Rapport sur l`avenir des techniciennes et des techniciens d`Hydro

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Rapport sur l`avenir des techniciennes et des techniciens d`Hydro
RAPPORT SUR L’AVENIR DES TECHNICIENNES ET DES TECHNICIENS
D’HYDRO-QUÉBEC
pour
Le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, section locale 957, SCFP
Octobre 2013
par
Marc-Antoine Durand-Allard
École de relations industrielles
Université de Montréal
ii
PRÉFACE
L’objectif de notre section locale s’inscrit dans une démarche proactive, visant la
reconnaissance de notre savoir-faire. Nous désirons être partie prenante des décisions de
l’employeur, en particulier en ce qui a trait aux nouvelles technologies. Cette implication de
notre part pourrait s’avérer intéressante, puisqu’elle aurait le potentiel de favoriser
l’uniformisation des pratiques, de permettre le maintien et le développement de notre
expertise, de faciliter la gestion du changement, et de préparer une relève de qualité. À l’aube
des départs à la retraite qui, selon toute attente, seront nombreux, ces engagements devraient,
nous l’espérons, susciter un grand intérêt auprès de notre employeur.
Lors de notre dernier congrès en 2011, une résolution ayant comme objectif la mise en
place de structures syndicales régionales par divisions d’affaires a été adoptée.
Subséquemment, une autre résolution visant la nomination d’un responsable « Changements
Techniques ou Technologiques » (CTT) et « Formation Professionnelle » (FP) pour chacune des
divisions d’affaires, à l’intérieur des structures syndicales régionales, reçut aussi l’approbation
du congrès.
L’orientation était donnée : notre section locale désirait impliquer des techniciens.nes
d’expérience, reconnus pour leur expertise, afin d’analyser les nombreux changements
techniques ou technologiques liés à leurs emplois.
Depuis cet engagement, de nombreux techniciens ont participé à différentes tables
techniques paritaires et nous constatons qu’il y a des avantages considérables à réunir autour
d’une même table les experts d’un même domaine.
Quelques exemples de ces tables communes :
Technologie : Élaboration des lignes directrices pour assurer la sécurité cybernétique de
l’entreprise en se conformant aux normes de la North American Electric Reliability
Corporation (NERC). Mise en place des réseaux Synchronous Optical Network, Next
Generation (Sonet-NG) et MultiProtocol Label Switching (IP-MPLS) permettant la
convergence des données, de la voix et de la vidéo.
TransÉnergie : Comité directeur portant sur le projet d’Implantation de la Maintenance
Automatisée et Gestion des Informations Numériques des Équipements (IMAGINE) qui
nous permettra, entre autres, de surveiller à distance l’état des transformateurs.
Production : Comité provincial pour la mise en place du projet Système Conduite et
Surveillance en Centrale (SCSC) qui nous aidera ultérieurement à prévenir plusieurs bris
majeurs sur nos installations hydrauliques.
Distribution : Une table provinciale a été initiée pour intégrer les compteurs intelligents
avec le projet d’Infrastructure de Mesurage Avancée (IMA).
Nous sommes toutes et tous concernés par les nombreux défis techniques, liés
principalement au domaine informatique, mais nous le sommes tout autant par les projets
d’envergures, comme le « Réseau Intelligent » (Smart Grid) par exemple, qui ont, ou qui auront,
un impact important sur l’économie du Québec à court et moyen termes.
iii
C’est donc avec enthousiasme que nous vous proposons ce « Rapport sur l’Avenir des
techniciennes et des techniciens d’Hydro-Québec ». Il nous permettra de situer les changements
techniques ou technologiques sur le plan conceptuel, et, de vous proposer ensuite notre analyse
de l’impact de ces changements sur le plan technique en mettant en relief les préoccupations
des experts et les limites des projets en cours.
De plus, en raison des défis technologiques auxquels nous devrons bientôt faire face, nous
souhaitions proposer notre lecture des besoins techniques en informatique. Pour garantir une
démarche objective, nous avons analysé les programmes collégiaux et effectué un balisage
auprès de grandes entreprises de manière à arrimer nos conclusions aux réalités du marché du
travail.
Notre analyse devrait vous démontrer que le bon fonctionnement de la maintenance
conditionnelle et des systèmes informatiques passe par le savoir-faire des techniciennes et des
techniciens de l’entreprise.
Nous espérons que la lecture de notre rapport vous permettra de mieux comprendre les
défis auxquels nous aurons à faire face dans un avenir pas si lointain.
Jean-Yves Paquin
Responsable politique
Changement technique ou technologique
Formation professionnelle
Syndicat des technologues d’Hydro-Québec
Section locale 957, S.C.F.P. Québec
iv
REMERCIEMENTS
La rédaction de ce rapport aura été un travail de longue haleine de mise en commun des
connaissances de nombreux techniciens de toutes les divisions d’affaires et de plusieurs régions
qui cumulent de nombreuses années de service au sein d’Hydro-Québec. Mes premiers
remerciements s’adressent à toutes ces personnes qui ont généreusement accepté de partager
leur savoir sur les différents thèmes abordés. Je pense notamment à MM. Jean-Jacques
Marinier, Pierre Rozon, Jean-François Tremblay et Gilles Vienneau, sans qui la rédaction de ce
document n’aurait pas été possible.
Une mention toute spéciale s’adresse bien sûr à M. Jean-Yves Paquin qui a été le
promoteur de ce rapport. Son encadrement, ses conseils et son jugement ont grandement
facilité la rédaction de ce document.
Enfin, mes remerciements vont aux lecteurs de ce rapport qui sauront y voir l’entreprise
d’un syndicat actif pour la promotion de la voix de ses membres.
v
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES ABRÉVIATIONS .............................................................................................................. vii
INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1
CHAPITRE 1 - SYNDICAT DES TECHNOLOGUES D’HYDRO-QUÉBEC, qui sommes-nous? .............. 3
1.1 Les techniciens ...................................................................................................................... 3
1.2 L’accréditation : la section locale 957 du SCFP .................................................................... 3
CHAPITRE 2 - UN VENT DE CHANGEMENT À HYDRO-QUÉBEC ...................................................... 6
2.1 Gestion du changement et les grands projets (Imagine, SCSC, IMA) .................................. 6
2.2 Stratégies de maintenance et gestion du risque ................................................................. 8
2.2.1 Sécurité cybernétique.................................................................................................... 9
2.3 Imputabilité de l’intervenant sur la qualité de la donnée ............................................... 10
2.4 Obligations légales relatives à la production et au transport d’énergie .......................... 11
2.5 Implantation d’un réseau intelligent ................................................................................. 12
2.5.1 Imagine à TransÉnergie ............................................................................................... 12
2.5.2 SCSC à Production ........................................................................................................ 14
2.5.3 IMA à Distribution ....................................................................................................... 14
2.6 Historique de la fonction .................................................................................................... 14
2.6.1 Évolution des pratiques à TransÉnergie et Production : spécialité Automatismes... 15
2.6.1.1 Technicien Automatismes maintenance (B) ........................................................ 15
2.6.2 Projet pilote: téléparamétrisation des délesteurs ..................................................... 16
2.6.3 Projet pilote : VM600 .................................................................................................. 20
2.6.4 Conclusion .................................................................................................................... 22
CHAPITRE 3 - INFORMATIQUE DE GESTION ................................................................................. 23
3.1 L’informatique chez Hydro-Québec ................................................................................... 23
vi
3.1.1 Multiplication des titres d’emplois ............................................................................. 24
3.2 Formation ............................................................................................................................ 26
3.2.1 Formation collégiale technique ................................................................................... 26
3.2.2 Formation universitaire de premier cycle................................................................... 27
3.3 Historique de la fonction Informatique ............................................................................. 28
3.4 Conclusion ........................................................................................................................... 29
DISCUSSION ET CONCLUSION ....................................................................................................... 30
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................. 32
vii
LISTE DES ABRÉVIATIONS
Acquisiteur de surveillance en continue
ASC
Acquisition et gestion de la donnée de mesurage
AGDM
Base de données
BDD
Boîte de jonction
BJ
Centre de télé-conduite
CT
Centre de télémaintenance
CTM
Critical infrastructure protection
CIP
Disposition électronique intelligent
DÉI
Identification des postes et fonctions de technicien
IPFT
Implantation de la maintenance automatisée et gestion des
informations numériques des équipements
IMAGINE
Installation de mesurage avancé
IMA
Loi sur la santé et sécurité au travail
LSST
Meter data management system
MDMS
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
MÉLS
North American Electric Reliability Corposation
NERC
North Eastern Power Coordinating Council
NPCC
Système conduite et surveillance en centrale
SCSC
Système intégré de commande et contrôle
SICC
Vice-présidence exploitation équipement production
VPEÉP
1
INTRODUCTION
L’évolution rapide des technologies force aujourd’hui les entreprises à devoir
constamment innover afin de conserver leur place sur le marché. Les changements techniques
et technologiques font évoluer les pratiques des salariés au fil du temps 1. Les entreprises sont
appelées à faire preuve d’une grande rigueur à l’égard de la pertinence, de la faisabilité et de la
désirabilité de tels changements. Dans les années 1970, l’introduction de la micro-électronique
et des premiers ordinateurs a permis d’automatiser bon nombre de fonctions. Les années 1980
ont vu apparaître de plus en plus de robots et depuis une vingtaine d’année, l’informatique
comme on l’entend aujourd’hui a entamé son expansion dans toutes les sphères du travail. Le
travail à distance constitue la nouvelle révolution technologique de notre époque.
Le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec et son Comité sur les changements
techniques ou technologiques passent donc en mode solution en réalisant un rapport sur
l’avenir des techniciens chez Hydro-Québec dans ce nouveau contexte de modernisation2.
Aux fins du Rapport sur l’avenir des techniciens de la section locale 957 du SCFP, nous
ferons en sorte de suivre les grandes lignes, tracées par de nombreuses années de
jurisprudence, en ce qui concerne l’interprétation des certificats d’accréditation au Québec, et
ce, de manière à simplifier l’intelligibilité de nos conclusions. La table sera mise pour entamer
une réflexion sur les philosophies de gestion et les grands thèmes inhérents aux changements
techniques et technologiques. La gestion du changement, la gestion du risque, la sécurité
cybernétique et des obligations légales complexes composent le corps de ces grandes théories3.
L’implantation d’un réseau intelligent connectant le parc électrique d’Hydro-Québec
nous amènera à proposer une analyse des projets à venir, poser notre diagnostic et faire part de
1
Convention collective (2009-2013), section locale 957, art. 39,02 : «Le terme changements technique ou
technologique signifient tout changement ou évolution technique ou technologique d’équipement,
matériel ou procédés différents en nature, genre ou quantité, de ce qui était précédemment utilisé ainsi
que tout changement de méthode de travail qui affecte de façon substantielle une personne salariée dans
un emploi ou les conditions de travail rattachées à cet emploi.»
2
C’est sans aucune volonté de discrimination que nous utilisons le générique masculin chaque fois que le
sens ne s’y oppose pas.
3
Le North American Electric Reliability Corporation (N.E.R.C.) requiert un ensemble de mesure de sécurité
notamment en ce qui a trait à la sécurité cybernétique (voir annexe 1). «Le NERC élabore et applique, en
collaboration avec le NPCC, un programme de suivi de la conformité aux normes de fiabilité pour
promouvoir la fiabilité du réseau de transport d’électricité en veillant à ce que les normes de fiabilité
adoptées au Québec soient respectées et en proposant à la Régie des recommandations à cette fin. Le
programme de suivi de la conformité de la NERC comporte quatre volets : (1) la supervision par la NERC
des programmes de suivi de la conformité du NPCC (article 2.2) ; (2) la définition des attributs du
programme de suivi de la conformité du NPCC (article 2.3) ; (3) la surveillance par la NERC de la
conformité du NPCC aux normes de fiabilité (article 2.4) ;et (4) la surveillance de la conformité de la NERC
aux normes de fiabilité qui s’appliquent à elle (articles 2.5–2.6)» (Régie de l’Énergie, 2009).
2
nos préoccupations. Nous serons finalement en mesure de faire les recommandations
nécessaires à l’égard de l’avenir des techniciens afin de promouvoir une gestion du changement
efficiente et en continuité avec les pratiques d’Hydro-Québec.
3
CHAPITRE 1 - SYNDICAT DES TECHNOLOGUES D’HYDRO-QUÉBEC, qui sommes-nous?
1.1 Les techniciens
Les techniciens possèdent une formation collégiale technique qui se traduit en 22 spécialités
pour les postes B chez Hydro-Québec qui sont répertoriées dans le document d’identification
des postes et fonctions de techniciens de 1998 (IPFT). D’autres postes et fonctions peuvent
s’ajouter par la signature de lettres d’entente spécifiques, le cas échéant. On retrouve aussi des
postes intermédiaires et experts qui ne sont pas répertoriés dans l’IPFT. Les techniciens œuvrent
dans divers champs d’activités des réseaux électriques et de télécommunication tant au niveau
de la recherche et du développement, de l’ingénierie, de la maintenance, de l’exploitation, de la
planification, de la conception que de la conduite.
1.2 L’accréditation : la section locale 957 du SCFP
La section locale 957 du SCFP a été accréditée en 1965. Elle prendra le nom de « Syndicat
des technicien(ne)s de l’Hydro-Québec » après une requête devant la CRT en 1971. Ce n’est
qu’en 2000 qu’elle prendra finalement son titre actuel de « Syndicat des technologues d’HydroQuébec ».
Son accréditation englobe « Tous les employés, salariés au sens du Code du Travail, assignés
à des postes ou fonctions de techniciens ou aides-techniques, à l’emploi d’Hydro-Québec dans
toutes et chacune de ses régions administratives, zones de production et transport… » (voir
annexe 2). Il s’agit donc d’une accréditation de type spécifique puisqu’elle établit explicitement
son étendue. En effet, elle est sans ambiguïté à l’effet qu’elle s’étend sur tous les postes ou
fonctions à caractère technique, dont une vaste majorité requiert une formation collégiale
technique.
Nous l’avons mentionné précédemment, les changements techniques et technologiques, au
même titre que l’évolution des pratiques, demeurent au cœur des préoccupations des
gestionnaires, des travailleurs et de leur syndicat. Bien sûr, le certificat d’accréditation de la
section locale 957 a été produit en des termes clairs qui ne demandent aucune interprétation
sur le lien qui unit l’ensemble de ses membres, nommément le caractère technique de leur
travail. La jurisprudence (Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus c.
Centre hospitalier affilié universitaire de Québec, 2003 QCCRT 29) est sans équivoque à savoir
qu’un certificat d’accréditation sans ambiguïté n’a pas à être interprété en fonction de sa portée
intentionnelle historique. Il s’agit de la règle cardinale pour délimiter le champ d’application
syndical.
À ce propos, on délimite la portée intentionnelle d’un certificat d’accréditation lorsqu’une
ambiguïté soulève un doute sur l’interprétation de son champ d’application. On doit alors se
4
rapporter à l’intention des parties au moment de l’accréditation du groupe de salariés. En
outre, il s’agit d’adopter une interprétation littéraliste, c’est-à-dire par-delà le sens des mots qui
pourraient sembler ambigus, afin de maintenir, dans la même unité syndicale, l’ensemble des
salariés partageant une communauté d’intérêts. Ensuite, il suffira de suivre le sillage historique
des activités d’hier à aujourd’hui. Puis, la formation requise permettra d’identifier l’allégeance
syndicale des salariés au niveau de l’accréditation4. Ces trois critères (intention des parties,
historique des activités et formation), définissant la portée intentionnelle d’un certificat
d’accréditation, seront suivis à la lettre par les tribunaux lors d’un litige.
En dépit de la clarté des termes du certificat d’accréditation de la section locale 957, il
demeurerait intéressant d’entamer une réflexion sur sa portée intentionnelle. Cet exercice
permettrait de comprendre de quelles manières l’accréditation est en mesure de conserver sa
portée et sa pertinence au fil de l’évolution des pratiques et de l’expansion normale de
l’entreprise. L’amélioration des outils, par exemple, correspond à ce qu’on entend par
expansion normale. Évidemment, de simples changements dans le comportement des parties
n’auraient aucun effet sur la portée intentionnelle de l’accréditation5. Par ailleurs, il serait
erroné de conclure à l’exclusion implicite de salariés du certificat d’accréditation pour cause
d’une omission en raison des réalités pratiques au moment de l’accréditation6. La
jurisprudence défend une approche inclusive en regard des nouvelles activités qui seraient
imbriquées aux anciennes ou qui découleraient naturellement des précédentes. De telles
nouveautés n’auraient d’ailleurs aucun effet sur la vocation ou les finalités de l’entreprise.
Ignorer cette logique, établie de longue date dans la jurisprudence7, pourrait entraîner des
conséquences néfastes sur la gestion de l’entreprise. Elle risquerait de se distancer de son
bassin naturel de recrutement et de se trouver face à des problèmes quantitatifs et qualitatifs
de main-d’œuvre.
Bref, on devra retenir ici que le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec possède un
certificat d’accréditation spécifique pour les postes ou fonctions techniques. Aussi, que la
jurisprudence nous montre le caractère dynamique d’un certificat d’accréditation qui s’étendra
4
Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, section locale 957 du SCFP c. Syndicat des employé-e-s de
techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 du SCFP –et- Hydro-Québec,
mise en cause, 2011 QCCRT 0482
5
Syndicat des Métallos, section locale 2008 c. Praxair Canada Inc. 2011 QCCRT 0296
6
Hôpital Notre-Dame c. Syndicat des travailleurs-travailleuses de l’Hôpital Notre-Dame (CSN), D.T.E. 91T797.
7
Dès 1982, dans Hydro-Québec international c. Syndicat professionnel des ingénieurs de l’Hydro-Québec –
et- Hydro-Québec, mis en cause, 1982 TT 442, (Juge B. Lesage), le tribunal était saisi d’un litige sur la
définition de l’expansion normale de l’entreprise à l’égard de nouveaux créneaux (l’expertise en génieconseil sur la scène internationale dans cette affaire) inexistants au moment de l’accréditation du
syndicat. On avait établi qu’il s’agissait d’une «vocation distincte ayant sa propre finalité, indépendante de
la première», une situation tout à fait opposée à celle des techniciens.
5
naturellement aux nouvelles fonctions qui sont sous son égide, au fil de l’évolution des
pratiques et des innovations techniques et technologiques (voir annexe 2).
Les projets en cours dans l’ensemble des divisions d’affaires d’Hydro-Québec pour
l’implantation d’un réseau intelligent commandent toutefois une analyse rigoureuse autant au
niveau des impacts pour l’avenir des techniciens que de la pérennité de l’entreprise.
6
CHAPITRE 2 - UN VENT DE CHANGEMENT À HYDRO-QUÉBEC
2.1 Gestion du changement et les grands projets (Imagine, SCSC, IMA)
Un vaste processus de modernisation du parc électrique est en cours chez HydroQuébec. L’ensemble des divisions d’affaires en est au développement de projets de manière à
passer du mode analogique au mode numérique au courant de la prochaine décennie.
L’expansion rapide des nouvelles technologies commande un contrôle interne serré de la part
des acteurs impliqués. Les limites du projet doivent être identifiées dès le départ. Manquer de
rigueur à cet égard risquerait d’allonger le temps d’adaptation aux changements et entraînerait
une accumulation des erreurs potentielles. Bien qu’un partage fonctionnel existe au sein
d’Hydro-Québec depuis quelques années, l’entreprise, au plus haut niveau, demeure
administrée comme une seule grande entreprise8. Les projets dont nous ferons état
subséquemment peuvent être réunis en un seul : implanter un réseau intelligent (smart grid) à
travers l’ensemble des actifs d’Hydro-Québec9. La modernisation du réseau permettra de
procéder à de nombreuses fonctions à distance. Nous ferons donc état des trois grands projets
lancés dans les divisions TransÉnergie (Imagine), Production (SCSC), et Distribution (IMA) et
leurs impacts pour Hydro-Québec et ses techniciens.
Réseau intelligent (projeté)
L’intérêt pour de tels projets est indéniable : réduction des coûts et disponibilité accrue
des installations. Cependant, la conception de tels projets doit être rigoureuse. Les projets
doivent donner assez d’informations détaillées pour fournir à l’œil expert les données
8
Voir Breton (2010) pour plus de détails sur la gestion d’Hydro-Québec à travers les divisions d’affaires.
Le réseau intelligent permettra de surveiller en temps réel des informations, faire des mesurages,
communiquer, analyser, et contrôler le parc électrique à distance. Le réseau permettra un flot dynamique
d’énergie et d’information depuis la centrale jusqu’aux résidences du Québec (NERC, 2010).
9
7
nécessaires à l’analyse de sa fiabilité future, sans toutefois être trop lourds de détails, ce qui
nuirait à l’analyse. Certains détails seront sciemment ignorés pour faciliter l’avancement du
projet. Les détails laissés de côté peuvent malgré tout s’avérer critiques pour la réussite du
projet (Rausand & Hoyland, 2004). On pourrait inclure l’erreur humaine dans ces détails
superflus et considérer simplement le travail effectué par les humains comme une composante
technique du projet. En principe, il n’y a aucune façon de calculer l’erreur humaine bien que les
erreurs soient habituellement humaines. Il est néanmoins possible de mettre de l’avant des
pistes de solutions permettant de réduire l’occurrence des erreurs humaines. Rausand et
Hoyland (2004) suggèrent que les projets doivent être accompagnés de systèmes informatiques
adéquats, que l’on tienne compte du caractère « humain » du travail, notamment la réponse au
stress, et finalement de s’assurer que le personnel possède des connaissances détaillées des
aspects techniques du système et des mécanismes physiques susceptibles de poser problème.
Les partenaires syndicaux ont déjà été identifiés par la direction comme intervenants
stratégiques dans le processus de gestion du changement. Le syndicat est une ressource interne
importante pour l’implantation des changements et pour l’optimisation des projets à venir
étant donné l’expertise et la proximité du champ qui le caractérisent. En somme, le syndicat est
un puits d’expertise pour l’entreprise puisqu’il concentre en ses rangs des connaissances
techniques et des milieux physiques pertinents pour l’entreprise. Les lois, les normes et les
recommandations des fournisseurs, à elles seules, n’offrent que peu de perspectives
d’améliorations par rapport à ce que les travailleurs et leur syndicat sont en mesure de fournir.
Le Syndicat des technologues d’Hydro-Québec et son Comité des changements techniques et
technologiques prennent donc leurs responsabilités en offrant à la direction d’Hydro-Québec
une analyse rigoureuse de la nature et des impacts des changements techniques et
technologiques en cours. Plusieurs enjeux relatifs à l’implantation des changements
technologiques sont au cœur des préoccupations des parties :
Préservation et développement de l’expertise;
Partage des responsabilités à l’ère numérique;
Développement et intégration des systèmes (voir annexe 3).
Hydro-Québec croit à l’importance de l’information, de la communication et à
l’implication de ses partenaires syndicaux dans la réussite du processus de changement qui les
touche. L’engagement des travailleurs à l’égard des changements organisationnels est un
processus à long terme qui requiert de nombreuses étapes préliminaires et intermédiaires.
L’implantation réussie de nouvelles technologies passe largement par l’acceptation et la
participation des travailleurs qui peuvent faire bénéficier l’entreprise de leur expertise. Le
cheminement harmonieux de l’entreprise et de ses employés à travers ces étapes sera garant de
la réussite des changements proposés et du succès potentiel de l’entreprise. Les premiers pas
correspondent généralement à la remise d’informations aux travailleurs et à leurs syndicats sur
les changements à venir. Il s’en suivra une étape cruciale de communication, c’est-à-dire
8
d’échanges bilatéraux, de manière à s’assurer que les changements sont pertinents, adéquats et
efficients (Dubé & Bernier, 2011). Nous en sommes présentement à cette étape clef de la
gestion du changement.
Le Comité des changements techniques ou technologiques souhaite aussi approfondir
l’analyse des enjeux et intérêts relatifs à l’implantation des changements technologiques. Nous
souhaitons donc passer en revue les principes importants qui se cachent derrière la gestion du
changement : la gestion du risque et la maintenance (section 2.2) ainsi que la sécurité
cybernétique et la fiabilité du réseau (section 2.2.1). Nous serons ensuite en mesure de
commenter l’état des projets (section 2.4). Finalement, comme nous partageons le même souci
que la direction pour la préservation et le développement de l’expertise, nous présenterons
notre évaluation de certains postes de techniciens que nous jugeons stratégiques pour
l’implantation des changements technologiques.
2.2 Stratégies de maintenance et gestion du risque
Au cours des dernières années, avec la montée en force de la philosophie de la gestion
du risque et du développement durable, une nouvelle stratégie de maintenance a été
privilégiée : la maintenance prédictive, ou conditionnelle. À une autre époque, la maintenance
dite réactive, ou run-to-failure maintenance, n’avait lieu qu’au moment où un équipement
cessait de fonctionner, pour corriger la situation (Rausand & Hoyland, 2004). À partir des années
1970, la maintenance a été planifiée systématiquement de manière à réparer ou remplacer les
équipements avant leur bris, en fonction de leur durée de vie moyenne.
Évolution des stratégies de maintenance
Les deux premiers types de maintenance se sont avérés trop coûteux en termes de
ressources financières et humaines tout en réduisant la disponibilité des équipements. La
maintenance prédictive, ou conditionnelle à l’état des équipements, permettrait alors de
surveiller l’état des équipements et d’anticiper les défaillances. Il en résulterait moins de
maintenance corrective et systématique et une réduction des coûts puisqu’on ne procéderait à
celle-ci qu’à la condition qu’un bris soit imminent. On suggère même que du temps de travail
9
serait libéré pour d’autres fonctions10. Hydro-Québec, via Imagine et SCSC, propose donc
d’adopter ce type de maintenance grâce à un réseau intelligent entièrement numérique de
surveillance à distance et de maintenance à distance. La durée de vie utile de l’équipement
serait optimale sans risquer de subir les inconvénients d’un bris inopiné.
La gestion du risque, quant à elle, devrait permettre de limiter au maximum les erreurs
courantes (aléatoire, erreur humaine, instrumentation inadéquate, contrôle inefficient). On
devrait d’ailleurs mettre de l’avant des barrières physiques pour compartimenter le réseau, de
manière à circonscrire les erreurs. La formation du personnel demeure centrale pour limiter les
erreurs courantes. Des contrôles de qualité et d’amélioration continue des procédures devraient
aussi être mis de l’avant (Rausand & Hoyland, 2004). La surveillance et l’inspection des
installations contribueraient de la même façon à réduire les erreurs courantes.
Ces stratégies de maintenance préventive (corrective, systématique et conditionnelle)
requièrent donc une gestion serrée du risque. L’analyse des risques est primordiale pour assurer
la fiabilité du réseau. Les événements accidentels sont les risques principaux. On doit être en
mesure d’attribuer des causes aux accidents puis d’identifier les conséquences (humaines,
environnementales, matérielles et sur la production) (Rausand & Hoyland, 2004). Globalement,
il s’agit de déduire un arbre des événements (fault tree) permettant de pointer les combinaisons
possibles de facteurs humains, environnementaux, d’événements normaux et de défaillances
capables de se traduire par un événement critique. L’arbre des événements devrait permettre
d’estimer la probabilité qu’un événement critique se produise.
À travers notre analyse des changements en cours, nous serons en mesure d’identifier
les risques potentiels (opérationnels, informationnels, organisationnels). Les projets pilotes en
cours dans les trois grands projets nous offrent la chance d’observer la portée des changements
à venir. Nous saisirons cette opportunité pour présenter nos constats sur ces projets et nos
recommandations en suivant les stratégies de gestion du risque présentées précédemment.
2.2.1 Sécurité cybernétique
Par ailleurs, le passage au numérique et le déploiement d’un réseau intelligent
supposent des risques cybernétiques importants dont les répercussions ont le potentiel
d’affecter autant les opérations ou les informations que l’organisation. À ce propos, le NERC met
de l’avant les normes CIP (Critical Infrastructure Protection) qui composent l’essentiel des
mesures de sécurité cybernétique (voir annexe 4 tableau résumé CIP-NERC). L’objectif est bien
sûr de protéger la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité du réseau grâce à une panoplie de
mesures de sécurité. On pense notamment à l’identification des actifs cybernétiques critiques
(CIP-002), la gestion des accès au réseau TI (CIP-003), la formation et la sensibilisation du
10
Dans ses «Orientations 2009-2013», Hydro-Québec a estimé être en mesure de limiter la maintenance
corrective à 100 000 heures tout en maintenant les ressources mobilisées en date d’aujourd’hui.
10
personnel (CIP-004) et la mise en place d’un périmètre de sécurité comportant des points
d’accès et des gardes-barrières (CIP-005). Chaque utilisateur aura donc un code d’accès
personnel pour lequel il sera imputable des actions posées sur le réseau.
2.3 Imputabilité de l’intervenant sur la qualité de la donnée
Le passage au numérique sous-entend le traitement de données toujours plus
nombreuses. Les utilisateurs travaillent avec des données numériques11 traitées par des
systèmes intelligents. Ces données proviennent de divers capteurs, installés sur les équipements
électriques, conçus de manière à acquérir les données nécessaires à la surveillance à distance de
ces équipements. Il s’agit de la chaîne d’instrumentation illustrée ci-dessous. Les extrants de la
chaîne d’instrumentation sont les données sur les équipements et les capteurs. Les données
sont ensuite utilisées par d’autres utilisateurs. La chaîne d’instrumentation pose un risque
informationnel important dont il importe de tenir compte puisque non seulement le volume de
données traitées sera colossal, mais la qualité des données devra être irréprochable.
Chaîne d’instrumentation
Avant d’obtenir une donnée, des techniciens d’Hydro-Québec font en sorte que la
chaîne d’instrumentation fonctionne adéquatement. La fonction des techniciens consiste donc à
déterminer les types de lectures désirés. De manière à obtenir cette lecture, le technicien sera
appelé à choisir les capteurs pertinents, s’assurer de l’exactitude de leur mesure, en tenant un
cahier d’essai, puis recommander l’achat du capteur adéquat. Cette responsabilité qui incombe
aux techniciens aura une influence critique sur la qualité de la donnée extraite. Le choix des
capteurs, par exemple, commande des choix tant au niveau du type de capteur pertinent que de
11
« Toute entité visée doit communiquer au NERC et au NPCC les renseignements requis pour s’assurer
que les normes de fiabilité sont respectées. Les règles visant la conservation et la communication des
données sont fixées par le NERC et le NPCC (Northeast Power Coordination Council) et énoncées dans les
normes de fiabilité et les procédures relatives aux rapports de conformité » (Régie de l’Énergie, 2009).
11
la puissance ou encore la précision du capteur, ce qui sous-entend une maîtrise du milieu
physique d’où proviennent les intrants de la chaîne d’instrumentation. On peut ainsi concevoir
la pertinence actuelle de la fonction des techniciens qui sont, du même coup, imputables quant
à la qualité des données extraites.
Le processus de configuration des systèmes, qui fait partie intégrante de la fonction de
technicien, ne peut donc être détaché de la surveillance et de la maintenance des équipements,
peu importe la technologie en question.
2.4 Obligations légales relatives à la production et au transport d’énergie
Hydro-Québec est une entreprise régie par la Loi sur la Régie de l’énergie (chapitre R6.01) qui est désignée explicitement à l’article 2 de la loi comme « distributeur d’électricité » des
marchés québécois12. À ce titre, l’entreprise peut faire l’objet d’enquête ou d’inspection de ses
procédés à tout moment comme le détaille la deuxième section de la loi :
Inspection et enquêtes
43. Le président de la Régie peut, pour l'application de la présente loi, désigner par écrit,
généralement ou spécialement, toute personne pour effectuer une enquête ou une
inspection.
1996, c. 61, a. 43.
44. Une personne désignée pour effectuer une inspection peut:
1° entrer à toute heure raisonnable dans l'établissement ou la propriété du transporteur
d'électricité, d'une entité visée à l'article 85.3, d'un distributeur ou du coordonnateur de la
fiabilité;
2° examiner et tirer copie des livres, registres, comptes, dossiers et autres documents se
rapportant à la fourniture, au transport, à la distribution, à l'achat, à la vente, à la
consommation de l'énergie ou à l'emmagasinage du gaz naturel;
3° exiger tout renseignement relatif à l'application de la présente loi, ainsi que la production
de tout document s'y rapportant.
Toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de ces livres, registres, comptes,
dossiers et autres documents doit, sur demande, en donner communication à la personne
désignée et lui en faciliter l'examen.
12
Article 1. La présente loi s'applique à la fourniture, au transport et à la distribution d'électricité ainsi
qu'à la fourniture, au transport, à la distribution et à l'emmagasinage du gaz naturel livré ou destiné à être
livré par canalisation à un consommateur. Elle s'applique également à toute autre matière énergétique
dans la mesure où elle le prévoit. (1996, c. 61, a. 1; 2000, c. 22, a. 1.)
12
Sur demande, la personne désignée exerçant les pouvoirs prévus au premier alinéa doit
s'identifier et exhiber le document attestant sa qualité.
1996, c. 61, a. 44; 2000, c. 22, a. 9; 2006, c. 46, a. 35; 2010, c. 8, a. 1.
45. Une personne désignée pour effectuer une enquête ou une inspection ne peut être
poursuivie en justice en raison d'un acte officiel accompli de bonne foi dans l'exercice de ses
fonctions.
1996, c. 61, a. 45.
46. Nul ne peut nuire au travail d'une personne désignée pour effectuer une enquête ou une
inspection dans l'exercice de ses fonctions.
1996, c. 61, a. 46.
47. Nul ne peut refuser de fournir un renseignement ou un document exigé en vertu de la
présente loi, faire une déclaration fausse ou trompeuse, participer ou consentir à une telle
déclaration au cours d'une inspection ou en réponse à un ordre ou à une demande de la
Régie.
1996, c. 61, a. 47; 2006, c. 46, a. 36.
La Régie de l’énergie cherche ainsi à faire respecter les règles de fiabilité qu’elle adopte,
notamment le NERC qui commande des vérifications de conformité annuelle à ses normes13.
C’est dans cet esprit que ce Rapport sur les changements techniques et technologiques dressera
l’état des lieux des projets en cours ou à venir chez Hydro-Québec.
2.5 Implantation d’un réseau intelligent
L’implantation d’un réseau intelligent s’étend à l’ensemble du parc électrique. Si l’enjeu
principal est le même, des particularités peuvent être observées par rapport à ces trois projets
(Imagine, SCSC, IMA).
2.5.1 Imagine à TransÉnergie
Le projet d’Implantation de la Maintenance Automatisée et Gestion des Informations
numériques des Équipements (Imagine) a été mis en place afin d’implanter la télésurveillance et
la télémaintenance du réseau de transport d’Hydro-Québec14. Le projet devrait permettre, à
13
85.2. La Régie s'assure que le transport d'électricité au Québec s'effectue conformément aux normes
de fiabilité qu'elle adopte. (2006, c. 46, a. 48.). Le processus de surveillance de la conformité NERC établit
que celui-ci mandate une organisation régionale de fiabilité (Régie de l’énergie) qui se chargera de la
surveillance des entités responsables (Hydro-Québec).
14
La télésurveillance correspond à la surveillance à distance des équipements, à analyser l’état et la
performance des équipements et à prendre les décisions pour soutenir les équipes de travail à distance
(support en ligne, dépannage à distance). La télésurveillance, articulée de façon adéquate et sécuritaire,
devrait ouvrir la voie à la télémaintenance de ces mêmes équipements. Il s’agit, entre autres, de procéder
13
terme, d’améliorer la gestion des actifs et permettre un suivi en temps réel de données
permettant de mesurer l’état des équipements15. Ces données devront être choisies avec
précision par des intervenants qualifiés qui seront imputables quant à la qualité des données
transmises.
Le projet Imagine permettrait aussi de centraliser les opérations de télésurveillance et
de télémaintenance à l’intérieur de centres de télémaintenance (CTM). Au départ, on estimait
que deux CTM, à St-Hubert et à Lebourgneuf, suffirait à l’ensemble de la province. La direction
d’Hydro-Québec pourrait augmenter le nombre de CTM. Cependant, au moment de la rédaction
de ce rapport, il n’y avait officiellement que les deux CTM présentés ci-dessus. Les CTM
pourront surveiller les tendances et les seuils de maintenance de manière à déterminer les
interventions requises (maintenance corrective ou systémique).
À terme, les CTM pourraient valider les données par simulation en amont de l’activité de
mise en route (conception et validation des bases de données des systèmes numériques), une
activité relevant des fonctions des techniciens, comme le postulent les Orientations 2010-2014
d’Hydro-Québec pour le projet Imagine (voir annexe 3). Autrement dit, les nouveaux outils de
simulation pourraient permettre aux techniciens de réaliser des essais avant et pendant les
mises en route.
Les représentants syndicaux, via le Comité sur les changements techniques ou
technologiques, de leur côté, ont joué leur rôle d’intermédiaire en tenant leurs membres au fait
des changements à venir16. Aussi, depuis 2009, Hydro-Québec et la section locale 957 ont mis en
place de nombreux groupes de travail afin de présenter le plan de gestion du changement et
évaluer les impacts techniques. Ces tables ont notamment permis de rédiger les lots de travail
dans le cadre du projet pour les 5 prochaines années (voir annexe 3). Ces tables ont aussi permis
aux représentants syndicaux de faire part de nombreuses préoccupations par rapport à
l’implantation rapide de ces projets (voir annexe 5). Comme nous l’avons mentionné
à des réglages à distance des équipements ou de leurs capteurs, au téléchargement de bases de données
ou encore à la mise à jour de logiciel d’exploitation.
15
De nombreuses explosions soulèvent toutefois des questions sur l’efficacité actuelle de la maintenance
conditionnelle. Pour plus de details, voir De Pierrebourg (2013).
16
Une tournée provinciale des conseils exécutifs régionaux a eu lieu afin de présenter les avancées
technologiques. Des rencontres ont été tenues dans toutes les divisions d’affaires concernant la nouvelle
direction « Formation et Développement des compétences ». Un comité a été mis en place afin de réviser
la norme SN-62.1012 pour TransÉnergie et Technologie en lien avec le poste bâtiment d’automatismes
compact (BAC). Une entente a aussi été signée avec les représentants de la section locale 1500 et HydroQuébec sur le partage des responsabilités au niveau des dispositifs électroniques intelligents (DEI).
Finalement, une tournée a eu lieux pour présenter les enjeux en lien avec les emplois de techniciens par
rapport aux avancées technologiques pour l’implantation du réseau intelligent.
14
précédemment, l’implantation d’un réseau intelligent est en cours pour l’ensemble des divisions
d’affaires et elle semble soulever tout autant de questions au niveau de la division Production.
2.5.2 SCSC à Production
Le projet de Système Conduite et Surveillance en Centrale (SCSC) est le double du projet
Imagine, appliqué à la division d’affaires Production. Il s’inscrit encore une fois dans la
philosophie managériale de gestion du risque et de maintenance conditionnelle des
équipements. Cette fois, la vice-présidence Exploitation des équipements de production (VPEÉP)
souhaite surveiller et analyser en continu les installations de l’ensemble du parc de production
hydraulique. Cette surveillance permettrait d’analyser le comportement des équipements et de
poser un diagnostic sur leur état. Cette surveillance permettrait également d’enregistrer les
données nécessaires à la maintenance conditionnelle qu’il serait ensuite possible de traiter à
distance.
2.5.3 IMA à Distribution
Le projet d’Installations de Mesurage Avancées (IMA) permettra d’automatiser la relève des
compteurs d’électricité du réseau de distribution. Les technologies de génération MV-90
actuellement en place seraient remplacées par la génération IMA, capable d’effectuer des
télémesures sur le nouveau réseau maillé interne à Hydro-Québec. Les entrepôts de données
(Meter data management system, MDMS) remplaceront aussi les appareils d’acquisition et de
gestion de la donnée de mesurage (AGDM) actuels. Le projet IMA comportera trois
composantes principales connectées en réseau : les compteurs intelligents, des routeurs captant
les données des compteurs et des collecteurs qui feront le relais entre les routeurs et le Système
de gestion des données de mesure. En chiffre, le projet IMA représente 3,8 millions de
compteurs intelligents, 14 365 routeurs et 560 collecteurs, selon l’unité Environnement d’HydroQuébec. Les données seront ensuite traitées au Centre d’exploitation du mesurage et
acquisition de données. Les principales fonctions du centre seront la surveillance de l’IMA (mise
en service des actifs, contrôle), la validation et le traitement des données (collecte, validation de
l’intégrité des données, traitement et transfert pour facturation) et l’administration du réseau
(performance, amélioration continue, évolution technologique).
2.6 Historique de la fonction
L’implantation d’un réseau intelligent à Hydro-Québec fera en sorte de stimuler
l’apparition de nouveaux créneaux, notamment l’exploitation d’outils informatiques.
L’expansion normale de l’entreprise et ses nouveaux besoins en technologies supposent une
évolution des pratiques de techniciens. Comme nous l’avons largement présenté au chapitre 1
du présent rapport, ces changements n’auront pas pour effet d’effacer la section locale 957 du
paysage syndical d’Hydro-Québec, mais devraient plutôt rehausser son importance stratégique.
15
La portée intentionnelle du certificat d’accréditation s’étendra au fur et à mesure de
l’implantation des changements avec l’avènement de nouveaux outils de travail et de nouvelles
pratiques.
En 1998, le Comité sur la normalisation des exigences d’emplois a produit le Rapport sur
l’identification des postes et fonctions de techniciens (IPFT). Cet outil de gestion permettait de
baliser uniformément les principales activités et exigences pour l’ensemble des postes de
techniciens B17. Suite à cela, considérant l’évolution constante des pratiques, l’IPFT devait être
adaptée continuellement par le biais de nombreuses lettres d’entente entre les parties de
manière à doter l’entreprise de postes adaptés aux réalités techniques et technologiques du
moment.
2.6.1 Évolution des pratiques à TransÉnergie et Production : spécialité Automatismes
L’évolution des pratiques, à travers les projets Imagine et SCSC, toucherait
principalement les postes de techniciens Automatismes maintenance (B) et Automatismes
soutien (intermédiaire). De manière à appliquer la portée intentionnelle du certificat
d’accréditation à ces projets, il importe de brosser l’historique de ces fonctions jusqu’à
aujourd’hui à travers les affichages, l’IPFT et les dernières lettres d’entente.
2.6.1.1 Technicien Automatismes maintenance (B)
Nous avons été en mesure de retracer des avis de postes vacants datant du début des
années 1980 permettant de remonter la trace des évolutions technologiques actuelles jusqu’à
leurs premières mentions. Dès lors, on exigeait que les techniciens soient qualifiés en langage de
programmation Fortran IV ou BASIC, de même qu’une très bonne connaissance dans le
domaine des systèmes de téléprotection (voir annexe 6).
À la lecture des principales activités du technicien Automatismes maintenance dans
l’IPFT, on remarque aussitôt la présence de l’informatique et des nouvelles technologies. En
effet, l’une des principales activités de la fonction consiste à « effectuer l’entretien,
l’étalonnage, la réfection, la modification et le remplacement des éléments, de leurs
composantes, des systèmes informatisés et de l’instrumentation ». La connaissance « d’outils
informatiques de la spécialité » est d’ailleurs une exigence normalisée à l’IPFT, ce qui démontre
la place centrale de l’informatique dans le travail quotidien de maintenance effectué par les
techniciens.
17
Les postes de techniciens s’échelonnent de la manière suivante : B, intermédiaire et expert. Convention
collective, section locale 957 (2009-2013), article 22.01.
16
La série de lettres d’entente venant s’ajouter à l’IPFT fait état de besoins grandissants
en informatique auxquels les techniciens répondent depuis plusieurs années déjà dans toutes
les divisions d’affaires et dans diverses régions. La modification partielle des principales activités
sert à les ajuster à certains changements techniques ou technologiques :
Faire la maintenance du système ordiné CCR et de son centre de repli, faire le suivi des
paramètres du système de télédélestage/RPTC, rédiger des rapports de performances
du système de télédélesage/RPTC (lettre d’entente 00000976);
Participer à la résolution de problèmes des équipements CCR (lettres d’entente
00000976, 0133-R07-03);
Participer à l’élaboration de stratégies de maintenance du parc d’équipement au CCR
(lettre d’entente 0133-R07-03);
Support technique pour la mise à jour de la chaîne d’acquisition (lettre d’entente 0133R07-03);
Effectuer le dépannage et l’entretien des systèmes de la conduite informatisée (CER),
effectuer l’implantation des nouvelles versions de logiciel de la conduite informatisée
(CER) (lettre d’entente 0281-R04-05).
La même tendance s’observe au niveau des exigences normalisées :
Connaissances en système informatique de conduite réseau CER (lettre d’entente 0281R04-05);
Connaissances des outils informatiques de diagnostic et de paramétrisation des
systèmes ordinés (lettre d’entente 00000976) (voir annexe 7).
Il est clair que les outils informatiques sont omniprésents dans le quotidien des techniciens
d’Hydro-Québec. Au début des années 1980, dans l’IPFT à la fin des années 1990 comme dans
les lettres d’entente récentes, les outils informatiques semblent évoluer sans toutefois rompre
avec la fonction de technicien.
Pourtant, la légitimité de la fonction de technicien dans les nouveaux créneaux issus des
changements techniques ou technologiques ne semble pas garantie. Nous soutiendrons notre
prétention par une analyse exhaustive d’un projet pilote qui nous a été présenté comme une
application du projet Imagine : la téléparamétrisation des délesteurs.
2.6.2 Projet pilote: téléparamétrisation des délesteurs
La norme TET-AUT-N-3.4.1.1 établit que les délesteurs analysent la tension du poste,
mesurent ses autres entrées analogiques et détectent les changements d’état de ses entrées
numériques. Le délesteur a pour but de commander le déclenchement des disjoncteurs reliés à
la charge si un seuil est dépassé, ou pour d’autres conditions de délestage.
17
Délesteur
Le projet Imagine devrait permettre de téléparamétrer les délesteurs. Il s’agit d’un
projet pilote sur l’aspect télémaintenance de Imagine qui soulève de nombreuses interrogations
chez les techniciens, dont plusieurs ont été témoignées à la direction (voir annexe 8). De
manière à préciser nos préoccupations, nous avons procédé à une analyse de la marche à suivre
pour la maintenance conventionnelle des délesteurs.
1. Requête de travail de Plan et Soutien opérationnel (VP Plan et exploitation des
installations) pour la maintenance du délesteur ou le changement des paramètres;
2. Le technicien Automatismes habilité aux installations procède à une demande de
retrait18. La demande est acheminée au centre de téléconduite (CT) via le système
informatisé de téléconduite utilisé par le technicien Automatismes. Le répartiteur du CT
autorise le retrait afin de réserver l’équipement pour le travail à faire.
[À l’heure actuelle, le projet Imagine ne nous offre aucune précision à ce sujet. Nous
sommes d’avis que la téléparamétrisation des délesteurs se trouvera en position de
non-conformité à la norme CIP-003 (Critical Infrastructure Protection) du NERC si le
projet va de l’avant19.]
3. Avant de procéder au travail, le technicien Automatismes doit prendre en considération
les risques généraux et spécifiques à l’équipement (généraux : Code de sécurité des
travaux – chapitre poste, TET-SEC-P-0024, AP-GS-M-025, AP-GS-M004,
18
4 critères pour habilitation : Expérience en emploi; Connaissance des installations; Réussite du cours de
qualification du Code des travaux; Autorisation de la ligne hiérarchique.
19
L’exigence E.6 de la norme CIP-003-1 (Cybersécurité et mécanisme de gestion de la sécurité) souligne
que l’entité responsable doit établir par écrit un processus de contrôle des changements et de gestion des
configurations pour l’ajout, la modification, le remplacement ou le retrait d’un élément matériel ou
logiciel d’un actif électronique critique (c.-à-d. délesteur). Elle doit mettre en place des activités de
soutien à la gestion des configurations afin de définir, de contrôler et de consigner toutes les
modifications apportées par les entités ou les fournisseurs, aux composantes matérielles et logicielles des
actifs électroniques critiques, conformément au processus de contrôle des changements.
18
TET-AUT-N.0.0.1.1, AP-GS-M001, AP-GS-M-007, TET-SEC-A-0001, AP-GS-N002, TEI-SECP-1032, AP-GS-M-021, TET-SEC-N-0002, TEI-SEC-N-0012, AP-GS-N016, TET-SEC-N-0005,
TET-SEC-N-0017, TET-SEC-P-0014, TET-SEC-P-0016, TET-SEC-P1031, TET-SEC-P-1023, PT
3002-02, PT-3012, TET-SEC-P-0005, TET-SEC-N-0004, TET-SEC-P-0010, TET-SEC-P-0004,
TET-SEC-P-0001, bulletins de sécurité, spécifique : TET-SEC-P-0004)
Le projet Imagine reste vague à ce propos.
4. Le technicien Automatismes doit aussi se référer aux avis de maintenance, aux
directives, aux procédures, aux normes, aux gammes d’opérations et/ou aux gammes
génériques.
5. Le technicien peut maintenant procéder au travail. Il doit alors obtenir un régime accord
(Code de sécurité des travaux, régime poste p.29) délivré par l’exploitant (opérateur,
répartiteur).
[Le projet pilote de téléparamétrisation des délesteurs éveille des préoccupations
importantes au niveau de la santé et sécurité au travail, notamment par le rejet du
régime accord au profit du régime retenu. À ce sujet, la directive GEN-D-923 a semblé
justifier partiellement ce raisonnement. Cependant, nous croyons qu’il s’agit d’une
utilisation erronée puisqu’elle vise les techniciens BDD attachés aux pupitres des CT. De
ce fait, ces techniciens ne sont pas habilités aux installations où le travail a lieu. La
directive en question est d’ailleurs sans objet puisqu’elle précise être subordonnée au
régime accord.]
6. Une fois le régime accord obtenu, le technicien ouvre les interrupteurs des sorties de
déclenchement des disjoncteurs (couteaux d’isolement). Cette procédure permet au
technicien de circonscrire sa zone de travail localement pour procéder à des
vérifications fonctionnelles (essais).
Couteaux d’isolement
19
À la suite de ces essais, le technicien Automatismes referme les couteaux d'isolement,
remet l'équipement dans l'état initial et retourne son régime à l'exploitant pour un
retour de l'équipement à l'exploitation.
[Le projet pilote semble remettre en question certaines de ces étapes manuelles de la
fonction. Les innovations sur les équipements permettraient de remplacer les
manipulations par une interface informatisée en lien avec un CTM responsable de
simuler la manipulation (i.e. ouverture des couteaux d’isolement non nécessaire). Il
serait aussi possible de remplacer les essais par des simulations à distance. Nous
sommes préoccupés par de telles procédures étant donné la vulnérabilité de celles-ci
aux dysfonctions. Il importera d’établir l’imputabilité et la gestion du risque acceptée et
des critères de la diligence raisonnable20. L’automatisation du travail soulève donc de
nombreuses questions quant à la sécurité des personnes et la fiabilité du réseau. Il s’agit
du principal risque opérationnel auquel doit faire face l’entreprise dans sa gestion du
changement et du risque.]
L’automatisation et le recours à de nouvelles interfaces révèlent des vices cachés que les
écrits spécialisés commencent à peine à révéler. L’industrie du transport aérien, un chef de file
en la matière, illustre bien ces préoccupations. On se questionne maintenant sur les habiletés
réelles des pilotes à piloter manuellement les engins en cas de dysfonction majeure21.
20
Il est important de rappeler la présomption de participation de l’organisation aux infractions qui
s’apparenteraient à de la négligence criminelle depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-21 en mars
2004. L’entreprise doit faire preuve de diligence raisonnable en tout temps. La diligence raisonnable doit
s’apprécier en fonction des lois et règlements en vigueur dans l’entreprise (LSST, Code de la sécurité des
travaux, Convention collective) et des moyens de l’entreprise. Elle se décline ensuite en trois éléments
distincts : le devoir de prévoyance, le devoir d’autorité et le devoir d’efficacité.
1) le devoir de prévoyance se résume à identifier les risques potentiels reliés aux gestes nécessaires pour
exécuter une fonction. Ce devoir s’impose aux personnes en position d’autorité qui doivent aussi veiller à
développer des moyens pour réduire les risques identifiés. 2) le devoir d’autorité découle des droits de
direction et il autorise les personnes en position d’autorité à veiller de façon continue et active à prévenir
les conduites dangereuses. 3) le devoir d’efficacité s’applique aussi, dans une très large mesure, aux
personnes en autorité. Elles ont le devoir de s’assurer de réduire les risques liés aux fonctions qu’elles
souhaitent voir exécuter. Elles ont finalement le devoir de mettre en place et d’appliquer un programme
de prévention de même que de faire le suivi des formations requises pour l’exécution des fonctions.
21
The Economist (août 2013) «Difference engine : crash program?», en ligne :
[http://www.economist.com/blogs/babbage/2013/08/cockpitautomation?fsrc=scn/fb/wl/bl/crashprogram]
20
Travail à distance et supervision
Le travail à distance aurait cet effet de transformer le travail humain actif en travail
passif de supervision. Il en résulterait une diminution significative de l’habileté à comprendre
une situation de même que la capacité à gérer des événements imprévus des individus (R.
Breton & Bossé, 2002). La connaissance détaillée des aspects techniques, mécaniques et
physiques d’un équipement ou d’un instrument est pourtant une notion clef dans les théories
de fiabilité des systèmes (Rausand & Hoyland, 2004). Un degré de confiance, voire de
dépendance, aux outils informatisés diminuerait la conscience de la situation (R. Breton &
Bossé, 2002). La conscience de la situation (situation awareness) est un enjeu majeur en ce qui
concerne l’automatisation et le recours aux outils informatisés puisqu’elle remet en question la
capacité de diagnostic des individus (Parasuraman, Sheridan, & Wickens, 2008)22.
L’environnement de travail étant dynamique, le diagnostic s’avère donc un processus continu à
tout instant (Parasuraman et al., 2008). À long terme, une confiance excessive dans les systèmes
automatisés causera une rupture avec le milieu physique d’où sont extraites les données brutes,
traitées par le système, et une dépendance au système; il s’agit du phénomène de la
complaisance (complacency issue) (Parasuraman et al., 2008). Le projet pilote en cours à
TransÉnergie commande donc de se questionner plus en profondeur sur ces impératifs. D’autres
problématiques apparaissent aussi lorsqu’on observe le projet pilote en cours à Production.
2.6.3 Projet pilote : VM600
L’implantation du système de protection des machines VM600 (Vibro-Meter) est en
cours dans le cadre du projet SCSC où l’on souhaite être en mesure de surveiller en continu les
groupes turbines-alternateurs et les appareillages connexes de tout système d’automatismes
dans une installation. Le VM600 est un appareil numérique programmable, ou un dispositif
électronique intelligent (DÉI), permettant d’acquérir des données analogiques provenant des
alternateurs puis de les conditionner pour l’envoi dans le système intégré de commande et
contrôle (SICC)23. À partir du SICC, les données seront transmises dans le système SCSC où elles
seront traitées par l’acquisiteur de surveillance en continu (ASC). Ce projet a fait en sorte
d’apporter des changements dans l’architecture des armoires d’instrumentations où on
retrouve le VM600 et les boîtes de jonctions analogiques (BJ analogique) (voir annexe 9).
22
Le diagnostic est la perception des éléments de l’environnement à un temps donné et dans l’espace et
la projection de ces éléments dans un avenir rapproché (Parasuraman et al., 2008).
23
«Guide des exigences de maintenabilité et d’exploitabilité» (2008) Hydro-Québec Production - VPEÉP.
21
D’abord, il importe de comprendre la chronologie des événements dont le projet SCSC
et le VM600 en sont la résultante. Au moment du partage des responsabilités entre
automatismes et appareillage réalisé en 1982, aucun enregistrement n’avait lieu dans les
centrales. L’état des équipements n’était pas suivi en temps réel et on avait recours à la
maintenance corrective, ou réactive. Il faudra attendre au début des années 1990 pour voir
apparaître les premiers enregistreurs d’information graphique sur les équipements. Ces
enregistrements suivaient la température et l’inscrivaient sur un support papier qui donnait des
alarmes à un seuil déterminé. L’acquisition de ces informations permettait d’analyser le
comportement des températures des alternateurs. Bien que la maintenance conditionnelle ne
fût pas un thème privilégié à ce moment, on peut y voir une ébauche avec cette innovation. Au
milieu des années 1990, on ajoute le déclenchement automatique sur les équipements pour
augmenter la disponibilité de ceux-ci. L’enregistrement permettait d’avoir une alarme, puis un
déclenchement afin d’éviter un événement critique. La protection des équipements devient
possible et s’ajoute aux fonctions incombant naturellement aux techniciens Automatismes.
Au tournant des années 2000, on met fin à l’enregistrement graphique sur les
équipements et on implante les armoires d’instrumentations équipées d’alarmes et de
déclenches. Le tout sera branché au système SUPER où auront lieu les enregistrements. Ce
système sera remplacé par SSC puis par l’actuel SCSC. On retrouve maintenant le VM600 dans
les armoires d’instrumentations qui permet d’acquérir et d’enregistrer des données numériques
sur l’état des équipements. On y configure aussi les logiques d’alarmes et les déclenchements et
l’appareil permet de conditionner les données vers SICC et SCSC. Le VM600 est donc un appareil
très stratégique en termes de protection des équipements et de gestion du risque.
Comme on l’indiquait d’entrée de jeu, le partage des responsabilités de 1982 ne
prévoyait pas les innovations actuelles. La situation actuelle pose donc un problème à ce niveau.
En effet, on observe un partage des responsabilités hétérogènes entre les différentes centrales.
Dans certaines centrales, comme dans les régions La Grande et Saguenay, on a remis la
responsabilité d’opérer le VM600 aux techniciens Automatismes alors qu’à certains endroits,
notamment à Cascade et Beauharnois, les métiers d’appareillage en sont responsables. À Manic,
on observe même un partage de la responsabilité où les métiers d’appareillage sont
responsables de régler les seuils de déclenche.
Ce partage au cas par cas s’avère totalement inefficient. Les fonctionnalités du VM600
étant hautement complexes requièrent des connaissances techniques. Pour gagner en efficacité,
nous proposons d’uniformiser les pratiques en établissant clairement un point frontière entre
automatismes et appareillage. La boîte de jonction analogique est ce point frontière puisqu’il
divise fonctionnellement les responsabilités, tout en respectant l’idéologie du partage de 1982.
22
La marche à suivre pour travailler sur un équipement permet de bien illustrer le partage logique
que nous souhaitons appliquer plus largement :
1. On reçoit d’abord un signal des outils d’analyse;
2. Le technicien Automatismes qui effectuera le travail devra effectuer une demande
de retrait et obtenir un régime Accord afin de travailler sur énergie;
3. Une fois les tests effectués, le technicien est en mesure de procéder à différents
tests de manière à déterminer la source du problème, soit en amont ou en aval de la
BJ. Si le problème se trouve en aval, c’est-à-dire à l’intérieur du groupe turbinealternateur, on fera appel aux métiers d’appareillage, qui eux, utiliseront le régime
« autorisation de travail ». Si le problème se trouve en amont, le technicien
Automatismes sera en mesure de procéder immédiatement à la correction.
Cette marche à suivre n’est pas adoptée dans toutes les centrales, ce qui pose deux problèmes.
Premièrement, les métiers d’appareillage n’utilisent pas de régime Accord, ne disposant pas de
méthodes approuvées. Afin d’être conformes au Code des travaux, ces derniers ne devraient
pas être autorisés à travailler sur énergie. Et deuxièmement, l’utilisation de deux groupes de
travailleurs est hautement inefficiente puisqu’on risque de dédoubler de nombreuses fonctions.
Les méthodes diffèrent entre les corps de métiers et il n’est pas souhaitable que les fonctions de
ceux-ci s’entrecoupent, comme cela pourrait être le cas à l’heure actuelle dans certaines
centrales.
2.6.4 Conclusion
Problème(s) : Non-respect potentiel du Code des travaux, partage inefficient des fonctions et
responsabilités, travail passif et supervision.
Impact(s) : Santé et sécurité au travail compromise, inefficience, rupture avec la portée
intentionnelle des unités accréditées, dédoublement des fonctions.
Recommandation(s) : Se conformer au Code des travaux, effectuer un partage logique des
fonctions et des responsabilités entre les corps de métiers, respecter la dynamique de
l’évolution naturelle des postes et des fonctions des techniciens.
23
CHAPITRE 3 - INFORMATIQUE DE GESTION
Le secteur informatique est en croissance partout dans le monde, dans tous les secteurs
économiques. Ses applications ne cessent de s’élargir et les entreprises doivent constamment
mettre à jour leurs équipements pour se conformer aux nouveaux standards technologiques. La
situation ne diffère pas chez Hydro-Québec où le passage au numérique se fera à l’échelle
nationale, un projet d’une envergure colossale. Si les technologies et les outils de travail
évoluent, il s’avère que les emplois évoluent aussi. Hydro-Québec dispose maintenant de
nombreux postes spécialisés dans ce que nous définissons comme l’informatique de gestion24. Il
s’agit en fait de la gestion des outils informatisés comme les serveurs et les logiciels. Ce chapitre
de notre rapport ne portera que sur l’aspect informatique de gestion que nous identifions
comme une zone stratégique pour l’avenir d’Hydro-Québec et de ses techniciens. Il a aussi pour
objet de démontrer la portée intentionnelle du certificat d’accréditation de la section locale 957
aux nouveaux créneaux informatiques techniques.
3.1 L’informatique chez Hydro-Québec
Les postes et fonctions en informatique ont explosé ces dernières années chez HydroQuébec. À l’heure actuelle, Hydro-Québec se dote principalement de spécialistes en
informatique; le baccalauréat en informatique y est la norme. Par contre, lorsqu’on s’attarde
quelque peu aux fonctions de ces « spécialistes », force est d’admettre que nombre de ces
postes pourraient être largement occupés par des techniciens spécialisés en informatique.
De manière à harmoniser les pratiques, nous proposons une refonte des postes en
informatique dont les fonctions sont de nature technique sous une appellation commune de
technicien informatique pour lequel une formation collégiale technique en informatique serait
requise. Cette stratégie de gestion des ressources humaines permettrait aux techniciens
informatiques de se développer au sein de l’entreprise. On offrirait à ces techniciens, couverts
par le certificat d’accréditation de la section locale 957, un cheminement de carrière intéressant
à long terme (B, intermédiaire et expert) offrant une mobilité verticale et horizontale en emploi.
Notre recommandation se veut dans l’esprit des relations de travail chez Hydro-Québec et se
veut un souhait de simplifier la gestion des conditions de travail et les relations au sein de
groupes d’emplois similaires. Plusieurs impératifs de gestion stratégique nous permettent de
croire en la faisabilité et la désirabilité de la création de ce poste.
En effet, nous souhaitons concentrer dans leurs unités accréditées respectives les
personnes dont la nature des fonctions est semblable, de manière à enrichir le bassin naturel
de l’unité accréditée plutôt que de le diluer. De la même manière, l’accréditation d’un groupe de
24
À l’opposée, l’informatique d’exploitation, traitée dans le chapitre précédent, relève littéralement de
l’utilisation des outils informatisés spécialisés qu’utilisent les techniciens, les applicatifs (protection, relais,
etc.).
24
travailleurs permet d’y réunir l’ensemble des personnes partageant une communauté d’intérêts.
Nous l’avons mentionné précédemment : la section locale 957 représente l’ensemble des postes
et fonctions techniques chez Hydro-Québec. Une autre section locale, le Syndicat des
spécialistes d’Hydro-Québec, quant à elle, représente des professionnels diplômés au niveau
universitaire au premier cycle et même au deuxième25. En toute logique, les postes à caractère
technique, peu importe leurs intitulés, devraient exiger une formation collégiale technique et
être couverts par la section locale 957. Parallèlement, tous les postes de professionnels et de
spécialistes dont les fonctions ne sont pas à caractère technique devraient exiger une formation
universitaire pertinente et être couverts par la section locale 4250. Cependant, la multiplication
des titres d’emplois des dernières années exigeant un baccalauréat, sans, toutefois, se refléter
dans la complexité des fonctions, nous pose problème. De nombreux titres d’emplois pourraient
être questionnés par rapport à l’adéquation des exigences des postes et de la nature des
fonctions de ceux-ci.
3.1.1 Multiplication des titres d’emplois
À cet égard, nous avons remis en question des cas de reclassification au sein de la
section locale 4250 en 2012. Il semblerait que la prise en charge rapide des technologies de
l’information par le groupe Technologies puisse causer des dégâts importants au capital humain
à moyen et long terme tout en étant contraire à toute logique d’efficience organisationnelle. En
procédant à une lecture sommaire de la « Grille d’évaluation des emplois », nous constatons
que l’ensemble des emplois de spécialiste requiert minimalement une formation universitaire
de premier cycle à tous les niveaux A, B, C et D. Il semblerait que ces exigences soient normales.
En revanche, un peu plus d’une quinzaine de cas de reclassification de titres d’emploi de
technicien, en vue d’un transfert d’accréditation, ont levé le voile sur la réalité technique de ces
nouveaux titres, dont plusieurs mériteraient d’être réévalués (voir annexe 10). Deux cas sont
particulièrement intéressants puisqu’ils permettent une comparaison rapide et objective d’un
même poste sous son titre de technicien chez TransÉnergie, puis de spécialiste du groupe
Technologies. Le tableau 1, à l’annexe 11, illustre le cas de deux techniciens en soutien
exploitation réseau infrastructure qui ont été versés à la section locale 4250 après avoir été
renommés « Analyste informatique » niveau A et « Conseiller sécurité des technologies de
l’information »26 niveau B. En pratique, il ne s’agit que de créativité administrative puisqu’aucun
25
Le certificat d’accréditation du « Syndicat des spécialistes d’Hydro-Québec, section locale 4250 du
SCFP » couvre tous les professionnels et spécialistes salariés au sens du Code du travail à l’emploi d’HydroQuébec à l’exclusion des salariés couverts par d’autres accréditations… Cette exclusion prend ici tout son
sens dans la mesure où l’on restreint et précise la définition possible de professionnel, mais surtout de
spécialiste, à quiconque souhaiterait établir la portée intentionnelle du certificat d’accréditation. Bien que
de nombreux techniciens occupent des fonctions hautement spécialisées, ces derniers font effectivement
partie de la section locale 957 en vertu de l’exclusion explicite de ce type de spécialiste de la section locale
4250, qui dispose d’une portée limitée sur cet aspect (voir annexe 12).
26
Suite à une requête auprès de la Commission des relations de travail en vertu de l’article 39 du Code du
travail, l’employeur et le syndicat en sont venus à une entente confirmant la portée intentionnelle de
l’accréditation de la section locale 957 à ces nouveaux titres d’emplois. Par ailleurs, la totalité des postes
25
d’entre eux n’a eu à recevoir de mise à niveau pour s’ajuster à l’apparent changement. Notre
argumentaire en ce qui concerne les besoins en main-d'œuvre qualifiée dans le domaine de
l’informatique se basera donc sur cet outil de comparaison offert par l’administration.
Par souci d’efficience et d’harmonisation des pratiques, nous soutenons qu’une
multiplication des titres d’emplois n’aura aucun effet bénéfique sur la qualité de la gestion des
ressources humaines et la pérennité d’Hydro-Québec. Une augmentation du taux de roulement
est à craindre chez les employés dont les qualifications ne seraient pas directement arrimées à
la nature de leurs fonctions comme les cas dont nous venons de traiter, et de nombreux autres
potentiels, font état. Les emplois de professionnels et de spécialistes risqueraient de ne plus
être en mesure d’attirer une main-d'œuvre à la recherche de défis professionnels à la hauteur
de leurs qualifications.
Il apparaît important ici de souligner la corrélation entre la rétention des employés et la
profitabilité d’une entreprise (Hinkin & Tracey, 2000). Les écrits spécialisés sur la question font
état des coûts importants du roulement en emploi (Boushey & Glynn, 2012; Hinkin & Tracey,
2000). Par exemple, pour un salaire annuel de 75 000 $, le coût de la démission jusqu’au
comblement du poste vacant se situe autour de 20 % du salaire annuel, soit 15 300 $ (Boushey
& Glynn, 2012). D’autres auteurs postulent que ce coût pourrait atteindre entre 27 et 30 % du
salaire annuel en tenant compte de l’ensemble des coûts directs et indirects, comme la
réduction de la qualité du travail, la baisse de motivation des travailleurs ou la perte du savoir
institutionnel (Boushey & Glynn, 2012; Hinkin & Tracey, 2000) (voir annexe 14).
D’autant plus que, depuis 2007, 5 466 employés d’Hydro-Québec ont quitté pour la
retraite et la tendance devrait se maintenir pour les années à venir à raison de 1000 personnes
par année27. La dotation pour les nouveaux postes devra donc être cohérente avec les exigences
du marché et la formation académique de la main-d’œuvre. De manière à asseoir nos
prétentions, nous avons procédé à l’évaluation d’un poste de spécialiste dans une autre grande
entreprise québécoise dont les exigences quant à la scolarité et l’expérience requise semblaient
pertinentes28. Nous nous sommes basés sur les critères objectifs et quantifiables du « Plan
d’évaluation des emplois de spécialistes » utilisés par Hydro-Québec et la section locale 4250.
Nos conclusions veulent que la nature des fonctions proposées par Hydro-Québec pour
un poste de bachelier disposant de 3 à 6 ans d’expérience soit en décalage avec le marché de
l’emploi. Un même candidat aurait à choisir entre un emploi de niveau B chez Hydro-Québec et
un emploi de niveau C (score : 254, voir annexe 11, tableau 2) dans une autre grande entreprise
québécoise. De plus, notre prétention est doublement confirmée par l’aveu de la direction, par
dont l’appellation a été modifiée portait la même appellation : technicien soutien exploitation réseau infr.
SGR dont l’affichage de poste complet et les lettres administratives attestant du transfert se trouvent à
l’annexe 13.
27
«Rapport annuel sur le développement durable» (2012) Hydro-Québec, p.38
28
L’affichage complet des postes considérés et les extraits pertinents du Plan d’évaluation des emplois de
spécialistes se trouvent à l’annexe 15.
26
entente survenue avec le syndicat, sur la nature technique de certains postes de spécialistes de
niveau A et B.
La multiplication des titres d’emplois, une pratique à contre-courant sur le plan
stratégique, se situe dans une perspective de réaction aux changements. Elle permet, au mieux,
d’atténuer temporairement le besoin de main-d'œuvre qualifiée pour les nouveaux créneaux en
informatique. La gestion stratégique du capital humain devrait pourtant anticiper les situations
futures et agir proactivement dès aujourd’hui afin d’adapter la structure des emplois aux
changements techniques et technologiques de demain.
En conséquence, comme nous l’avons admis d’entrée de jeu, nous proposons de créer la
fonction technicien informatique, qui a d’ailleurs déjà existé au début des années 1980 (annexe
16) (voir affichage). L’évaluation des emplois de spécialiste, dont un extrait a déjà été présenté,
nous permet d’ailleurs de fixer des critères objectifs concernant les qualifications exigées
(collégiale technique) et les responsabilités (autonomie, communication, imputabilité,
complexité) de ce nouveau poste qui devrait minimalement obtenir un score, après soustraction
du critère scolarité, entre 90 et 20329. Cette refonte des postes permettra non seulement de
rapprocher ces fonctions de leur bassin naturel technique, mais aussi de rehausser les
possibilités pour les techniciens et spécialistes en informatique dans leurs emplois respectifs
chez Hydro-Québec. Il s’agit finalement d’exploiter à fond les possibilités offertes par la
formation académique au niveau collégial et universitaire.
3.2 Formation
3.2.1 Formation collégiale technique
Il est important de prendre conscience de la qualité de la formation technique en
informatique et du baccalauréat en informatique. En premier lieu, le D.E.C. Technique de
l’informatique (420.A0) se fixe comme objectif de former des programmeurs analystes dans le
domaine de la gestion sous deux spécialités : l’informatique industrielle ou la gestion de réseaux
informatiques30. En revanche, les applications sur le marché du travail de cette formation
technique sont nombreuses et diversifiées. Bon nombre de ces applications sont répertoriées
par l’Institut de la statistique du Québec (voir annexe 17 annexe étude globale). Par exemple, on
y retrouve les titres :
administrateur de base de données;
conseiller soutien aux utilisateurs;
conseiller support informatique;
29
Ces scores correspondent au minimum du niveau A (100) et au maximum du niveau B (213) sans le
critère scolarité (10 points), lesquels représentent les postes de technicien soutien exploitation réseau
infr. SGR sous les titres : analyste informatique et conseiller sécurité des technologies de l’information.
30
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, en ligne : http://www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/enscoll/cahiers/program/420A0.asp
27
conseiller d’exploitation informatique;
conseiller en système technique;
technicien en gestion informatique;
chargé de projets informatiques.
Toutes ces applications partagent la même formation collégiale qui leur permet
d’effectuer des fonctions relativement complexes. Le MELS soutient que les diplômés de ce
programme d’études seront en mesure d’assurer la maintenance et la mise à jour des logiciels
en place dans l’entreprise. On suggère aussi qu’ils agiront à titre de personnes ressources tant
au niveau de la formation des utilisateurs que du soutien technique suite à l’implantation de
systèmes informatiques. Le technicien en informatique serait aussi en mesure de gérer
l’environnement informatique lié à l’exploitation des environnements informatiques tant au
niveau de leur installation que de leur configuration. La formation collégiale s’ancre toujours aux
réalités du marché du travail depuis les travaux de la réforme Robillard de 1993.
3.2.2 Formation universitaire de premier cycle
En second lieu, le baccalauréat en informatique (B.Sc.A.) propose plutôt une formation
hautement spécialisée pour de futurs professionnels de l’informatique capables de concevoir,
d’évaluer et d’implanter des systèmes informatiques. L’Institut de la statistique du Québec
dresse un portrait tout aussi diversifié pour les spécialistes de l’informatique qui occupent des
fonctions telles que :
conseiller en architecture technologique de l’information;
responsable de la sécurité des systèmes informatiques;
spécialiste en système d'information et télécommunication;
analyste expert SAP.
Il va sans dire que le champ d’expertise de cette formation est plus large et complexe
qu’au niveau collégial (voir annexe 17 étude globale). On retrouve certains de ces postes dans la
« Grille d’évaluation des emplois de spécialistes ». Ils correspondent à des emplois de niveau C
et D dont les scores atteignent jusqu’à 294 points (voir annexe 11 annexe, tableau 3). Ces postes
correspondent réellement à des postes de professionnels et de spécialistes capables d’attirer,
de motiver et de retenir les meilleurs bacheliers en informatique. Les changements à l’œuvre
dans l’ensemble des infrastructures d’Hydro-Québec ne doivent pas faire perdre de vue les
intérêts stratégiques de la dotation et de la gestion des ressources humaines. Par contre, il n’en
a pas toujours été ainsi au niveau informatique chez Hydro-Québec et le rejet injustifié de la
formation collégiale pour les fonctions informatiques techniques est, somme toute, sans
précédent.
28
3.3 Historique de la fonction Informatique
Les technologies actuelles et l’ère du numérique ne sont pas survenues récemment.
Chez Hydro-Québec, il est possible de suivre le sillage des fonctions relatives à l’informatique.
Les premiers écrits que l’on recense à propos de l’informatique remontent à la fin des années
70. Un journal local d’Hydro-Québec de l’époque dresse le portrait de l’informatique à ses
balbutiements31. À l’époque, une nouvelle équipe de 22 travailleurs, dont des programmeurs et
des concepteurs, répondait aux besoins en informatique des gestionnaires. Une bonne partie de
l’article est ensuite consacré à une entrevue avec une technicienne informatique nouvellement
embauchée à Hydro-Québec comme programmeuse. Il s’agissait probablement d’une des
premières diplômées du réseau collégial, quelques années seulement après la Commission
Parent (1963-1966). Elle relate brièvement ses fonctions relatives à la mise à jour des systèmes
et au soutien technique aux utilisateurs.
Pendant plusieurs années, la formation collégiale technique en informatique sera exigée
pour de nombreux postes (voir annexe 18 : affichages postes vacants) :
Analyste concepteur informatique (1981);
Analyste exploitation d’ordinateurs (1986);
Analyste informatique (1987);
Programmeur (1987);
Programmeur (1988);
Analyste informatique (1988).
Ces postes sont ultérieurs à la séparation fonctionnelle de 1997 d’où sont nées les
divisions Transport, Production et Distribution32. La continuité à travers l’appellation des postes
et les exigences requises à travers ces années est remarquable. D’une part, on parlait déjà de
concepteur et de programmeur dans l’Hydro-Presse, 10 ans avant l’affichage de ces postes.
D’autre part, les postes d’analyste informatique affichés en 1987 et en 1988 existent toujours
comme nous l’avons mentionné plus tôt avec le cas de notre technicien soutien exploitation
réseau infr. SGR reclassé comme analyste informatique en janvier 2012. Il est donc possible de
démontrer la chronologie de ces fonctions au moins depuis 1987. À l’heure actuelle, les
exigences de formation demeurent les mêmes : une formation collégiale.
Pour en revenir avec la prise en charge des technologies de l’information par le groupe
Technologies, il demeure difficile de justifier ce changement de cap soudain. Des techniciens
semblaient être en mesure d’occuper ces fonctions jusqu’à tout récemment (voir annexe 19 :
annexe postes vacants 2004).
31
Voir annexe 20 : HYDRO-PRESSE ST-LAURENT, « Un nouveau départ au service Organisation et
Informatique » (octobre 1978) numéro 7.
32
« Rapport annuel » (2005) Montréal, Hydro-Québec, p. 99.
29
Au final, le Syndicat des technologues s’explique mal les raisons qui auraient pu mener à
ces décisions vu l’expérience technique de longue date de ses membres au niveau de
l’informatique de gestion.
3.4 Conclusion
Problème(s) : Gestion stratégique des ressources humaines, multiplication des titres d’emploi,
inadéquation des exigences académiques et des fonctions réelles, discontinuité historique.
Impact(s) : Roulement de personnel potentiel, baisse de profitabilité, perte du savoir
institutionnelle, inefficience.
Recommandation(s) : Harmonisation des pratiques : création d’un nouveau poste de technicien
en gestion informatique.
30
DISCUSSION ET CONCLUSION
À la lecture de ce rapport, on constate l’ampleur des changements en cours chez HydroQuébec et la complexité de la gestion de ces changements. Évidemment, la direction de
l’entreprise n’est pas seule; elle est accompagnée par le Syndicat des technologues qui regroupe
en ses rangs de nombreux techniciens d’expérience. Ces derniers veillent notamment à ce que
les changements se produisent harmonieusement en tenant compte du caractère dynamique
des certificats d’accréditations. On l’a mentionné d’entrée de jeu, le changement des outils et
les innovations technologiques n’affectent en rien la portée intentionnelle d’un certificat
d’accréditation. Le chapitre 1 s’est limité à une interprétation du certificat d’accréditation de la
section locale 957. Ensuite, le chapitre 2 avait pour but d’élaborer plus en détail en quoi
consistent les changements techniques et technologiques à l’œuvre à Hydro-Québec. Enfin, le
chapitre 3 tâchait de faire une scission entre les fonctions informatiques d’exploitation (chapitre
2) et l’informatique de gestion (chapitre 3).
La tenue de ces changements s’effectue sous la poussée de nouvelles philosophies de
gestion, parfois peu arrimées aux réalités du terrain, malheureusement. Parmi celles-ci, la
gestion du changement suggère d’impliquer les travailleurs dans le processus d’implantation des
projets qui les toucheront. Ce projet – le déploiement d’un réseau intelligent depuis le lieu de
production jusqu’à la consommation de l’énergie – promet de susciter de vives réactions sur le
terrain. Ces changements sont aussi propulsés par l’application plus serrée des normes du NERC
par la Régie de l’énergie. Ces normes commandent plusieurs exigences en termes de fiabilité et
de sécurité cybernétique.
Un réseau intelligent amène aussi de nouvelles possibilités, notamment à l’égard des
stratégies de maintenance. On est désormais en mesure de gérer le risque relatif aux
installations en contrôlant, en temps réel, l’état de l’ensemble des équipements. La gestion des
risques opérationnels, informationnels et organisationnels permettrait alors de réduire les coûts
d’opération et d’augmenter la disponibilité du réseau par la maintenance conditionnelle à l’état
des installations et des équipements.
Grâce aux projets SCSC, Imagine et IMA, Hydro-Québec devrait être en mesure de
recueillir une quantité phénoménale de données sur une pléthore d’équipements munis de
divers capteurs. Ces données brutes sont l’intrant de ce vaste système. Elles seront ensuite
conditionnées par le système et rendues disponibles pour analyse. Ces données, recueillies dans
les Centre de télémaintenance (CTM) de TransÉnergie par exemple, forment l’extrant du réseau
intelligent.
À ce sujet, nous avons porté une attention particulière au rôle des techniciens dans
l’émission de données de qualité par la chaîne d’instrumentation. Nous avons aussi mis en
évidence le rôle central des connaissances du milieu physique pour les utilisateurs du réseau, de
manière à ce que ces derniers soient autant à l’aise avec les données brutes provenant des
capteurs qu’avec les données numériques présentées sur les interfaces informatisées. On doit
retenir ici que le technicien, étant donné son expertise et son souci d’efficience fonctionnelle,
est imputable de la qualité des données extraites de la chaîne d’instrumentation.
On l’a mentionné plus tôt, l’implantation du réseau intelligent se décline en trois projets
(Imagine, SCSC, IMA), pour les trois divisions d’affaires (TransÉnergie, Production, Distribution).
31
Le processus de changements en est maintenant à la phase des projets pilotes. Toutefois, ces
projets pilotes posent de nombreuses interrogations dans le champ, et font craindre le pire pour
le déploiement à grande échelle du réseau intelligent.
Sur le plan pratique, la paramétrisation à distance des délesteurs à TransÉnergie, telle
que proposé à l’heure actuelle, crée de sérieux doutes au niveau de l’application du Code des
travaux et de la santé et sécurité au travail, tandis que l’utilisation des VM600 à Production est
hasardeuse et chaotique. De manière générale, ces premières tentatives d’applications
d’Imagine et de SCSC sont peu fructueuses et démontrent une distance avec les réalités
pratiques du champ.
De plus, nous recommandons aussi de créer un poste de technicien informatique pour
les fonctions techniques relatives à l’informatique de gestion. Des techniciens informatiques ont
déjà été à l’emploi d’Hydro-Québec, nous proposons donc d’harmoniser les pratiques, de limiter
la multiplication des titres d’emploi et de réunir sous une même accréditation l’ensemble des
postes et fonctions techniques, comme le requiert le certificat d’accréditation de la section
locale 957. Une offre de travail plus arrimée au potentiel des candidats (DEC en informatique ou
Bacc en informatique) devrait finalement avoir un effet positif sur l’attraction, la motivation et la
rétention de ces spécialistes et professionnels de l’informatique.
Ce document brosse un portrait des changements techniques ou technologiques en
cours à Hydro-Québec et suggère une vision de l’avenir plus prospère pour les techniciens. Nos
recommandations sont le résultat de longues réflexions sur l’organisation du travail et les
pratiques actuelles à l’œuvre à Hydro-Québec et ont pour but de veiller à la pérennité de ce
fleuron de l’économie québécoise.
32
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