ert comme la nature, la végétation, le trèfle à quatre feuilles, la

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ert comme la nature, la végétation, le trèfle à quatre feuilles, la
V
ert comme la nature, la végétation, le trèfle à quatre feuilles, la chance ou la
malchance, le hasard, le destin. Au fil des époques, on l’a qualifié d’instable,
d’hypocrite. Le vert est-il fourbe? On lui a aussi administré des vertus apaisantes,
couleur des dimanches ordinaires. Dans l’histoire des couleurs, le vert c’est plutôt la couleur
en plus, la couleur qui vient d’ailleurs, la couleur de la transgression…
Pourquoi le vert est-il considéré comme instable ? Colorant facile à obtenir à partir de nombreux végétaux
présents dans la nature ; cependant, il est chimiquement instable. Sur le tissu, par exemple, les colorants
végétaux verts se fixent très mal aux fibres.
Au Moyen Age, les paysans teignent leur vêtements ave c de l’aulne, du bouleau, du poireau ou encore de
l’épinard mais, au contact de la lumière, ces colorants naturels se ternissent et donnent rapidement un
aspect délavé. A partir de matières artificielles, on a aussi réussi à obtenir du vert avec de l’ oxyde de cuivre et
un mordant - du vinaigre ou de l’urine. Ce type de colorants donnant des tons intenses était corrosif et donc
un véritable poison. En allemand, on parle d’ailleurs de Giftgrün, c’est-à-dire « vert poison ».
La malachite
Un autre pigment, d’origine minérale cette fois, a aussi
beaucoup été utilisé en Egypte et dans certaines régions d’Asie,
il s’agit de la malachite, pierre d’un vert vif définie par les
géologues comme un carbonate basique de cuivre naturel. La
malachite est broyée et essentiellement utilisée pour les
peintures. Les enlumineurs médiévaux, puis les peintres de la
Renaissance l’apprécient mais évitent de la mélanger à d’autres
pigments pour éviter de la « déstabiliser ». Des recueils de
recette semblent avoir circulé, dès le XV e siècle, en Allemagne,
afin d’aiguiller les peintres sur les mélanges à faire ou non avec
la malachite.
Un jardin peint sur les murs de la tombe de
Sennedjem, à Thèbes. Les archéologues y ont reconnu
des dérivées du cuivre, de la malachite broyée et des
terres plus vertes.
Le vert n’évoque pas seulement la nature. En Occident, le vert fut d’abord associé
à l’eau, avant d’être symbole de végétation. Dans l’Antiquité, la mer est tantôt
verte, tantôt bleue ou grise. Il semble que ce soit dû aux langages anciens qui
utilisaient le même mot pour ces trois couleurs. Dans le monde médiéval
occidental, les teinturiers ne travaillaient qu’une seule couleur, le rouge ou le bleu.
Il semble qu’il n’y avait aucun atelier pour teindre le vert. Seuls les ateliers de bleu
pouvaient teinter le vert. Ce n’est réellement qu’à partir du XVI e siècle que les
mentalités évoluant, les teinturiers d’Europe du Nord réalisent du vert avec du
bleu pastel (ou la guède) et du jaune de gaude. Puis enfin, au XVIII e siècle, l’indigo
américain, colorant importé, permet les mélanges pour obtenir du vert de bonne
qualité. Comme les étoffes vertes demandaient plus d’étapes que les autres, elles
étaient pus coûteuses. Il semble donc qu’à la Renaissance, le vert n’est pas
fréquent. D’après certains témoignages, il est plutôt considéré comme
excentrique.
Monsieur Arnolfini, riche
marchand vénitien a pu
offrir à sa dame une robe
verte de velours. (XVe siècle)
Comme d’autres couleurs, le vert a une symbolique équivoque. Il
représente à la fois la fertilité et le renouveau de la nature mais aussi le
jeu, la chance et la malchance. Dans les contes, les esprits
démoniaques sont représentés en vert. A la cour du roi, les bouffons
étaient vêtus de vert. Les jongleurs aussi. Le vert occupe depuis le
Moyen Age une place importante sur les tables de jeu.
Détail du Jugement Dernier de J. BOSCH,
peintre qui utilise fréquemment le vert
dans son monde fantastique et parfois
De nombreuses superstitions sont nées autour de cette chance ou
malchance verte. On raconte que Molière serait mort sur les planches
dans un costume vert… Les comédiens refusent aujourd’hui encore de
jouer dans cette couleur.
même, démoniaque (XVe siècle).
Le vert comme synonyme de croissance et de générosité de la nature
est déjà adoptée par les Celtes et se généralise dans l’Europe
médiévale lorsque les teinturiers réussissent de « vrais verts ». Pendant
le carême, les villageois, en habits verts, fêtent le début du printemps.
Rabelais raconte le jeu du « prendre sans vert » qui consistait à porter,
pendant tout le mois de mai, une feuille verte sur soi sous peine
d’amende !
Le vert est désormais perçu, en Occident, comme une couleur paisible
et sereine. Nos sociétés contemporaines l’ont réellement revalorisé. Il
reflète aussi la sécurité, la bonne réponse, la permission. Au début des
années 1980, les mouvements écologistes l’ont choisi tout
naturellement comme couleur emblématique.
Un jardin paisible aux tournesols de
G. Klimt.