Drosera ou l`auberge rouge du Caroux

Transcription

Drosera ou l`auberge rouge du Caroux
Drosera ou l'auberge rouge du Caroux
Les tourbières du Caroux recèlent de trésors pour le naturaliste. Parmi eux, une curiosité
botanique peuple les mottes de sphaignes, ces mousses qui dessinent un moutonnement dans
le paysage de la tourbière :
Il s’agit d’une herbacée vivace difficile à repérer
de prime abord. Une teinte rougeâtre qui
s’individualise sur le fond vert des sphaignes, c’est
elle : Droséra rotundifolia, la tueuse du Caroux.
Le Droséra, encore nommé Rossolis, est une des
17 espèces de plantes carnivores recensées sur le
territoire Français métropolitain. Les plantes vertes
fabriquent leur matière organique par un
mécanisme spécifique au monde végétal : la
photosynthèse. Les plantes puisent les éléments
minéraux nécessaires dans le sol ( eau et sels minéraux qui sont dissout ) et dans l’air ( le CO2)
. Elles énergisent ensuite, au niveau de leurs organes chlorophylliens (donc colorés en vert par
ce pigment végétal nommé la chlorophylle), une série de réactions qui permettent d’assembler
les atomes contenus dans les molécules minérales en grosses molécules organiques. Les
feuilles sont généralement le siège de cette transformation.
Les conditions de vie dans la tourbière sont
toutefois assez particulières. Ces milieux se
développent en altitude, et sont donc souvent
soumis à de basses températures. De plus, la
sphaigne constitue un filtre à eau qui acidifie le sol.
Sol acide, sol gorgé d’eau, sol froid, les microorganismes chargés de recycler la matière
organique morte en matière minérale, source
nutritive pour les plantes sont très peu actifs dans
les sols de tourbière. La matière morte s’accumule
en hauteur pour constituer la tourbe bien connue
des jardiniers.
Les plantes des tourbières puisent donc dans un sol
pauvre en sels minéraux, notamment en azote, atome
essentiel dans la fabrication des protéines. Le Droséra
compense donc la carence naturelle en azote du sol par
une stratégie par laquelle elle récupère cet atome dans
les protéines de proies animales.
Chez le Droséra les feuilles ont une morphologie
particulière. Le pétiole se termine par un limbe plat en
forme de palette arrondie. Sur cette surface plane se
dressent des tiges porteuses en leur extrémité d’un
organe arrondi, une glande à suc digestif.
Dans le reflet du soleil, les feuilles du Droséra scintillent
comme si elles étaient recouvertes d’une rosée
perpétuelle, même durant les chaudes heures d’été. Ce
liquide sécrété par les feuilles n’a que l’aspect d’une eau
de source très attractive pour les insectes. Il s’agit en
fait d’une glu sur laquelle viennent se coller nombre
Dessin modifié à partir du N° 39 de "La Hulotte"
d’insectes leurrés. Une fois posé, le malheureux se débat tant qu’il peut. Par ses propres
mouvements désespérés, il enduit tout son corps de ce liquide collant. Immobilisé, impuissant, la
feuille se referme alors sur lui dans une longue étreinte mortelle qui durera de longues minutes.
Une fois enfermé, les sucs digestifs vont agir à l’instar de ceux injectés par l’épeire dans sa proie.
Ils vont dissoudre les matières organiques internes à l’animal.
Quelques heures plus tard, le piège se déploiera à
nouveau et laissera s’envoler l’enveloppe de chitine
indigérable pour le Droséra qui ne possède pas,
dans son suc, les enzymes adaptées pour
dissoudre ce matériau.
Si l’on ne connaît pas la comportement particulier
de cette plante, le Droséra peut passer inaperçu,
petite plante rougeâtre
d’une dizaine de
centimètres de haut perdue dans le vaste paysage
de la tourbière. En Juillet et août elle dresse une
dizaine de fleurs au dessus de la rosette dessinée
par ses feuilles et forme ainsi ses graines afin de
disperser sa descendance comme le font toutes les
plantes à fleurs…banal me diriez-vous à coté de sa
stratégie alimentaire.
Toutefois le Droséra est une plante menacée. Son
milieu de vie est menacé par différents éléments.
Les tourbières du Caroux, même en étant
localisées au cœur d'une zone classée du Parc
Régional ont bien failli disparaître. Ce milieu tend
naturellement au comblement et à être recouvert
par une végétation ligneuse. Cette tendance naturelle est accéléré par le piétinement répété de
randonneurs qui, voulant approcher les mouflons au plus près n’hésitent pas à envahir tous les
espaces disponibles. Des sentiers surélevés ont été aménagé dans les zones de tourbières.
D’importants travaux de stabilisation ont été entrepris afin de restaurer ce milieu fragile, espace
de vie, non seulement du Droséra mais de tout un peuplement spécifique animal et végétal.
De plus, le Droséra sécrète des molécules aux vertus médicinales. Elle entre dans la
composition de différents médicaments, notamment en homéopathie (Droséra 9CH…). Le
problème actuel réside dans la difficulté qu’ont les laboratoires pour cultiver des variétés de
Droséra. L’industrie pharmaceutique prélève encore fréquemment les plantes dans les milieux
naturels.
Vous l’aurez donc compris, le message de fin de la
Société de Protection de la Nature du LanguedocRoussillon, est celui du respect des sentiers. Notre
association est à l’origine de la création du Parc.
Ses membres militent depuis pour la sauvegarde
de ces espaces magnifiques si particuliers car en
limite entre le climat méditerranéen et montagnard.
Nous vous invitons par ailleurs à renforcer nos
rangs afin de constituer un pôle citoyen actif pour
imposer des choix de gestion des espaces basés
sur le développement durable, en opposition avec
le tourisme de masse qui après avoir bétonné notre
littoral, oriente ses objectifs vers les sites les plus valorisables de notre Arrière Pays (le
Salagou…).

Documents pareils