Mesures de sauvegarde

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Mesures de sauvegarde
MODULE
5
Mesures de sauvegarde
DURÉE ESTIMÉE: 3 heures
OBJECTIFS DU MODULE 5

Comprendre les disciplines fondamentales de l'OMC concernant les sauvegardes
générales; et

se familiariser avec les différentes procédures et enquêtes se rapportant aux
sauvegardes générales..
I.
INTRODUCTION
Comme nous l'avons vu dans le cadre du Module 2, certaines disciplines fondamentales en matière d'accès aux
marchés obligent les Membres de l'OMC à:

ne pas établir de discrimination (traitement NPF et traitement national);

ne pas revenir sur leurs "engagements/concessions en matière de libéralisation" (consolidations); et

ne pas interdire les importations ou limiter l'accès des produits ou services étrangers à leur marché
intérieur (interdiction des restrictions quantitatives).
Ces obligations sont toutefois modulées par le droit conditionnel qu'ont les Membres de l'OMC, dans certaines
circonstances, de déroger à ces principes et aux engagements qu'ils ont souscrits en la matière. Les conditions
applicables sont destinées à faire en sorte que le droit de recourir à des dérogations ne compromette pas les
disciplines fondamentales en matière d'accès aux marchés qui sont au cœur du système de l'OMC.
Comme nous l'avons vu dans le Module 2, les règles commerciales multilatérales prévoient un certain nombre
de dérogations de ce type, dont les sauvegardes générales, certaines sauvegardes sectorielles (notamment en
ce qui concerne les produits agricoles), les mesures appliquées à des fins de balance des paiements et les
sauvegardes concernant le commerce des services. Les dispositions relatives aux mesures appliquées à des
fins de balance des paiements figurent aux articles XVII et XVIII B) du GATT de 1994;
le mécanisme de
sauvegarde spéciale pour les produits agricoles est établi à l'article 5 de l'Accord sur l'agriculture; et les
dispositions concernant les sauvegardes en matière de commerce des services se trouvent à l'article X de
l'AGCS. Le présent module traite exclusivement des sauvegardes générales visées à l'article XIX du GATT de
1994 et dans l'Accord sur les sauvegardes.
Étant donné qu'il fait partie des accords concernant les
marchandises incorporés dans le GATT de 1994, l'Accord sur les sauvegardes ne s'applique qu'au commerce
des marchandises.
EN BREF
Un Membre de l'OMC peut prendre une mesure de "sauvegarde" au sens de l'article XIX du GATT de 1994 et
de l'Accord sur les sauvegardes (c'est-à-dire suspendre les concessions multilatérales à titre provisoire) pour
protéger une branche de production nationale donnée contre un accroissement des importations de tout
produit qui cause ou menace de causer un dommage grave à ladite branche de production.
Les mesures de sauvegarde ont toujours été autorisées par le GATT (article XIX). Cependant, avant l'entrée
en vigueur de l'Accord sur les sauvegardes, les sauvegardes visées par l'article XIX étaient relativement peu
utilisées, nombre de gouvernements préférant protéger leurs branches de production nationales par des
mesures de la "zone grise" car il n'existait pas de règles multilatérales claires régissant ces mesures. En
particulier, il n'y avait pas d'obligation de versement d'une compensation aux partenaires commerciaux
affectés, comme le voulaient les règles relatives aux mesures relevant de l'article XIX. (Les mesures de la
zone grise comprenaient les accords d'autolimitation des exportations, les arrangements de prix minimums
et d'autres types de mesures. Il y était souvent fait recours au sujet de produits faisant constamment l'objet
de frictions commerciales, tels que les automobiles, l'acier et les semi-conducteurs.)
L'Accord de l'OMC sur les sauvegardes a innové en prohibant les mesures de la "zone grise" et en établissant
des délais d'application ("clause d'extinction") pour toutes les mesures de sauvegarde.
EN DÉTAIL
Conformément à la règle fondamentale relative aux sauvegardes établie à l'article XIX du GATT de 1994, un
Membre de l'OMC peut temporairement suspendre des concessions multilatérales sur ses importations d'un
produit donné (c'est-à-dire relever le droit de douane au-dessus du taux consolidé, appliquer une restriction
quantitative ou prendre d'autres mesures de restriction des échanges qui seraient autrement prohibées), si sa
branche de production nationale subit ou est menacée de subir un dommage grave causé par un accroissement
des importations.
Prohibition des mesures de la zone grise
Si l'article XIX du GATT de 1947 autorisait lui aussi le recours à des mesures de sauvegarde (de fait, le texte
de cet article et celui de l'article XIX du GATT de 1994 sont identiques), dans la pratique, de telles mesures
étaient rarement appliquées avant l'entrée en vigueur des Accords du Cycle d'Uruguay.
Avant le Cycle
d'Uruguay, aucune discipline multilatérale ne visait le recours aux mesures de la zone grise imposées de
manière bilatérale ou unilatérale dans le but de résoudre des frictions commerciales. Les mesures de la zone
grise étaient souvent des autolimitations des exportations et/ou des importations, des arrangements de
commercialisation ordonnée, des mesures de fixation des prix à l'exportation ou à l'importation ou de
surveillance de ces prix, la suspension des licences d'importation, l'application de licences d'importation
spéciales et des mesures similaires.
Les mesures de la zone grise étaient appliquées à un large éventail de produits faisant l'objet d'un volume
d'échanges important pour lesquels la concurrence internationale est perpétuellement forte, notamment les
véhicules automobiles, les textiles et les vêtements, les chaussures, les produits en acier, les téléviseurs et les
produits agricoles, entre autres.
Bien que réduisant dans une certaine mesure les frictions bilatérales
directement concernées, l'application d'un grand nombre de mesures de la zone grise a néanmoins donné lieu
à d'importantes préoccupations dans le cadre du système commercial multilatéral, et ce pour un certain
nombre de raisons. L'une de ces raisons était l'effet de détournement des échanges qu'avaient ces mesures.
En particulier, il était craint que, si un pays limitait volontairement ses exportations d'un produit donné vers un
marché d'exportation donné, il accroîtrait probablement les exportations de ce produit vers d'autres marchés
d'exportation, non soumis à des restrictions, ce qui pouvait créer des problèmes sur ces autres marchés. À cet
égard, certaines préoccupations avaient trait à la propagation effective ou potentielle des mesures de la zone
grise d'un marché à un autre, puis à un autre encore, avec un effet domino du détournement des échanges sur
plusieurs marchés d'exportation.
D'importantes préoccupations concernaient par ailleurs le manque de
transparence s'agissant des mesures de la zone grise. Ces mesures, non régulées en tant que telles par un
ensemble de disciplines du GATT en particulier, n'étaient généralement pas notifiées aux Parties contractantes
du GATT et, dans certains cas, lorsque des mesures étaient appliquées par un importateur, les exportateurs
affectés eux-mêmes n'étaient pas parfaitement informés des mesures qui leur étaient appliquées.
Par
conséquent, la résolution des nombreuses questions et préoccupations concernant le recours à ces mesures de
la zone grise non réglementées était l'un des grands objectifs des négociations du Cycle d'Uruguay sur les
sauvegardes.
Le résultat de ce volet des négociations a été la prohibition, aux termes de l'Accord sur les
sauvegardes, de toutes les mesures "de la zone grise", ainsi que des dispositions visant la transparence et
l'élimination progressive des mesures de ce type qui étaient alors en vigueur. En outre, étant donné que les
mesures prises au titre de l'article XIX du GATT de 1947 (c'est-à-dire les véritables mesures de sauvegarde) en
vigueur pendant le Cycle d'Uruguay n'étaient évidemment pas conformes – et ne pouvaient être conformes –
aux dispositions du nouvel Accord sur les sauvegardes et à l'article XIX du GATT de 1994, l'Accord sur les
sauvegardes prévoyait également l'élimination progressive de ces mesures. En d'autres termes, les mesures
de restriction des échanges destinées à remédier à un dommage causé à une branche de production nationale
par un accroissement des importations totales d'un produit donné devaient désormais être conformes aux
règles et aux procédures énoncées dans l'Accord sur les sauvegardes, y compris pour ce qui était de la nondiscrimination et de la transparence.
Ces objectifs transparaissent dans le préambule de l'Accord sur les sauvegardes.
En particulier, il y est
reconnu "la nécessité de clarifier et de renforcer les disciplines du GATT de 1994, et en particulier celles de
l'article XIX […], [et] de rétablir un contrôle multilatéral sur les sauvegardes et d'éliminer les mesures qui
échappent à ce contrôle", c'est-à-dire les mesures de la zone grise et les mesures préexistantes prises au titre
de l'article XIX.
Nouvelles règles et procédures concernant le recours aux mesures de sauvegarde
En plus de prohiber les mesures de la zone grise, et donc de renvoyer les problèmes qu'elles étaient destinées
à traiter vers le système multilatéral, l'Accord sur les sauvegardes a établi de nouvelles règles et procédures
concernant le recours aux mesures de sauvegarde, c'est-à-dire la mise en œuvre de l'article XIX du GATT de
1994. En bref, pour pouvoir recourir à une mesure de sauvegarde, un Membre doit auparavant publier une loi
ou une réglementation permettant de le faire, mener une enquête à laquelle les parties intéressées ont le droit
de participer, y compris pour présenter des éléments de preuve et des arguments, et faire preuve d'une
grande transparence à chaque étape de l'enquête et lors de l'application de la mesure. Par ailleurs, la durée
des mesures de sauvegarde est strictement limitée (quoiqu'elle puisse être prolongée si certaines conditions
sont réunies). Afin de réduire la désincitation à l'utilisation de sauvegardes créée par l'obligation, au titre de
l'article XIX, d'offrir une compensation commerciale aux Membres affectés, l'Accord sur les sauvegardes
suspend effectivement cette obligation pour les trois premières années de l'application d'une mesure,
moyennant certaines conditions.
Examinons plus en détail le texte de l'article XIX du GATT, qui renferme les dispositions générales pertinentes
sur les sauvegardes, et de l'Accord sur les sauvegardes, qui clarifie et renforce les dispositions de l'article XIX.
L'ARTICLE XIX DU GATT ET L'ACCORD SUR LES SAUVEGARDES
Article XIX du GATT de 1994: Mesures d'urgence concernant l'importation de produits particuliers
1.a) Si, par suite de l'évolution imprévue des circonstances et par l'effet des engagements, y compris les
concessions tarifaires, qu'un Membre a assumés en vertu du présent Accord, un produit est importé sur
le territoire de ce Membre en quantités tellement accrues et à des conditions telles qu'il cause ou
menace de causer un dommage grave aux producteurs nationaux de produits similaires ou de produits
directement concurrents, ce Membre aura la faculté, en ce qui concerne ce produit, dans la mesure et
pendant le temps qui pourront être nécessaires pour prévenir ou réparer ce dommage, de suspendre
l'engagement en totalité ou en partie, de retirer ou de modifier la concession.
L'Accord sur les sauvegardes développe les principes énoncés à l'article XIX:
Accord sur les sauvegardes
Article 2 (Conditions)
1.
Un Membre ne pourra appliquer une mesure de sauvegarde à l'égard d'un produit que si ce Membre a
déterminé, conformément aux dispositions énoncées ci-après, que ce produit est importé sur son
territoire en quantités tellement accrues, dans l'absolu ou par rapport à la production nationale, et à
des conditions telles qu'il cause ou menace de causer un dommage grave à la branche de production
nationale de produits similaires ou directement concurrents.
2.
Des mesures de sauvegarde seront appliquées à un produit importé quelle qu'en soit la provenance.
Article 3 (Enquête)
1.
Un Membre ne pourra appliquer une mesure de sauvegarde qu'à la suite d'une enquête menée par les
autorités compétentes de ce Membre selon des procédures préalablement établies et rendues publiques
…
Le principe fondamental, énoncé très simplement dans l'Accord sur les sauvegardes et à l'article XIX du GATT
de 1994, est que les Membres ont le droit d'appliquer des mesures de sauvegardes, qui, comme l'indique
l'article XIX, consistent en la suspension temporaire de concessions négociées au niveau multilatéral. Dans la
pratique, cela signifie que les Membres ont le droit de déroger aux disciplines fondamentales du système du
GATT, en particulier pour ce qui est des consolidations tarifaires et des restrictions quantitatives (prévues aux
articles II et XI du GATT, respectivement) moyennant les conditions énoncées.
EXERCICES:
1.
Pourquoi les négociateurs du Cycle d'Uruguay ont-ils estimé que l'article XIX du GATT ne suffisait pas à lui
seul à réglementer le recours aux mesures de sauvegarde (autrement dit, pourquoi ont-ils jugé
nécessaire de mettre au point un Accord sur les sauvegardes?
2.
Aux termes de l'Accord sur les sauvegardes, comment ont-été traitées les mesures de la zone grise et les
mesures de sauvegarde prises au titre de l'article XIX qui étaient en place lors de l'entrée en vigueur de
l'Accord?
II.
CONDITIONS D'APPLICATION D'UNE MESURE
DE SAUVEGARDE
Lors de l'application d'une mesure de sauvegarde, il faut respecter aussi bien les dispositions de l'article XIX
que celles de l'Accord sur les sauvegardes.
ÉVOLUTION IMPRÉVUE DES CIRCONSTANCES
Article XIX du GATT
"Si, par suite de l'évolution imprévue des circonstances et par l'effet des engagements, y compris les
concessions tarifaires, qu'une partie contractante a assumés en vertu du présent Accord … "
En premier lieu, aux termes de l'article XIX, l'accroissement des importations qui constitue la condition
fondamentale de l'application d'une mesure de sauvegarde doit être le résultat d'une "évolution imprévue des
circonstances" et le Membre en question doit avoir fait des concessions tarifaires et/ou d'autres concessions
commerciales multilatérales.
Selon l'interprétation de l'Organe d'appel, la référence faite à une évolution imprévue des circonstances à
l'article XIX du GATT de 1994 signifie, dans la pratique, que l'autorité chargée de l'enquête doit démontrer, en
tant que circonstance factuelle, l'existence d'une "évolution imprévue des circonstances", c'est-à-dire d'une
situation qui n'était pas prévue lorsque le Membre en question a contracté ses engagements multilatéraux
relativement au produit considéré (par exemple lorsqu'il a consolidé son droit de douane sur ce produit).
ACCROISSEMENT DES IMPORTATIONS/CONDITIONS DE CONCURRENCE
Article XIX du GATT
"… si […] un produit est importé […] en quantités tellement accrues et à des conditions telles …"
Article 2:1 de l'Accord sur les sauvegardes
"… si […] [un] produit est importé […] en quantités tellement accrues, dans l'absolu ou par rapport à la
production nationale, et à des conditions telles …"
La référence faite à l'article XIX et dans l'Accord sur les sauvegardes à des quantités "tellement" accrues des
importations d'un produit signifie qu'il doit y a voir eu un accroissement des importations. En outre, l'Accord
sur les sauvegardes précise qu'un tel accroissement peut être établi en termes absolus ou en termes relatifs.
Pour déterminer s'il y a eu un accroissement des importations, l'autorité chargée de l'enquête doit examiner:
LES DONNÉES RELATIVES À LA QUANTITÉ DES IMPORTATIONS DU
PRODUIT EN QUESTION
Concernant une période récente (afin d'examiner les changements et les tendances, en particulier pour
déterminer s'il y a eu un accroissement)

en termes absolus, et

par rapport à la production nationale totale de ce produit.
Il n'est défini aucun seuil quantitatif au-delà duquel un accroissement des importations est jugé suffisant pour
satisfaire aux conditions énoncées à l'article XIX et dans l'Accord sur les subventions. Chaque cas doit donc
être examiné selon ses propres particularités. Cela ne signifie pas pour autant qu'un accroissement quel qu'il
soit puisse être suffisant. Au contraire, l'Organe d'appel a indiqué dans ce contexte que, pour entrer en ligne
de compte, un accroissement des importations doit être "soudain, récent et brutal", qu'il soit mesuré en termes
absolus ou par rapport à la production nationale.
(Dans ce dernier cas, il se peut que les importations
augmentent tandis que la production nationale diminue ou stagne, ou qu'elles augmentent plus rapidement
que la production nationale.)
Article XIX du GATT et article 2:1 de l'Accord sur les sauvegardes
"… et à des conditions telles …"
Un accroissement des importations, même important, ne suffit pas à lui seul à satisfaire aux conditions
requises pour l'application d'une mesure de sauvegarde. En effet, il doit aussi se produire "à des conditions
telles" qu'il cause ou menace de causer un dommage grave à la branche de production nationale.
Dans la
pratique, cela signifie qu'il faut examiner les conditions de concurrence entre les produits nationaux et les
produits importés. Il doit être établi qu'il existe une concurrence directe suffisante entre ces produits et que
les importations l'emportent sur la production nationale.
Article XIX du GATT et article 2:1 de l'Accord sur les sauvegardes
… qu'il cause ou menace de causer un dommage grave à la branche de production nationale de produits
similaires ou directement concurrents …
Une fois établi que les importations ont connu un accroissement suffisamment important et sont en
concurrence directe avec les produits nationaux, il se pose la question de leur incidence sur la branche de
production nationale. En particulier, ces importations causent-elles ou menacent-elles de causer un dommage
grave à ladite branche de production?
DOMMAGE GRAVE
La notion de "dommage grave" est fondamentale pour l'application de mesures de sauvegarde, et s'entend
généralement d'un fait plus grave que le "dommage important" qui conditionne l'imposition de mesures
antidumping ou de mesures compensatoires. Aux termes de l'Accord sur les sauvegardes, le "dommage grave"
s'entend d'une "dégradation générale notable de la situation d'une branche de production nationale".
Une
menace de dommage grave est définie comme étant "l'imminence évidente d'un dommage grave" et il est
prescrit que la détermination de l'existence d'une menace de dommage grave "se fond[e] sur des faits, et non
pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités".
Pour parvenir à la
constatation de l'existence d'un dommage grave ou d'une menace de dommage grave, l'autorité chargée de
l'enquête doit procéder à un examen détaillé de tous les indicateurs pertinents ayant trait à la situation de la
branche de production nationale (tels que la production, les ventes, l'emploi, l'utilisation de la capacité et les
résultats financiers). Cet examen doit porter sur une période suffisamment longue pour que ladite autorité soit
en mesure d'observer l'évolution des données. En outre, étant donné que le dommage grave doit être présent
ou imminent pour qu'il soit justifié d'appliquer une mesure de sauvegarde, la fin de la période considérée doit
être très récente.
BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE
L'expression "branche de production nationale" s'entend des producteurs nationaux de produits qui sont
similaires au produit importé considéré ou qui lui font directement concurrence. Étant donné que, aux fins des
sauvegardes, la branche de production nationale n'est pas limitée aux seuls producteurs de produits
"similaires", mais peut aussi englober les producteurs de produits qui sont en concurrence directe avec les
produits importés, les effets sur la concurrence à prendre en considération en vue de l'application d'une
mesure de sauvegarde peuvent être plus larges que dans le cas d'une mesure antidumping ou d'une mesure
compensatoire. Aux fins de l'analyse du dommage et du lien de causalité, la branche de production nationale
peut être définie comme l'ensemble des producteurs de produits similaires ou directement concurrents, ou de
ceux qui constituent collectivement une proportion majeure de la production nationale totale de ces produits.
LIEN DE CAUSALITÉ ET NON-IMPUTATION
Enfin, même si les importations ont connu un accroissement suffisant et sont en concurrence avec la
production nationale, et même si la situation de la branche de production nationale semble si mauvaise que
l'on peut considérer qu'il y a dommage "grave", toutes les conditions ne sont pas remplies. La condition la plus
importante est l'établissement d'un lien de causalité positif entre l'accroissement des importations et les
conditions de concurrence, d'une part, et la mauvaise situation de la branche de production, d'autre part.
Dans ce contexte, il faut veiller à ne pas imputer à l'accroissement des importations un dommage causé par
d'"autres facteurs".
L'Organe d'appel s'est prononcé sur la nature du lien de causalité dont l'existence doit être établie et de
l'analyse dite "aux fins de la non-imputation". En particulier, il a précisé que l'accroissement des importations
ne devait pas nécessairement être la seule cause, ni même la cause principale, du dommage grave ou de la
menace de dommage grave.
En revanche, il doit y avoir un "rapport réel et substantiel de cause à effet"
(selon les termes de l'Organe d'appel) entre les importations et le dommage.
En outre, afin d'établir avec
certitude l'existence de ce rapport, il faut dissocier et distinguer les effets produits sur la branche de production
nationale par d'autres facteurs (par exemple, des cas de force majeure, l'évolution des techniques, etc.) de
ceux découlant de l'accroissement des importations. Il n'existe pas de méthode unique à suivre, que ce soit
pour établir un lien de causalité positif ou pour distinguer et dissocier les autres facteurs de dommage.
Lorsqu'elles s'emploient à déterminer si l'accroissement des importations a causé ou menace de causer un
dommage grave, les autorités doivent évaluer tous les facteurs pertinents de nature objective et quantifiable
qui influent sur la situation de cette branche de production. Les facteurs énumérés à ce sujet dans l'Accord sur
les sauvegardes sont les suivants:
le rythme d'accroissement des importations et leur accroissement en
volume, en termes absolus et relatifs, la part du marché intérieur absorbée par les importations accrues, les
variations du niveau des ventes, la production, la productivité, l'utilisation de la capacité, les profits et pertes
et l'emploi.
Compte tenu de tout ce qui précède, l'analyse visant à déterminer si une mesure de sauvegarde peut être
appliquée ou non est un travail qui repose dans une large mesure sur les faits et qui varie d'un cas à un autre.
L'ENQUÊTE
Article 3 de l'Accord sur les sauvegardes
"Un Membre ne pourra appliquer une mesure de sauvegarde qu'à la suite d'une enquête …"
Comment recueille-t-on et analyse-t-on les données de fait nécessaires et comment parvient-on aux
conclusions requises?
Aux termes de l'Accord sur les sauvegardes, une enquête doit être menée par les
autorités du Membre importateur selon des procédures internes ayant été publiées auparavant.
Ces
procédures doivent quant à elles être conformes aux prescriptions de procédure de l'Accord sur les
sauvegardes et les conclusions de l'enquête doivent satisfaire aux prescriptions de fond de l'Accord.
En
général, une enquête est ouverte à la suite d'une demande de la branche de production nationale. Toutefois,
contrairement aux cas de l'antidumping et des mesures compensatoires, il n'y existe aucune prescription quant
au contenu des demandes d'ouverture d'enquête en matière de sauvegardes ou à la représentativité du/des
requérant(s).
Les enquêtes doivent comprendre la publication d'un avis d'audition publique et d'autres moyens appropriés
par lesquels les parties intéressées peuvent présenter des éléments de preuve et leurs vues, notamment en
réponse aux exposés d'autres parties.
Les parties intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître
leurs vues, entre autres choses, sur le point de savoir si l'application d'une mesure serait ou non dans l'intérêt
public.
RENSEIGNEMENTS CONFIDENTIELS
Si les parties intéressées doivent avoir accès aux éléments de preuve et aux arguments présentés par les
autres parties intéressées, de façon à pouvoir formuler leurs réponses, les autorités chargées de l'enquête ont
également l'obligation de protéger les renseignements confidentiels, à moins qu'elles n'estiment qu'une
demande de traitement confidentiel n'est pas justifiée.
Les parties qui fournissent des renseignements
confidentiels sont censées en donner un résumé non confidentiel ou exposer les raisons pour lesquelles un
résumé ne peut être établi.
PUBLICATION DE RAPPORTS
En plus de se conformer aux prescriptions de fond et de procédure de l'Accord sur les sauvegardes concernant
la conduite des enquêtes, les Membres doivent publier un ou plusieurs rapports détaillés exposant les
constatations et les conclusions motivées auxquelles ils sont arrivés sur tous les points de fait et de droit
pertinents, dans lesquels ils doivent notamment démontrer la pertinence des facteurs examinés.
En
particulier, dans ces rapports, les Membres doivent démontrer, en se fondant sur les éléments de preuve
versés au dossier, que les importations ont augmenté dans des quantités et à des conditions telles qu'elles ont
causé un dommage à la branche de production nationale et justifier la pertinence des renseignements sur
lesquels les conclusions sont fondées. Les rapports doivent aussi expliquer les raisons pour lesquelles il est
jugé nécessaire d'appliquer une mesure de sauvegarde, ainsi que la nature, le fonctionnement et la durée de la
mesure proposée, en mettant en évidence la relation entre ces éléments et le dommage et les perspectives
d'ajustement de la branche de production.
EXERCICES:
3.
Quelles sont les conditions et les circonstances factuelles fondamentales nécessaires pour qu'un Membre
puisse appliquer une mesure de sauvegarde?
4.
Qu'est-ce qu'un "dommage grave" et quels types de facteurs faut-il examiner pour déterminer si une
branche de production nationale subit ou est menacée de subir un dommage grave?
APPLICATION DE MESURES DE SAUVEGARDE PROVISOIRES ET
DÉFINITIVES
Article 2:1 de l'Accord sur les sauvegardes (Nation la plus favorisée)
"Des mesures de sauvegarde seront appliquées à un produit importé quelle qu'en soit la provenance."
Comme indiqué à l'article XIX du GATT de 1994, une mesure de sauvegarde est la suspension provisoire de
concessions ou d'obligations multilatérales. Cela signifie qu'elle affecte toutes les importations visées par ces
concessions ou obligations, c'est-à-dire que la mesure de sauvegarde, comme les concessions auxquelles elle
déroge, doit s'appliquer selon le principe de la nation la plus favorisée. Si tel a toujours été le cas en théorie,
rappelons que la plupart des mesures de la zone grise n'étaient pas appliquées au niveau multilatéral, mais au
niveau bilatéral ou d'une autre manière également limitée.
Afin de veiller à ce que la nature multilatérale
intrinsèque des mesures de sauvegarde soit respectée et que ces mesures soient appliquées conformément au
principe de la nation la plus favorisée, l'Accord sur les sauvegardes contient une prescription expresse à cet
effet. Ainsi, sous réserve de certaines exceptions (liées à la répartition des contingents et aux exportations des
Membres en développement), l'Accord prescrit que les mesures de sauvegarde doivent être appliquées à un
produit importé quelle qu'en soit la provenance.
MESURES DE SAUVEGARDE PROVISOIRES
Article 6 de l'Accord sur les sauvegardes – Mesures provisoires
"Dans des circonstances critiques où tout délai causerait un tort qu'il serait difficile de réparer, un Membre
pourra prendre une mesure de sauvegarde provisoire…"
L'Accord sur les sauvegardes autorise l'application d'une mesure de sauvegarde provisoire s'il a été déterminé
à titre préliminaire qu'il existe des éléments de preuve manifestes selon lesquels un accroissement des
importations a causé ou menace de causer un dommage grave.
L'application de mesures provisoires n'est
autorisée que dans des circonstances critiques où tout délai causerait un tort qu'il serait difficile de réparer.
Les mesures provisoires ne peuvent prendre la forme que d'une majoration des droits de douane (et non de
restrictions quantitatives ni d'autres formes), qui doivent être remboursés dans les moindres délais si la
détermination finale de l'existence d'un dommage et d'un lien de causalité est négative. Leur durée ne peut
dépasser 200 jours et doit être prise en considération dans le calcul de la durée totale maximale de toute
mesure définitive ultérieure.
MESURES DE SAUVEGARDE DÉFINITIVES
À la différence des mesures provisoires, les mesures de sauvegarde définitives ne sont pas limitées à certaines
formes particulières en vertu de l'Accord sur les sauvegardes. Les formes de mesures de sauvegarde les plus
fréquentes sont la majoration des droits de douane à un niveau supérieur au taux consolidé convenu dans le
cadre de l'OMC, les contingents (restrictions quantitatives) et les contingents tarifaires (qui consistent à
appliquer un certain taux de droit aux importations jusqu'à un certain volume, puis un taux de droit plus élevé
une fois ce volume dépassé).
D'autres types de mesures sont parfois appliqués, notamment des mesures
fondées sur un prix minimum et différents types de mesures reposant sur des licences d'importation.
NIVEAU DES MESURES DE SAUVEGARDE DÉFINITIVES
Article 5:1 de l'Accord sur les sauvegardes – niveau des mesures de sauvegarde
"Un Membre n'appliquera des mesures de sauvegarde que dans la mesure nécessaire pour prévenir ou
réparer un dommage grave et faciliter l'ajustement …"
Article 7:4 de l'Accord sur les sauvegardes - libéralisation progressive
"Afin de faciliter l'ajustement dans le cas où la durée prévue d'une mesure de sauvegarde […] dépasse un
an, le Membre qui applique ladite mesure la libéralisera progressivement, à intervalles réguliers, pendant la
période d'application …"
Le niveau d'une mesure de sauvegarde doit être adapté d'une manière ou d'une autre au degré de gravité du
dommage ou de la menace de dommage, ainsi qu'à la nécessité d'aider la branche de production nationale à
s'adapter aux nouvelles conditions de concurrence (en particulier au volume accru des importations). En outre,
si sa durée dépasse un an, la mesure doit être libéralisée progressivement. En ce sens, ces dispositions, tout
comme l'Accord sur les subventions dans son intégralité, reposent sur le principe que les accroissements des
importations visés par l'Accord sont généralement de nature structurelle, plutôt que provisoire, ce que reflète
le préambule de l'Accord, où il est reconnu "l'importance de l'ajustement structurel et la nécessité d'accroître
plutôt que de limiter la concurrence sur les marchés internationaux".
Dans cette optique, le principe d'une
mesure de sauvegarde est d'offrir un degré de protection adapté et décroissant à une branche de production
nationale pendant une période limitée. La branche de production doit profiter de cette période de protection
(décroissante) pour prendre toute mesure nécessaire à son adaptation à la nouvelle situation de concurrence.
Comment déterminer la "mesure nécessaire" pour prévenir ou réparer un dommage grave, ainsi que la durée
et le calendrier de libéralisation appropriés d'une mesure?
Ces questions ne sont évidemment pas simples,
d'autant que l'Accord sur les sauvegardes ne donne que peu d'orientations à ce sujet, et ce uniquement en ce
qui concerne une forme possible de mesure de sauvegarde: les restrictions quantitatives.
Pour les autres
types de mesures, la prescription la plus importante est que les autorités du Membre importateur doivent
publier une explication dûment motivée de la forme, du niveau, de la durée et du calendrier de libéralisation de
la mesure projetée, en mettant en évidence la relation entre cette mesure et la situation particulière de la
branche de production nationale en question.
RESTRICTIONS QUANTITATIVES
L'Accord sur les subventions dispose que, lorsqu'une restriction quantitative est appliquée, son niveau ne doit
pas, en principe, ramener les quantités importées au-dessous de la moyenne des trois dernières années
représentatives pour lesquelles des statistiques sont disponibles.
Si un niveau différent est jugé nécessaire
pour prévenir ou réparer un dommage grave, les autorités doivent fournir une justification claire de
l'application d'un tel niveau.
L'Accord sur les subventions contient en outre des règles relatives à la répartition des restrictions quantitatives
entre les pays exportateurs, les parts historiques devant généralement être respectées, sauf dans les cas où
certains Membres exportateurs sont responsables dans une mesure disproportionnée de l'accroissement des
importations totales. Cependant, les parts de contingent doivent dans tous les cas être équitables pour tous
les exportateurs.
LIBÉRALISATION PROGRESSIVE
L'Accord sur les sauvegardes contient une autre prescription destinée à éviter que les mesures de sauvegarde
ne deviennent un "mur rigide" de protection: l'obligation de libéraliser progressivement toute mesure dont la
durée dépasse un an. Dans la pratique, cela signifie que le niveau des contingents doit augmenter ou que le
niveau des droits de douane doit diminuer pendant la période d'application de la mesure (ou, dans le cas
d'autres formes de mesures, que celles-ci doivent être rendues progressivement moins restrictives pendant
leur période d'application). En outre, les mesures dont la durée dépasse trois ans doivent être réexaminées à
mi-parcours et, si nécessaire compte tenu des résultats de ce réexamen, doivent être retirées ou libéralisées
plus rapidement que prévu initialement.
Par ailleurs, il n'est permis aucun retour en arrière en ce qui concerne le niveau de protection dans les cas où
une mesure est prorogée au-delà de sa période d'application initiale (voir ci-dessous). La mesure prorogée ne
doit pas devenir plus restrictive qu'elle ne l'était à la fin de la période initiale et doit au contraire continuer
d'être libéralisée pendant la période de prorogation.
DURÉE D'UNE MESURE DE SAUVEGARDE DÉFINITIVE
Article 7 de l'Accord sur les sauvegardes – durée d'une mesure de sauvegarde.
Un Membre n'appliquera des mesures de sauvegarde que pendant la période nécessaire pour prévenir ou
réparer un dommage grave et faciliter l'ajustement [au maximum quatre ans à moins d'une prorogation, la
durée totale ne devant pas dépasser huit ans, y compris la période d'application de toute mesure provisoire].
L'un des grands problèmes des mesures de sauvegarde prises au titre de l'article XIX du GATT de 1947 était
que leur durée n'était soumise à aucune limitation particulière. Ainsi, dans certains cas, les mesures restaient
en vigueur pendant de nombreuses années, voire des décennies, devenant effectivement des formes de
protection quasi-permanentes.
Cela n'est plus possible aux termes de l'Accord sur les sauvegardes.
Au contraire, la durée initiale, la
prorogation et la réapplication de mesures sont soumises à des limites strictes.
En particulier, une mesure
quelle qu'elle soit ne peut être appliquée pendant plus de quatre ans sur la base d'une une enquête. Cette
période doit comprendre la période d'application de toute mesure provisoire.
PROROGATION D'UNE MESURE DE SAUVEGARDE DÉFINITIVE
Il est possible de prolonger la durée d'une mesure de sauvegarde au-delà de sa période d'application initiale.
Toute prorogation ne peut toutefois avoir lieu qu'à la suite d'un réexamen, à l'issue duquel les autorités
déterminent que la mesure continue d'être nécessaire pour prévenir ou réparer un dommage grave et qu'il
existe des éléments de preuve selon lesquels la branche de production nationale procède à des ajustements.
La durée maximale autorisée d'une prorogation est de quatre ans, la période d'application totale maximale
étant de huit ans.
APPLICATION D'UNE NOUVELLE MESURE DE SAUVEGARDE
Une fois qu'une mesure de sauvegarde initiale a expiré, il n'est pas possible d'appliquer immédiatement une
nouvelle mesure de sauvegarde au même produit sur la base d'une nouvelle enquête. En d'autres termes, il
n'est pas possible de proroger indéfiniment la protection en appliquant une série de mesures de sauvegarde
consécutives. De fait, un laps de temps obligatoire doit s'écouler entre l'application de mesures à un même
produit. En particulier (sauf pour les mesures de très courte durée), aucune nouvelle mesure de sauvegarde
ne peut être de nouveau appliquée à un produit pendant une période égale à la durée de la première mesure.
Ainsi, par exemple, si une mesure de sauvegarde est appliquée pendant quatre ans, le pays importateur doit
attendre quatre ans après l'expiration de cette mesure pour pouvoir appliquer une nouvelle mesure au même
produit.
COMPENSATION ET RÉTORSION
Article XIX:3 a) du GATT de 1994
"Si les Membres intéressés n'arrivent pas à un accord au sujet de [l'application de la mesure], […] il sera
loisible
aux
Membres
que
[cette
mesure]
léserai[t]
de
suspendre
[…]
[des]
concessions
[…]
substantiellement équivalentes…"
Article 8 de l'Accord sur les sauvegardes – Niveau de concessions et d'autres obligations
"Un Membre qui projette d'appliquer une mesure de sauvegarde ou qui cherche à en proroger une s'efforcera
de maintenir un niveau de concessions et d'autres obligations substantiellement équivalent à celui qui existe
en vertu du GATT de 1994 entre lui et les Membres exportateurs qui seraient affectés par cette mesure …" [y
compris en convenant d'une compensation commerciale, avec un droit de rétorsion s'il ne peut être convenu
d'aucune compensation.
Toutefois, ce droit ne peut être exercé pendant les trois premières années
d'application de la mesure, moyennant certaines conditions.]
Rappelons que, aux termes de l'article XIX du GATT de 1994, une mesure de sauvegarde est une suspension
provisoire de concessions ou d'obligations multilatérales et qu'elle doit être appliquée quelle que soit l'origine
des importations.
Elle affecte donc toutes les importations du produit considéré quelle qu'en soit l'origine,
c'est-à-dire selon le principe NPF. Conformément aux règles générales du GATT, et comme le prévoit d'ailleurs
l'article XIX lui-même, lorsqu'un Membre réduit ou élimine une concession négociée, il doit offrir une
compensation commerciale aux Membres exportateurs qui seraient affectés, de façon à préserver l'équilibre
général des droits et des obligations qui existe entre les Membres. En outre, lorsque aucun accord n'intervient
quant au niveau et aux autres conditions de la compensation, les Membres exportateurs affectés ont le droit de
prendre des mesures de rétorsion, c'est-à-dire qu'ils peuvent eux-mêmes suspendre des "concessions
substantiellement équivalentes" vis-à-vis du Membre qui applique la mesure de sauvegarde, et ce également
dans le but de préserver l'équilibre général des droits et des obligations entre les Membres. Ainsi, toutes les
mesures de sauvegarde devraient en principe entraîner l'obligation d'offrir une compensation aux exportateurs
affectés et donner à ces derniers le droit de prendre des mesures de rétorsion.
Pourtant,
la
pratique
observée
dans
le
cadre
du
GATT
de
1947
a
montré
que
la
clause
de
compensation/rétorsion de l'article XIX était l'une des grandes raisons pour lesquelles les parties contractantes
du GATT avaient recours à des mesures de la zone grise plutôt qu'à des mesures de sauvegarde au titre de
l'article XIX.
Par conséquent, les négociateurs du Cycle d'Uruguay ont introduit dans l'Accord sur les
sauvegardes des dispositions propres à assouplir la clause de compensation/rétorsion de l'article XIX.
En
particulier, bien qu'un Membre projetant d'appliquer une mesure de sauvegarde doive dans tous les cas
consulter les Membres exportateurs qui seraient affectés, ceux-ci ne peuvent souvent pas exercer
immédiatement leur droit de rétorsion si aucun accord n'intervient quant à la compensation. En particulier,
lorsque la constatation d'un accroissement des importations se fonde sur un accroissement en termes absolus
(et non seulement par rapport à la production nationale), les Membres exportateurs affectés ne peuvent
exercer leur droit de rétorsion pendant les trois premières années d'application de la mesure.
EXERCICES:
5.
Dans quelles circonstances et selon quelles règles une mesure de sauvegarde provisoire peut-elle être
appliquée?
6.
Un Membre peut-il appliquer des mesures de sauvegarde sur une base bilatérale ou sélective au titre de
l'Accord?
7.
Comment l'Accord sur les sauvegardes remplit-il son objectif consistant à faciliter les ajustements
structurels auxquels doit procéder la branche de production nationale pour s'adapter aux nouvelles
conditions de concurrence internationale?
8.
Un Membre qui applique une mesure de sauvegarde doit-il dans tous les cas offrir une compensation
commerciale aux Membres exportateurs affectés?
III.
TRAITEMENT SPÉCIAL ET DIFFÉRENCIÉ
INTRODUCTION
Au titre de l'Accord sur les sauvegardes, les Membres en développement reçoivent un traitement spécial et
différencié selon deux modes. Premièrement, lorsque les Membres en développement font l'objet de mesures
de sauvegarde prises par d'autres Membres, ils bénéficient d'une exemption concernant le volume de minimis
des importations. Deuxièmement, lorsque les Membres en développement appliquent eux-mêmes une mesure
de sauvegarde, ils sont autorisés à le faire pendant une période plus longue que les Membres développés et
sont assujettis à une période d'attente moins longue pour pouvoir appliquer à nouveau des mesures de
sauvegarde à un produit donné.
DISPOSITIONS CONCERNANT LES MEMBRES EN DÉVELOPPEMENT
SOUMIS À DES MESURES DE SAUVEGARDE – EXEMPTION DU NIVEAU DE
MINIMIS DES IMPORTATIONS
Lorsque le volume des exportations d'un Membre en développement est inférieur à un certain seuil, ces
exportations doivent être exemptées de la mesure de sauvegarde appliquée par un autre Membre.
En
particulier, la mesure ne peut en principe pas être appliquée à un Membre en développement dont la part du
volume total des importations du produit considéré ne dépasse pas trois pour cent. Il existe cependant une
exception à cette règle: si les exportations de tous les Membres en développement dont les exportations sont
individuellement inférieures au seuil de trois pour cent représentent collectivement plus de neuf pour cent des
importations totales, la mesure s'appliquera à toutes ces exportations. L'exemple simple ci-dessous illustre le
fonctionnement de ces dispositions. Dans chacun des cas de figure présentés, supposons que quatre Membres
en développement exportent le produit considéré vers le Membre qui applique la mesure de sauvegarde.
CAS DE FIGURE 1:
Membre en développement A: 2%; Membre en développement B: 1%; Membre en développement C: 3%;
Membre en développement D: 2%.
Aucun Membre en développement n'a une part individuelle de plus de 3%.
La part totale des Membres en
développement est de 8% (<9%). Tous les Membres en développement doivent être exemptés de la mesure.
CAS DE FIGURE 2:
Membre en développement A: 4%; Membre en développement B: 1%; Membre en développement C: 3%;
Membre en développement D: 3%.
Le Membre en développement A a une part individuelle supérieure à 3% et doit donc être soumis à la mesure.
La part totale des Membres en développement B, C et D est de 7% (<9%). Les Membres B, C et D doivent
être exemptés de la mesure.
CAS DE FIGURE 3:
Membre en développement A: 3%; Membre en développement B: 3%; Membre en développement C: 2%;
Membre en développement D: 2%.
Aucun Membre en développement n'a une part individuelle supérieure à 3%. Cependant, la part collective des
Membres en développement dans les importations totales est de A+B+C+D = 10% (>9%). Tous ces Membres
doivent donc être soumis à la mesure.
DISPOSITIONS CONCERNANT LES MEMBRES EN DÉVELOPPEMENT QUI
APPLIQUENT DES MESURES DE SAUVEGARDE
DURÉE DE LA PROROGATION DE MESURES
La durée maximale d'application initiale d'une mesure de sauvegarde est la même pour les Membres en
développement que pour les Membres développés (quatre ans).
En revanche, pour toute prorogation, les
Membres en développement bénéficient d'une période plus longue de deux ans que celle accordée aux
Membres développés.
Plus précisément, un Membre en développement qui applique une mesure peut
bénéficier d'une période de prorogation maximale de six ans, contre quatre pour les Membres développés.
Ainsi, assujetti aux mêmes prescriptions de fond et de procédure en matière d'enquêtes et de réexamens, un
Membre en développement peut maintenir une mesure de sauvegarde en vigueur pour une durée totale de dix
ans (contre huit ans au maximum pour un Membre développé).
NOUVELLE APPLICATION DE MESURES
Les règles relatives à la nouvelle application de mesures à un produit donné sont également plus souples pour
les Membres en développement.
En particulier, sauf pour les mesures de très courte durée, la période
d'attente à observer avant de pouvoir appliquer une nouvelle mesure à un produit donné est égale à la moitié
de la période d'application de la mesure initiale, à condition que la période d'attente soit d'au moins deux ans.
ACCORDS COMMERCIAUX RÉGIONAUX, PARALLÉLISME ET
TRAITEMENT NPF
Des questions sont fréquemment soulevées quant à l'application de mesures de sauvegarde entre partenaires
dans le cadre d'accords commerciaux régionaux (ACR). Ces questions sont étroitement liées à des questions
fondamentales (et non résolues à ce jour) ayant trait à l'interprétation de l'article XXIV du GATT de 1994. Il se
pose notamment la question du seuil permettant de déterminer si un tel accord couvre "l'essentiel des
échanges commerciaux" entre ses parties et, si tel est le cas, de l'obligation qui en résulte d'éliminer
différentes mesures restrictives pour le commerce.
En particulier, l'application de mesures de sauvegarde
entre parties à un ACR est-elle prohibée (en vertu de l'article XXIV) ou, au contraire, est-elle requise
(conformément au principe NPF inscrit à l'article XIX et à l'Accord sur les sauvegardes)?
Si ces questions fondamentales, n'ayant pas été traitées dans le cadre du règlement des différends, ne sont
toujours pas résolues, la question du "parallélisme" a été soulevée dans un certain nombre de différends
soumis à l'OMC au sujet de mesures de sauvegarde. Il s'agit en particulier de savoir si un Membre peut mener
une enquête en matière de sauvegardes (portant sur un accroissement des importations et l'existence d'un
dommage et d'un lien de causalité) en se fondant sur les importations totales du produit considéré en
provenance de toutes les sources (y compris de ses partenaires dans le cadre de l'ACR), puis exclure ses
partenaires dans le cadre de l'ACR de l'application de la mesure car il se serait engagé à ne pas appliquer de
mesures de sauvegarde à ses partenaires en vertu de l'ACR.
À ce sujet, l'Organe d'appel a invariablement décidé qu'un tel manque de parallélisme entre les importations
sur la base desquelles l'enquête a été menée et les conclusions en faveur de l'application d'une mesure de
sauvegarde ont été établies, d'une part, et les importations auxquelles s'applique la mesure, d'autre part,
n'était pas autorisé.
Pour être justifiée, une mesure ne peut exclure une partie des importations dont
l'accroissement a été constaté où qui ont causé le dommage constaté.
Il se pose toutefois une autre question à ce sujet, qui reste irrésolue à ce jour: l'article XXIV du GATT de 1994
autoriserait-il (ou peut-être même obligerait-il) un Membre menant une enquête en matière de sauvegardes à
ne prendre en considération que les importations en provenance de pays autres que ses partenaires dans le
cadre de l'ACR aux fins de son enquête et, s'il constatait de cette manière l'existence d'un accroissement des
importations, d'un dommage et d'un lien de causalité, à n'appliquer la mesure qu'aux importations visées par
l'enquête (c'est-à-dire en provenance de pays autres que les parties à l'ACR)?
EXERCICES:
9.
Quel traitement spécial et différencié l'Accord sur les sauvegardes prévoit-il pour les Membres en
développement qui appliquent des mesures de sauvegarde?
10.
Quel traitement spécial et différencié l'Accord sur les sauvegardes prévoit-il pour les Membres en
développement soumis à des mesures de sauvegarde par d'autres Membres?
IV.
SURVEILLANCE MULTILATÉRALE ET
INSTITUTIONS
Pour permettre une surveillance multilatérale de l'utilisation des mesures de sauvegarde, il a été institué
d'importantes obligations de notification ainsi qu'un Comité des sauvegardes chargé d'examiner les
notifications relatives aux sauvegardes et, d'une façon générale, de contrôler la mise en œuvre de l'Accord sur
les sauvegardes.
Les Membres sont tenus de notifier au Comité des sauvegardes les ouvertures d'enquête au sujet de l'existence
d'un dommage grave ou d'une menace de dommage grave, et les raisons de cette action; les constatations de
l'existence d'un dommage grave ou d'une menace de dommage grave causé par un accroissement des
importations;
et les décisions d'appliquer ou de proroger des mesures de sauvegarde.
Ces notifications
doivent contenir les renseignements pertinents sur lesquels sont fondées les décisions.
Toutefois, il est
important de noter que les Membres n'ont pas l'obligation de divulguer des renseignements confidentiels dans
leurs notifications.
Les Membres sont tenus, avant d'appliquer ou de proroger une mesure de sauvegarde, de ménager des
possibilités adéquates de consultation avec les Membres ayant des intérêts substantiels en tant qu'exportateurs
du produit.
Les objectifs de ces consultations doivent être, entre autres choses, d'examiner les
renseignements concernant les faits de la cause, d'échanger des vues sur les mesures projetées et d'arriver à
un accord sur le maintien d'un niveau de concessions et d'obligations substantiellement équivalent.
Les mesures provisoires doivent être notifiées avant d'être appliquées, et des consultations doivent commencer
immédiatement après que les mesures ont été appliquées.
Les résultats des consultations, les résultats des réexamens de milieu de période d'application des mesures, la
compensation et/ou la suspension de concessions doivent être notifiés immédiatement par le Membre concerné
au Conseil du commerce des marchandises, par l'intermédiaire du Comité des sauvegardes.
En outre, les Membres sont tenus de notifier au Comité des sauvegardes leurs législation et réglementations
ainsi que leurs procédures administratives internes en matière d'enquêtes et en ce qui concerne l'application de
mesures de sauvegardes. Les Membres qui n'ont pas de législation, de réglementations ou de procédures en la
matière doivent le signaler en présentant une notification "néant".
Les Membres ont par ailleurs le droit d'adresser des contre-notifications sur les lois et réglementations, actions
ou mesures en vigueur pertinentes d'autres Membres.
Lorsque l'Accord sur les sauvegardes est entré en vigueur, les Membres étaient tenus de notifier dans un
certain délai leurs mesures au titre de l'article XIX et leurs mesures de la zone grise existantes, et d'indiquer le
calendrier prévu pour l'élimination progressive de ces mesures.
(La date finale d'élimination de la dernière
mesure de ce type était à la fin de 1999.)
Le rôle du Comité est généralement de suivre (et de présenter à ce sujet un rapport au Conseil du commerce
des marchandises) la mise en œuvre et le fonctionnement de l'Accord, d'examiner les notifications des
Membres et de vérifier si les Membres ont respecté les dispositions procédurales de l'Accord pour l'application
des mesures de sauvegarde, d'aider les Membres dans leurs consultations et d'examiner les mesures de
rétorsion projetées.
Les consultations et le règlement des différends relevant de l'Accord sont assujettis aux règles horizontales de
règlement des différends de l'OMC, énoncées dans le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends. Il
n'existe aucune règle spéciale ou additionnelle en matière de règlement des différends pour ce qui est des
sauvegardes.
V.
RÉSUMÉ – SAUVEGARDES GÉNÉRALES
Une mesure de sauvegarde ne peut être appliquée que s'il est déterminé, lors d'une enquête menée
conformément aux règles énoncées à l'article XIX du GATT de 1994 et de l'Accord sur les sauvegardes, que
les importations d'un produit ont augmenté dans une mesure et à des conditions telles qu'elles causent ou
menacent de causer un dommage grave à la branche de production nationale de produits similaires ou
directement concurrents. Il doit par ailleurs être effectivement établi que l'accroissement des importations
était imprévu.
Les mesures de sauvegarde, qui consistent en la suspension provisoire de concessions multilatérales et
d'autres obligations, doivent en principe être appliquées à toutes les importations d'un produit, quelle qu'en
soit la source.
En d'autres termes, elles doivent être appliquées selon le principe NPF (sous réserve,
toutefois, de l'obligation de ne pas les appliquer aux Membres en développement dont les parts dans les
importations sont faibles).
Le principe du parallélisme doit être respecté, c'est-à-dire que l'application d'une mesure ne peut être limitée
à certaines importations sur la base d'une enquête et de conclusions ayant pris en considération toutes les
importations (sous réserve de l'exception visant les Membres en développement dont les parts dans les
importations sont faibles).
Les mesures de sauvegarde peuvent revêtir des formes très diverses, dont les plus fréquentes sont la
majoration des droits de douane au-dessus des taux consolidés, les contingents et les contingents tarifaires,
d'autres formes étant également possibles.
Le niveau d'une mesure de sauvegarde ne doit pas être plus restrictif que nécessaire pour prévenir ou
réparer un dommage grave et faciliter l'ajustement.
répartition des contingents.
Des règles spécifiques régissent le niveau et la
Pour toutes les formes de mesures de sauvegarde, les autorités du Membre
importateur doivent en justifier la forme et le niveau dans les rapports qu'elles publient et les notifications
qu'elles présentent à leur sujet.
Les mesures de sauvegarde dont la durée dépasse un an doivent être libéralisées progressivement pendant
leur période d'application. Si la durée d'une mesure est prorogée, celle-ci ne doit pas être plus restrictive
qu'elle ne l'était à la fin de la période d'application initiale et doit continuer d'être libéralisée pendant la
période de prorogation.
La durée des mesures de sauvegarde est soumise à des limites numériques. La période d'application initiale
ne peut dépasser quatre ans. Toute(s) prorogation(s) ne peu(ven)t dépasser une période additionnelle de
quatre ans au total (six ans dans le cas des mesures appliquées par les Membres en développement).
Hormis les mesures de très courte durée, aucune nouvelle mesure de sauvegarde ne peut être appliquée à
un produit avant qu'une période égale à la période d'application de la mesure précédente visant ce produit
ne se soit écoulée.
Un Membre appliquant une mesure de sauvegarde doit en principe offrir une compensation commerciale aux
Membres exportateurs affectés, faute de quoi ces derniers peuvent prendre des mesures de rétorsion
commerciale à son encontre, mais, dans nombre de cas, le droit de rétorsion ne peut être exercé pendant les
trois premières années d'application d'une mesure de sauvegarde.
Tous les Membres doivent notifier leurs législation et réglementation intérieures et/ou leurs procédures
internes concernant les enquêtes en matière de sauvegardes et les mesures de sauvegarde. S'ils n'ont pas
de législation, etc., en la matière, ils doivent présenter une notification "néant".
Les Membres qui engagent des actions en matière de sauvegardes doivent notifier:
l'ouverture d'une
enquête; la constatation de l'existence d'un dommage grave ou d'une menace de dommage grave causé(e)
par un accroissement des importations; la décision d'appliquer une mesure de sauvegarde; les résultats
des réexamens de milieu de période d'application des mesures; les résultats des consultations tenues avec
les Membres exportateurs affectés; ainsi que toute compensation ou rétorsion envisagée.
RÉPONSES PROPOSÉES:
1.
Pourquoi les négociateurs du Cycle d'Uruguay ont-ils estimé que l'article XIX du GATT ne
suffisait pas à lui seul à réglementer le recours aux mesures de sauvegarde (autrement dit,
pourquoi ont-ils jugé nécessaire de mettre au point un Accord sur les sauvegardes?
Avant le Cycle d'Uruguay, les mesures de sauvegarde étaient réglementées exclusivement par l'article
XIX du GATT de 1947. Entre autres choses, cet article disposait que les mesures de sauvegarde devaient
être appliquées strictement selon le principe NPF et qu'une compensation devait être offerte dans tous les
cas sous peine de rétorsion. En outre, l'article XIX ne donnait aucune orientation sur la manière dont les
Membres devaient établir qu'il était satisfait aux conditions requises pour l'application d'une mesure, et le
niveau et la durée des mesures n'étaient soumis à aucune limitation.
Par conséquent, il était
fréquemment recouru à des mesures "de la zone grise" (mesures restrictives pour le commerce
appliquées au niveau bilatéral ou plurilatéral), mesures qui, comme les mesures prises au titre de l'article
XIX , restaient généralement en vigueur pendant de longues périodes (dans certains cas, pendant des
décennies),.
Ainsi, les négociateurs ont décidé qu'il était nécessaire de mettre en place des règles
additionnelles pour rétablir un contrôle multilatéral sur les mesures de sauvegarde et pour veiller à ce que
ces mesures soient utilisées de manière à faciliter l'adaptation des branches de production aux nouvelles
conditions de concurrence internationale, plutôt que pour les tenir à l'abri de cette concurrence.
2.
Dans l'Accord sur les sauvegardes, comment les mesures de la zone grise et les mesures de
sauvegarde prises au titre de l'article XIX qui étaient en place lors de l'entrée en vigueur de
l'Accord ont-elles été traitées?
L'Accord sur les sauvegardes prescrivait l'élimination progressive de toutes les mesures de la zone grise
et des mesures prises au titre de l'article XIX qui étaient en place lors de son entrée en vigueur. Les
Membres ont dû notifier toutes leurs mesures de ce type dans un certain délai et les éliminer
progressivement selon un certain calendrier.
Les mesures préexistantes de ce type ne pouvaient être
maintenues au-delà du 31 décembre 1999.
En outre, l'Accord sur les sauvegardes prohibe désormais
strictement le recours à de telles mesures.
3.
Quelles sont les conditions et les circonstances factuelles fondamentales nécessaires pour
qu'un Membre puisse appliquer une mesure de sauvegarde?
Pour qu'un Membre puisse appliquer une mesure de sauvegarde, il doit y avoir un accroissement des
importations d'un produit, cet accroissement devant être soudain, récent et brutal et les importations en
question devant avoir lieu à des conditions de concurrence telles qu'elles causent ou menacent de causer
un dommage grave à la branche de production nationale de produits similaires ou directement
concurrents. De plus, l'accroissement des importations ne doit pas avoir été prévu lorsque le Membre
importateur a souscrit ses engagements multilatéraux (tels que la consolidation des droits de douane)
s'agissant du produit considéré. Il doit être démontré que toutes ces conditions sont remplies au moyen
d'une enquête menée par les autorités compétentes du Membre importateur.
4.
Qu'est-ce qu'un "dommage grave" et une "menace de dommage grave" et quels types de
facteurs faut-il examiner pour déterminer si une branche de production nationale subit ou est
menacée de subir un dommage grave?
Un dommage grave est défini comme étant une "dégradation générale notable de la situation d'une
branche de production nationale".
Une menace de dommage grave est l'imminence évidente d'un
dommage grave qui n'a pas encore eu lieu, qui doit être démontrée par les faits et non pas seulement sur
la base d'allégations, de conjectures ou de lointaines possibilités.
Pour déterminer si une branche de
production nationale subit ou est menacée de subir un dommage grave, l'autorité chargée de l'enquête
doit examiner tous les facteurs pertinents concernant la situation de la branche de production,
notamment la production, les ventes, l'emploi, l'utilisation de la capacité et les résultats financiers. Les
données relatives à ces indicateurs doivent être examinées sur une période suffisamment longue pour
que les tendances puissent être observées et la fin de la période considérée doit être très récente.
5.
Dans quelles circonstances et selon quelles règles une mesure de sauvegarde provisoire peutelle être appliquée?
Une mesure de sauvegarde provisoire ne peut être appliquée que dans des "circonstances critiques" où
tout délai dans l'application d'une mesure causerait un tort qu'il serait difficile de réparer. Il doit donc
être satisfait à des critères relativement rigoureux. L'autorité chargée de l'enquête doit déterminer à titre
préliminaire qu'il existe des éléments de preuve manifestes selon lesquels un accroissement des
importations a causé ou menace de causer un dommage grave. Une mesure provisoire ne peut prendre
la forme que d'une majoration des droits de douane, qui doivent être remboursés dans les moindres
délais en cas de détermination négative de l'existence d'un accroissement des importations, d'un
dommage et d'un lien de causalité.
La période d'application d'une mesure provisoire ne doit pas
dépasser 200 jours et doit être comptée pour une partie de la période d'application de toute mesure
définitive.
6.
Un Membre peut-il appliquer des mesures de sauvegarde sur une base bilatérale ou sélective
au titre de l'Accord?
Non. L'un des grands principes directeurs de l'Accord est que ces mesures doivent être appliquées de
façon non sélective, c'est-à-dire conformément au principe de la nation la plus favorisée ou "NPF".
(L'article 2:2 est ainsi libellé: "Des mesures de sauvegarde seront appliquées à un produit importé quelle
qu'en soit la provenance.") Ce principe est cependant soumis à l'obligation d'exempter de l'application
d'une mesure les Membres en développement dont la part dans les importations est faible.
7.
Comment l'Accord sur les sauvegardes remplit-il son objectif consistant à faciliter les
ajustements structurels auxquels doit procéder la branche de production nationale pour
s'adapter aux nouvelles conditions de concurrence internationale?
L'Accord sur les sauvegardes contient un certain nombre de règles visant à faire en sorte que les
branches de production qui bénéficient de la protection d'une mesure de sauvegarde procèdent à des
ajustements pour s'adapter aux nouvelles conditions de concurrence. Premièrement, l'application d'une
mesure de sauvegarde est limitée dans le temps. Deuxièmement, toute mesure de sauvegarde dont la
durée dépasse un an doit être libéralisée progressivement pendant sa période d'application, de sorte que
la branche de production soit de plus en plus exposée à la concurrence internationale pendant cette
période. Troisièmement, les mesures dont la durée dépasse trois ans doivent être réexaminées au milieu
de leur période d'application, l'objectif étant de déterminer si leur application reste nécessaire ou si elles
pourraient être libéralisées plus rapidement que prévu initialement.
Quatrièmement, une période
d'attente doit être observée entre la fin d'une mesure de sauvegarde et l'application d'une nouvelle
mesure au même produit. Prises ensemble, toutes ces prescriptions visent à assurer que la branche de
production mette à profit la période de protection pour se préparer à subir de plein fouet la concurrence
internationale.
8.
Un Membre qui applique une mesure de sauvegarde doit-il dans tous les cas offrir une
compensation commerciale aux Membres exportateurs affectés?
Dans la pratique, non, car dans nombre de cas, le droit des Membres affectés de prendre des mesures de
rétorsion en réponse à la mesure de sauvegarde d'un autre Membre est suspendu pendant les trois
premières années de l'application de cette dernière.
En particulier, le droit de rétorsion ne peut être
exercé pendant les trois premières années de l'application d'une mesure lorsque l'accroissement des
importations a lieu en termes absolus (et non relativement à la production nationale) et pour autant que
la mesure soit conforme aux dispositions de l'Accord sur les sauvegardes.
9.
Quel traitement spécial et différencié l'Accord sur les sauvegardes prévoit-il pour les Membres
en développement qui appliquent des mesures de sauvegarde?
Les Membres en développement qui appliquent des mesures de sauvegarde sont soumis aux mêmes
règles de procédure que les Membres développés en ce qui concerne les enquêtes, l'application initiale de
mesures et les réexamens. Ils peuvent toutefois proroger leurs mesures pendant une période plus longue
de deux ans que celle dont bénéficient les Membres développés, de sorte que la mesure de sauvegarde
d'un Membre en développement peut rester en vigueur pour une durée totale de dix ans. De plus, les
Membres en développement sont soumis à une période d'attente moins longue que les Membres
développés entre la fin d'une mesure de sauvegarde visant un produit et l'application d'une nouvelle
mesure de sauvegarde au même produit.
10.
Quel traitement spécial et différencié l'Accord sur les sauvegardes prévoit-il pour les Membres
en développement soumis à des mesures de sauvegarde par d'autres Membres?
Un Membre en développement exportateur doit être exclu de l'application d'une mesure de sauvegarde
par un autre Membre lorsque sa part dans les importations totales du Membre importateur ne dépasse
pas trois pour cent, sauf si les exportations de tous les Membres en développement dont les exportations
sont individuellement inférieures à ce seuil représentent collectivement plus de neuf pour cent des
importations totales.

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