à l’époque « par les problèmes de la création et de la définition
de la beauté ».
33
Vladimir Fédorovski écrit à leur propos, dans son ouvrage intitulé « Diaghilev et Monaco »
qu’« ils avaient le sentiment de former à Monaco une assemblée d’êtres exceptionnels,
appelés à transformer le goût esthétique de l’époque ».
Dès lors, avant de rejoindre Paris, la troupe prit pour habitude d’aller immanquablement
danser à Monaco pour clore la saison d’hiver.
Très vite, la troupe de Diaghilev s’agrandit. Ses membres sont recrutés aussi bien à Moscou
qu’à Saint-Pétersbourg, aussi bien en Russie qu’au théâtre de Varsovie.
La majorité des artistes séjourne alors pour la première fois sur la Riviera.
Le climat et la perspective de débuter une carrière de danseur dans la fameuse troupe est
pour eux un véritable enchantement.
L’arrivée de ces Russes à Monaco ne passe pas inaperçue et suscite l’étonnement.
Les femmes Russes s’acclimatent pourtant très vite et se fondent parfaitement dans le décor.
La nouvelle troupe, dénommée « les Ballets russes de Serge de Diaghilev » favorisait
considérablement l’épanouissement des esprits créatifs.
Cette saison là, le spectacle emblématique fut « Le Spectre de la rose ». Ce ballet réunissait
la grâce de Karsavina, les couleurs flamboyantes de Bakst, et, surtout, allait faire naître le
mythe de Nijinski. Crée à Monte-Carlo le 19 avril 1911, ce ballet, dont la chorégraphie avait
été mise en place par Michel Fokine, fut présenté à Paris au théâtre du Chatelet le 6 juin,
et à Londres le 26 juin pour le couronnement de Georges V à Covent Garden.
Les Monégasques furent donc les premiers à découvrir celui qu’on qualifia de génie, le
danseur Vaslav Nijinski. André Sesary dans ses « Essais » ou encore Paul Claudel écrivirent
sur la grâce et la puissance du jeune danseur.
Diaghilev avait tenu à sélectionner pour Nijinski un répertoire spécial et le fit ainsi apparaitre
dans « Schéhérazade », création qu’il interprétera jusqu’à la fin de sa carrière. Proust déclara
d’ailleurs à propos de ce ballet : « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau ».
La même année, la représentation de « Cléopâtre » fut également un franc succès, tout
comme le « Le Lac des Cygnes ». Le choix de ce ballet de Tchaïkovski était hautement
symbolique puisque Serge Diaghilev était le petit-neveu par alliance du compositeur, et que
ses mélodies l’avaient bercé dès son plus jeune âge, réveillant son attrait pour l’art.
Les performances scéniques de Tamara Karsavina, sœur du philosophe russe Lev
Karsavine, ne manquèrent pas non plus d’enchanter le public Monégasque.
Cette première saison Monégasque fut donc un triomphe. Des centaines de spectateurs
vinrent applaudir leurs nouvelles idoles.
La magie venait d’opérer, le mythe Diaghilev à Monaco était né.
Par la suite, de nombreuses personnalités, artistes et écrivains, représentants de la haute
société, aristocrates, têtes couronnées, membres de la famille princière allaient d’ailleurs
se rendre sur le Rocher. Ainsi, Proust, Gide, Claudel, Cocteau, Apollinaire, Henry James,
les Rothschild, les ambassadeurs de Russie, d’Espagne, d’Amérique, et bien d’autres
encore assistèrent aux représentations, afin d’admirer le merveilleux travail de Diaghilev et
de son talentueux entourage.
Parmi tous ces artistes, il y avait également Mathilda Kchessinskaïa, l’amour de jeunesse
du tsar Nicolas II. Danseuse dotée d’un talent inouï, elle avait également pour réputation
d’aimer « briller dans les villas de la Riviera ». Mathilda, comme bien d’autres Russes de « la
Belle époque » s’était facilement adaptée à la vie sur la Côte d’Azur.
34
Les prouesses de Nijinski et la reprise éclatante des Ballets
L’année suivante, en 1912, le ballet « Petrouchka », sur une musique emblématique de
Stravinski, fut mis en place. L’on dit que Diaghilev, qui fréquentait Stravinski
quotidiennement à Monte-Carlo fut charmé par les extraits que lui joua le compositeur, et
souhaitait traiter du thème des souffrances du pantin des foires russes.
Vladimir Fédorovski dit que ce spectacle représente « le sommet de l’art universel » car il
raconte la Russie éternelle dans le spectacle moderne.
Nijinski (ci-contre) était bien sûr présent et ce fut un nouveau succès monégasque. Suite à
cela, Diaghilev, toujours pleinement satisfait de son danseur qui n’existait que par la danse
et les Ballets russes, lui confia la chorégraphie de « Prélude à l’après midi d’un faune » de
Debussy. La décision fut d’autant plus facile à prendre que Diaghilev venait de se séparer de
Michel Fokine qui n’avait pas respecté ses engagements.
L’année 1913 fut donc une année capitale pour Nijinski.
Sa sœur Bronislava Nijinska décrit sa nouvelle tâche dans ses « Mémoires » et raconte qu’il
« concevait les ensembles comme un tout et manipulait les artistes comme une unité […], tout
était nouveau dans cette chorégraphie – des mouvements et des positions libres appliqués à
la technique du ballet classique. » Rompant avec le cadre rigide du ballet du XIXème siècle,
Nijinski mit sa conception moderne et audacieuse au service de deux nouvelles œuvres «
Jeux » de Debussy et « Le Sacre du printemps » de Stravinski. Ces deux ballets furent réglés
essentiellement à Monte-Carlo.
La saison suivante, du 16 avril au 6 mai 1914, les relations entre Nijinski et Diaghilev s’étant
dégradées, ce dernier présenta son nouveau favori, le jeune Massine.
Les Ballets furent une fois de plus très bien accueillis, les Monégasques ayant même réagi
avec plus d’enthousiasme que les Parisiens, selon Massine.
La saison suivante était attendue avec impatience mais les circonstances tragiques de
l’histoire et la Première Guerre Mondiale empêchèrent celle-ci d’avoir lieu. Ainsi, la troupe
ne revint à Monaco que six années plus tard.
Durant ce temps, l’état d’esprit de Diaghilev et son approche des ballets changèrent
considérablement. Après la révolution russe de 1917, il souhaitait tirer un trait sur le passé.
Pourtant, Monaco resta le port d’attache de la compagnie. Diaghilev, voyant le profond
intérêt de la famille princière pour ses ballets – les ballerines de la troupe ayant été
plusieurs fois invitées à dispenser des leçons de danse au palais – , voulut même s’installer
en Principauté.
A nouveau, il souhaitait s’éloigner de l’esthétique traditionnelle des ballets, et amener une
fois de plus une nouvelle conception de cet art. Pour ce faire, il opéra de profonds
changements qui révolutionnèrent l’art scénique.
Ainsi, il fit appel à Max Ernst, Joan Mirò ou encore Georges Rouault. Il offrit également à
des musiciens tels que Debussy, Chabrier, Prokofiev ou Stravinski des occasions de
déployer leur talent. Pour ses textes, il s’adresse aux contemporains tels que Cocteau ou
Colette, ainsi qu’à des écrivains plus classiques.
Vladimir Fédorovski raconte que « les Grimaldi, qui avaient toujours apprécié les Ballets
russes, furent particulièrement sensibles à cette nouvelle approche. »
Nouvelle approche, nouveaux succès, Diaghilev montra une nouvelle fois qu’il n’avait rien
perdu de son talent.
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D’illustres personnalités attirées sur le rocher
Pendant les saisons monégasques, deux femmes prétendaient au rôle d’égérie dans
l’entourage de Diaghilev. Il y avait Coco Chanel, qui représentait la mode et l’industrie, et
Misia Sert, qui symbolisait quant à elle le milieu artistique.
Malgré la bataille d’influence qu’elles menaient, les deux femmes demeuraient très
proches.
Chaque année, Monaco était honoré de leur présence car elles se rendaient en Principauté
afin d’admirer les nouvelles créations des Ballets russes.
Mais elles participèrent également au bon développement de la troupe.
C’est d’ailleurs grâce à Misia, qui mit Gabrielle Chanel sur la route de Diaghilev, que la
situation financière de la troupe fut sauvée.
Chanel finança en effet l’entreprise de Diaghilev, passant du rang de jeune couturière à
celui de véritable mécène des Ballets russes.
Elle avança suffisamment d’argent pour empêcher la compagnie de sombrer mais
également pour la revigorer et la développer. Elle croyait profondément aux Ballets et à leur
rôle artistique mondial.
Installée à l’Hôtel de Paris où elle recevait fréquemment Diaghilev, elle rencontrait chaque
soir le monde des Ballets russes. Vladimir Fédorovski raconte à son propos que « musiciens
et chorégraphes furent éblouis par l’aisance avec laquelle, de sa belle voix de contralto, elle
déchiffrait les plus difficiles partitions de bel canto en s’accompagnant au piano. »
Chanel était très active à Monaco, qu’elle considérait comme étant à l’avant-garde des
tendances, des automobiles de sport, des tenues de villégiature. Elle avait d’ailleurs pour
objectif d’y changer la mode.
Sa brève romance avec Stravinski passée – ce dernier ayant décidé de se rendre en
Espagne.
La dernière saison (1929)
La dernière saison de Diaghilev à Monaco eut lieu de février à mars 1929.
Le public fut une nouvelle fois au rendez-vous, et le succès aussi, malgré la lassitude de
Diaghilev, qui s’était alors passionné pour la lecture de livres rares.
Avant de quitter Monaco, Diaghilev assista à la première du « Bal », qui fut un véritable
triomphe.
Le 10 mai 1929, il quitta le sol monégasque. En août, il mourut à Venise, laissant derrière
lui une troupe complètement dévastée par son départ et sa disparition.
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L’influence de Diaghilev sur les relations entre la Russie et l’Occident
La poursuite des ballets
Les saisons monégasques des Ballets russes sont incontestablement entrées dans la
légende du XXème siècle.
De nombreux artistes s’y sont succédé et Diaghilev, par son génie, a marqué MonteCarlo de son empreinte.
Il a également su rapprocher deux cultures, à savoir celle de la Russie et de l’Occident.
Ainsi, danseurs et chorégraphes russes, compositeurs et peintres français, musiciens
italiens ou espagnols ont pu s’investir dans un projet commun, s’émuler, échanger et
s’enrichir de leurs connaissances respectives.
Les Ballets russes durèrent d’ailleurs bien plus longtemps que toutes les autres troupes
russes ayant travaillé à Monaco, en France ou aux Etats-Unis.
En 1932, René Blum, attaché au théâtre de la principauté, accompagné de Vassili de Basil,
ancien officier de l’armée impériale russe décida de récréer les Ballets russes. La nouvelle
compagnie tenta de renouer avec la tradition de Diaghilev.
Affiche des Ballets russes de 1932
Les meilleurs éléments de l’ancienne compagnie tels que Léonide Massine ou George
Balanchine travaillèrent de concert avec de jeunes danseuses âgées d’à peine quinze ans.
Leur répertoire comprenait plusieurs ballets de Michel Fokine et de Léonide Massine.
Une nouvelle période particulièrement créative s’ouvrit en 1938. Massine réalisa plusieurs
spectacles en étroite collaboration avec Salvador Dalì. Bronislava Nijinska et George
Balanchine remontèrent des ballets et en créèrent de nouveaux au cours des années
suivantes.
Ainsi, des ballets tels que « Jeux d’enfants », la « Cinquième » ou encore « Union Pacific » virent
le jour.
Le Colonel de Basil quitta les Ballets russes de Monte-Carlo en 1934 pour monter sa propre
compagnie.
En 1936, René Blum fonda une deuxième compagnie de Ballets russes à Monte-Carlo. Il
rappela Michel Fokine, reparti en Russie après avoir quitté Diaghilev. Fokine se vit mettre à
disposition des moyens techniques et financiers colossaux, lui permettant d’exprimer au
mieux son art et son génie.
Cette année là, il monta « l’Epreuve d’amour », sur une partition de Mozart avec des décors
de Claude Derain. En 1937, il créa la chorégraphie de « Don Juan ».
Nul doute que le formidable héritage des saisons de Diaghilev influença bon nombre
d’artistes durant plusieurs décennies.
Un siècle plus tard : hommage au génie de Diaghilev
Monaco et les journées du
patrimoine : centenaire des
ballets russes
Ainsi, après quatre mois de travaux, le musée national rouvrit ses portes pour accueillir
l’exposition « Etonne-moi ! », une coproduction du Nouveau Musée national de Monaco
(NMNM) et la Fondation Ekaterina de Moscou.
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Le 9 juillet fut donc ouvert le bal du centenaire des Ballets Russes à Monaco et de Serge
Diaghilev, qui fit de la Principauté de Monaco le centre mondial de la création artistique, en
révolutionnant l’art scénique. L’idée principale était de rendre hommage à la « créativité
géniale » de Diaghilev.
Au total, près de trois cents œuvres, réparties sur 400 m2 visent à inaugurer les festivités
autour du centenaire des Ballets Russes de Serge Diaghilev (1872-1929).
Nathalie Rosticher, commissaire de l'exposition et conservateur au NMNM explique alors
que « 75 % des pièces sont des prêts, issus de 25 lieux différents. Les œuvres proviennent
principalement des États-Unis et de Russie. Elles ont été sélectionnées durant un an et
demi par le comité scientifique. Les dessins, maquettes et costumes issus de nos
collections présentent le patrimoine inédit de Monaco. »
Madame Françoise Gamerdinger, Adjoint au Directeur des Affaires Culturelles de la
Principauté de Monaco, quant à elle, ne cache pas sa joie en présentant le magnifique
programme établi.
Cette riche exposition met à l’honneur des artistes tels que Bakst, Picasso, de Chirico,
Nijinski, Benois, Cocteau, Braque ou Derain, qui, il y a 100 ans, ont donné à la Principauté
un extraordinaire rayonnement culturel.
« Les princes de Monaco ont toujours voulu être des mécènes, Diaghilev a su bouleverser
les habitudes des compagnies de danse au service de la création artistique. » déclare JeanCharles Curau, directeur des Affaires culturelles, avant d’ajouter : « A Monaco, on a un
trésor incroyable. Ce Monaco Dance Forum, ça va être une fête. Vous allez être épatés !
Épatés ! »
Jean-Christophe Maillot, directeur-chorégraphe des Ballets de Monte-Carlo,
souligne également « l'extraordinaire héritage » de ce découvreur de talents et
déclare que « ce centenaire restera dans les mémoires ! »
Ainsi, la villa Sauber et la somptueuse Salle des Arts du Sporting d’hiver ont offert un
véritable éblouissement aux visiteurs désireux de découvrir ou de redécouvrir l’art de
Diaghilev et de ceux qui l’ont entouré, à travers expositions et spectacles.
Parmi les œuvres présentes lors de l’exposition, l’on peut trouver, au deuxième étage, la
salle des Arts présentant un magistral rideau de scène peint par Pablo Picasso : deux
femmes courant au bord de mer. Une œuvre qui éblouissait dès 1924 les spectateurs du
ballet « Le Train Bleu » de Bronislava Nijinska.
L’exposition présente également des œuvres issues de collections européennes, russes et
nord-américaines : rideau de scène, peintures, dessins préparatoires et maquettes de décors,
costumes, archives manuscrites, sonores et audiovisuelles 1909-1929.
Le Rideau de scène pour le Train bleu
Photo : Eva Esztergar
Pour honorer dignement ce centenaire, cent spectacles étaient également à l’affiche. La
principauté et ses acteurs culturels se sont considérablement investis dans ce projet. Ainsi,
l'orchestre philharmonique, les Archives audiovisuelles, l'école supérieure d'arts plastiques,
le logoscope, l'association monégasque pour la connaissance des arts, la fondation
Princesse Grace, la Direction du Tourisme et des Congrès, notamment, ont œuvré pour que
l’hommage rendu soit à la hauteur de l’homme célébré.
Ainsi, pour commencer, du 9 décembre au 3 janvier, il s’agissait de présenter « un panorama
historique, avec un fil rouge : Le Sacre du printemps. » Cette œuvre majeure du XXème siècle
a inspiré les plus grands chorégraphes de ce monde.
Le Monaco Dance Forum a donc proposé une rétrospective de cette pièce de Stravinsky,
ainsi que des relectures contemporaines de succès incontestables des Ballets russes.
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« Petrouchka », « Le Spectre de la rose, L'après-midi d'un faune », « Le fils Prodigue »,
« Les Noces », « Shéhérazade » ont donc tout naturellement fait partie du programme.
La marque Chanel s’est associée à l’évènement et un film de Karl Lagerfeld « Sergei, Misia,
Coco et les autres », retraçant la rencontre de Coco Chanel et de Serge de Diaghilev a été
diffusé le 20 décembre, en présence de nombreuses personnalités issues du milieu de la
mode et de la danse, notamment.
Une série de colloques où historiens et critiques pourraient se rencontrer a aussi été
prévue.
L’exposition, inaugurée en Principauté, a ensuite été présentée à la State Tretiakov Gallery
de Moscou du 27 octobre 2009 au 24 janvier 2010, preuve que le temps et la distance
n’altèrent en rien le souvenir impérissable qu’a laissé Diaghilev à Monaco.
Il convient de préciser d’ailleurs, qu’après le succès de la première exposition qui a
plongé plus de vingt-cinq mille visiteurs dans le vaste répertoire des Ballets Russes, du
1er au 17 avril 2010, le Monaco Dance Forum et les Ballets de Monte-Carlo ont présenté
leur deuxième série de spectacles et d'événements au Grimaldi Forum.
L’acte II, comme il a été nommé, a rendu un hommage appuyé à Merce Cunningham,
Robert Rauschenberg et John Cage, acteurs essentiels de l’évolution de l’art
chorégraphique après Diaghilev.
L’exposition de l’aéroport Nice
Côte d’Azur
L'Aéroport Nice Côte d'Azur a tenu à s’associer à la Direction des Affaires Culturelles et à
la Direction du Tourisme et des Congrès de la Principauté de Monaco pour rendre
hommage à Diaghilev.
Dans le Terminal 2 de l’aéroport, l'exposition composée de 8 kakémonos géants, de photos
d'archives, de costumes d'époques et de panneaux d'expositions reprenant l'historique des
Ballets Russes, rendaient ainsi hommage à la compagnie fondée par Serge Diaghilev.
Du 30 novembre au 5 janvier 2010, des milliers de passagers ont pu admirer cet
hommage à une page de la vie culturelle et artistique de la Principauté de Monaco.
« Je suis heureux d'accueillir l'exposition du Centenaire des Ballets Russes au sein de
l'Aéroport de Nice Côte d'Azur qui peut ainsi s'affirmer comme un acteur de la vie
culturelle. Notre Aéroport fréquenté par près de 10 millions de passagers par an, offre
une formidable vitrine aux expositions et artistes locaux. J'espère que cette exposition
permettra à tous de s'enrichir, s'évader et même participer à la grande fête de l'art
chorégraphique de la Principauté de Monaco. »
Hervé de Place, Président du Directoire des Aéroports de la Côte d'Azur
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Les principales manifestations culturelles mettant la Russie à l’honneur
sur la Riviera
Jumelage et autres partenariats culturels
Le jumelage entre villes est habituellement défini comme une relation établie entre deux
villes de pays différents. Cette relation se caractérise généralement par des échanges
socioculturels.
L’échange entre collectivités locales russes et françaises est né, dans les années 60, sous
la forme de jumelages ou de coopérations décentralisées. Les échanges sont généralement
culturels et scolaires.
Menton - Sotchi
Depuis 1966, la ville de Menton, est jumelée avec la ville de Sotchi.
Le 2 mars 2009, une assemblée générale de l'association France-Russie, amicale MentonSotchi s’est tenue. La présidente, Marie-José Rizzi, a présenté le rapport d'activités de
l’association et s’est félicitée des temps forts de l’année 2008 : journée culturelle en avril
aux salons du Louvre, trois concerts donnés en avril, octobre et novembre, salle SaintExupéry, tous donnés par des musiciens venus de Russie. La ville de Menton s’investit et
honore son jumelage avec Sotchi.
Blason de Sotchi
Des cours de langue russe sont donnés toute l’année.
Par ailleurs, l'association a entrepris un travail de recherche sur l'histoire des Russes à
Menton depuis la fin du XIXe, et propose des conférences mensuelles sur l'histoire de la
Russie. Ces rencontres rassemblent désormais un nombre important de fidèles.
De plus, chaque année, les membres de l'association tiennent des stands, lors de la fête
du Citron au Palais de l'Europe et vendent de nombreux objets décoratifs en provenance
de Moscou.
Blason de Menton
Des soirées littéraires, consacrés à des hommes tels que Nicolas Gogol sont également
régulièrement organisées, ainsi que des voyages en Russie et des concerts.
L'association prévoit enfin un partenariat avec Sotchi, élue ville olympique pour 2014.
En juillet 2010, la ville d’Antibes a été jumelée avec la ville de Krasnogorsk.
Antibes - Krasnogorsk
Krasnogorsk est une ville fondée en 1932 qui se situe à 20 km au Nord-Ouest de Moscou,
sur la rivière Moskova. Lieu de détente, la ville accueille les Russes en promenade et
possède notamment un des plus beaux golfs du pays.
Blason
d’Antibes
L’Association Antibes Jumelages organise dans ce cadre plusieurs événements, tels que
des voyages à Krasnogork, des concerts, des visites découvertes sur la présence russe à
Nice, ainsi que la célébration de fêtes telles que la Saint-Nicolas par exemple.
Krasnogorsk
Nice - Saint Pétersbourg
Dès 1990, dans le cadre d’une coopération décentralisée, les villes de Nice et de SaintPétersbourg se sont associées et ont convenu de mettre en place des échanges culturels
et artistiques entre les deux villes.
La Ville de Nice souhaite également participer au développement de la coopération
universitaire et de l’accueil d’étudiants russes.
Blason de Nice
Armoiries de
Saint-Pétersbourg
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Dans ce cadre, Rudy Salles, adjoint au maire délégué au Tourisme et aux Relations
internationales a reçu 126 étudiants et professeurs russes, polonais, ukrainiens,
slovaques et kazakhs à l’ISEM, l’Institut Supérieur d’Economie et de Management de
l’Université de Nice Sophia Antipolis.
L’ISEM organise en effet depuis 2008 un programme de stage d’un mois, en
partenariat avec l’Alliance Française de Nice.
L’université de Nice intervient également en Russie par le biais d’enseignements
franco-russes à double diplôme, à Moscou (Université de l’Amitié des peuples), NijniNovgorod (Haut collège d’économie), Astrakhan (Université d’Astrakhan), Irkoutsk
(Université du Baïkal), Oulan-Oude (Université technique de Sibérie Orientale),
Yakoutsk (Université fédérale du Nord-Est), Khabarovsk (Académie d’économie et de
Droit).
L’année France - Russie sur la Riviera
« L’Année France-Russie 2010 offre aux habitants des deux pays une opportunité unique de
découvrir, de mieux connaître et d'apprécier l’histoire, la culture, l’économie et les réalités
contemporaines du pays partenaire. Elle vise également à développer le dialogue entre les
deux sociétés sur les grands enjeux qui sont les leurs. Il s’agit au bout du compte de redonner
de la force à des liens historiques et d'’inscrire les relations franco-russes dans une
perspective d’avenir » énonce le site officiel France-Russie en guise d’introduction sur ce
grand évènement culturel de l’année 2010.
« Chers amis,
La Russie et la France sont deux pays dont l’histoire est très riche et singulière, deux
partenaires économiques de longue date, deux Etats unis par des liens politiques,
culturels et, tout simplement, humains. L’année 2010 a été déclarée Année de la Russie
en France et de la France en Russie. C’est une belle occasion, une fois encore, pour nos
deux peuples de mieux se connaître, de redécouvrir la grande diversité de nos
patrimoines, d’ouvrir de nouvelles et utiles perspectives de coopération. Je suis sûr que
les manifestations à venir enrichiront les relations franco-russes et contribueront
véritablement à la prospérité de nos deux pays.
Dmitri Medvedev
Président de la
Fédération de Russie
Je vous souhaite bonne chance et vous adresse mes meilleurs vœux de réussite. »
« Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Ministre de la Culture
de la Fédération de Russie
En 2010 aura lieu un événement d’une importance majeure dans l’histoire de nos
relations bilatérales, à savoir l’Année de la Russie en France et de la France en Russie.
Participeront à ce projet non seulement les capitales, mais aussi, ce qui est
particulièrement important, beaucoup de régions de Russie et de départements français.
Depuis les actes solennels au niveau gouvernemental jusqu’aux conférences
scientifiques réservées aux spécialistes, depuis les projets des musées nationaux
jusqu’aux expositions dans des petites villes de province, tout le riche arsenal du
dialogue traditionnel - politique, économie, art, culture, échanges de jeunes - contribuera
à cette grande œuvre qu’est le développement des relations d’amitié et d’entente
réciproque entre nos deux peuples. Je souhaite aux organisateurs et participants de cette
année franco-russe succès artistique, réussite et prospérité ; au public russe et français,
beaucoup d’heureuses rencontres avec ceux qui représentent la fierté de chaque pays et
qui sont parties intégrantes de nos héritages nationaux. »
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L’inauguration de la section internationale russe dans un lycée de Nice
Que cela soit en France ou en Russie, bon nombre d’évènements ont été organisés dans le
cadre de cette année 2010 placée sous le signe de l’échange. La Riviera a bien entendu
contribué à célébrer cette année toute particulière, bien que beaucoup de manifestations
culturelles aient eu lieu à Paris.
C’est le 25 mars 2010 que Luc Chatel, ministre de l’Education nationale, et Andréi
Foursenko, ministre de l’Education et de la Science de la Fédération de Russie ont inauguré
cette nouvelle section au lycée Valbonne, établissement public de l’Académie de Nice.
Après avoir visité le lycée, son nouveau centre de documentation et d’information, les deux
hommes ont échangé avec les élèves de la section russe, avant de l’inaugurer
solennellement.
Cette inauguration est le fruit d’un accord passé entre les deux nations, le 29 mai 2009, et
visant à créer des sections internationales de langue russe dans deux lycées français.
Les élèves peuvent ainsi, désormais, en plus de la langue, étudier la littérature, l’histoire et
géographie de la Russie.
Pour l’occasion, plusieurs recteurs, le préfet des Alpes-Maritimes, le député-maire
d’Antibes et le consul général honoraire de Marseille, notamment, étaient présents.
« Lydia Delectorskaya, muse et modèle de Matisse » au Musée Matisse de
Nice
En collaboration avec le Musée Départemental Matisse du Cateau-Cambrésis, le Musée
Matisse de Nice a organisé, du 19 juin au 27 septembre 2010, une exposition consacrée à
« Lydia D., muse et modèle de Matisse ».
Il y a été rappelé que Lydia Delectorskaya, jeune Russe installée à Nice, a été aux côtés
de Matisse de 1932 à sa mort en 1954, d’abord en tant qu’assistante d’atelier, puis de
dame de compagnie de Madame Matisse, puis d’intendante générale de l’atelier et de la
maison du peintre, mais aussi en tant que modèle fréquent, sinon constant, pour de
nombreux dessins et tableaux.
DR - Rolando Ricci,
Lydia Delectorskaya vers 1946 Musée départemental Matisse,
le Cateau-Cambrésis
L’exposition regroupait une soixantaine de ces tableaux et dessins en provenance de
musées et collections du monde entier.
« Ruskoff » Festival des arts et du cinéma russe à Nice
Le festival Ruskoff a été créé en 1998 dans l'idée de montrer la bouillonnante créativité
artistique russe, loin des clichés.
Chaque année, les arts et le cinéma russes sont mis à l’honneur.
Dans un tel contexte, il parait donc bien normal que le théâtre national de Nice qui accueille
ce festival ait été associé à l’évènement France-Russie 2010.
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Ruskoff, festival des arts et cinéma russes de Nice s’est installé dès 2001 à Nice au TNN.
« Il était plus que temps de purger ce paysage culturel de certains clichés qui lui collaient à la
peau et dévoiler au public sa véritable richesse, un bouillonnant creuset créatif né de la fusion
d’un héritage classique, d’un grand brassage pluriethnique et du talent d’une scène
émergeante particulièrement experte dans l’art de croiser les champs du théâtre avec tous
ceux du spectacle vivant » déclarent ses organisateurs, avant d’ajouter :
« Deauville à son festival américain, Nice réunit toutes les conditions pour accueillir celui de la Russie ».
La marraine de Ruskoff, la niçoise Denise Fabre, adjointe au maire de Nice et chargée du
rayonnement de la ville a tenu à soutenir l’événement qui lie à nouveau Nice, Moscou et
Saint-Pétersbourg, confirmant les relations privilégiées qui les unissent.
Ainsi, du 5 au 13 janvier, la ville de Nice a mis la Russie à l’honneur, balayant toutes les
frontières, et en particulier celle de la langue.
En effet, les spectacles présentés ont été décrits comme « si visuellement expressifs » qu’ils
se passaient de tout commentaire, bien qu’ils aient été sur titrés en français.
Afin de prolonger les festivités et de rester dans l’esprit de la Russie tout au long de la
soirée, un buffet de zakouskis était généralement proposé, réunissant artistes, spectateurs,
journalistes, ainsi que tous les Français et Russes désireux de partager un moment de
convivialité à l’unisson.
Durant ces quelques jours, le programme était varié.
Le 5 janvier, ce sont airs populaires, Kolyadki, chants orthodoxes sacrés de Noël et carillons
qui se sont succédés. Les 6 et 7 janvier, les spectateurs se sont plongés dans l’univers d’une
comédie fantastique, suivie d’un concert. Le 8, théâtre, cirque et jazz étaient à l’honneur.
Il en fut de même pour les jours suivants. Le spectacle « La belle au bois dormant » faisait
également partie du programme et n’a pas manqué d’enchanter ses spectateurs.
Article de Nice-Matin relatif à la
soirée du 8 janvier et
l’émerveillement suscité
par le spectacle.
L’exposition « Moscou : Splendeur des Romanov » à Monaco
L’année 2009 a été l’occasion de célébrer non seulement les Ballets russes mais également
Moscou et la splendeur des Romanov.
« Une profonde amitié lie la Russie et Monaco depuis fort longtemps. Nos rivages ont
attiré, voici plus d’un siècle, des familles russes, d’abord en villégiature, puis prises dans
les tourments de l’Histoire. Des artistes y ont aussi séjourné, en quête d’inspiration. Ce
sont ainsi « toutes les Russies » que l’on souhaite aujourd’hui célébrer à Monaco : celle
des traditions et des valeurs spirituelles, dont la présence est aujourd’hui patente sur nos
côtes, mais aussi celle de la modernité artistique, cette sensibilité si particulière d’un
peuple aux talents multiples.
Avec l’ouverture de la saison russe en Principauté, marquée par le Centenaire des Ballets
de Diaghilev, l’exposition Moscou, Splendeurs des Romanov du Grimaldi Forum Monaco
est l’autre temps fort des manifestations de l’été, esquissant un jumelage culturel et
artistique entre la Principauté et la capitale russe. »
S.A.S Le Prince Albert II de Monaco
Cette exposition, produite par le Grimaldi Forum, a été soutenue par la Compagnie
Monegasque de Banque.
43
Du 11 juillet au 13 septembre 2009, le centre culturel de la Principauté a donc proposé
dans les 4000 m2 de l’Espace Ravel une thématique consacrée à la Grande Russie au
temps des Romanov, sous le commissariat de Brigitte de Montclos, Conservateur en
Chef du Patrimoine.
Avant cela, l’exposition a été présentée à la presse le 26 mars 2009 à Paris, à l’Hôtel
particulier d’Estrées, la résidence de l’Ambassadeur de Russie.
Etaient présents : son Excellence Alexandre Orlov, Ambassadeur de la Fédération de
Russie en France ; Catherine Alestchenkoff, Directeur des Evénements culturels du
Grimaldi ; François Payet, Scénographe de l’exposition ; Hervé Zorgniotti, Direction de
la Communication Grimaldi Forum ; Nathalie Varley Pinto, Chargée de Communication
et Communication Manager Grimaldi Forum.
Comme le veut la tradition, la présentation a commencé par des mots de bienvenue prononcés
par l’Ambassadeur de la Fédération de Russie en France, alors récemment nommé à son poste
et succédant à Alexandre Avdeïev, devenu ministre russe de la Culture.
Diplômé de l’Institut des relations internationales de Moscou auprès du ministère des
Affaires étrangères, M. Orlov a représenté la Russie au Conseil de l’Europe à Strasbourg de
juillet 2001 à janvier 2007. En mai 2007, il a pris la tête du département du MID chargé des
liens avec les régions, le parlement et les associations sociales et politiques de la Fédération
de Russie. Il maîtrise parfaitement le français, l’italien et l’anglais.
Madame Brigitte de Montclos, Commissaire de l’exposition, a dévoilé un projet ambitieux.
C’est elle qui avait d’ailleurs signé la grande exposition 2004 du Grimaldi Forum
« Impérial Saint-Pétersbourg, de Pierre le Grand à Catherine II » visitée par près de 63.000
personnes.
Interrogée sur l’intérêt d’une nouvelle exposition, celle-ci a déclaré : « Ce n’est pas du tout
la même exposition qui recommence. Ici on prend le sujet des Romanov dans son cœur en
focalisant sur Moscou, la vieille capitale qui symbolise le véritable esprit de la Russie à
travers l’Histoire. »
Durant cette présentation, l’idée même de l’exposition a été expliquée. Il s’agit de traiter
du règne de la dernière dynastie des Tsars, les Romanov, qui ont dirigé la Russie pendant
trois siècles, en privilégiant l’art russe de la seconde moitié du XVIIIème jusqu’au début du
XXème siècle.
Les pièces majeures présentées et chargées d’illustrer les règnes de Paul Ier à Nicolas II
proviennent essentiellement du Musée Historique de Moscou. Elles ont pour objectif de
mettre en lumière le faste de la cour à cette période, ainsi que le rayonnement international
de Moscou, devenue dès les premières années du XXème siècle le foyer de l’art moderne
et du constructivisme.
Aussi, il convient de préciser que les prêts emblématiques du Musée Historique de Moscou
et du Musée du Kremlin consistent en des vêtements sacerdotaux, des objets liturgiques
en métal précieux, un ensemble d’icônes et une iconostase en bois peint du XVIIe siècle.
Ces objets illustrent sans nul doute la richesse de l’église orthodoxe russe.
Moscou est donc mise à l’honneur. Pour ce faire, un nombre important de toiles, plans et
gravures ont été sélectionnés afin de montrer l’étendue de la capitale.
« Le Siècle d’Or », entre les années 1820 et 1870 fut une période propice à
l’épanouissement de la littérature russe avec Tchekhov et Tolstoï notamment, de la musique
avec des artistes tels que Rimski-Korsakov ou Tchaikovsky, et de la peinture.
Par la suite, comme dans le reste de l’Europe, l’heure fut au retour aux sources tant en
architecture que dans les métiers d’art avec une production exceptionnelle qui sera
montrée dans la fameuse exposition pan-russe de 1882 à Moscou.
44
Cette exposition permet de découvrir ou de redécouvrir le passé russe à travers de
nombreux objets d’art : Kovch en verre, Samovar et un service de table dit « Rousskii
style » provenant du musée Kouskovo, un des musées participant à l’exposition. Les
visiteurs ont pu également apprécier bijoux et autres pièces d’orfèvrerie, ainsi que
les célèbres œufs de Pâques en joaillerie de Fabergé produits jusqu’en 1917 pour le
compte des tsars Alexandre III et Nicolas II.
Grâce au Musée de l’Elysée de Lausanne, un important fond photographique et des
films provenant des Archives cinématographiques de la Fédération de Russie de
Krasnogorsk pourront également être vus par le public qui aura l’honneur de pénétrer
dans l’intimité du dernier des Romanov - le Tsar Nicolas II – afin de découvrir sa vie
ainsi que celle de sa famille.
C’est donc une fois de plus une étroite collaboration entre la Russie et la Principauté de
Monaco qui a permis la mise en place d’une exposition d’une telle envergure.
Le projet a d’ailleurs nécessité l’aménagement intérieur de 4000m2 de l’Espace Ravel, avec
un espace d’exposition situé 10 avenue Princesse Grace à Monaco.
« Le programme est venu épouser les limites physiques du lieu, soutenu par une scénographie
lumineuse importante » a expliqué Monsieur François Payet, Scénographe de l’exposition.
L’enjeu de la scénographie est de confronter l’espace public à un événement ponctuel, à
savoir l’exposition d’art.
« Il s’agit de rendre lisible cet événement, auprès d’un public pas toujours initié, comme étant
une seule et même exposition, ce qui nous conduit à proposer une scénographie fédératrice,
créant un lien entre chaque pièce exposée. » a ajouté Mr Payet.
Splendeur des Romanov - Photo : Eva Esztergar
Festival de l’Art Russe à Cannes
Depuis plusieurs années, la ville de Cannes organise, chaque été, sur une semaine, le
Festival de l’Art Russe.
En 2007, un hommage a d’ailleurs été rendu à Diaghilev à travers les Saisons Russes.
Ce festival met à l’honneur l’art russe dans son ensemble. Généralement, les premiers
jours sont consacrés au jeune art russe.
Affiche du Festival
de l’Art Russe 2011
Pour l’année 2011, ce festival est organisé avec le concours du Syndicat d’Initiative de
Cannes et du Conservatoire à rayonnement départemental de musique et d’art
dramatique de Cannes. De plus, le festival est sous le haut patronage de Madame
Medvedeva, Première Dame de la Fédération de Russie.
Les jours qui suivent, le cinéma russe est systématiquement présent, en version original
sous-titrée.
Des diners-spectacles, spectacles de danse, produits artisanaux sont également visibles
durant ce festival.
Pour l’année 2011, orchestres symphoniques, chants et danses folkloriques, Opéra-Hélikon
et théâtre musical étaient également de la partie. Cet évènement était organisé grâce au
concours du Ministère de la Culture de la Fédération de Russie, de la Fondation pour les
Initiatives Culturelles et Sociales de la République de Khakassie.
Le festival de l’art russe attire chaque année de plus en plus de visiteurs et permet de faire
découvrir la richesse et la variété de l’art et de la culture russe.
45
Les relations économiques
Les Russes et le tourisme sur la Côte d’Azur
Une augmentation massive de la fréquentation de la clientèle russe
Au niveau national
Depuis les années 1990, la France est réputée pour être la première destination touristique
au monde.
Dans un bilan du secrétariat d’Etat du Tourisme de 2012, l’on apprend que la
fréquentation de clientèle étrangère a augmenté de 3,8% sur le sol français. La
clientèle russe a quant à elle fait un bon avec plus de 54,3% d’augmentation depuis
l’année 2009.
L’Observatoire du Tourisme de la Côte d’Azur ajoute que le marché russe est ancien mais a
été quasiment fermé jusqu’en 1990. Il se développe fortement depuis, avec un fort intérêt
des Russes pour la France et la Côte d’Azur. La France a ainsi accueilli 800 000 séjours
russes en 2013 (+13,6%). En 2014, le trafic aérien entre l’aéroport Nice Côte d’Azur et la
Russie a, de nouveau, augmenté de 9%.
Le secrétaire d’Etat au Commerce, Hervé Novelli, déclare que « la progression de la
fréquentation montre l’efficacité de la politique engagée visant à la montée en gamme de
l’ensemble de l’offre touristique française afin d’attirer une nouvelle clientèle […] provenant
notamment des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ».
Si la Russie, comme bien d’autres pays, a subi les effets de la crise en 2008 et 2009, les
Russes recommencent de nouveau à voyager et la France fait partie des destinations
prisées. En effet, depuis 2001, la Russie bénéficie d’une forte croissance économique qui
a engendré l’apparition d’une classe moyenne qui peut se permettre de voyager et
découvrir le monde.
La Russie fait d’ailleurs partie, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, des dix
premiers pays émetteurs de touristes internationaux.
De plus, les séjours en France sont, depuis la stabilisation des procédures de délivrance
de visas, grandement facilités.
Selon l’Observatoire Régional du Tourisme, la France est une destination phare aux yeux
des touristes russes, et même classée comme destination la plus attractive parmi ses
concurrentes européennes, d’un point de vue culturel et historique. 89% des Russes sondés
qui n’y sont jamais allés prévoient de s’y rendre, et 51% affirment vouloir y aller d’ici 2 ans.
Les sondés ayant déjà effectué un ou plusieurs voyages en France sont très susceptibles
d’y retourner : après un premier voyage dans l’Hexagone, ils sont 82% à prévoir de s’y
rendre à nouveau.
Au niveau national, selon l’Observatoire Régional du Tourisme édition 2014, le nombre
d’arrivées en France des Russes en hôtellerie de tourisme en 2013 s’élève à 864 765 (+8,1%
vs 2012).
Ce bilan dressé par l’INSEE indique
que la fréquentation touristique Russe
a contribué à hauteur de 0,44 point,
dépassant largement celle des
Américains pourtant habitués à visiter
la France.
48
Contributions à l’évolution annuelle de la fréquentation hôtelière en 2011
En points de pourcentage
Français
Autres Nationalités
Allemands
Britanniques
Russes
Suisses
Américains
Hollandais
Espagnols
Belges
Japonais
Danois
Italiens
Globalement, les touristes Russes viennent souvent en période de vacances « populaires »,
c'est-à-dire durant le Noël orthodoxe, le nouvel an russe, et pendant la saison d’été.
D’après une étude menée par le Comité Régional du Tourisme de Bretagne, les Russes
séjournant en France ont pour activités principales en vacances la découverte des villes,
des monuments, des musées, des jardins, et de la gastronomie française, avec une
nouvelle tendance au tourisme thématique (oenotourisme, etc).
Au niveau de la Côte d’Azur
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est la deuxième destination choisie par les Slaves
après Paris.
Source : Présentation du marché russe
Atout France Russie
Toujours selon l’Observatoire du Tourisme de la Côte d’Azur, le marché russe se place déjà au
6ème rang des étrangers sur la Côte d’Azur (11ème en 2009). Le seuil de 100 000 séjours a
été franchi en 2005, les 200 000 en 2010 et les 300 000 quasiment atteints dès 2012. Sa
contribution à la fréquentation étrangère approche les 9% en nuitées. La Côte d’Azur accueille
environ 20% des nuitées-hôtels en France.
Venant des anciennes républiques soviétiques, 9 séjours avion sur 10 viennent de Russie,
avec une majorité de la région de Moscou (76%), puis de Saint Petersbourg (18%) ; loin derrière
on trouve la région Oural-Lekaterinburg (2%).
La durée des séjours des Russes sur la Côte d’Azur est longue, nettement plus élevée que la
moyenne. Les séjours par avion durent autour de 10 nuits en moyenne (11,3 pour les Loisirs
et 6,6 pour les Affaires) et les séjours route-train plus de 8 nuits.
Les séjours se concentrent sur la période estivale (juillet-août). On constate une demande
encore faible en hiver.
Les dépenses totales à l’étranger enregistrées par les Russes se sont multipliées par 2 entre
2010 et 2013 (et par 4 depuis 2000).
Selon l’Observatoire Régional du Tourisme,les touristes russes dépensent en moyenne
135 euros par jour et par personne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La clientèle russe aime le luxe et préfère les hôtels 4 ou 5 étoiles, le shopping de luxe et
les casinos.
Il est intéressant de consulter les rapports annuels établis par l’aéroport Nice Côte d’Azur
– deuxième aéroport de France – car l’on peut constater que le trafic entre la Russie et la
Côte d’Azur a considérablement augmenté au cours des dix dernières années, allant
jusqu’à se multiplier par cinq.
49
Ventilation du trafic des passagers de
l’aviation commerciale à l’origine de la
Russie entre 2001 et 2010
L’évolution entre 2001 et 2012 peut être également illustrée par les données suivantes :
Trafic des passagers commerciaux
Répartition par origine et destination
Source : Bilan annuel de l’aéroport Nice
Côte d’Azur, 2005.
Trafic des passagers commerciaux
Répartition par origine et destination
Source : Bilan annuel de l’aéroport Nice
Côte d’Azur, 2012.
Ces tableaux permettent, par exemple, de constater que les voyages vers la Côte d’Azur au
départ de Saint-Pétersbourg ont connu une évolution incroyable. Les rapports entre Nice
et plusieurs villes de Russie ont par ailleurs été grandement facilités.
50
L’observatoire du tourisme de la Côte d’Azur a récemment établi un dossier regroupant
bon nombre d’informations sur la clientèle russe. Le bilan relatif aux nuitées hôtelières
passées en France, incluant Monaco, indique que les Russes en réalisent près de 20% sur
la Côte d'Azur, confirmant que la Riviera attire tout particulièrement cette clientèle.
En 2011, pour la deuxième année consécutive, la fréquentation hôtelière augmente dans la
Région PACA (+5,2% dans les Alpes Maritimes). Cette progression résulte de la hausse de
fréquentation des touristes étrangers (+6,8%) dont les touristes Russes venus plus
nombreux (+29%) pour lesquels la fréquentation dépasse désormais celle des Espagnols et
des Néerlandais.
Nuitées résidents russes sur la Côte
d’Azur
Sur l’année 2011, l’observatoire a pu établir que la ville de Nice représente 42,3% des
séjours hôteliers et 38,7% des nuitées.
En 2012, les Russes sont 82,7% à pratiquer des séjours longs de plus de 7 nuitées.
Pourcentage des nuitées hôtelières
passées sur la Côte d’Azur par les Russes
Nuitées Hôtels 2013
Nuitées hôtelières des Russes en Région PACA :
- pour 2011 : 377 514 nuitées russes
- pour 2012 : 527 748 nuitées russes
soit une évolution de +40% de la fréquentation des hôtels par la clientèle russe.
Selon la source « Enquête ‘’Cordon’’ » la clientèle russe en Région PACA représente 0,2% du
total des clientèles touristiques de la région et 1% des séjours de clientèles touristiques
internationales et 2% des nuitées.
51
Séjours des Russes à l’hôtel, selon les
villes, en 2013
Nice est la destination préférée des touristes russes.
Cannes figure au deuxième rang devant Monaco avec 22% des séjours contre 12% .
Les zones non littorales sont en revanche extrêmement peu fréquentées.
En 2013 on note une baisse des séjours hébergements sur toutes les zones sauf à Monaco,
Cannes et en Montagne.
Les études de l’Observatoire ont également permis de déterminer les catégories socioprofessionnelles des touristes russes se rendant sur la Riviera.
Marché encore relativement "neuf", la Russie, incluant les républiques satellites de la CEI,
se place au 11ème rang des marchés étrangers de la Côte d'Azur, devançant l'Asie et le
Japon.
Profil des touristes russes sur la
Côte d’Azur par CSP
0
En 2005, un fort redémarrage a permis de franchir le seuil des 100.000 séjours. On en
dénombre ainsi environ 300.000 actuellement.
Les séjours des Russes sont plutôt longs, mais ils sont encore très concentrés sur l'été. La
demande haut de gamme domine largement.
On estime à 2000 le nombre de résidents russes sur la Côte d'Azur et à 400 le nombre de
résidences secondaires russes sur la Côte d'Azur (dont une centaine sont détenues en
direct), soit un doublement sur deux années consécutives (2011 – 2012).
Cette fréquentation grandissante de la France par les Russes n’est pas sans conséquences
sur l’économie. Elle entraine une importante consommation.
52
La consommation russe en augmentation en France et à Monaco
Le shopping fait également partie des vacances.
La baisse des achats des touristes américains, que le contexte économique actuel
(augmentation du taux de change euro/dollar, crise des subprimes, crise économique) a
freiné, est largement compensée, en France, par l’émergence massive de nouveaux visiteurs.
Ainsi, le chiffre d’affaires des achats en détaxe des touristes hors Union Européenne était en
hausse de 4,3% en 2008, selon une étude de Global Refund. Les Russes, les Chinois, les
Japonais et les Américains représentent à eux seuls 43% des opérations de détaxe.
Selon l’étude, les touristes, et particulièrement ceux des pays de l’Est, sont notamment
attirés par « la patrie du luxe et de la culture » et ont tendance à séjourner dans des hôtels
haut de gamme. Monaco, Antibes et Cannes sont leurs destinations préférées.
Pourcentage de visite par activités des
Russes sur la Riviera
Visité un musée ou un monument
Assisté à un spectacle payant
Été au restaurant
Pratiqué un sport ou une activité
Joué au casino
Été à la plage/ aux sports d’hiver
Fait du shopping
Été à Monaco
Fait une excursion en montagne
Été en mer
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
Comme le démontre ce document, près de 100% des touristes ayant séjourné sur la Riviera se
sont rendus au restaurant, et plus de la moitié d’entre eux ont fait du shopping durant leur séjour.
Les achats en Principauté sont d’ailleurs fréquents et Michel Bovas, dans un article du
3 septembre 2008 énonce dans le magazine « TourMag » que les boutiques du Carré
d’Or de la Place du Casino à Monaco réalisent 80% de leurs transactions avec les
Russes qui ne représentent pourtant que 20% de leur clientèle.
Toujours selon l’étude Global Refund, les touristes russes ont acheté pour centquarante-quatre millions d’euros de produits détaxés contre soixante-trois millions
pour les Américains. Après l’Arabie Saoudite, les Russes sont passés seconds dans
« l’art » du shopping, avec un panier moyen de mille-deux-cent-trente-et-un euros par
personne et une dépense moyenne par jour et par personne de cent-seize euros dans
la région PACA en 2013 (d’après l’Observatoire du Tourisme).
L’adaptation de la Côte d’Azur aux touristes russes
Le 27 août 2011, Monaco-Matin consacrait une double page à la clientèle russe.
Les journalistes y rappelaient alors l’importance de parler russe sur la Côte d’Azur. De plus en
plus, les hôteliers recrutent du personnel russe ou russophone. Dans certains hôtels, parler
la langue est devenu « l’un des critères de recrutement », « un vrai atout à l’embauche ».
Dans son article, Nathalie Pouzouet ajoute : « en Principauté, certaines des hôtesses
s’initient au russe, afin d’optimiser l’accueil de cette clientèle ».
Les villes proches de Monaco accordent également de plus en plus d’importance aux
clients russes de la Riviera.
Les offices du tourisme du département disposent de brochures et de plans en cyrillique.
53
54
Nouvelle liaison entre Nice et Moscou
La Riviera, de par son histoire avec la communauté russe dispose de nombreux sites à
visiter, et une liaison ferroviaire replongeant ses passagers dans l’histoire Franco-Russe
vient même d’être créée.
La compagnie ferroviaire russe Russian Railways (RDZ) s’est d’ailleurs lancée dans un
projet surprenant.
Une nouvelle liaison ferroviaire historique a été établie, en septembre 2010. Elle permet de
relier, une fois par semaine, en trois jours, la place Rouge à la baie des Anges.
Cette liaison n’est pas sans rappeler celle qui existait avant 1917 afin de relier Moscou à
Nice pour amener, sur la Riviera, une partie de la cour du tsar.
Les passagers du Moscou-Nice peuvent donc parcourir plus de trois-mille kilomètres, à
travers sept pays (Russie, Biélorussie, Pologne, République Tchèque, Autriche, Italie,
France) en un peu plus de quarante-cinq heures.
Afin de rendre cette nouvelle liaison plus attractive, des réductions tarifaires sont
proposées pour les jeunes étudiants, les familles, ou encore les seniors.
Les tarifs appliqués peuvent alors être relativement compétitifs par rapport à ceux
pratiqués sur la ligne aérienne directe Nice-Moscou.
Depuis son lancement, plus de deux-mille passagers ont emprunté la liaison. Les français
(46%), italiens (26%), et autrichiens (19%) constituent les principaux clients.
On dénombre, tous moyens de transports confondus, trois-cent-milles voyages par an entre
Moscou et la Côte d’Azur reliée par lignes aériennes régulières. A terme le train Moscou Nice devrait capter 15% de ce flux touristique.
Pour Vladimir Iakounine, un des axes prioritaires de l'activité commerciale de Russian
Railways est actuellement le tourisme ferroviaire, la compagnie aspirant à poursuivre le
développement de ce secteur.
Quelque soit la méthode choisie pour se rendre sur la Côte d’Azur, il demeure indéniable
que bon nombre d’activités sont possibles une fois les touristes russes arrivés.
Trajet effectué par le train Nice-Moscou / Moscou-Nice
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Les nouvelles fortunes russes sur la Côte d’Azur
La culture et l’évènement à l’honneur
Les manifestations culturelles et événementielles de la région n’échappent pas à la
communauté russe qui vient séjourner sur la Riviera durant la belle saison.
Les Russes se rendent sur la Côte d’Azur pour profiter du Festival du Film de Cannes, du
Grand Prix de Monaco, des Nuits Blanches de Ramatuelle, et plus généralement de toutes
les fêtes nocturnes organisées dans la région.
Roman Arkadievitch Abramovitch, la quarantaine, est classé dans les vingt premières
fortunes du monde. Cet ex gouverneur de Tchoukotka, devenu parlementaire, et
propriétaire du Chelsea FC, club de première division anglaise, fréquente la Côte d’Azur
depuis les années 1990. Ainsi, l’été, au Port Vauban, à Antibes, l’on peut toujours trouver
l’un des yachts de Roman Arkadievitch Abramovitch, le « Pelorus », (ci-dessous, dans le port
de Nice) surmonté de deux hélicoptères, qu’il a acquis pour deux-cent-cinquante-quatre
millions d’euros.
Un exemple du développement de la fréquentation russe sur la Côte d’Azur est l’agence
d’Anastasia Dorochev. Cette Franco-Russe a ouvert une agence spécialisée dans
l’événementiel et les fêtes privées. Isabelle Jamson, moscovite diplômée en commerce
international et à la tête d’une société de conseils en développement sur le marché russe
l’a interrogée.
Anastasia Dorochev a créé deux sociétés en 2002, spécialisées dans l’organisation
d’événements et de voyages.
Après quelques années, elle les a réunies afin de se spécialiser dans le « tourisme créatif ».
La société met l’accent sur l’organisation de séjours insolites et exclusifs. Anniversaires,
mariages, fêtes, se doivent d’être spectaculaires et hors du commun. Entourée de
collaborateurs russes, Anastasia souhaite satisfaire et surprendre une clientèle exigeante.
D’une fête du nouvel an en costumes d’époque Renaissance et grandes calèches, à la
location de plages privées pour des anniversaires, en passant par des mariages hors
normes ayant des airs de film Hollywoodien, tous les rêves sont permis.
La démesure et l’émerveillement sont également au rendez-vous. C’est ainsi qu’en 2008,
Andreï Melnichenko, la trentaine, spécialisé dans la production énergétique et la finance
a inauguré le plus grand bateau de plaisance au monde, un mégayacht futuriste de cent
vingt mètres, baptisé « A » entre Juan-les-Pins et les îles de Lerins.
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L’événement est médiatisé. Le 28 août 2008, Nice-Matin titre « Le nouveau tsar des mers…
navire amiral de la flotte russe ».
Pour l’occasion, Melnichenko a organisé une immense fête. A bord de sa nouvelle
acquisition, des centaines de convives du big business et de la jet set, ainsi que Lenny
Kravitz, invité à donner un concert avant un fabuleux feu d’artifice.
Mais les russes ne se cantonnent pas à organiser de magnifiques soirées et à suivre de près
les événements culturels de la région, ils font également de nombreuses acquisitions sur la
Côte d’Azur.
Lorsque l’on parle de l’aspect récréatif de la Côte d’Azur, l’on ne peut pas oublier de citer
le duo Potanine-Prokhorov.
Anastasia Potanina en pleine
performance au Krylatskoe
Sport Palace de Moscou.
Photo: Yury Martyanov
Vladimir Olegovitch Potanine, a intégré le ministère du Commerce extérieur de l’URSS et
y est resté jusqu’en 1990. Par la suite, il est devenu vice-président de la banque privée
russe, la Compagnie internationale financière, puis président en 1993. La même année, il
devient président de la société Onexim et noue alors une amitié forte avec Mikhaïl
Prokhorov, autre homme d’affaires moscovite.
A eux deux, ils acquièrent le groupe minier et industriel MMC Norilsk Nickel.
Potanine entre également en politique et devient Premier vice-Premier ministre, chargé de
l’Economie de la Fédération de Russie dans le gouvernement de Viktor Tchernomyrdine. Il
agit aussi dans les domaines socio-éducatifs, culturels et humanitaires.
Ces deux hommes, dont la réussite professionnelle est indéniable, se retrouvent chaque été
à l’Eden Roc.
Pour leur passage sur la Côte, Potanine et Prokhorov louent de grandes suites, et
organisent de multiples réceptions. Champagne, caviar, langoustes, grands crûs classés
millésimés, les deux amis profitent et ne manquent pas de faire profiter leur entourage.
Les nouvelles fortunes russes séjournant sur la Côte d’Azur ne manquent pas non plus de
faire du sport, le jet ski est d’ailleurs l’une des passions de la famille Potanine. Anastasia
Potanine a d’ailleurs obtenu trois fois le titre de championne du monde d’aquabike. Sa
dernière victoire en date fut d’ailleurs en 2006, à Monaco.
57
La recrudescence d’investissements immobiliers
Les russes sur la Côte d’Azur profitent, certes, du climat de la région et de ses soirées, mais
ils désirent également devenir propriétaires de terres et de biens.
Un agent immobilier de la région déclare d’ailleurs que « les Russes ont fait leur apparition
sur la Côte d’Azur en 1992, mais c’est vraiment à partir de 1995 qu’ils ont commencé à
acheter. Et il n’était quasiment jamais question d’argent, du moins dans la démarche
prospective. Nos clients voulaient ce qu’il y a de mieux sur le marché ».
Aussi, les espaces privilégiés de la Riviera tels que le Cap d’Antibes, Cap Ferrat, Cap d’Ail
ou encore le bassin cannois ont un attrait tout particulier pour eux.
Le Cap Ferrat, en particulier, a toujours été très convoité, notamment au XIXème siècle,
avec la présence de nombreux aristocrates, rois, reines, princes et princesses.
Il est impensable de s’intéresser à la présence russe sur la Riviera sans citer la famille
Ephrussi et en particulier Maurice Ephrussi. Maurice, banquier né à Odessa en 1849, résida
à Paris une majeure partie de sa vie avant d’épouser, en 1883, la baronne Béatrice de
Rothschild. Après avoir résidé dans le château de Reux, dans le Calvados, le couple fit
construire entre 1905 et 1912 la Villa Ile-de-France, également connue sous le nom de
Villa Ephrussi, à Saint-Jean-Cap-Ferrat.
Transformé à la mort de la baronne en 1934 en musée, ce palais est décrit comme un
véritable « bijou architectural » et attire chaque année bon nombre de visiteurs
émerveillés par les cascades, les jeux d’eaux musicaux, ou encore les concerts lyriques
donnés dans le cadre du festival annuel « Azuriales ». Les Ephrussi-Rothschild étaient très
attirés par la région puisqu’ils possédaient également deux villas à Monte-Carlo, la Villa
Soleil et la Villa Rose de France.
La villa de la baronne, à Saint-Jean-Cap-Ferrat ©Villa Ephrussi
58
Transformé à la mort de la baronne en 1934 en musée, ce palais est décrit comme un
véritable « bijou architectural » et attire chaque année bon nombre de visiteurs
émerveillés par les cascades, les jeux d’eaux musicaux, ou encore les concerts lyriques
donnés dans le cadre du festival annuel « Azuriales ». Les Ephrussi-Rothschild étaient très
attirés par la région puisqu’ils possédaient également deux villas à Monte-Carlo, la Villa
Soleil et la Villa Rose de France.
De même, de nombreux illustres personnages du monde des arts, de la culture, du
cinéma, ou encore de la politique y sont arrivés. Parmi eux l’on peut citer Charlie
Chaplin, Jean Cocteau, Winston Churchill, Jack Nicholson, Sir Alex Ferguson, ou
encore Paul Allen.
Melnichenko est également propriétaire de la somptueuse Villa Altaïr au Cap d’Antibes. Il
y a d’ailleurs organisé son mariage, faisant même transférer une chapelle orthodoxe de
Moscou afin de la remonter dans le parc de sa villa. Etaient présents pour l’occasion de
nombreuses personnalités telles que Vladimir Poutine, des ministres russes, quelques
hommes d’affaires et Roman Abramovitch.
Roman Arkadievitch Abramovitch, séjourne en effet régulièrement au Cap d’Antibes,
dans le château de la Croë (ci-dessous, source : alexandra-lloyd.com), qu’il a acquis pour
vingt millions d’euros.
Le château de la Croë
(source : alexandra-lloyd.com)
Son ancien partenaire d’affaires Boris Abramovitch Berezovski, décédé le 23 mars
2013, autrefois homme lige de Boris Eltsine, spécialiste en communication et patron de
chaines TV avait d’ailleurs acquis deux propriétés du Cap d’Antibes, pour cent quarantecinq millions de francs, en 1996.
Ainsi le château de la Garoupe et le clocher de la Garoupe, lieux où séjournaient
régulièrement le clan du président Eltsine et sa fille Tatiana lui appartiennent.
Sergueï Pougatchev, « le banquier de Poutine » a lui aussi dépensé quelques dizaines de
millions d’euros pour acheter le château Gairaut à Nice, un grand chalet à Valberg, ainsi
que deux villas avec piscine en marbre sur le Cap Ferrat.
De même, Mikhaïl Prokhorov, a signé en 2008 un compromis de vente pour acquérir l’une
des plus chères villas du monde à Villefranche-sur-mer, la Leopolda, ancienne propriété du
roi des Belges Leopold II, même si cette transaction n’a finalement pas été menée à terme.
Arcadi Alexandrovitch Gaydamak, a acquis en 1997 la propriété L’islette, plus connue
sous le nom de Villa Pellerin, en pointe du Cap d‘Antibes.
Aussi, Alexander Sabadsh, natif de Saint-Pétersbourg s’est offert la Villa La Desirade (cicontre) à Saint-Jean-cap-Ferrat, tandis que Gueorgui Khatsenkov, ancien dirigeant de La
Pravda a acquéri deux villas à Beaulieu-sur-mer et à Roquebrune-cap-Martin.
Les constructions du siècle dernier en lien avec la communauté russe ont gardé toute
leur importance.
Ainsi, Mikhaïl Viktorovitch Slipentchouk, une des plus grandes fortunes russes, a acheté,
pour ses parents retraités, une villa à Cannes, non loin de l’église orthodoxe Saint-Michel
Archange, dans l’ancien hôtel des Pins du boulevard Alexandre III qui recevait, à l’époque,
l’aristocratie de Saint-Pétersbourg.
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D’autres demeures du patrimoine historique de la ville de Cannes ont été rachetées. C’est
le cas notamment des villas Les Cystes et La Fleurière.
Un rapport du magazine « l’Express » du 2 mai 2002 a d’ailleurs énoncé que « sur les dix
dernières années, il apparait que les nouveaux riches des pays de l’Est, en majorité de
Russie, Biélorussie, Ukraine et Kazakhstan, ont investi pour plus de deux cents millions
d’euros en acquisition de biens immobiliers dans les Alpes-Maritimes ».
Certaines des nouvelles fortunes russes qui se rendent sur la Côte d’Azur ont aussi le
souhait d’investir et de se lancer dans l’hôtellerie et la restauration.
Mikhaïl Viktorovitch Slipentchouk est ainsi réputé à Auribeau-sur-Siagne pour avoir
racheté un restaurant réputé du bassin cannois : La Vignette Haute. Il a pour projet de
transformer l’établissement et d’en faire un luxueux hôtel quatre étoiles.
Panorama de La Vignette Haute, château et hôtel 4 étoiles situé à
Auribeau-sur-Siagne
(source : vignettehaute.com)
De même, en 2004, l’hôtel Métropole de Beaulieu, ancien hôtel quatre étoiles devenu
obsolète a été racheté par cinq originaires du Kazakhstan.
Ces hommes ont pour objectif de le modifier et de l’agrandir, le transformant ainsi en
nouveau palace de luxe avec vingt-deux chambres, treize suites, un restaurant
gastronomique, un spa, ainsi qu’une piscine. Il faut saluer la démarche qui, en plus
d’être prometteuse, se veut respectueuse de l’environnement, l’établissement devant
être aux normes HQE (haute qualité environnementale).
Dans le même esprit, il convient également de citer le rachat de la résidence Eiffel
par Léonard Blavatnik, président du groupe Access Industries et milliardaire russoaméricain, et déjà propriétaire du Grand Hôtel du Cap Ferrat et de l’Hôtel Vendôme à
Paris.
La Russie était l’invitée de la Chambre de développement économique de Monaco,
présidée par Michel Dotta, le 9 juin 2011, à l’occasion d’un Ambassador’s Lunch. Une
centaine d’entrepreneurs de Monaco y étaient conviés.
Ivan Prostakov, ministre-conseiller et chef de la représentation commerciale de
l’ambassade de Russie y a alors évoqué les relations entre la Russie et Monaco,
déclarant que « les liaisons entre les deux pays n’ont pas encore pu réaliser leur potentiel
économique. Nous ne sommes qu’au début de notre coopération. »
Bien que les relations entre la Russie et la Riviera aient connu un développement
fulgurant en l’espace de deux siècles, tant au niveau culturel, qu’économique ou social,
force est de constater que les deux nations souhaitent aller encore plus loin.
Le chef de la représentation commerciale de l’ambassade de Russie à Paris s’est
ensuite réjoui que la CDE ait organisé un déplacement en Russie.
« Cela va donner des résultats dans des projets communs réalisés dans différents
domaines » a-t-il souligné.
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2015 : Année de la Russie à Monaco
En 2015, la Principauté de Monaco met véritablement la Russie à l’honneur en organisant,
tout au long de l’année, à Monaco, de nombreuses manifestations d’ordre artistique,
sportif, scientifique, éducatif et gastronomique pour mettre en valeur le patrimoine
commun et les rapports historiques et culturels entretenus, de longue date, par les deux
pays.
L’année de la Russie à Monaco a, en effet, pour ambition de rendre hommage à la Russie
et tenter de la faire mieux connaître du public, tant sur le plan de sa culture que de ses
traditions.
Les Arts sont ainsi largement représentés dans les centres culturels les plus renommés de
la Principauté, comme le Grimaldi Forum, qui accueille, en son sein, de magnifiques
expositions de peinture et d’œuvres d’art ; la danse figure brillamment avec la venue à
Monaco de la célèbre troupe de danseurs des Ballets du Bolchoï. La musique et l’opéra
mettent en exergue les œuvres de grands artistes russes : des concerts de célèbres
compositeurs russes sont programmés à l’Auditorium Rainier III, entre autres, et des
représentations d’œuvres majeures se succèdent à l’Opéra de Monte-Carlo.
Selon une source émanant du Gouvernement Princier, « L’enjeu de ce foisonnement
artistique est d’élargir la vision que l’on peut avoir de ce grand pays et de souligner ce que
ce dernier, au fil des ans, a apporté à la Principauté... L’année 2015 est le reflet de tout ce
qui a pu rapprocher, au fil de l’Histoire, la Russie de Monaco. ».
Nul doute que l’avenir appartient à la Russie et à la Riviera et qu’il n’en tient qu’à elles
de perpétuer les excellentes relations qui les caractérisent.
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Bibliographie
✓ « 1860, Nice, la Caisse d’Epargne, les banques », Joseph Duplouy, Nice : Editions Pro Civitate
✓ « Nicolas Alexandrovitch : le grand-duc héritier de Russie », Emmanuel Fricero, Nice :
Imprimerie Meyerbeer
✓ « Les Révolutions russes de 1917 », Léonard Schapiro,Flammarion
✓ « Diaghilev et Monaco », Vladimir Féodorovski,Editions du Rocher
✓ « Moscou : Splendeurs des Romanov », Skira Grimaldi Forum
✓ « Novaritchs : les nouveaux princes de la Côte », Jean-Jacques Depaulis, Editions du moment
✓ « Les milliardaires de la Côte », Bruno Aubry, Paris : l'Archipel
✓ « Monaco Diaghilev et les ballets russes pour inaugurer le musée national », 10 juillet 2009,
Joëlle Deviras, Nice-Matin
✓ « La clientèle russe s’enflamme pour la Principauté », 27 août 2011, Monaco Matin
Webographie
http://www.aaomir.net
http://www.acor-nice.com
http://www.ambafrance-ru.org
http://www.art-russe.com/
http://www.blogdelorientation.com
http://www.cannes.com
http://www.cdlm.revues.org
http://www.cosmovisions.com
http://www.cotedazur-touriscope.com
http://www.dw-world.de
http://www.egliserusse.eu
http://www.eligne.com/
http://www.infos-russes.com/
http://www.insee.fr
http://www.maisondelarussieanice.com
http://www.menton.ma.ville.com
http://www.nice.fr
http://www.nice.aeroport.fr
http://www.russie.net
http://www.sem-art.mc
http://www.tourisme-menton.fr
Auteur : Bérangère Martinelli
Pour le compte de : Compagnie Monégasque de Banque SAM
Sur initiative de : Werner Peyer, Administrateur Délégué
& Stephan Sieder, Directeur
Année de rédaction 2011
Année de première publication : 2012
Dernière mise à jour : 2015
Edition : 3ème Edition 2015, 500 exemplaires
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