AUDIENCE PUBLIQUE DU 8 FEVRIER 2012 R.G. 2010/AM/378 N

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 8 FEVRIER 2012 R.G. 2010/AM/378 N
ROYAUME DE BELGIQUE
POUVOIR JUDICIAIRE
ARRET
COUR DU TRAVAIL
DE MONS
AUDIENCE PUBLIQUE DU 8 FEVRIER 2012
R.G. 2010/AM/378
N° 2012/
8ème chambre
Contrat de travail – Joueur de football professionnel Employé – Clause d’option – Nature de la clause – Validité de
la clause.
Article 578, 1°du Code judiciaire
Arrêt contradictoire, définitif.
EN CAUSE DE :
La Société Anonyme Royal Albert
Elisabeth Club de Mons, en abrégé RAEC
Mons,
Appelante au principal, intimée sur incident,
comparaissant par son conseil, Maître
LACOMBLE, avocat à Liège ;
CONTRE
Monsieur D.N.,
Intimé au principal, appelant sur incident,
comparaissant par son conseil, Maître
ERNES loco Maître MISSON, avocat à
Liège.
*******
La cour du travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l’arrêt suivant :
2ème feuillet
R.G. 2010/AM/378
Vu les pièces de la procédure et plus particulièrement :
-
-
-
la requête d’appel reçue au greffe le 21 octobre 2010 et dirigée
contre un jugement rendu contradictoirement le 28 juin 2010 par le
tribunal du travail de Mons ;
les conclusions des parties et, en particulier, les conclusions de
l’intimé déposées au greffe le 25 juillet 2011 et les conclusions
additionnelles et de synthèse de l’appelante déposées au greffe le
26 septembre 2011 ;
les dossiers des parties ;
le procès-verbal de l’audience publique du 14 décembre 2011.
Entendu les conseils des parties, en leurs dires et moyens, à l’audience
publique du 14 décembre 2011.
**********
RECEVABILITE
Par requête réceptionnée au greffe de la cour le 21 octobre 2010, la S.A.
RAEC MONS a relevé appel d’un jugement prononcé contradictoirement
le 28 juin 2010 par la 4ième chambre du tribunal du travail de Mons.
L’appel de ce jugement, dont il n’est pas soutenu qu’il ait été signifié, est
recevable.
L’appel incident, introduit dans les formes et délai légaux, est recevable.
FONDEMENT.
I.
Les faits et antécédents de la cause
1.1. Le 30 mars 2006, Monsieur N. a conclu un contrat de travail de joueur
professionnel avec la S.A. RAEC Mons portant sur une période de deux
saisons (avec une clause d’option de deux ans), prenant cours le 1er juillet
2006 pour se terminer le 30 juin 2008.
Par courrier recommandé du 31 mars 2008, le RAEC Mons notifie à
l’intéressé sa décision de lever l’option stipulée dans le contrat pour 2
saisons supplémentaires en précisant que l’échéance du contrat est ainsi
portée au 30 juin 2010.
3ème feuillet
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Dès le 10 avril 2008, par le biais de son conseil, Monsieur N. fait savoir au
RAEC Mons qu’il remettait en cause la validité de la clause d’option et
qu’il ne souhaitait pas renouveler son contrat.
Chacune des parties « campe » sur ses positions.
1.2. Par citation signifiée le 15 mai 2008, Monsieur N. saisit le Président
du tribunal de première instance de Mons, dans le cadre du référé, aux fins
notamment qu’il soit dit pour droit que la relation de travail qui lie les
parties vient à échéance le 30 juin 2008. La cause ne sera jamais plaidée.
La saison de football 2008-2009 reprend le 26 juin 2008. Monsieur N. ne
se présentera plus, malgré plusieurs injonctions du RAEC Mons.
Par courrier recommandé du 9 juillet 2008, le RAEC Mons notifie à
Monsieur N. un constat d’acte équipollent à rupture dans son chef.
Par courrier recommandé du 1er août 2008, le RAEC Mons lui réclame
paiement de la somme de 157.121,00 € à titre d’indemnité de rupture
correspondant à la rémunération due jusqu’au terme du contrat, soit le 30
juin 2010.
A défaut de réaction, le RAEC Mons saisit le tribunal du travail de Mons.
1.3. Par citation signifiée le 12 février 2009, le RAEC Mons sollicite la
condamnation de Monsieur N. au paiement des sommes suivantes :
-
-
157.121,00 € à titre d’indemnité de rupture correspondant à la
rémunération due jusqu’au terme du contrat, à majorer des intérêts
légaux et judiciaires à dater du 9 juillet 2008,
1 € provisionnel à titre d’indemnité pour rupture abusive, à majorer
des intérêts légaux et judiciaires à dater du 9 juillet 2008.
Par voie de conclusions, Monsieur N. forme une demande
reconventionnelle aux fins d’entendre condamner le RAEC Mons à lui
payer la somme de 1 € provisionnel à titre de dommages et intérêts pour le
préjudice subi suite à l’attitude fautive de celui-ci, attitude qui l’a empêché
de pouvoir exercer sa profession durant plusieurs mois.
1.4. Par le jugement entrepris du 28 juin 2010, le tribunal du travail de
Mons :
-
dit la demande principale recevable et non fondée,
en déboute le RAEC Mons,
dit la demande reconventionnelle recevable et non fondée,
en déboute Monsieur N.,
délaisse à chaque partie ses dépens, chacune succombant dans sa
demande,
dit n’y avoir pas lieu à exécution provisoire.
4ème feuillet
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II.
Saisine de la Cour – Position de parties
2.1. L’appelante demande à la cour de réformer le jugement querellé dans
la mesure ci-après :
condamner l’intimé à lui payer les indemnités suivantes :
•
•
157.121,00 € à titre d’indemnité de rupture, à majorer des intérêts
légaux et judiciaires à dater du 9 juillet 2008,
1 € à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat, à majorer
des intérêts légaux et judiciaires à dater du 9 juillet 2008.
confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Elle demande en outre de déclarer l’appel incident non fondé et d’en
débouter l’intimé, les frais et dépens de l’instance devant être mis
entièrement à sa charge.
2.2. L’intimé demande à la cour de :
à titre principal :
•
•
•
déclarer la demande recevable et non fondée,
déclarer sa demande reconventionnelle recevable et fondée et
condamner l’appelante au principal à lui payer la somme de 1 € à
titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts légaux et
judiciaires [appel incident],
condamner l’appelante aux dépens.
à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la demande principale serait
déclarée fondée, saisir la Cour constitutionnelle d’une question
préjudicielle relative aux articles 4 et 5 de la loi du 24 février 1978
relative au contrat de travail du sportif rémunéré ou à tout le moins,
écarter l’application de l’arrêté royal du 13 juillet 2004 fixant
l’indemnité compensatoire de préavis en exécution de l’article 5 de la
loi du 24 février 1978.
III.
DISCUSSION - DECISION
Les parties conviennent que l’intimé ne s’est plus présenté aux
entraînements organisés par l’appelante au début de la saison 2008-2009 et
ce, malgré plusieurs injonctions.
L’appelante considère que, ce faisant, l’intimé a rompu irrégulièrement les
relations de travail, dès lors que, suite à la levée d’option, un second
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contrat prenant cours le 1er juillet 2008 pour se terminer le 30 juin 2010
liait les parties.
L’intimé considère que la clause d’option, contenue dans le contrat initial,
n’était pas légale de manière telle qu’à dater du 30 juin 2008, il était libéré
de toute obligation à l’égard de l’appelante.
La première question litigieuse soumise à la cour est donc celle de la
validité de la clause d’option contenue dans le contrat conclu entre
parties le 30 mars 2006.
4.1. Quant à la validité de la clause d’option et ses conséquences
La clause litigieuse figure au point 4 (durée) du contrat de travail conclu le
30 mars 2006, lequel est libellé en ces termes :
«
Le présent contrat est conclu pour une période de 2 SAISONS
Il prendra cours le 01/07/2006 pour se terminer le 30/06/2008.
Le CLUB aura la faculté de prolonger la durée de validité du
contrat pour deux saisons aux conditions reprises ci-dessous ;
le JOUEUR s’engage dès aujourd’hui à accepter cette
prolongation de contrat pour autant que le club notifie cette
décision au 30/04/2008 au plus tard.
Conformément à l’article 4, alinéa 3, de la loi du 24 février 1978, le
présent contrat est renouvelable.
La conclusion du présent contrat sera notifiée dans les 14 jours qui
suivent sa conclusion à l’URBSFA, à l’aide du formulaire spécial
prévu au règlement. Cette mesure d’ordre administratif n’engage pas
la responsabilité de la fédération.
A l’issue du présent contrat, le RAEC MONS aura priorité pour la
reconduction du contrat ».
*
Les premiers juges ont considéré que :
•
la validité de la clause d’option ne pouvait s’analyser au regard de
la Convention collective de travail du 7 juin 2006 conclue au sein
de la Commission paritaire nationale des sports laquelle ne
s’applique pas à un contrat de travail conclu avant son entrée en
vigueur;
6ème feuillet
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•
la clause d’option est nulle : soit en application de l’article 25 de la
loi du 3 juillet 1978 (clause modifiant unilatéralement les
conditions du contrat de travail), soit en application de l’article
1174 du Code civil (clause purement potestative).
L’appelante considère, quant à elle, que :
•
la clause litigieuse est une offre formulée par l’intimé dès la
signature du premier contrat de contracter un nouvel engagement
au terme du premier ; offre qui ne devait plus qu’être acceptée par
elle. La levée de l’option (acceptation de l’offre) faisait naître un
nouveau contrat d’une durée de deux ans. Aucune disposition
légale n’interdit ce mode progressif de rencontre des volontés des
parties.
•
subsidiairement, si cette clause ne s’analyse pas comme une offre
de contracter, elle doit s’analyser comme une clause par laquelle
elle se voit reconnaître la possibilité, concernant la durée du contrat
de travail, de choisir entre deux alternatives précises sur lesquelles
l’intimé a marqué son accord : de telles clauses ne sont pas visées
par l’article 25 de la loi du 3 juillet 1978 et ne sont pas contraires à
l’article 1174 du Code civil ;
•
la clause d’option est conforme à l’article 13 de la C.C.T. du 7 juin
2006.
L’intimé considère, quant à lui, que :
•
cette clause n’est pas une offre de contracter mais est une clause qui
porte sur le droit de modifier unilatéralement les conditions du
contrat initial : la durée du travail est une des conditions
essentielles du contrat. Une telle clause est nulle au regard des
articles 6 et 25 de la loi du 3 juillet 1978 ;
•
la C.C.T. du 7 juin 2006 a été conclue postérieurement à la
signature du contrat de travail ;
*
Ni la loi du 24 février 1978 relative au contrat de sportif rémunéré, ni la loi
du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ne parlent de la clause
d’option.
Si la C.C.T. du 7 juin 2006 portant sur les conditions de travail du
footballeur rémunéré, conclue au sein de la Commission paritaire nationale
de sports, en réglemente la validité, aux termes de l’article 13 de ladite
C.C.T., cette réglementation ne concerne que les clauses d’option insérées
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dans des contrats conclus après l’entrée en vigueur de la C.C.T., soit à
partir du 1er juillet 2006.
Le contrat entre parties ayant été conclu le 30 mars 2006, l’article 13 de la
C.C.T. du 7 juin 2006 n’est pas applicable.
Au demeurant, aucun enseignement ne pourrait être tiré de ce texte dès lors
que, selon l’article 51 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions
collectives de travail et les commissions paritaires, la C.C.T. est inférieure
à la loi du 3 juillet 1978 dans la hiérarchie des normes et que la validité de
la clause d’option qu’elle a introduite est remise en cause par certains
auteurs. 1
*
La clause litigieuse fait partie intégrante du contrat de travail conclue entre
parties le 30 mars 2006.
Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la partie appelante, cette
clause ne saurait être analysée comme une offre de contracter laquelle est
un acte juridique unilatéral.
Tout au plus, la clause litigieuse pourrait-elle le cas échéant s’analyser
comme une promesse de contrat c’est-à-dire une promesse par laquelle une
personne s’engage envers une autre personne à conclure avec celle-ci, dans
l’avenir et au gré de cette dernière, un contrat dont les éléments essentiels
et substantiels sont déterminés ou déterminables ; elle a pour effet de faire
naître des droits au profit du seul bénéficiaire de la promesse : elle ouvre
au profit de ce dernier une option ; un contrat se forme par la seule levée de
l’option. 2
Toutefois, tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, il est
contractuellement accordé à une partie la possibilité de prolonger la durée
du contrat de travail existant. Cette hypothèse ne doit pas être confondue
avec la promesse de contrat suivant laquelle une partie s’engage à conclure
un nouveau contrat. 3
La partie appelante considère, subsidiairement, que la clause litigieuse doit
s’analyser comme une clause par laquelle elle se voit reconnaître la
possibilité, concernant la durée du contrat de travail, de choisir entre deux
alternatives précises sur lesquelles l’intimé a marqué son accord. Il ne
s’agit pas, selon elle, d’une clause de modification unilatérale visée à
l’article 25 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail mais
d’une clause se rapportant à des conditions de travail alternatives ; une telle
clause serait autorisée.
1
voir en ce sens : O. DE PRINCE, « Le contrat de sportif rémunéré », in Contrats de
travail, Dossier spécial, Kluwer, 2006, p.46
2
P. VAN OMMESLAGHE, « Droit des obligations », tome I, Bruylant, 2010, p.574
3
H. De Waele, « De optieclausule : een paard van Troje voor het arbeidsovereenkomst »,
note sous C.T. Anvers, 9 février 2005, R.W., 2006-2007, p.1322
8ème feuillet
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L’article 25 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail
dispose :
« Toute clause par laquelle l'employeur se réserve le droit de modifier
unilatéralement les conditions du contrat est nulle ».
Se fondant notamment sur la doctrine (P. CRAHAY et P. HUMBLET), la
partie appelante estime l’article 25 vise uniquement les clauses de
modification mais non celles qui fixent des conditions de travail
alternatives.
En réalité, dans ses écrits, P. HUMBLET estime que les clauses qui
prévoient que le travailleur pourra prester les obligations découlant du
contrat de travail suivant une série de modalités définies que l’employeur
peut choisir, ne sont pas visées par l’article 25 de la loi du 3 juillet 1978 ; il
cite à titre d’exemple le lieu de travail ou le temps de travail. 4
Un tel raisonnement ne peut cependant s’appliquer lorsqu’il s’agit de la
durée du contrat de travail car il serait contraire aux dispositions de la loi
du 3 juillet 1978
En effet, une clause qui permet de reporter le terme du contrat signifie que
la durée du contrat de travail est incertaine. Or, la fixation certaine du
terme du contrat de travail est l’essence même d’un contrat de travail à
durée déterminée. Ainsi, la Cour de cassation a considéré qu’un contrat à
durée déterminée suppose l’indication d’un jour déterminé ou d’un
évènement déterminé qui doit survenir à une date précise, après lequel les
parties sont libérées de leurs obligations respectives. 5
Pour ces motifs, une clause de reconduction par tacite reconduction dans
un contrat à durée déterminée est interdite. 6
Dès lors qu’en l’espèce, les parties ont conclu un contrat à durée
déterminée, dont elles ne remettent pas le fondement en cause (il n’y a pas
de demande de requalification du contrat de travail en un contrat de travail
à durée indéterminée), la clause d’option ne peut s’analyser comme une
clause alternative qui échapperait au champ d’application de l’article 25 de
la loi du 3 juillet 1978.
En réalité, la clause d’option litigieuse (option pour prolonger le contrat de
travail) est une clause qui autorisait la partie appelante à modifier
unilatéralement les conditions du contrat de travail existant.
Selon l’enseignement de la Cour de cassation, l’article 25 de la loi du 3
juillet 1978 est « (…) applicable aux clauses relatives à la modification des
éléments essentiels du contrat et non pas à celle des conditions accessoires
4
P. HUMBLET, « Ius dominandi of ius variandi : What’s in a nam », R.W., 1994-1995,
p.241
5
Cassation, 21 mars 1988, R.W., 1988-1989, p.122
6
M JAMOULLE, « Le contrat de travail », Faculté de droit de Liège, 1982, p.355
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convenues entre les parties(…) ». 7
Selon la cour de céans, la durée du contrat de travail constituait
manifestement un élément essentiel du contrat puisque les parties ont
choisi de conclure un contrat à durée déterminée.
Il s’ensuit qu’à l’instar du premier juge, la cour considère que la clause
d’option litigieuse est contraire à l’article 25 de la loi du 3 juillet 1978 et
est, partant, nulle.
*
La cour considère, en outre, que l’argumentation de la partie appelante
suivant laquelle une telle clause pourrait s’analyser comme une condition
résolutoire ou une condition suspensive, à laquelle ne s’appliquerait pas
l’article 1174 du Code civil, n’énerve en rien cette conclusion.
En effet, aux termes de l’article 1183 du Code civil, « la condition
résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de
l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait
pas existé ».
La cour considère, tout d’abord, que la clause d’option litigieuse ne peut
être considérée comme une condition résolutoire et ce, notamment pour les
motifs suivants :
•
l’effet de la condition résolutoire se produit de plein droit, par le
seul fait de la réalisation de la condition et sans qu’une
manifestation quelconque de volonté soit nécessaire ; la clause par
laquelle une partie se voit reconnaître la faculté de résilier ou non
une convention ne peut être qualifiée de condition résolutoire ; 8
•
la condition résolutoire a pour effet que le contrat est
rétroactivement anéanti alors que si la clause d’option est levée,
elle a des effets pour l’avenir.
En tout état de cause, au même titre que l’est la condition résolutoire, la
clause d’option litigieuse est nulle dès lors qu’elle a pour effet que le
contrat peut prendre fin uniquement par la volonté d’une des parties sans
respect des règles impératives régissant le licenciement, prescrites par le
droit du travail. 9
Par ailleurs, à supposer que la clause litigieuse puisse s’analyser comme
une condition suspensive, c’est-à-dire comme « un évènement futur et de
réalisation incertaine qui suspend la naissance de l’obligation »10, elle
serait nulle au regard de l’article 1174 du Code civil.
En effet, l’article 1174 du Code civil dispose :
7
Cass., 14 octobre 1991, J.T.T., 1991, p.464
P. VAN OMMESLAGHE, « Droit des obligations », tome III, Bruylant, 2010, p.1753
9
Cass., 18 janvier 1993, R.C.J.B., 1995, p.37
10
Cass., 9 février 1933, Pas. 1933, I, p.103
8
10ème feuillet
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« Toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une
condition potestative de la part de celui qui s'oblige ».
Cette disposition concerne uniquement les conditions purement
potestatives c’est-à-dire celles qui dépendent exclusivement de la volonté
du débiteur. 11
Dès lors qu’aux termes de la clause d’option litigieuse, la réalisation de la
condition d’engagement dépend exclusivement de la volonté de la partie
appelante, elle est purement potestative.
*
Il résulte des considérations qui précèdent que, pour des motifs plus
amplement précisés, la cour considère que la clause d’option insérée dans
le contrat avenu entre parties le 30 mars 2006 est contraire aux articles 25
de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et 1174 du Code
civil et est, partant, nulle et de nul effet.
Il s’ensuit qu’à dater du 1er juillet 2008, les parties étaient libérées de toutes
obligations contractuelles l’une envers l’autre et que la demande
d’indemnité de rupture de la partie appelante était non fondée.
4.2. Quant aux dommages et intérêts pour entrave à la libre
circulation
L’intimé considère que, dans la mesure où l’appelante a revendiqué à tort
le bénéfice de la clause d’option, il s’est trouvé dans l’impossibilité
d’évoluer chez son nouvel employeur car l’URBSFA a refusé de délivrer
son certificat international de transfert.
L’appelante estime n’avoir commis aucune faute et qu’en tout état de
cause, l’intimé n’établit ni l’existence d’un préjudice, ni celle d’un lien
causal entre une éventuelle faute et ce supposé préjudice.
*
La cour relève tout d’abord que, contrairement à ce que prétend l’intimé, il
n’est nullement établi que :
11
•
l’appelante aurait tenté d’obtenir une indemnité de transfert et
aurait ainsi violé sa liberté de circulation et de travail ;
•
l’appelante l’aurait, par le biais de l’URBSFA, empêché de
s’engager auprès d’un nouvel employeur.
Cass., 25 novembre 1988, Pas. 1989, I, 339
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Outre qu’aucune preuve des allégations de l’intimé n’est apportée, la cour
considère qu’aucune faute spécifique n’est établie dans le chef de
l’appelante : elle a agi de bonne foi en revendiquant le bénéfice de la
clause d’option et en se conformant aux règlements de la FIFA et de
l’URBSFA.
Il est d’ailleurs piquant de constater qu’à aucun moment avant la procédure
diligentée par l’appelante, l’intimé n’a revendiqué quoique ce soit quant à
la délivrance d’un certificat de transfert. Ainsi, il ne verse aux débats aucun
document qui attesterait d’une démarche de sa part ou du club roumain
auprès duquel il prétend s’être engagé pour obtenir un tel certificat.
Une faute est d’autant moins prouvée dans le chef de l’appelante que, dans
un courrier que le conseil de l’intimé adresse à l’URBSFA le 26 mai 2008,
ce dernier reconnaît que l’appelante a considéré que le joueur « reste libre
de constater la fin des relations de travail et partant, de s’engager auprès
d’un autre employeur ». 12
A fortiori, l’intimé n’établit pas la nature (matérielle ou morale) et
l’existence d’un quelconque préjudice.
Enfin, l’intimé adresse essentiellement ses reproches à l’URBSFA laquelle
ne lui aurait pas délivré son certificat de transfert mais n’indique pas en
quoi l’abstention de cet organisme – supposer qu’elle soit établie - serait
immanquablement le fruit de l’attitude de l’appelante. Il s’ensuit que le lien
causal éventuel n’est pas établi non plus.
*
A l’instar des premiers juges et, à défaut d’élément probant
complémentaire, la cour considère que la demande reconventionnelle
originaire n’était pas fondée.
********
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement,
Vu la loi du 15 juin 1935, sur l’emploi des langues en matière judiciaire,
notamment l’article 24 ;
12
Pièce 7 du dossier de l’intimé
12ème feuillet
R.G. 2010/AM/378
Déclare les appels recevables mais non fondés.
Pour des motifs plus amplement précisés, confirme le jugement entrepris
en toutes ses dispositions.
Dès lors que chacune des parties succombe dans son appel, délaisse à
chacune d’elle ses propres dépens.
Ainsi jugé par la 8ème chambre de la cour du travail de Mons,
composée de :
Madame P. CRETEUR, Conseiller présidant la chambre,
Monsieur F. WAGNON, Conseiller social au titre d’employeur,
Monsieur R. AUBRY, Conseiller social au titre de travailleur employé,
Et signé, en application de l’article 785 du Code judiciaire, compte tenu de
l’impossibilité dans laquelle se trouve Monsieur le conseiller social R.
AUBRY par Madame P. CRETEUR et Monsieur F. WAGNON, assistés
de Madame V. HENRY, Greffier.
Et prononcé à l’audience publique du 8 février 2012 de la 8ème chambre de
la cour du travail de Mons, par Madame P. CRETEUR, Conseiller
présidant la chambre, assistée de Madame V. HENRY, Greffier.