Journée-Terrain - Internet DREAL Grand Est

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Journée-Terrain - Internet DREAL Grand Est
Ministère de l'Egalité des Territoires et du Logement
DREAL Alsace
Service Energie, Climat, Logement et Aménagement
Ville de Mulhouse
Club Ecoquartier Alsace
Donner vie à l'écoquartier
penser et accompagner le fonctionnement et les usages
fiche de synthèse
http://www.alsace.developpement-durable.gouv.fr
Journée-terrain du 26 juin 2012 à Mulhouse. Organisation : DREAL Alsace, CETE de l'Est, Ville de Mulhouse,
AURM, Mulhouse Habitat et Club National Ecoquartier
Le Club Ecoquartier a été reçu à la mairie de Mulhouse pour
une matinée de travail suivie l'après-midi par une visite du
quartier Wolf/Wagner, Prix du Palmarès du concours
Ecoquartiers 2011 dans la catégorie « rénovation de
quartier ».
Denis Rambaud, premier adjoint au Maire de Mulhouse a
introduit la matinée en rappelant quelques-unes des idées
fondamentales qui ont guidé la Ville de Mulhouse et le bailleur
Mulhouse Habitat dans la transformation du quartier Wagner. Il
s'est agi de transformer un quartier d'habitat social en
écoquartier, pour ses habitants, et à l'opposé de tout
écoquartier «bobo»: un véritable travail sur la solvabilité des
locataires a été réalisé. Le projet a aussi consisté à retisser le
lien entre le quartier et la ville grâce notamment au tramway.
Enfin, l'accent a été mis sur la qualité des bâtiments, mais aussi
sur la volonté d'offrir une vraie qualité des espaces publics,
notamment en repensant la place de la voiture. Mener un projet
avec des objectifs très ambitieux oblige aussi à rester vigilant, à
évaluer les résultats concrets. Ce projet a par exemple révélé
que les objectifs théoriques de mixité et diversité urbaine
relèvent d'un équilibre très subtil à trouver lors de la mise en
œuvre du projet.
Marc Hoeltzel, directeur de la DREAL Alsace a salué la
grande qualité du projet Wolf/Wagner, et souligné l'engagement
des 17 communes alsaciennes qui ont candidaté aux deux
cessions du concours Ecoquartier.
Le Club Ecoquartier Alsace, mis en place début 2012, s'adresse
spécifiquement à elles. L'objectif est d'accompagner les projets
des communes, mais aussi de permettre les échanges entre collectivités, de favoriser le
travail en réseau, de proposer des interventions d'experts ou des présentations
d'expériences, de mettre en évidence et partager les questionnements qui méritent des
approfondissements. C'est ce qui a été recherché pour cette journée-terrain. A l'appui du
premier retour d'expérience que constitue le quartier Wolf-Wagner, la question posée est :
au-delà des projets conçus sur le papier, comment créer des quartiers réellement vivants ?
C'est ainsi qu'au travers des différents témoignages présentés au cours de la journée a été
mise en évidence la nécessité pour un écoquartier d'être avant tout un morceau de ville avec
une vie de proximité et une certaine « intensité urbaine ». Pour Denis Crozier, du CETE de
l'Est, la démarche Ecoquartier invite ainsi à faire évoluer notre manière d'observer le
territoire et de penser le projet. Il s'agit de passer d'une pensée de plan-masse et de produit
fini à une logique dynamique de prise en compte des usages, de programmation itérative en
terme de fonctionnement et d'accompagnement des habitants. La conduite du projet doit
mettre au premier plan la question des usages. Les projets d'écoquartier doivent intégrer les
usages existants, mais aussi offrir la souplesse nécessaire à l'émergence de nouveaux
usages, prévisibles ou non.
La ville vivante, une construction dans le temps
En voisin de l’agglomération mulhousienne, Eric Honegger, co-initiateur du projet
Gundeldinger Feld à Bâle, est revenu sur l’histoire de ce projet hors norme. En 1999, à la
fermeture de la fabrique de compresseurs dans ce quartier situé derrière la gare de Bâle,
quatre riverains, tout à la fois citoyens et professionnels de l’architecture, tentent le pari de
reconvertir le site. L’ambition est d’en faire un lieu de vie suivant une démarche de
développement durable, en fournissant au cœur de ce quartier résidentiel des services alors
absents (crèche, bibliothèque, centre social, locaux d'activité...) et d'y proposer des activités
attractives pour désenclaver le quartier (restaurants, brasserie, salle d'escalade...).
Le prix du foncier en centre ville de Bâle est particulièrement élevé. Pour franchir ce premier
obstacle, la propriété bâtie a été dissociée du foncier qui a été acquis par un fonds
d’investissement et mis à disposition dans le cadre d’un bail emphytéotique. Ce montage
permet de limiter le capital de départ.
Le pari est aussi de réussir à construire avec un budget d'investissement limité un projet
dans un lieu qui présente une surface de hangars industriels à réhabiliter très vaste. La
solution est trouvée dans le « sur-mesure » : les locataires sont choisis en fonction des
caractéristiques des bâtiments et des besoins du quartier, ce qui permet de réaliser les
travaux techniquement et financièrement les plus adaptés.
L'appropriation du lieu par les habitants est aussi un défi : l'approche est de nouveau
pragmatique, avec l'organisation de journées de visite, une ouverture progressive de la
friche, des bourses aux plantes pour verdir le site, ou des occupations temporaires qui
favorisent les échanges informels et créent un premier usage des lieux.
Dans ce projet le temps est une notion essentielle, la richesse du projet et son épaisseur se
construisent dans la durée : le bail emphytéotique comme acte fondateur, les usages
temporaires comme catalyseur, la gestion locative comme garant des objectifs du projet
dans le temps.
Au-delà de l’activité marchande, le commerce comme aménité urbaine
Si le projet de Bâle a permis d’amener les services et emplois dans un secteur résidentiel, la
problématique du commerce, comme fonction consubstantielle de la ville depuis son origine,
mérite d’être abordée de manière spécifique. Les commerces de proximité constituent un
invariant dans la plupart des projets d’écoquartiers. Pour autant, ils ne voient pas toujours le
jour, ou peinent à trouver une rentabilité. François Kossmann, dirigeant du bureau
d'étude Objectif Ville rappelle que le commerce de proximité, dans un écoquartier comme
ailleurs, n'échappe pas à deux données élémentaires : le flux et l’usager. Le commerce doit
être programmé avec soin, en se mettant dans la logique de l'usager : il doit être bien situé
par rapport aux autres fonctions de la ville (banque, mairie, poste, école, etc..) et être
facilement accessible pour avoir la possibilité de capter une partie du flux.
Dans une opération d’aménagement de quartier, la surface dédiée aux commerces n’est en
général qu’une petite fraction des surfaces construites, dont la rentabilité est moindre par
rapport au logement. Pour l’aménageur le commerce apparaît comme une variable
d’ajustement. Or le projet de commerce doit au contraire être étudié avec soin. La réflexion
doit s'appuyer sur un diagnostic, l'emplacement être choisi en prenant en compte les lieux
d'intensité commerciales, le local disposer d'aménagements techniques singuliers en
fonction de l'activité prévue (gaines, stockage, accès logistique...). Un projet d'activités
commerciales dans un écoquartier ne se décrète pas : il nécessite à la fois une étude de
marché pour vérifier sa faisabilité, puis une volonté politique clairement affirmée, afin de
garantir une prise en compte de la fonction « commerce » dès les premiers stades de l'étude
du projet.
Des projets d'écoquartiers qui s'appuient d'abord sur une volonté d'évolution
globale des usages
Cette diversité fonctionnelle et la diversité urbaine sont au cœur de la problématique de
l’émergence d’une vie sociale riche, composante fondamentale d'un aménagement durable.
Pour Henri Stoll, maire de Kaysersberg, il ne s'agit pas d'appliquer des recettes toutes
faites quartier par quartier, mais de penser cette question de la diversité aux échelles
adéquates, pour intégrer les projets dans une ville des proximités. L'objectif de la ville de
Kaysersberg et plus largement de la communauté de communes, est de maintenir un tissu
économique local dynamique et de le rendre accessible à tous et notamment aux jeunes
ménages pour assurer la vitalité du territoire. Pour ce faire, l'enjeu est pour la collectivité de
limiter le prix de sortie des logements dans les projets d'écoquartiers, afin qu'ils restent
accessibles à la population et ne deviennent pas un lieu réservé à une classe privilégiée.
C'est un objectif clair mais exigeant dans une commune attractive où le foncier est rare du
fait de l'activité vinicole. Plus globalement et au-delà des objectifs environnementaux propres
aux nouveaux quartiers (constructions qui doivent dépasser le niveau BBC, matériaux
sains..) la ville de Kaysersberg et la communauté de communes tentent d'impulser de
nouveaux usages à une échelle plus vaste : diagnostic thermique sur toute la commune,
plateforme de covoiturage, bourse aux logements, compostage collectif, échange avec une
fabrique de carton pour produire de l’isolant en carton recyclé, etc.. Il s'agit ici avant tout de
faire évoluer les usages.
Faisant écho à cette intervention du maire de Kaysersberg, Franck Faucheux, du ministère
de l'Egalité des Territoires et du Logement, a souligné, concernant les prix de sortie, que
le profil des personnes recherchant des logements évolue assez vite, parfois plus vite que la
mise en oeuvre du projet urbain, qui s'inscrit dans un temps long. C'est pourquoi il peut être
utile de ne pas trop pré-déterminer la demande, et en tout cas de proposer une offre
diversifiée, qui est également garante d'un quartier vivant. Cette mixité de programmation
peut également se retrouver à l'échelle du bâtiment. De manière plus générale, les projets
doivent maintenant prendre en compte la rapidité de certaines évolutions, et il faut remettre
plusieurs fois sur l'ouvrage les scénarios de programmation et les montages financiers pour
obtenir un quartier support d'usages variés.
De l'écoquartier imaginé à l'écoquartier vécu : un retour d'expérience
concluant à Mulhouse
Lorsque le projet vise à transformer un quartier existant, l'évolution dans les usages, et avec
lui le changement d'image est parfois essentiel à la réussite du projet. La fierté que peuvent
éprouver les habitants d'un quartier rénové est un indicateur pertinent. Cela est
particulièrement vrai à Mulhouse, où avant d'être un écoquartier, Wolf-Wagner était un
quartier d'habitat social assez stigmatisé.
La visite du quartier Wolf-Wagner, menée conjointement par Aline Winninger de Mulhouse
Habitat et Christine Tiret de la ville de Mulhouse, a permis de découvrir un lieu
transformé pour et avec ses habitants, où a été mis en œuvre certains principes de coproduction du projet ( cf synthèse de l'atelier n°6 sur le citoyen acteur du projet).
Pour la réussite de ce projet de renouvellement urbain, la gestion du temps a également été
un facteur-clef. La mise en œuvre du projet a coïncidé avec l’arrivée du tramway. La
réhabilitation de l’existant et l’installation du siège du bailleur en entrée du projet ont précédé
la partie de l'opération menée en démolition/reconstruction d'immeubles neufs. Eux-mêmes
ont été réalisés en plusieurs phases par plusieurs architectes. La démarche « Chantier
enchanté » a permis de construire progressivement la nouvelle vie du quartier, tout en
rendant plus acceptable les désagréments liés au chantier.
L'opération de démolition-reconstruction a permis de diversifier les typologies de logements
en proposant des petits collectifs et des logements intermédiaires. Cette diversification
architecturale s’est également accompagnée d’une recomposition de l’espace public en
limitant le stationnement à un ouvrage en silo et à des poches le long de la rue principale.
Cela permet de protéger l’opération du bruit lié à la circulation automobile, cela permet
également de proposer un espace public dédié aux piétons et à des usages réinventés. Le
nouveau centre socio-culturel actuellement en construction et l’aménagement prochain du
parc central contribueront à cette évolution des usages.
Du quartier rêvé à la vie de quartier
Lors du concours Ecoquartiers 2011, il était demandé à chaque collectivité candidate d'écrire
un petit récit-fiction d'une page, relatant la vie d'un habitant de l'écoquartier en 2020. On
retrouve dans ces textes la question de la performance écologique de l'habitat, la proximité
des transports en communs, une plus grande présence de la nature, mais ce qui transparaît
surtout est une très forte projection dans l'usage futur des lieux : l'habitant vit dans
l'écoquartier au travers de ses commerces, de ses associations, de ses relations de
voisinage, de l'école...
La visite du quartier Wolf-Wagner et les échanges avec quelques habitants ont permis de
commencer à voir vivre un écoquartier en Alsace. L'ensemble des interventions et des
débats de la journée a exploré la question de l'usage des lieux : quel usager ? (le prix du
logement), quel usage des lieux, avec quelle implication des habitants ? Pour les porteurs de
projets d'écoquartier, mettre la question des usagers au centre de la réflexion, c'est entrer
dans une logique de « processus » qui renouvelle l'approche du projet urbain.
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