Les facteurs environnementaux et le risque de la maladie d`Alzheimer.

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Les facteurs environnementaux et le risque de la maladie d`Alzheimer.
Les facteurs environnementaux et le risque de la maladie d’Alzheimer.
Les facteurs responsables de la maladie d’Alzheimer restent encore
largement énigmatiques. De façon générale, sa prévalence
augmente avec l’âge de la population et un certain nombre de
facteurs génétiques ont été identifiés comme favorables à son
apparition. Cependant, les analyses épidémiologiques montrent que
d’autres causes environnementales pourraient intervenir, tant dans
la précocité du déclenchement des processus pathogènes que dans
l’extension des symptômes. Deux études pratiquées dans une région
rurale de l’état de l’Utah aux Etats Unis (Cache County) envisagent
les répercussions de la maladie sur l’aidant naturel et l’exposition à
des pesticides.
Dans la première étude, 1 221 couples dont les conjoints étaient
âgés de 65 ans ou plus ont été examinés. Parmi ces couples, 255
sujets étaient atteints de la maladie d’Alzheimer : soit le mari (n =
125), soit la femme (n = 70), soit les deux (n = 30). L’âge moyen
des époux était de 75,7 + 5,9 ans, celui des épouses de 73,1 + 5,3
ans et la durée de mariage était de 48,9 + 11,5 ans. Le suivi de ces
couples a été assuré pendant une période moyenne de 3,3 années
jusqu’à un maximum d’environ 12 ans. L’analyse statistique a
conduit aux résultats suivants quant au risque de développer la
maladie d’Alzheimer :
Paramètres analysés
Corrélations avec le risque de maladie d’Alzheimer
0,03
Avoir un conjoint atteint
Présence des allèles apolipoprotéine E 4
< 0,001
Statut professionnel
0,70
Age
< 0,001
Le déclenchement de la maladie d’Alzheimer est clairement lié à
l’âge, à la présence de un ou plusieurs allèles APOE e4 et au fait
d’avoir un conjoint atteint de la maladie. Ainsi, le risque de
développer une démence est six fois plus important lorsque le
conjoint est atteint (hazard ratio = 6,01 ; IC à 95% = 2,23-16,17 ; p
= 0,001) et ce risque est plus marqué pour les hommes (hazard ratio
= 11,93 ; IC à 95% = 1,67-85,52 ; p = 0,01) que pour les femmes
(hazard ratio = 3,66 ; IC à 95% = 1,15-11,61 ; p = 0,03). Selon les
auteurs, cette relation serait liée à l’état de détresse psychique et à la
fatigue du conjoint « donneur de soins », qui manifeste souvent
aussi des signes de stress et de dépression. Cette étude confirme
l’importance du soutien à apporter aux personnes qui prennent en
charge une maladie aussi lourde que la démence d’Alzheimer,
d’autant plus qu’elle touche un proche.
Caractéristiques des sujets
La seconde étude, réalisée sur la même cohorte que celle utilisée
pour le travail précédent et par les mêmes auteurs, s’est penchée sur
les méfaits éventuels de l’exposition aux pesticides au sein d’une
population rurale. Les pesticides de la famille des organochlorés et
organophosphorés
inhibent
l’enzyme
acétylcholinestérase,
perturbant ainsi le fonctionnement du système nerveux. L’étude
visait à déterminer leur action sur la prévalence de la maladie
d’Alzheimer. Une population de 3 084 personnes, indemnes de
troubles cognitifs au départ, a été suivie et leur état de santé évalué
après 3, 7 et 10 ans. Parmi ces personnes, 572 ont déclaré avoir été
exposées à des pesticides pendant un temps moyen de 7,2 ans. Les
caractéristiques de cette population lors de l’inclusion dans l’étude
sont résumées dans le tableau ci-dessous :
Sujets non exposés
(n = 2 512)
Sujets exposés
Age (ans)
74,5 + 6,4
(n = 572)
74,1 + 6,4
Hommes, n (%)
906 (36,1)
502 (87,8)
APOE 4, n (%)
783 (31,2)
168 (29,4)
Années d’études
13,4 ± 2,8
13,8 ± 3,4
Score test mental au MMS
91,9 ± 5,8
91,3 ± 6,2
Dans cette cohorte, 316 personnes ont été exposées à des composés
pesticides de type organophosphorés, 256 à des organochlorés, 25 à
des carbamates et 28 à des bromures de méthyle. Au total, 500
personnes ont développé une démence au cours du suivi, dont 344
une maladie d’Alzheimer. Le risque de démence, toutes causes
confondues, était augmenté de 38% chez les personnes qui avaient
été exposées à des pesticides et plus particulièrement de 42%
(hazard ratio = 1,42 ; IC à 95% = 1,06-1,91) pour ce qui est de la
maladie d’Alzheimer. Le risque de maladie d’Alzheimer était
légèrement plus élevé après exposition à des composés
organophosphorés. Ainsi, non seulement les pesticides semblent
augmenter le risque de maladie de Parkinson, mais également le
risque de démence de type Alzheimer, ce qui confirme le potentiel
neurotoxique de ces molécules organiques très largement répandues
dans les régions agricoles.
Ces 2 études montrent bien l’importance des facteurs
environnementaux modifiables dans la survenue de certaines
formes de démences.
Philippe van den Bosch de Aguilar,
Université Catholique de Louvain, Louvain la Neuve
Norton MC, Smith KR, Østbye T, Tschanz JT, Corcoran C, Schwartz S, Piercy KW, Rabins PV, Steffens DC, Skoog I, Breitner JC, Welsh
-Bohmer KA. Greater risk of dementia when spouse has dementia ? The Cache County Study. J Am Geriatr Soc. 2010;58:895-900.
Hayden KM, Norton MC, Darcey D, Østbye T, Zandi PP, Breitner JCS, Welsh-Bohmer KA. Occupational exposure to pesticides
increases the risk of incident AD. The Cache County Study. Neurology. 2010 ;74:1524-1530.
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