Rapport sur l`avenir des techniciennes et des techniciens d`Hydro
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Rapport sur l`avenir des techniciennes et des techniciens d`Hydro
RAPPORT SUR L’AVENIR DES TECHNICIENNES ET DES TECHNICIENS D’HYDRO-QUÉBEC pour Le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, section locale 957, SCFP Octobre 2013 par Marc-Antoine Durand-Allard École de relations industrielles Université de Montréal ii PRÉFACE L’objectif de notre section locale s’inscrit dans une démarche proactive, visant la reconnaissance de notre savoir-faire. Nous désirons être partie prenante des décisions de l’employeur, en particulier en ce qui a trait aux nouvelles technologies. Cette implication de notre part pourrait s’avérer intéressante, puisqu’elle aurait le potentiel de favoriser l’uniformisation des pratiques, de permettre le maintien et le développement de notre expertise, de faciliter la gestion du changement, et de préparer une relève de qualité. À l’aube des départs à la retraite qui, selon toute attente, seront nombreux, ces engagements devraient, nous l’espérons, susciter un grand intérêt auprès de notre employeur. Lors de notre dernier congrès en 2011, une résolution ayant comme objectif la mise en place de structures syndicales régionales par divisions d’affaires a été adoptée. Subséquemment, une autre résolution visant la nomination d’un responsable « Changements Techniques ou Technologiques » (CTT) et « Formation Professionnelle » (FP) pour chacune des divisions d’affaires, à l’intérieur des structures syndicales régionales, reçut aussi l’approbation du congrès. L’orientation était donnée : notre section locale désirait impliquer des techniciens.nes d’expérience, reconnus pour leur expertise, afin d’analyser les nombreux changements techniques ou technologiques liés à leurs emplois. Depuis cet engagement, de nombreux techniciens ont participé à différentes tables techniques paritaires et nous constatons qu’il y a des avantages considérables à réunir autour d’une même table les experts d’un même domaine. Quelques exemples de ces tables communes : Technologie : Élaboration des lignes directrices pour assurer la sécurité cybernétique de l’entreprise en se conformant aux normes de la North American Electric Reliability Corporation (NERC). Mise en place des réseaux Synchronous Optical Network, Next Generation (Sonet-NG) et MultiProtocol Label Switching (IP-MPLS) permettant la convergence des données, de la voix et de la vidéo. TransÉnergie : Comité directeur portant sur le projet d’Implantation de la Maintenance Automatisée et Gestion des Informations Numériques des Équipements (IMAGINE) qui nous permettra, entre autres, de surveiller à distance l’état des transformateurs. Production : Comité provincial pour la mise en place du projet Système Conduite et Surveillance en Centrale (SCSC) qui nous aidera ultérieurement à prévenir plusieurs bris majeurs sur nos installations hydrauliques. Distribution : Une table provinciale a été initiée pour intégrer les compteurs intelligents avec le projet d’Infrastructure de Mesurage Avancée (IMA). Nous sommes toutes et tous concernés par les nombreux défis techniques, liés principalement au domaine informatique, mais nous le sommes tout autant par les projets d’envergures, comme le « Réseau Intelligent » (Smart Grid) par exemple, qui ont, ou qui auront, un impact important sur l’économie du Québec à court et moyen termes. iii C’est donc avec enthousiasme que nous vous proposons ce « Rapport sur l’Avenir des techniciennes et des techniciens d’Hydro-Québec ». Il nous permettra de situer les changements techniques ou technologiques sur le plan conceptuel, et, de vous proposer ensuite notre analyse de l’impact de ces changements sur le plan technique en mettant en relief les préoccupations des experts et les limites des projets en cours. De plus, en raison des défis technologiques auxquels nous devrons bientôt faire face, nous souhaitions proposer notre lecture des besoins techniques en informatique. Pour garantir une démarche objective, nous avons analysé les programmes collégiaux et effectué un balisage auprès de grandes entreprises de manière à arrimer nos conclusions aux réalités du marché du travail. Notre analyse devrait vous démontrer que le bon fonctionnement de la maintenance conditionnelle et des systèmes informatiques passe par le savoir-faire des techniciennes et des techniciens de l’entreprise. Nous espérons que la lecture de notre rapport vous permettra de mieux comprendre les défis auxquels nous aurons à faire face dans un avenir pas si lointain. Jean-Yves Paquin Responsable politique Changement technique ou technologique Formation professionnelle Syndicat des technologues d’Hydro-Québec Section locale 957, S.C.F.P. Québec iv REMERCIEMENTS La rédaction de ce rapport aura été un travail de longue haleine de mise en commun des connaissances de nombreux techniciens de toutes les divisions d’affaires et de plusieurs régions qui cumulent de nombreuses années de service au sein d’Hydro-Québec. Mes premiers remerciements s’adressent à toutes ces personnes qui ont généreusement accepté de partager leur savoir sur les différents thèmes abordés. Je pense notamment à MM. Jean-Jacques Marinier, Pierre Rozon, Jean-François Tremblay et Gilles Vienneau, sans qui la rédaction de ce document n’aurait pas été possible. Une mention toute spéciale s’adresse bien sûr à M. Jean-Yves Paquin qui a été le promoteur de ce rapport. Son encadrement, ses conseils et son jugement ont grandement facilité la rédaction de ce document. Enfin, mes remerciements vont aux lecteurs de ce rapport qui sauront y voir l’entreprise d’un syndicat actif pour la promotion de la voix de ses membres. v TABLE DES MATIÈRES LISTE DES ABRÉVIATIONS .............................................................................................................. vii INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1 CHAPITRE 1 - SYNDICAT DES TECHNOLOGUES D’HYDRO-QUÉBEC, qui sommes-nous? .............. 3 1.1 Les techniciens ...................................................................................................................... 3 1.2 L’accréditation : la section locale 957 du SCFP .................................................................... 3 CHAPITRE 2 - UN VENT DE CHANGEMENT À HYDRO-QUÉBEC ...................................................... 6 2.1 Gestion du changement et les grands projets (Imagine, SCSC, IMA) .................................. 6 2.2 Stratégies de maintenance et gestion du risque ................................................................. 8 2.2.1 Sécurité cybernétique.................................................................................................... 9 2.3 Imputabilité de l’intervenant sur la qualité de la donnée ............................................... 10 2.4 Obligations légales relatives à la production et au transport d’énergie .......................... 11 2.5 Implantation d’un réseau intelligent ................................................................................. 12 2.5.1 Imagine à TransÉnergie ............................................................................................... 12 2.5.2 SCSC à Production ........................................................................................................ 14 2.5.3 IMA à Distribution ....................................................................................................... 14 2.6 Historique de la fonction .................................................................................................... 14 2.6.1 Évolution des pratiques à TransÉnergie et Production : spécialité Automatismes... 15 2.6.1.1 Technicien Automatismes maintenance (B) ........................................................ 15 2.6.2 Projet pilote: téléparamétrisation des délesteurs ..................................................... 16 2.6.3 Projet pilote : VM600 .................................................................................................. 20 2.6.4 Conclusion .................................................................................................................... 22 CHAPITRE 3 - INFORMATIQUE DE GESTION ................................................................................. 23 3.1 L’informatique chez Hydro-Québec ................................................................................... 23 vi 3.1.1 Multiplication des titres d’emplois ............................................................................. 24 3.2 Formation ............................................................................................................................ 26 3.2.1 Formation collégiale technique ................................................................................... 26 3.2.2 Formation universitaire de premier cycle................................................................... 27 3.3 Historique de la fonction Informatique ............................................................................. 28 3.4 Conclusion ........................................................................................................................... 29 DISCUSSION ET CONCLUSION ....................................................................................................... 30 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................. 32 vii LISTE DES ABRÉVIATIONS Acquisiteur de surveillance en continue ASC Acquisition et gestion de la donnée de mesurage AGDM Base de données BDD Boîte de jonction BJ Centre de télé-conduite CT Centre de télémaintenance CTM Critical infrastructure protection CIP Disposition électronique intelligent DÉI Identification des postes et fonctions de technicien IPFT Implantation de la maintenance automatisée et gestion des informations numériques des équipements IMAGINE Installation de mesurage avancé IMA Loi sur la santé et sécurité au travail LSST Meter data management system MDMS Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport MÉLS North American Electric Reliability Corposation NERC North Eastern Power Coordinating Council NPCC Système conduite et surveillance en centrale SCSC Système intégré de commande et contrôle SICC Vice-présidence exploitation équipement production VPEÉP 1 INTRODUCTION L’évolution rapide des technologies force aujourd’hui les entreprises à devoir constamment innover afin de conserver leur place sur le marché. Les changements techniques et technologiques font évoluer les pratiques des salariés au fil du temps 1. Les entreprises sont appelées à faire preuve d’une grande rigueur à l’égard de la pertinence, de la faisabilité et de la désirabilité de tels changements. Dans les années 1970, l’introduction de la micro-électronique et des premiers ordinateurs a permis d’automatiser bon nombre de fonctions. Les années 1980 ont vu apparaître de plus en plus de robots et depuis une vingtaine d’année, l’informatique comme on l’entend aujourd’hui a entamé son expansion dans toutes les sphères du travail. Le travail à distance constitue la nouvelle révolution technologique de notre époque. Le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec et son Comité sur les changements techniques ou technologiques passent donc en mode solution en réalisant un rapport sur l’avenir des techniciens chez Hydro-Québec dans ce nouveau contexte de modernisation2. Aux fins du Rapport sur l’avenir des techniciens de la section locale 957 du SCFP, nous ferons en sorte de suivre les grandes lignes, tracées par de nombreuses années de jurisprudence, en ce qui concerne l’interprétation des certificats d’accréditation au Québec, et ce, de manière à simplifier l’intelligibilité de nos conclusions. La table sera mise pour entamer une réflexion sur les philosophies de gestion et les grands thèmes inhérents aux changements techniques et technologiques. La gestion du changement, la gestion du risque, la sécurité cybernétique et des obligations légales complexes composent le corps de ces grandes théories3. L’implantation d’un réseau intelligent connectant le parc électrique d’Hydro-Québec nous amènera à proposer une analyse des projets à venir, poser notre diagnostic et faire part de 1 Convention collective (2009-2013), section locale 957, art. 39,02 : «Le terme changements technique ou technologique signifient tout changement ou évolution technique ou technologique d’équipement, matériel ou procédés différents en nature, genre ou quantité, de ce qui était précédemment utilisé ainsi que tout changement de méthode de travail qui affecte de façon substantielle une personne salariée dans un emploi ou les conditions de travail rattachées à cet emploi.» 2 C’est sans aucune volonté de discrimination que nous utilisons le générique masculin chaque fois que le sens ne s’y oppose pas. 3 Le North American Electric Reliability Corporation (N.E.R.C.) requiert un ensemble de mesure de sécurité notamment en ce qui a trait à la sécurité cybernétique (voir annexe 1). «Le NERC élabore et applique, en collaboration avec le NPCC, un programme de suivi de la conformité aux normes de fiabilité pour promouvoir la fiabilité du réseau de transport d’électricité en veillant à ce que les normes de fiabilité adoptées au Québec soient respectées et en proposant à la Régie des recommandations à cette fin. Le programme de suivi de la conformité de la NERC comporte quatre volets : (1) la supervision par la NERC des programmes de suivi de la conformité du NPCC (article 2.2) ; (2) la définition des attributs du programme de suivi de la conformité du NPCC (article 2.3) ; (3) la surveillance par la NERC de la conformité du NPCC aux normes de fiabilité (article 2.4) ;et (4) la surveillance de la conformité de la NERC aux normes de fiabilité qui s’appliquent à elle (articles 2.5–2.6)» (Régie de l’Énergie, 2009). 2 nos préoccupations. Nous serons finalement en mesure de faire les recommandations nécessaires à l’égard de l’avenir des techniciens afin de promouvoir une gestion du changement efficiente et en continuité avec les pratiques d’Hydro-Québec. 3 CHAPITRE 1 - SYNDICAT DES TECHNOLOGUES D’HYDRO-QUÉBEC, qui sommes-nous? 1.1 Les techniciens Les techniciens possèdent une formation collégiale technique qui se traduit en 22 spécialités pour les postes B chez Hydro-Québec qui sont répertoriées dans le document d’identification des postes et fonctions de techniciens de 1998 (IPFT). D’autres postes et fonctions peuvent s’ajouter par la signature de lettres d’entente spécifiques, le cas échéant. On retrouve aussi des postes intermédiaires et experts qui ne sont pas répertoriés dans l’IPFT. Les techniciens œuvrent dans divers champs d’activités des réseaux électriques et de télécommunication tant au niveau de la recherche et du développement, de l’ingénierie, de la maintenance, de l’exploitation, de la planification, de la conception que de la conduite. 1.2 L’accréditation : la section locale 957 du SCFP La section locale 957 du SCFP a été accréditée en 1965. Elle prendra le nom de « Syndicat des technicien(ne)s de l’Hydro-Québec » après une requête devant la CRT en 1971. Ce n’est qu’en 2000 qu’elle prendra finalement son titre actuel de « Syndicat des technologues d’HydroQuébec ». Son accréditation englobe « Tous les employés, salariés au sens du Code du Travail, assignés à des postes ou fonctions de techniciens ou aides-techniques, à l’emploi d’Hydro-Québec dans toutes et chacune de ses régions administratives, zones de production et transport… » (voir annexe 2). Il s’agit donc d’une accréditation de type spécifique puisqu’elle établit explicitement son étendue. En effet, elle est sans ambiguïté à l’effet qu’elle s’étend sur tous les postes ou fonctions à caractère technique, dont une vaste majorité requiert une formation collégiale technique. Nous l’avons mentionné précédemment, les changements techniques et technologiques, au même titre que l’évolution des pratiques, demeurent au cœur des préoccupations des gestionnaires, des travailleurs et de leur syndicat. Bien sûr, le certificat d’accréditation de la section locale 957 a été produit en des termes clairs qui ne demandent aucune interprétation sur le lien qui unit l’ensemble de ses membres, nommément le caractère technique de leur travail. La jurisprudence (Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus c. Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, 2003 QCCRT 29) est sans équivoque à savoir qu’un certificat d’accréditation sans ambiguïté n’a pas à être interprété en fonction de sa portée intentionnelle historique. Il s’agit de la règle cardinale pour délimiter le champ d’application syndical. À ce propos, on délimite la portée intentionnelle d’un certificat d’accréditation lorsqu’une ambiguïté soulève un doute sur l’interprétation de son champ d’application. On doit alors se 4 rapporter à l’intention des parties au moment de l’accréditation du groupe de salariés. En outre, il s’agit d’adopter une interprétation littéraliste, c’est-à-dire par-delà le sens des mots qui pourraient sembler ambigus, afin de maintenir, dans la même unité syndicale, l’ensemble des salariés partageant une communauté d’intérêts. Ensuite, il suffira de suivre le sillage historique des activités d’hier à aujourd’hui. Puis, la formation requise permettra d’identifier l’allégeance syndicale des salariés au niveau de l’accréditation4. Ces trois critères (intention des parties, historique des activités et formation), définissant la portée intentionnelle d’un certificat d’accréditation, seront suivis à la lettre par les tribunaux lors d’un litige. En dépit de la clarté des termes du certificat d’accréditation de la section locale 957, il demeurerait intéressant d’entamer une réflexion sur sa portée intentionnelle. Cet exercice permettrait de comprendre de quelles manières l’accréditation est en mesure de conserver sa portée et sa pertinence au fil de l’évolution des pratiques et de l’expansion normale de l’entreprise. L’amélioration des outils, par exemple, correspond à ce qu’on entend par expansion normale. Évidemment, de simples changements dans le comportement des parties n’auraient aucun effet sur la portée intentionnelle de l’accréditation5. Par ailleurs, il serait erroné de conclure à l’exclusion implicite de salariés du certificat d’accréditation pour cause d’une omission en raison des réalités pratiques au moment de l’accréditation6. La jurisprudence défend une approche inclusive en regard des nouvelles activités qui seraient imbriquées aux anciennes ou qui découleraient naturellement des précédentes. De telles nouveautés n’auraient d’ailleurs aucun effet sur la vocation ou les finalités de l’entreprise. Ignorer cette logique, établie de longue date dans la jurisprudence7, pourrait entraîner des conséquences néfastes sur la gestion de l’entreprise. Elle risquerait de se distancer de son bassin naturel de recrutement et de se trouver face à des problèmes quantitatifs et qualitatifs de main-d’œuvre. Bref, on devra retenir ici que le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec possède un certificat d’accréditation spécifique pour les postes ou fonctions techniques. Aussi, que la jurisprudence nous montre le caractère dynamique d’un certificat d’accréditation qui s’étendra 4 Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, section locale 957 du SCFP c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 du SCFP –et- Hydro-Québec, mise en cause, 2011 QCCRT 0482 5 Syndicat des Métallos, section locale 2008 c. Praxair Canada Inc. 2011 QCCRT 0296 6 Hôpital Notre-Dame c. Syndicat des travailleurs-travailleuses de l’Hôpital Notre-Dame (CSN), D.T.E. 91T797. 7 Dès 1982, dans Hydro-Québec international c. Syndicat professionnel des ingénieurs de l’Hydro-Québec – et- Hydro-Québec, mis en cause, 1982 TT 442, (Juge B. Lesage), le tribunal était saisi d’un litige sur la définition de l’expansion normale de l’entreprise à l’égard de nouveaux créneaux (l’expertise en génieconseil sur la scène internationale dans cette affaire) inexistants au moment de l’accréditation du syndicat. On avait établi qu’il s’agissait d’une «vocation distincte ayant sa propre finalité, indépendante de la première», une situation tout à fait opposée à celle des techniciens. 5 naturellement aux nouvelles fonctions qui sont sous son égide, au fil de l’évolution des pratiques et des innovations techniques et technologiques (voir annexe 2). Les projets en cours dans l’ensemble des divisions d’affaires d’Hydro-Québec pour l’implantation d’un réseau intelligent commandent toutefois une analyse rigoureuse autant au niveau des impacts pour l’avenir des techniciens que de la pérennité de l’entreprise. 6 CHAPITRE 2 - UN VENT DE CHANGEMENT À HYDRO-QUÉBEC 2.1 Gestion du changement et les grands projets (Imagine, SCSC, IMA) Un vaste processus de modernisation du parc électrique est en cours chez HydroQuébec. L’ensemble des divisions d’affaires en est au développement de projets de manière à passer du mode analogique au mode numérique au courant de la prochaine décennie. L’expansion rapide des nouvelles technologies commande un contrôle interne serré de la part des acteurs impliqués. Les limites du projet doivent être identifiées dès le départ. Manquer de rigueur à cet égard risquerait d’allonger le temps d’adaptation aux changements et entraînerait une accumulation des erreurs potentielles. Bien qu’un partage fonctionnel existe au sein d’Hydro-Québec depuis quelques années, l’entreprise, au plus haut niveau, demeure administrée comme une seule grande entreprise8. Les projets dont nous ferons état subséquemment peuvent être réunis en un seul : implanter un réseau intelligent (smart grid) à travers l’ensemble des actifs d’Hydro-Québec9. La modernisation du réseau permettra de procéder à de nombreuses fonctions à distance. Nous ferons donc état des trois grands projets lancés dans les divisions TransÉnergie (Imagine), Production (SCSC), et Distribution (IMA) et leurs impacts pour Hydro-Québec et ses techniciens. Réseau intelligent (projeté) L’intérêt pour de tels projets est indéniable : réduction des coûts et disponibilité accrue des installations. Cependant, la conception de tels projets doit être rigoureuse. Les projets doivent donner assez d’informations détaillées pour fournir à l’œil expert les données 8 Voir Breton (2010) pour plus de détails sur la gestion d’Hydro-Québec à travers les divisions d’affaires. Le réseau intelligent permettra de surveiller en temps réel des informations, faire des mesurages, communiquer, analyser, et contrôler le parc électrique à distance. Le réseau permettra un flot dynamique d’énergie et d’information depuis la centrale jusqu’aux résidences du Québec (NERC, 2010). 9 7 nécessaires à l’analyse de sa fiabilité future, sans toutefois être trop lourds de détails, ce qui nuirait à l’analyse. Certains détails seront sciemment ignorés pour faciliter l’avancement du projet. Les détails laissés de côté peuvent malgré tout s’avérer critiques pour la réussite du projet (Rausand & Hoyland, 2004). On pourrait inclure l’erreur humaine dans ces détails superflus et considérer simplement le travail effectué par les humains comme une composante technique du projet. En principe, il n’y a aucune façon de calculer l’erreur humaine bien que les erreurs soient habituellement humaines. Il est néanmoins possible de mettre de l’avant des pistes de solutions permettant de réduire l’occurrence des erreurs humaines. Rausand et Hoyland (2004) suggèrent que les projets doivent être accompagnés de systèmes informatiques adéquats, que l’on tienne compte du caractère « humain » du travail, notamment la réponse au stress, et finalement de s’assurer que le personnel possède des connaissances détaillées des aspects techniques du système et des mécanismes physiques susceptibles de poser problème. Les partenaires syndicaux ont déjà été identifiés par la direction comme intervenants stratégiques dans le processus de gestion du changement. Le syndicat est une ressource interne importante pour l’implantation des changements et pour l’optimisation des projets à venir étant donné l’expertise et la proximité du champ qui le caractérisent. En somme, le syndicat est un puits d’expertise pour l’entreprise puisqu’il concentre en ses rangs des connaissances techniques et des milieux physiques pertinents pour l’entreprise. Les lois, les normes et les recommandations des fournisseurs, à elles seules, n’offrent que peu de perspectives d’améliorations par rapport à ce que les travailleurs et leur syndicat sont en mesure de fournir. Le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec et son Comité des changements techniques et technologiques prennent donc leurs responsabilités en offrant à la direction d’Hydro-Québec une analyse rigoureuse de la nature et des impacts des changements techniques et technologiques en cours. Plusieurs enjeux relatifs à l’implantation des changements technologiques sont au cœur des préoccupations des parties : Préservation et développement de l’expertise; Partage des responsabilités à l’ère numérique; Développement et intégration des systèmes (voir annexe 3). Hydro-Québec croit à l’importance de l’information, de la communication et à l’implication de ses partenaires syndicaux dans la réussite du processus de changement qui les touche. L’engagement des travailleurs à l’égard des changements organisationnels est un processus à long terme qui requiert de nombreuses étapes préliminaires et intermédiaires. L’implantation réussie de nouvelles technologies passe largement par l’acceptation et la participation des travailleurs qui peuvent faire bénéficier l’entreprise de leur expertise. Le cheminement harmonieux de l’entreprise et de ses employés à travers ces étapes sera garant de la réussite des changements proposés et du succès potentiel de l’entreprise. Les premiers pas correspondent généralement à la remise d’informations aux travailleurs et à leurs syndicats sur les changements à venir. Il s’en suivra une étape cruciale de communication, c’est-à-dire 8 d’échanges bilatéraux, de manière à s’assurer que les changements sont pertinents, adéquats et efficients (Dubé & Bernier, 2011). Nous en sommes présentement à cette étape clef de la gestion du changement. Le Comité des changements techniques ou technologiques souhaite aussi approfondir l’analyse des enjeux et intérêts relatifs à l’implantation des changements technologiques. Nous souhaitons donc passer en revue les principes importants qui se cachent derrière la gestion du changement : la gestion du risque et la maintenance (section 2.2) ainsi que la sécurité cybernétique et la fiabilité du réseau (section 2.2.1). Nous serons ensuite en mesure de commenter l’état des projets (section 2.4). Finalement, comme nous partageons le même souci que la direction pour la préservation et le développement de l’expertise, nous présenterons notre évaluation de certains postes de techniciens que nous jugeons stratégiques pour l’implantation des changements technologiques. 2.2 Stratégies de maintenance et gestion du risque Au cours des dernières années, avec la montée en force de la philosophie de la gestion du risque et du développement durable, une nouvelle stratégie de maintenance a été privilégiée : la maintenance prédictive, ou conditionnelle. À une autre époque, la maintenance dite réactive, ou run-to-failure maintenance, n’avait lieu qu’au moment où un équipement cessait de fonctionner, pour corriger la situation (Rausand & Hoyland, 2004). À partir des années 1970, la maintenance a été planifiée systématiquement de manière à réparer ou remplacer les équipements avant leur bris, en fonction de leur durée de vie moyenne. Évolution des stratégies de maintenance Les deux premiers types de maintenance se sont avérés trop coûteux en termes de ressources financières et humaines tout en réduisant la disponibilité des équipements. La maintenance prédictive, ou conditionnelle à l’état des équipements, permettrait alors de surveiller l’état des équipements et d’anticiper les défaillances. Il en résulterait moins de maintenance corrective et systématique et une réduction des coûts puisqu’on ne procéderait à celle-ci qu’à la condition qu’un bris soit imminent. On suggère même que du temps de travail 9 serait libéré pour d’autres fonctions10. Hydro-Québec, via Imagine et SCSC, propose donc d’adopter ce type de maintenance grâce à un réseau intelligent entièrement numérique de surveillance à distance et de maintenance à distance. La durée de vie utile de l’équipement serait optimale sans risquer de subir les inconvénients d’un bris inopiné. La gestion du risque, quant à elle, devrait permettre de limiter au maximum les erreurs courantes (aléatoire, erreur humaine, instrumentation inadéquate, contrôle inefficient). On devrait d’ailleurs mettre de l’avant des barrières physiques pour compartimenter le réseau, de manière à circonscrire les erreurs. La formation du personnel demeure centrale pour limiter les erreurs courantes. Des contrôles de qualité et d’amélioration continue des procédures devraient aussi être mis de l’avant (Rausand & Hoyland, 2004). La surveillance et l’inspection des installations contribueraient de la même façon à réduire les erreurs courantes. Ces stratégies de maintenance préventive (corrective, systématique et conditionnelle) requièrent donc une gestion serrée du risque. L’analyse des risques est primordiale pour assurer la fiabilité du réseau. Les événements accidentels sont les risques principaux. On doit être en mesure d’attribuer des causes aux accidents puis d’identifier les conséquences (humaines, environnementales, matérielles et sur la production) (Rausand & Hoyland, 2004). Globalement, il s’agit de déduire un arbre des événements (fault tree) permettant de pointer les combinaisons possibles de facteurs humains, environnementaux, d’événements normaux et de défaillances capables de se traduire par un événement critique. L’arbre des événements devrait permettre d’estimer la probabilité qu’un événement critique se produise. À travers notre analyse des changements en cours, nous serons en mesure d’identifier les risques potentiels (opérationnels, informationnels, organisationnels). Les projets pilotes en cours dans les trois grands projets nous offrent la chance d’observer la portée des changements à venir. Nous saisirons cette opportunité pour présenter nos constats sur ces projets et nos recommandations en suivant les stratégies de gestion du risque présentées précédemment. 2.2.1 Sécurité cybernétique Par ailleurs, le passage au numérique et le déploiement d’un réseau intelligent supposent des risques cybernétiques importants dont les répercussions ont le potentiel d’affecter autant les opérations ou les informations que l’organisation. À ce propos, le NERC met de l’avant les normes CIP (Critical Infrastructure Protection) qui composent l’essentiel des mesures de sécurité cybernétique (voir annexe 4 tableau résumé CIP-NERC). L’objectif est bien sûr de protéger la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité du réseau grâce à une panoplie de mesures de sécurité. On pense notamment à l’identification des actifs cybernétiques critiques (CIP-002), la gestion des accès au réseau TI (CIP-003), la formation et la sensibilisation du 10 Dans ses «Orientations 2009-2013», Hydro-Québec a estimé être en mesure de limiter la maintenance corrective à 100 000 heures tout en maintenant les ressources mobilisées en date d’aujourd’hui. 10 personnel (CIP-004) et la mise en place d’un périmètre de sécurité comportant des points d’accès et des gardes-barrières (CIP-005). Chaque utilisateur aura donc un code d’accès personnel pour lequel il sera imputable des actions posées sur le réseau. 2.3 Imputabilité de l’intervenant sur la qualité de la donnée Le passage au numérique sous-entend le traitement de données toujours plus nombreuses. Les utilisateurs travaillent avec des données numériques11 traitées par des systèmes intelligents. Ces données proviennent de divers capteurs, installés sur les équipements électriques, conçus de manière à acquérir les données nécessaires à la surveillance à distance de ces équipements. Il s’agit de la chaîne d’instrumentation illustrée ci-dessous. Les extrants de la chaîne d’instrumentation sont les données sur les équipements et les capteurs. Les données sont ensuite utilisées par d’autres utilisateurs. La chaîne d’instrumentation pose un risque informationnel important dont il importe de tenir compte puisque non seulement le volume de données traitées sera colossal, mais la qualité des données devra être irréprochable. Chaîne d’instrumentation Avant d’obtenir une donnée, des techniciens d’Hydro-Québec font en sorte que la chaîne d’instrumentation fonctionne adéquatement. La fonction des techniciens consiste donc à déterminer les types de lectures désirés. De manière à obtenir cette lecture, le technicien sera appelé à choisir les capteurs pertinents, s’assurer de l’exactitude de leur mesure, en tenant un cahier d’essai, puis recommander l’achat du capteur adéquat. Cette responsabilité qui incombe aux techniciens aura une influence critique sur la qualité de la donnée extraite. Le choix des capteurs, par exemple, commande des choix tant au niveau du type de capteur pertinent que de 11 « Toute entité visée doit communiquer au NERC et au NPCC les renseignements requis pour s’assurer que les normes de fiabilité sont respectées. Les règles visant la conservation et la communication des données sont fixées par le NERC et le NPCC (Northeast Power Coordination Council) et énoncées dans les normes de fiabilité et les procédures relatives aux rapports de conformité » (Régie de l’Énergie, 2009). 11 la puissance ou encore la précision du capteur, ce qui sous-entend une maîtrise du milieu physique d’où proviennent les intrants de la chaîne d’instrumentation. On peut ainsi concevoir la pertinence actuelle de la fonction des techniciens qui sont, du même coup, imputables quant à la qualité des données extraites. Le processus de configuration des systèmes, qui fait partie intégrante de la fonction de technicien, ne peut donc être détaché de la surveillance et de la maintenance des équipements, peu importe la technologie en question. 2.4 Obligations légales relatives à la production et au transport d’énergie Hydro-Québec est une entreprise régie par la Loi sur la Régie de l’énergie (chapitre R6.01) qui est désignée explicitement à l’article 2 de la loi comme « distributeur d’électricité » des marchés québécois12. À ce titre, l’entreprise peut faire l’objet d’enquête ou d’inspection de ses procédés à tout moment comme le détaille la deuxième section de la loi : Inspection et enquêtes 43. Le président de la Régie peut, pour l'application de la présente loi, désigner par écrit, généralement ou spécialement, toute personne pour effectuer une enquête ou une inspection. 1996, c. 61, a. 43. 44. Une personne désignée pour effectuer une inspection peut: 1° entrer à toute heure raisonnable dans l'établissement ou la propriété du transporteur d'électricité, d'une entité visée à l'article 85.3, d'un distributeur ou du coordonnateur de la fiabilité; 2° examiner et tirer copie des livres, registres, comptes, dossiers et autres documents se rapportant à la fourniture, au transport, à la distribution, à l'achat, à la vente, à la consommation de l'énergie ou à l'emmagasinage du gaz naturel; 3° exiger tout renseignement relatif à l'application de la présente loi, ainsi que la production de tout document s'y rapportant. Toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de ces livres, registres, comptes, dossiers et autres documents doit, sur demande, en donner communication à la personne désignée et lui en faciliter l'examen. 12 Article 1. La présente loi s'applique à la fourniture, au transport et à la distribution d'électricité ainsi qu'à la fourniture, au transport, à la distribution et à l'emmagasinage du gaz naturel livré ou destiné à être livré par canalisation à un consommateur. Elle s'applique également à toute autre matière énergétique dans la mesure où elle le prévoit. (1996, c. 61, a. 1; 2000, c. 22, a. 1.) 12 Sur demande, la personne désignée exerçant les pouvoirs prévus au premier alinéa doit s'identifier et exhiber le document attestant sa qualité. 1996, c. 61, a. 44; 2000, c. 22, a. 9; 2006, c. 46, a. 35; 2010, c. 8, a. 1. 45. Une personne désignée pour effectuer une enquête ou une inspection ne peut être poursuivie en justice en raison d'un acte officiel accompli de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions. 1996, c. 61, a. 45. 46. Nul ne peut nuire au travail d'une personne désignée pour effectuer une enquête ou une inspection dans l'exercice de ses fonctions. 1996, c. 61, a. 46. 47. Nul ne peut refuser de fournir un renseignement ou un document exigé en vertu de la présente loi, faire une déclaration fausse ou trompeuse, participer ou consentir à une telle déclaration au cours d'une inspection ou en réponse à un ordre ou à une demande de la Régie. 1996, c. 61, a. 47; 2006, c. 46, a. 36. La Régie de l’énergie cherche ainsi à faire respecter les règles de fiabilité qu’elle adopte, notamment le NERC qui commande des vérifications de conformité annuelle à ses normes13. C’est dans cet esprit que ce Rapport sur les changements techniques et technologiques dressera l’état des lieux des projets en cours ou à venir chez Hydro-Québec. 2.5 Implantation d’un réseau intelligent L’implantation d’un réseau intelligent s’étend à l’ensemble du parc électrique. Si l’enjeu principal est le même, des particularités peuvent être observées par rapport à ces trois projets (Imagine, SCSC, IMA). 2.5.1 Imagine à TransÉnergie Le projet d’Implantation de la Maintenance Automatisée et Gestion des Informations numériques des Équipements (Imagine) a été mis en place afin d’implanter la télésurveillance et la télémaintenance du réseau de transport d’Hydro-Québec14. Le projet devrait permettre, à 13 85.2. La Régie s'assure que le transport d'électricité au Québec s'effectue conformément aux normes de fiabilité qu'elle adopte. (2006, c. 46, a. 48.). Le processus de surveillance de la conformité NERC établit que celui-ci mandate une organisation régionale de fiabilité (Régie de l’énergie) qui se chargera de la surveillance des entités responsables (Hydro-Québec). 14 La télésurveillance correspond à la surveillance à distance des équipements, à analyser l’état et la performance des équipements et à prendre les décisions pour soutenir les équipes de travail à distance (support en ligne, dépannage à distance). La télésurveillance, articulée de façon adéquate et sécuritaire, devrait ouvrir la voie à la télémaintenance de ces mêmes équipements. Il s’agit, entre autres, de procéder 13 terme, d’améliorer la gestion des actifs et permettre un suivi en temps réel de données permettant de mesurer l’état des équipements15. Ces données devront être choisies avec précision par des intervenants qualifiés qui seront imputables quant à la qualité des données transmises. Le projet Imagine permettrait aussi de centraliser les opérations de télésurveillance et de télémaintenance à l’intérieur de centres de télémaintenance (CTM). Au départ, on estimait que deux CTM, à St-Hubert et à Lebourgneuf, suffirait à l’ensemble de la province. La direction d’Hydro-Québec pourrait augmenter le nombre de CTM. Cependant, au moment de la rédaction de ce rapport, il n’y avait officiellement que les deux CTM présentés ci-dessus. Les CTM pourront surveiller les tendances et les seuils de maintenance de manière à déterminer les interventions requises (maintenance corrective ou systémique). À terme, les CTM pourraient valider les données par simulation en amont de l’activité de mise en route (conception et validation des bases de données des systèmes numériques), une activité relevant des fonctions des techniciens, comme le postulent les Orientations 2010-2014 d’Hydro-Québec pour le projet Imagine (voir annexe 3). Autrement dit, les nouveaux outils de simulation pourraient permettre aux techniciens de réaliser des essais avant et pendant les mises en route. Les représentants syndicaux, via le Comité sur les changements techniques ou technologiques, de leur côté, ont joué leur rôle d’intermédiaire en tenant leurs membres au fait des changements à venir16. Aussi, depuis 2009, Hydro-Québec et la section locale 957 ont mis en place de nombreux groupes de travail afin de présenter le plan de gestion du changement et évaluer les impacts techniques. Ces tables ont notamment permis de rédiger les lots de travail dans le cadre du projet pour les 5 prochaines années (voir annexe 3). Ces tables ont aussi permis aux représentants syndicaux de faire part de nombreuses préoccupations par rapport à l’implantation rapide de ces projets (voir annexe 5). Comme nous l’avons mentionné à des réglages à distance des équipements ou de leurs capteurs, au téléchargement de bases de données ou encore à la mise à jour de logiciel d’exploitation. 15 De nombreuses explosions soulèvent toutefois des questions sur l’efficacité actuelle de la maintenance conditionnelle. Pour plus de details, voir De Pierrebourg (2013). 16 Une tournée provinciale des conseils exécutifs régionaux a eu lieu afin de présenter les avancées technologiques. Des rencontres ont été tenues dans toutes les divisions d’affaires concernant la nouvelle direction « Formation et Développement des compétences ». Un comité a été mis en place afin de réviser la norme SN-62.1012 pour TransÉnergie et Technologie en lien avec le poste bâtiment d’automatismes compact (BAC). Une entente a aussi été signée avec les représentants de la section locale 1500 et HydroQuébec sur le partage des responsabilités au niveau des dispositifs électroniques intelligents (DEI). Finalement, une tournée a eu lieux pour présenter les enjeux en lien avec les emplois de techniciens par rapport aux avancées technologiques pour l’implantation du réseau intelligent. 14 précédemment, l’implantation d’un réseau intelligent est en cours pour l’ensemble des divisions d’affaires et elle semble soulever tout autant de questions au niveau de la division Production. 2.5.2 SCSC à Production Le projet de Système Conduite et Surveillance en Centrale (SCSC) est le double du projet Imagine, appliqué à la division d’affaires Production. Il s’inscrit encore une fois dans la philosophie managériale de gestion du risque et de maintenance conditionnelle des équipements. Cette fois, la vice-présidence Exploitation des équipements de production (VPEÉP) souhaite surveiller et analyser en continu les installations de l’ensemble du parc de production hydraulique. Cette surveillance permettrait d’analyser le comportement des équipements et de poser un diagnostic sur leur état. Cette surveillance permettrait également d’enregistrer les données nécessaires à la maintenance conditionnelle qu’il serait ensuite possible de traiter à distance. 2.5.3 IMA à Distribution Le projet d’Installations de Mesurage Avancées (IMA) permettra d’automatiser la relève des compteurs d’électricité du réseau de distribution. Les technologies de génération MV-90 actuellement en place seraient remplacées par la génération IMA, capable d’effectuer des télémesures sur le nouveau réseau maillé interne à Hydro-Québec. Les entrepôts de données (Meter data management system, MDMS) remplaceront aussi les appareils d’acquisition et de gestion de la donnée de mesurage (AGDM) actuels. Le projet IMA comportera trois composantes principales connectées en réseau : les compteurs intelligents, des routeurs captant les données des compteurs et des collecteurs qui feront le relais entre les routeurs et le Système de gestion des données de mesure. En chiffre, le projet IMA représente 3,8 millions de compteurs intelligents, 14 365 routeurs et 560 collecteurs, selon l’unité Environnement d’HydroQuébec. Les données seront ensuite traitées au Centre d’exploitation du mesurage et acquisition de données. Les principales fonctions du centre seront la surveillance de l’IMA (mise en service des actifs, contrôle), la validation et le traitement des données (collecte, validation de l’intégrité des données, traitement et transfert pour facturation) et l’administration du réseau (performance, amélioration continue, évolution technologique). 2.6 Historique de la fonction L’implantation d’un réseau intelligent à Hydro-Québec fera en sorte de stimuler l’apparition de nouveaux créneaux, notamment l’exploitation d’outils informatiques. L’expansion normale de l’entreprise et ses nouveaux besoins en technologies supposent une évolution des pratiques de techniciens. Comme nous l’avons largement présenté au chapitre 1 du présent rapport, ces changements n’auront pas pour effet d’effacer la section locale 957 du paysage syndical d’Hydro-Québec, mais devraient plutôt rehausser son importance stratégique. 15 La portée intentionnelle du certificat d’accréditation s’étendra au fur et à mesure de l’implantation des changements avec l’avènement de nouveaux outils de travail et de nouvelles pratiques. En 1998, le Comité sur la normalisation des exigences d’emplois a produit le Rapport sur l’identification des postes et fonctions de techniciens (IPFT). Cet outil de gestion permettait de baliser uniformément les principales activités et exigences pour l’ensemble des postes de techniciens B17. Suite à cela, considérant l’évolution constante des pratiques, l’IPFT devait être adaptée continuellement par le biais de nombreuses lettres d’entente entre les parties de manière à doter l’entreprise de postes adaptés aux réalités techniques et technologiques du moment. 2.6.1 Évolution des pratiques à TransÉnergie et Production : spécialité Automatismes L’évolution des pratiques, à travers les projets Imagine et SCSC, toucherait principalement les postes de techniciens Automatismes maintenance (B) et Automatismes soutien (intermédiaire). De manière à appliquer la portée intentionnelle du certificat d’accréditation à ces projets, il importe de brosser l’historique de ces fonctions jusqu’à aujourd’hui à travers les affichages, l’IPFT et les dernières lettres d’entente. 2.6.1.1 Technicien Automatismes maintenance (B) Nous avons été en mesure de retracer des avis de postes vacants datant du début des années 1980 permettant de remonter la trace des évolutions technologiques actuelles jusqu’à leurs premières mentions. Dès lors, on exigeait que les techniciens soient qualifiés en langage de programmation Fortran IV ou BASIC, de même qu’une très bonne connaissance dans le domaine des systèmes de téléprotection (voir annexe 6). À la lecture des principales activités du technicien Automatismes maintenance dans l’IPFT, on remarque aussitôt la présence de l’informatique et des nouvelles technologies. En effet, l’une des principales activités de la fonction consiste à « effectuer l’entretien, l’étalonnage, la réfection, la modification et le remplacement des éléments, de leurs composantes, des systèmes informatisés et de l’instrumentation ». La connaissance « d’outils informatiques de la spécialité » est d’ailleurs une exigence normalisée à l’IPFT, ce qui démontre la place centrale de l’informatique dans le travail quotidien de maintenance effectué par les techniciens. 17 Les postes de techniciens s’échelonnent de la manière suivante : B, intermédiaire et expert. Convention collective, section locale 957 (2009-2013), article 22.01. 16 La série de lettres d’entente venant s’ajouter à l’IPFT fait état de besoins grandissants en informatique auxquels les techniciens répondent depuis plusieurs années déjà dans toutes les divisions d’affaires et dans diverses régions. La modification partielle des principales activités sert à les ajuster à certains changements techniques ou technologiques : Faire la maintenance du système ordiné CCR et de son centre de repli, faire le suivi des paramètres du système de télédélestage/RPTC, rédiger des rapports de performances du système de télédélesage/RPTC (lettre d’entente 00000976); Participer à la résolution de problèmes des équipements CCR (lettres d’entente 00000976, 0133-R07-03); Participer à l’élaboration de stratégies de maintenance du parc d’équipement au CCR (lettre d’entente 0133-R07-03); Support technique pour la mise à jour de la chaîne d’acquisition (lettre d’entente 0133R07-03); Effectuer le dépannage et l’entretien des systèmes de la conduite informatisée (CER), effectuer l’implantation des nouvelles versions de logiciel de la conduite informatisée (CER) (lettre d’entente 0281-R04-05). La même tendance s’observe au niveau des exigences normalisées : Connaissances en système informatique de conduite réseau CER (lettre d’entente 0281R04-05); Connaissances des outils informatiques de diagnostic et de paramétrisation des systèmes ordinés (lettre d’entente 00000976) (voir annexe 7). Il est clair que les outils informatiques sont omniprésents dans le quotidien des techniciens d’Hydro-Québec. Au début des années 1980, dans l’IPFT à la fin des années 1990 comme dans les lettres d’entente récentes, les outils informatiques semblent évoluer sans toutefois rompre avec la fonction de technicien. Pourtant, la légitimité de la fonction de technicien dans les nouveaux créneaux issus des changements techniques ou technologiques ne semble pas garantie. Nous soutiendrons notre prétention par une analyse exhaustive d’un projet pilote qui nous a été présenté comme une application du projet Imagine : la téléparamétrisation des délesteurs. 2.6.2 Projet pilote: téléparamétrisation des délesteurs La norme TET-AUT-N-3.4.1.1 établit que les délesteurs analysent la tension du poste, mesurent ses autres entrées analogiques et détectent les changements d’état de ses entrées numériques. Le délesteur a pour but de commander le déclenchement des disjoncteurs reliés à la charge si un seuil est dépassé, ou pour d’autres conditions de délestage. 17 Délesteur Le projet Imagine devrait permettre de téléparamétrer les délesteurs. Il s’agit d’un projet pilote sur l’aspect télémaintenance de Imagine qui soulève de nombreuses interrogations chez les techniciens, dont plusieurs ont été témoignées à la direction (voir annexe 8). De manière à préciser nos préoccupations, nous avons procédé à une analyse de la marche à suivre pour la maintenance conventionnelle des délesteurs. 1. Requête de travail de Plan et Soutien opérationnel (VP Plan et exploitation des installations) pour la maintenance du délesteur ou le changement des paramètres; 2. Le technicien Automatismes habilité aux installations procède à une demande de retrait18. La demande est acheminée au centre de téléconduite (CT) via le système informatisé de téléconduite utilisé par le technicien Automatismes. Le répartiteur du CT autorise le retrait afin de réserver l’équipement pour le travail à faire. [À l’heure actuelle, le projet Imagine ne nous offre aucune précision à ce sujet. Nous sommes d’avis que la téléparamétrisation des délesteurs se trouvera en position de non-conformité à la norme CIP-003 (Critical Infrastructure Protection) du NERC si le projet va de l’avant19.] 3. Avant de procéder au travail, le technicien Automatismes doit prendre en considération les risques généraux et spécifiques à l’équipement (généraux : Code de sécurité des travaux – chapitre poste, TET-SEC-P-0024, AP-GS-M-025, AP-GS-M004, 18 4 critères pour habilitation : Expérience en emploi; Connaissance des installations; Réussite du cours de qualification du Code des travaux; Autorisation de la ligne hiérarchique. 19 L’exigence E.6 de la norme CIP-003-1 (Cybersécurité et mécanisme de gestion de la sécurité) souligne que l’entité responsable doit établir par écrit un processus de contrôle des changements et de gestion des configurations pour l’ajout, la modification, le remplacement ou le retrait d’un élément matériel ou logiciel d’un actif électronique critique (c.-à-d. délesteur). Elle doit mettre en place des activités de soutien à la gestion des configurations afin de définir, de contrôler et de consigner toutes les modifications apportées par les entités ou les fournisseurs, aux composantes matérielles et logicielles des actifs électroniques critiques, conformément au processus de contrôle des changements. 18 TET-AUT-N.0.0.1.1, AP-GS-M001, AP-GS-M-007, TET-SEC-A-0001, AP-GS-N002, TEI-SECP-1032, AP-GS-M-021, TET-SEC-N-0002, TEI-SEC-N-0012, AP-GS-N016, TET-SEC-N-0005, TET-SEC-N-0017, TET-SEC-P-0014, TET-SEC-P-0016, TET-SEC-P1031, TET-SEC-P-1023, PT 3002-02, PT-3012, TET-SEC-P-0005, TET-SEC-N-0004, TET-SEC-P-0010, TET-SEC-P-0004, TET-SEC-P-0001, bulletins de sécurité, spécifique : TET-SEC-P-0004) Le projet Imagine reste vague à ce propos. 4. Le technicien Automatismes doit aussi se référer aux avis de maintenance, aux directives, aux procédures, aux normes, aux gammes d’opérations et/ou aux gammes génériques. 5. Le technicien peut maintenant procéder au travail. Il doit alors obtenir un régime accord (Code de sécurité des travaux, régime poste p.29) délivré par l’exploitant (opérateur, répartiteur). [Le projet pilote de téléparamétrisation des délesteurs éveille des préoccupations importantes au niveau de la santé et sécurité au travail, notamment par le rejet du régime accord au profit du régime retenu. À ce sujet, la directive GEN-D-923 a semblé justifier partiellement ce raisonnement. Cependant, nous croyons qu’il s’agit d’une utilisation erronée puisqu’elle vise les techniciens BDD attachés aux pupitres des CT. De ce fait, ces techniciens ne sont pas habilités aux installations où le travail a lieu. La directive en question est d’ailleurs sans objet puisqu’elle précise être subordonnée au régime accord.] 6. Une fois le régime accord obtenu, le technicien ouvre les interrupteurs des sorties de déclenchement des disjoncteurs (couteaux d’isolement). Cette procédure permet au technicien de circonscrire sa zone de travail localement pour procéder à des vérifications fonctionnelles (essais). Couteaux d’isolement 19 À la suite de ces essais, le technicien Automatismes referme les couteaux d'isolement, remet l'équipement dans l'état initial et retourne son régime à l'exploitant pour un retour de l'équipement à l'exploitation. [Le projet pilote semble remettre en question certaines de ces étapes manuelles de la fonction. Les innovations sur les équipements permettraient de remplacer les manipulations par une interface informatisée en lien avec un CTM responsable de simuler la manipulation (i.e. ouverture des couteaux d’isolement non nécessaire). Il serait aussi possible de remplacer les essais par des simulations à distance. Nous sommes préoccupés par de telles procédures étant donné la vulnérabilité de celles-ci aux dysfonctions. Il importera d’établir l’imputabilité et la gestion du risque acceptée et des critères de la diligence raisonnable20. L’automatisation du travail soulève donc de nombreuses questions quant à la sécurité des personnes et la fiabilité du réseau. Il s’agit du principal risque opérationnel auquel doit faire face l’entreprise dans sa gestion du changement et du risque.] L’automatisation et le recours à de nouvelles interfaces révèlent des vices cachés que les écrits spécialisés commencent à peine à révéler. L’industrie du transport aérien, un chef de file en la matière, illustre bien ces préoccupations. On se questionne maintenant sur les habiletés réelles des pilotes à piloter manuellement les engins en cas de dysfonction majeure21. 20 Il est important de rappeler la présomption de participation de l’organisation aux infractions qui s’apparenteraient à de la négligence criminelle depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-21 en mars 2004. L’entreprise doit faire preuve de diligence raisonnable en tout temps. La diligence raisonnable doit s’apprécier en fonction des lois et règlements en vigueur dans l’entreprise (LSST, Code de la sécurité des travaux, Convention collective) et des moyens de l’entreprise. Elle se décline ensuite en trois éléments distincts : le devoir de prévoyance, le devoir d’autorité et le devoir d’efficacité. 1) le devoir de prévoyance se résume à identifier les risques potentiels reliés aux gestes nécessaires pour exécuter une fonction. Ce devoir s’impose aux personnes en position d’autorité qui doivent aussi veiller à développer des moyens pour réduire les risques identifiés. 2) le devoir d’autorité découle des droits de direction et il autorise les personnes en position d’autorité à veiller de façon continue et active à prévenir les conduites dangereuses. 3) le devoir d’efficacité s’applique aussi, dans une très large mesure, aux personnes en autorité. Elles ont le devoir de s’assurer de réduire les risques liés aux fonctions qu’elles souhaitent voir exécuter. Elles ont finalement le devoir de mettre en place et d’appliquer un programme de prévention de même que de faire le suivi des formations requises pour l’exécution des fonctions. 21 The Economist (août 2013) «Difference engine : crash program?», en ligne : [http://www.economist.com/blogs/babbage/2013/08/cockpitautomation?fsrc=scn/fb/wl/bl/crashprogram] 20 Travail à distance et supervision Le travail à distance aurait cet effet de transformer le travail humain actif en travail passif de supervision. Il en résulterait une diminution significative de l’habileté à comprendre une situation de même que la capacité à gérer des événements imprévus des individus (R. Breton & Bossé, 2002). La connaissance détaillée des aspects techniques, mécaniques et physiques d’un équipement ou d’un instrument est pourtant une notion clef dans les théories de fiabilité des systèmes (Rausand & Hoyland, 2004). Un degré de confiance, voire de dépendance, aux outils informatisés diminuerait la conscience de la situation (R. Breton & Bossé, 2002). La conscience de la situation (situation awareness) est un enjeu majeur en ce qui concerne l’automatisation et le recours aux outils informatisés puisqu’elle remet en question la capacité de diagnostic des individus (Parasuraman, Sheridan, & Wickens, 2008)22. L’environnement de travail étant dynamique, le diagnostic s’avère donc un processus continu à tout instant (Parasuraman et al., 2008). À long terme, une confiance excessive dans les systèmes automatisés causera une rupture avec le milieu physique d’où sont extraites les données brutes, traitées par le système, et une dépendance au système; il s’agit du phénomène de la complaisance (complacency issue) (Parasuraman et al., 2008). Le projet pilote en cours à TransÉnergie commande donc de se questionner plus en profondeur sur ces impératifs. D’autres problématiques apparaissent aussi lorsqu’on observe le projet pilote en cours à Production. 2.6.3 Projet pilote : VM600 L’implantation du système de protection des machines VM600 (Vibro-Meter) est en cours dans le cadre du projet SCSC où l’on souhaite être en mesure de surveiller en continu les groupes turbines-alternateurs et les appareillages connexes de tout système d’automatismes dans une installation. Le VM600 est un appareil numérique programmable, ou un dispositif électronique intelligent (DÉI), permettant d’acquérir des données analogiques provenant des alternateurs puis de les conditionner pour l’envoi dans le système intégré de commande et contrôle (SICC)23. À partir du SICC, les données seront transmises dans le système SCSC où elles seront traitées par l’acquisiteur de surveillance en continu (ASC). Ce projet a fait en sorte d’apporter des changements dans l’architecture des armoires d’instrumentations où on retrouve le VM600 et les boîtes de jonctions analogiques (BJ analogique) (voir annexe 9). 22 Le diagnostic est la perception des éléments de l’environnement à un temps donné et dans l’espace et la projection de ces éléments dans un avenir rapproché (Parasuraman et al., 2008). 23 «Guide des exigences de maintenabilité et d’exploitabilité» (2008) Hydro-Québec Production - VPEÉP. 21 D’abord, il importe de comprendre la chronologie des événements dont le projet SCSC et le VM600 en sont la résultante. Au moment du partage des responsabilités entre automatismes et appareillage réalisé en 1982, aucun enregistrement n’avait lieu dans les centrales. L’état des équipements n’était pas suivi en temps réel et on avait recours à la maintenance corrective, ou réactive. Il faudra attendre au début des années 1990 pour voir apparaître les premiers enregistreurs d’information graphique sur les équipements. Ces enregistrements suivaient la température et l’inscrivaient sur un support papier qui donnait des alarmes à un seuil déterminé. L’acquisition de ces informations permettait d’analyser le comportement des températures des alternateurs. Bien que la maintenance conditionnelle ne fût pas un thème privilégié à ce moment, on peut y voir une ébauche avec cette innovation. Au milieu des années 1990, on ajoute le déclenchement automatique sur les équipements pour augmenter la disponibilité de ceux-ci. L’enregistrement permettait d’avoir une alarme, puis un déclenchement afin d’éviter un événement critique. La protection des équipements devient possible et s’ajoute aux fonctions incombant naturellement aux techniciens Automatismes. Au tournant des années 2000, on met fin à l’enregistrement graphique sur les équipements et on implante les armoires d’instrumentations équipées d’alarmes et de déclenches. Le tout sera branché au système SUPER où auront lieu les enregistrements. Ce système sera remplacé par SSC puis par l’actuel SCSC. On retrouve maintenant le VM600 dans les armoires d’instrumentations qui permet d’acquérir et d’enregistrer des données numériques sur l’état des équipements. On y configure aussi les logiques d’alarmes et les déclenchements et l’appareil permet de conditionner les données vers SICC et SCSC. Le VM600 est donc un appareil très stratégique en termes de protection des équipements et de gestion du risque. Comme on l’indiquait d’entrée de jeu, le partage des responsabilités de 1982 ne prévoyait pas les innovations actuelles. La situation actuelle pose donc un problème à ce niveau. En effet, on observe un partage des responsabilités hétérogènes entre les différentes centrales. Dans certaines centrales, comme dans les régions La Grande et Saguenay, on a remis la responsabilité d’opérer le VM600 aux techniciens Automatismes alors qu’à certains endroits, notamment à Cascade et Beauharnois, les métiers d’appareillage en sont responsables. À Manic, on observe même un partage de la responsabilité où les métiers d’appareillage sont responsables de régler les seuils de déclenche. Ce partage au cas par cas s’avère totalement inefficient. Les fonctionnalités du VM600 étant hautement complexes requièrent des connaissances techniques. Pour gagner en efficacité, nous proposons d’uniformiser les pratiques en établissant clairement un point frontière entre automatismes et appareillage. La boîte de jonction analogique est ce point frontière puisqu’il divise fonctionnellement les responsabilités, tout en respectant l’idéologie du partage de 1982. 22 La marche à suivre pour travailler sur un équipement permet de bien illustrer le partage logique que nous souhaitons appliquer plus largement : 1. On reçoit d’abord un signal des outils d’analyse; 2. Le technicien Automatismes qui effectuera le travail devra effectuer une demande de retrait et obtenir un régime Accord afin de travailler sur énergie; 3. Une fois les tests effectués, le technicien est en mesure de procéder à différents tests de manière à déterminer la source du problème, soit en amont ou en aval de la BJ. Si le problème se trouve en aval, c’est-à-dire à l’intérieur du groupe turbinealternateur, on fera appel aux métiers d’appareillage, qui eux, utiliseront le régime « autorisation de travail ». Si le problème se trouve en amont, le technicien Automatismes sera en mesure de procéder immédiatement à la correction. Cette marche à suivre n’est pas adoptée dans toutes les centrales, ce qui pose deux problèmes. Premièrement, les métiers d’appareillage n’utilisent pas de régime Accord, ne disposant pas de méthodes approuvées. Afin d’être conformes au Code des travaux, ces derniers ne devraient pas être autorisés à travailler sur énergie. Et deuxièmement, l’utilisation de deux groupes de travailleurs est hautement inefficiente puisqu’on risque de dédoubler de nombreuses fonctions. Les méthodes diffèrent entre les corps de métiers et il n’est pas souhaitable que les fonctions de ceux-ci s’entrecoupent, comme cela pourrait être le cas à l’heure actuelle dans certaines centrales. 2.6.4 Conclusion Problème(s) : Non-respect potentiel du Code des travaux, partage inefficient des fonctions et responsabilités, travail passif et supervision. Impact(s) : Santé et sécurité au travail compromise, inefficience, rupture avec la portée intentionnelle des unités accréditées, dédoublement des fonctions. Recommandation(s) : Se conformer au Code des travaux, effectuer un partage logique des fonctions et des responsabilités entre les corps de métiers, respecter la dynamique de l’évolution naturelle des postes et des fonctions des techniciens. 23 CHAPITRE 3 - INFORMATIQUE DE GESTION Le secteur informatique est en croissance partout dans le monde, dans tous les secteurs économiques. Ses applications ne cessent de s’élargir et les entreprises doivent constamment mettre à jour leurs équipements pour se conformer aux nouveaux standards technologiques. La situation ne diffère pas chez Hydro-Québec où le passage au numérique se fera à l’échelle nationale, un projet d’une envergure colossale. Si les technologies et les outils de travail évoluent, il s’avère que les emplois évoluent aussi. Hydro-Québec dispose maintenant de nombreux postes spécialisés dans ce que nous définissons comme l’informatique de gestion24. Il s’agit en fait de la gestion des outils informatisés comme les serveurs et les logiciels. Ce chapitre de notre rapport ne portera que sur l’aspect informatique de gestion que nous identifions comme une zone stratégique pour l’avenir d’Hydro-Québec et de ses techniciens. Il a aussi pour objet de démontrer la portée intentionnelle du certificat d’accréditation de la section locale 957 aux nouveaux créneaux informatiques techniques. 3.1 L’informatique chez Hydro-Québec Les postes et fonctions en informatique ont explosé ces dernières années chez HydroQuébec. À l’heure actuelle, Hydro-Québec se dote principalement de spécialistes en informatique; le baccalauréat en informatique y est la norme. Par contre, lorsqu’on s’attarde quelque peu aux fonctions de ces « spécialistes », force est d’admettre que nombre de ces postes pourraient être largement occupés par des techniciens spécialisés en informatique. De manière à harmoniser les pratiques, nous proposons une refonte des postes en informatique dont les fonctions sont de nature technique sous une appellation commune de technicien informatique pour lequel une formation collégiale technique en informatique serait requise. Cette stratégie de gestion des ressources humaines permettrait aux techniciens informatiques de se développer au sein de l’entreprise. On offrirait à ces techniciens, couverts par le certificat d’accréditation de la section locale 957, un cheminement de carrière intéressant à long terme (B, intermédiaire et expert) offrant une mobilité verticale et horizontale en emploi. Notre recommandation se veut dans l’esprit des relations de travail chez Hydro-Québec et se veut un souhait de simplifier la gestion des conditions de travail et les relations au sein de groupes d’emplois similaires. Plusieurs impératifs de gestion stratégique nous permettent de croire en la faisabilité et la désirabilité de la création de ce poste. En effet, nous souhaitons concentrer dans leurs unités accréditées respectives les personnes dont la nature des fonctions est semblable, de manière à enrichir le bassin naturel de l’unité accréditée plutôt que de le diluer. De la même manière, l’accréditation d’un groupe de 24 À l’opposée, l’informatique d’exploitation, traitée dans le chapitre précédent, relève littéralement de l’utilisation des outils informatisés spécialisés qu’utilisent les techniciens, les applicatifs (protection, relais, etc.). 24 travailleurs permet d’y réunir l’ensemble des personnes partageant une communauté d’intérêts. Nous l’avons mentionné précédemment : la section locale 957 représente l’ensemble des postes et fonctions techniques chez Hydro-Québec. Une autre section locale, le Syndicat des spécialistes d’Hydro-Québec, quant à elle, représente des professionnels diplômés au niveau universitaire au premier cycle et même au deuxième25. En toute logique, les postes à caractère technique, peu importe leurs intitulés, devraient exiger une formation collégiale technique et être couverts par la section locale 957. Parallèlement, tous les postes de professionnels et de spécialistes dont les fonctions ne sont pas à caractère technique devraient exiger une formation universitaire pertinente et être couverts par la section locale 4250. Cependant, la multiplication des titres d’emplois des dernières années exigeant un baccalauréat, sans, toutefois, se refléter dans la complexité des fonctions, nous pose problème. De nombreux titres d’emplois pourraient être questionnés par rapport à l’adéquation des exigences des postes et de la nature des fonctions de ceux-ci. 3.1.1 Multiplication des titres d’emplois À cet égard, nous avons remis en question des cas de reclassification au sein de la section locale 4250 en 2012. Il semblerait que la prise en charge rapide des technologies de l’information par le groupe Technologies puisse causer des dégâts importants au capital humain à moyen et long terme tout en étant contraire à toute logique d’efficience organisationnelle. En procédant à une lecture sommaire de la « Grille d’évaluation des emplois », nous constatons que l’ensemble des emplois de spécialiste requiert minimalement une formation universitaire de premier cycle à tous les niveaux A, B, C et D. Il semblerait que ces exigences soient normales. En revanche, un peu plus d’une quinzaine de cas de reclassification de titres d’emploi de technicien, en vue d’un transfert d’accréditation, ont levé le voile sur la réalité technique de ces nouveaux titres, dont plusieurs mériteraient d’être réévalués (voir annexe 10). Deux cas sont particulièrement intéressants puisqu’ils permettent une comparaison rapide et objective d’un même poste sous son titre de technicien chez TransÉnergie, puis de spécialiste du groupe Technologies. Le tableau 1, à l’annexe 11, illustre le cas de deux techniciens en soutien exploitation réseau infrastructure qui ont été versés à la section locale 4250 après avoir été renommés « Analyste informatique » niveau A et « Conseiller sécurité des technologies de l’information »26 niveau B. En pratique, il ne s’agit que de créativité administrative puisqu’aucun 25 Le certificat d’accréditation du « Syndicat des spécialistes d’Hydro-Québec, section locale 4250 du SCFP » couvre tous les professionnels et spécialistes salariés au sens du Code du travail à l’emploi d’HydroQuébec à l’exclusion des salariés couverts par d’autres accréditations… Cette exclusion prend ici tout son sens dans la mesure où l’on restreint et précise la définition possible de professionnel, mais surtout de spécialiste, à quiconque souhaiterait établir la portée intentionnelle du certificat d’accréditation. Bien que de nombreux techniciens occupent des fonctions hautement spécialisées, ces derniers font effectivement partie de la section locale 957 en vertu de l’exclusion explicite de ce type de spécialiste de la section locale 4250, qui dispose d’une portée limitée sur cet aspect (voir annexe 12). 26 Suite à une requête auprès de la Commission des relations de travail en vertu de l’article 39 du Code du travail, l’employeur et le syndicat en sont venus à une entente confirmant la portée intentionnelle de l’accréditation de la section locale 957 à ces nouveaux titres d’emplois. Par ailleurs, la totalité des postes 25 d’entre eux n’a eu à recevoir de mise à niveau pour s’ajuster à l’apparent changement. Notre argumentaire en ce qui concerne les besoins en main-d'œuvre qualifiée dans le domaine de l’informatique se basera donc sur cet outil de comparaison offert par l’administration. Par souci d’efficience et d’harmonisation des pratiques, nous soutenons qu’une multiplication des titres d’emplois n’aura aucun effet bénéfique sur la qualité de la gestion des ressources humaines et la pérennité d’Hydro-Québec. Une augmentation du taux de roulement est à craindre chez les employés dont les qualifications ne seraient pas directement arrimées à la nature de leurs fonctions comme les cas dont nous venons de traiter, et de nombreux autres potentiels, font état. Les emplois de professionnels et de spécialistes risqueraient de ne plus être en mesure d’attirer une main-d'œuvre à la recherche de défis professionnels à la hauteur de leurs qualifications. Il apparaît important ici de souligner la corrélation entre la rétention des employés et la profitabilité d’une entreprise (Hinkin & Tracey, 2000). Les écrits spécialisés sur la question font état des coûts importants du roulement en emploi (Boushey & Glynn, 2012; Hinkin & Tracey, 2000). Par exemple, pour un salaire annuel de 75 000 $, le coût de la démission jusqu’au comblement du poste vacant se situe autour de 20 % du salaire annuel, soit 15 300 $ (Boushey & Glynn, 2012). D’autres auteurs postulent que ce coût pourrait atteindre entre 27 et 30 % du salaire annuel en tenant compte de l’ensemble des coûts directs et indirects, comme la réduction de la qualité du travail, la baisse de motivation des travailleurs ou la perte du savoir institutionnel (Boushey & Glynn, 2012; Hinkin & Tracey, 2000) (voir annexe 14). D’autant plus que, depuis 2007, 5 466 employés d’Hydro-Québec ont quitté pour la retraite et la tendance devrait se maintenir pour les années à venir à raison de 1000 personnes par année27. La dotation pour les nouveaux postes devra donc être cohérente avec les exigences du marché et la formation académique de la main-d’œuvre. De manière à asseoir nos prétentions, nous avons procédé à l’évaluation d’un poste de spécialiste dans une autre grande entreprise québécoise dont les exigences quant à la scolarité et l’expérience requise semblaient pertinentes28. Nous nous sommes basés sur les critères objectifs et quantifiables du « Plan d’évaluation des emplois de spécialistes » utilisés par Hydro-Québec et la section locale 4250. Nos conclusions veulent que la nature des fonctions proposées par Hydro-Québec pour un poste de bachelier disposant de 3 à 6 ans d’expérience soit en décalage avec le marché de l’emploi. Un même candidat aurait à choisir entre un emploi de niveau B chez Hydro-Québec et un emploi de niveau C (score : 254, voir annexe 11, tableau 2) dans une autre grande entreprise québécoise. De plus, notre prétention est doublement confirmée par l’aveu de la direction, par dont l’appellation a été modifiée portait la même appellation : technicien soutien exploitation réseau infr. SGR dont l’affichage de poste complet et les lettres administratives attestant du transfert se trouvent à l’annexe 13. 27 «Rapport annuel sur le développement durable» (2012) Hydro-Québec, p.38 28 L’affichage complet des postes considérés et les extraits pertinents du Plan d’évaluation des emplois de spécialistes se trouvent à l’annexe 15. 26 entente survenue avec le syndicat, sur la nature technique de certains postes de spécialistes de niveau A et B. La multiplication des titres d’emplois, une pratique à contre-courant sur le plan stratégique, se situe dans une perspective de réaction aux changements. Elle permet, au mieux, d’atténuer temporairement le besoin de main-d'œuvre qualifiée pour les nouveaux créneaux en informatique. La gestion stratégique du capital humain devrait pourtant anticiper les situations futures et agir proactivement dès aujourd’hui afin d’adapter la structure des emplois aux changements techniques et technologiques de demain. En conséquence, comme nous l’avons admis d’entrée de jeu, nous proposons de créer la fonction technicien informatique, qui a d’ailleurs déjà existé au début des années 1980 (annexe 16) (voir affichage). L’évaluation des emplois de spécialiste, dont un extrait a déjà été présenté, nous permet d’ailleurs de fixer des critères objectifs concernant les qualifications exigées (collégiale technique) et les responsabilités (autonomie, communication, imputabilité, complexité) de ce nouveau poste qui devrait minimalement obtenir un score, après soustraction du critère scolarité, entre 90 et 20329. Cette refonte des postes permettra non seulement de rapprocher ces fonctions de leur bassin naturel technique, mais aussi de rehausser les possibilités pour les techniciens et spécialistes en informatique dans leurs emplois respectifs chez Hydro-Québec. Il s’agit finalement d’exploiter à fond les possibilités offertes par la formation académique au niveau collégial et universitaire. 3.2 Formation 3.2.1 Formation collégiale technique Il est important de prendre conscience de la qualité de la formation technique en informatique et du baccalauréat en informatique. En premier lieu, le D.E.C. Technique de l’informatique (420.A0) se fixe comme objectif de former des programmeurs analystes dans le domaine de la gestion sous deux spécialités : l’informatique industrielle ou la gestion de réseaux informatiques30. En revanche, les applications sur le marché du travail de cette formation technique sont nombreuses et diversifiées. Bon nombre de ces applications sont répertoriées par l’Institut de la statistique du Québec (voir annexe 17 annexe étude globale). Par exemple, on y retrouve les titres : administrateur de base de données; conseiller soutien aux utilisateurs; conseiller support informatique; 29 Ces scores correspondent au minimum du niveau A (100) et au maximum du niveau B (213) sans le critère scolarité (10 points), lesquels représentent les postes de technicien soutien exploitation réseau infr. SGR sous les titres : analyste informatique et conseiller sécurité des technologies de l’information. 30 Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, en ligne : http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/enscoll/cahiers/program/420A0.asp 27 conseiller d’exploitation informatique; conseiller en système technique; technicien en gestion informatique; chargé de projets informatiques. Toutes ces applications partagent la même formation collégiale qui leur permet d’effectuer des fonctions relativement complexes. Le MELS soutient que les diplômés de ce programme d’études seront en mesure d’assurer la maintenance et la mise à jour des logiciels en place dans l’entreprise. On suggère aussi qu’ils agiront à titre de personnes ressources tant au niveau de la formation des utilisateurs que du soutien technique suite à l’implantation de systèmes informatiques. Le technicien en informatique serait aussi en mesure de gérer l’environnement informatique lié à l’exploitation des environnements informatiques tant au niveau de leur installation que de leur configuration. La formation collégiale s’ancre toujours aux réalités du marché du travail depuis les travaux de la réforme Robillard de 1993. 3.2.2 Formation universitaire de premier cycle En second lieu, le baccalauréat en informatique (B.Sc.A.) propose plutôt une formation hautement spécialisée pour de futurs professionnels de l’informatique capables de concevoir, d’évaluer et d’implanter des systèmes informatiques. L’Institut de la statistique du Québec dresse un portrait tout aussi diversifié pour les spécialistes de l’informatique qui occupent des fonctions telles que : conseiller en architecture technologique de l’information; responsable de la sécurité des systèmes informatiques; spécialiste en système d'information et télécommunication; analyste expert SAP. Il va sans dire que le champ d’expertise de cette formation est plus large et complexe qu’au niveau collégial (voir annexe 17 étude globale). On retrouve certains de ces postes dans la « Grille d’évaluation des emplois de spécialistes ». Ils correspondent à des emplois de niveau C et D dont les scores atteignent jusqu’à 294 points (voir annexe 11 annexe, tableau 3). Ces postes correspondent réellement à des postes de professionnels et de spécialistes capables d’attirer, de motiver et de retenir les meilleurs bacheliers en informatique. Les changements à l’œuvre dans l’ensemble des infrastructures d’Hydro-Québec ne doivent pas faire perdre de vue les intérêts stratégiques de la dotation et de la gestion des ressources humaines. Par contre, il n’en a pas toujours été ainsi au niveau informatique chez Hydro-Québec et le rejet injustifié de la formation collégiale pour les fonctions informatiques techniques est, somme toute, sans précédent. 28 3.3 Historique de la fonction Informatique Les technologies actuelles et l’ère du numérique ne sont pas survenues récemment. Chez Hydro-Québec, il est possible de suivre le sillage des fonctions relatives à l’informatique. Les premiers écrits que l’on recense à propos de l’informatique remontent à la fin des années 70. Un journal local d’Hydro-Québec de l’époque dresse le portrait de l’informatique à ses balbutiements31. À l’époque, une nouvelle équipe de 22 travailleurs, dont des programmeurs et des concepteurs, répondait aux besoins en informatique des gestionnaires. Une bonne partie de l’article est ensuite consacré à une entrevue avec une technicienne informatique nouvellement embauchée à Hydro-Québec comme programmeuse. Il s’agissait probablement d’une des premières diplômées du réseau collégial, quelques années seulement après la Commission Parent (1963-1966). Elle relate brièvement ses fonctions relatives à la mise à jour des systèmes et au soutien technique aux utilisateurs. Pendant plusieurs années, la formation collégiale technique en informatique sera exigée pour de nombreux postes (voir annexe 18 : affichages postes vacants) : Analyste concepteur informatique (1981); Analyste exploitation d’ordinateurs (1986); Analyste informatique (1987); Programmeur (1987); Programmeur (1988); Analyste informatique (1988). Ces postes sont ultérieurs à la séparation fonctionnelle de 1997 d’où sont nées les divisions Transport, Production et Distribution32. La continuité à travers l’appellation des postes et les exigences requises à travers ces années est remarquable. D’une part, on parlait déjà de concepteur et de programmeur dans l’Hydro-Presse, 10 ans avant l’affichage de ces postes. D’autre part, les postes d’analyste informatique affichés en 1987 et en 1988 existent toujours comme nous l’avons mentionné plus tôt avec le cas de notre technicien soutien exploitation réseau infr. SGR reclassé comme analyste informatique en janvier 2012. Il est donc possible de démontrer la chronologie de ces fonctions au moins depuis 1987. À l’heure actuelle, les exigences de formation demeurent les mêmes : une formation collégiale. Pour en revenir avec la prise en charge des technologies de l’information par le groupe Technologies, il demeure difficile de justifier ce changement de cap soudain. Des techniciens semblaient être en mesure d’occuper ces fonctions jusqu’à tout récemment (voir annexe 19 : annexe postes vacants 2004). 31 Voir annexe 20 : HYDRO-PRESSE ST-LAURENT, « Un nouveau départ au service Organisation et Informatique » (octobre 1978) numéro 7. 32 « Rapport annuel » (2005) Montréal, Hydro-Québec, p. 99. 29 Au final, le Syndicat des technologues s’explique mal les raisons qui auraient pu mener à ces décisions vu l’expérience technique de longue date de ses membres au niveau de l’informatique de gestion. 3.4 Conclusion Problème(s) : Gestion stratégique des ressources humaines, multiplication des titres d’emploi, inadéquation des exigences académiques et des fonctions réelles, discontinuité historique. Impact(s) : Roulement de personnel potentiel, baisse de profitabilité, perte du savoir institutionnelle, inefficience. Recommandation(s) : Harmonisation des pratiques : création d’un nouveau poste de technicien en gestion informatique. 30 DISCUSSION ET CONCLUSION À la lecture de ce rapport, on constate l’ampleur des changements en cours chez HydroQuébec et la complexité de la gestion de ces changements. Évidemment, la direction de l’entreprise n’est pas seule; elle est accompagnée par le Syndicat des technologues qui regroupe en ses rangs de nombreux techniciens d’expérience. Ces derniers veillent notamment à ce que les changements se produisent harmonieusement en tenant compte du caractère dynamique des certificats d’accréditations. On l’a mentionné d’entrée de jeu, le changement des outils et les innovations technologiques n’affectent en rien la portée intentionnelle d’un certificat d’accréditation. Le chapitre 1 s’est limité à une interprétation du certificat d’accréditation de la section locale 957. Ensuite, le chapitre 2 avait pour but d’élaborer plus en détail en quoi consistent les changements techniques et technologiques à l’œuvre à Hydro-Québec. Enfin, le chapitre 3 tâchait de faire une scission entre les fonctions informatiques d’exploitation (chapitre 2) et l’informatique de gestion (chapitre 3). La tenue de ces changements s’effectue sous la poussée de nouvelles philosophies de gestion, parfois peu arrimées aux réalités du terrain, malheureusement. Parmi celles-ci, la gestion du changement suggère d’impliquer les travailleurs dans le processus d’implantation des projets qui les toucheront. Ce projet – le déploiement d’un réseau intelligent depuis le lieu de production jusqu’à la consommation de l’énergie – promet de susciter de vives réactions sur le terrain. Ces changements sont aussi propulsés par l’application plus serrée des normes du NERC par la Régie de l’énergie. Ces normes commandent plusieurs exigences en termes de fiabilité et de sécurité cybernétique. Un réseau intelligent amène aussi de nouvelles possibilités, notamment à l’égard des stratégies de maintenance. On est désormais en mesure de gérer le risque relatif aux installations en contrôlant, en temps réel, l’état de l’ensemble des équipements. La gestion des risques opérationnels, informationnels et organisationnels permettrait alors de réduire les coûts d’opération et d’augmenter la disponibilité du réseau par la maintenance conditionnelle à l’état des installations et des équipements. Grâce aux projets SCSC, Imagine et IMA, Hydro-Québec devrait être en mesure de recueillir une quantité phénoménale de données sur une pléthore d’équipements munis de divers capteurs. Ces données brutes sont l’intrant de ce vaste système. Elles seront ensuite conditionnées par le système et rendues disponibles pour analyse. Ces données, recueillies dans les Centre de télémaintenance (CTM) de TransÉnergie par exemple, forment l’extrant du réseau intelligent. À ce sujet, nous avons porté une attention particulière au rôle des techniciens dans l’émission de données de qualité par la chaîne d’instrumentation. Nous avons aussi mis en évidence le rôle central des connaissances du milieu physique pour les utilisateurs du réseau, de manière à ce que ces derniers soient autant à l’aise avec les données brutes provenant des capteurs qu’avec les données numériques présentées sur les interfaces informatisées. On doit retenir ici que le technicien, étant donné son expertise et son souci d’efficience fonctionnelle, est imputable de la qualité des données extraites de la chaîne d’instrumentation. On l’a mentionné plus tôt, l’implantation du réseau intelligent se décline en trois projets (Imagine, SCSC, IMA), pour les trois divisions d’affaires (TransÉnergie, Production, Distribution). 31 Le processus de changements en est maintenant à la phase des projets pilotes. Toutefois, ces projets pilotes posent de nombreuses interrogations dans le champ, et font craindre le pire pour le déploiement à grande échelle du réseau intelligent. Sur le plan pratique, la paramétrisation à distance des délesteurs à TransÉnergie, telle que proposé à l’heure actuelle, crée de sérieux doutes au niveau de l’application du Code des travaux et de la santé et sécurité au travail, tandis que l’utilisation des VM600 à Production est hasardeuse et chaotique. De manière générale, ces premières tentatives d’applications d’Imagine et de SCSC sont peu fructueuses et démontrent une distance avec les réalités pratiques du champ. De plus, nous recommandons aussi de créer un poste de technicien informatique pour les fonctions techniques relatives à l’informatique de gestion. Des techniciens informatiques ont déjà été à l’emploi d’Hydro-Québec, nous proposons donc d’harmoniser les pratiques, de limiter la multiplication des titres d’emploi et de réunir sous une même accréditation l’ensemble des postes et fonctions techniques, comme le requiert le certificat d’accréditation de la section locale 957. Une offre de travail plus arrimée au potentiel des candidats (DEC en informatique ou Bacc en informatique) devrait finalement avoir un effet positif sur l’attraction, la motivation et la rétention de ces spécialistes et professionnels de l’informatique. Ce document brosse un portrait des changements techniques ou technologiques en cours à Hydro-Québec et suggère une vision de l’avenir plus prospère pour les techniciens. Nos recommandations sont le résultat de longues réflexions sur l’organisation du travail et les pratiques actuelles à l’œuvre à Hydro-Québec et ont pour but de veiller à la pérennité de ce fleuron de l’économie québécoise. 32 BIBLIOGRAPHIE Boushey, B. H., & Glynn, S. J. (2012). There Are Significant Business Costs to Replacing Employees. Center for American Progress, 1–9. Breton, G. (2010). Le discours comptable comme conditionnement de l’opinion publique: le cas d’Hydro-Québec. Globe: Revue internationale d’études québécoises, 13(2), 75–99. doi:10.7202/1001131ar Breton, R., & Bossé, É. (2002). The Cognitive Costs and Benefits of Automation (pp. 1–12). Varsovie, Pologne. Retrieved from http://www.dtic.mil/cgi-bin/GetTRDoc?AD=ADA422303 De Pierrebourg, F. (2013, 13 septembre). Série d’explosions de matériel vétuste chez HydroQuébec. La Presse. Montreal. 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