Wilfrid BEAULIEU (1900-1979) Il naît à Lowell

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Wilfrid BEAULIEU (1900-1979) Il naît à Lowell
Wilfrid BEAULIEU (1900-1979)
Il naît à Lowell, Massachusetts le 16 octobre 1900 dans une famille qui
réintègre très tôt son Québec natal. Le jeune Wilfrid Beaulieu fait ses études
élémentaires à Trois-Pistoles et son cours classique au Séminaire de SaintAlphonse à Sainte-Anne-de-Beaupré, au Collège Bourget à Rigaud et au Collège Saint-Laurent à
Montréal.
À 21 ans, il fait ses débuts dans le journalisme au Devoir de Montréal où, pendant quatre ans,
il pourra observer de près ceux qui luttent farouchement pour préserver le français dans les
écoles de l’Ontario. En 1924, il rentre aux États-Unis où il devient tour à tour chef des nouvelles
à La Sentinelle (Woonsocket, Rhode Island), rédacteur à L’Étoile (Lowell, Massachusetts) et
rédacteur en chef à L’Opinion publique (Worcester, Massachusetts) jusqu’à la disparition de ce
journal en 1931.
Dans l’intervalle, il aura connu ce qu’il nomme « les honneurs » de l’excommunication pour
son rôle dans « l’Affaire de la Sentinelle » qui opposa, de 1923 à 1929, les défenseurs de
l’autonomie paroissiale aux tenants de la centralisation diocésaine.
Le 10 septembre 1931 paraît le premier numéro du journal qui allait être l’œuvre de sa vie,
Le Travailleur, ainsi nommé pour honorer la mémoire de Ferdinand Gagnon (1849-1886), le
fondateur du journalisme catholique de langue française en Nouvelle-Angleterre. Wilfrid
Beaulieu, sera, toute sa vie durant, le fidèle disciple de ce maître vénéré.
Dès le début, le propriétaire-éditeur-fondateur du nouvel hebdomadaire précise une ligne de
conduite jamais démentie. Le Travailleur sera un journal militant, voué à la défense de la foi
catholique, de la langue française et des traditions canadiennes-françaises et franco-américaines
en pays américain. Il sera aussi un journal d’idées visant l’élite plutôt que le peuple.
En quelques années, Le Travailleur parvient à attirer l’attention de la francophonie
internationale. Ainsi, en 1937, le Congrès international de l’Alliance française, à Paris, lui
octroie sa grande médaille d’argent pour le rôle qu’il joue dans la conservation de la langue et de
la culture françaises. En 1939, l’Académie française lui décerne sa Médaille Richelieu pour
reconnaître une rédaction impeccable et les efforts déployés pour propager la langue française
aux États-Unis. En 1946, il reçoit la Médaille de la Reconnaissance Française et l’année
suivante, l’Académie des Sciences morales et politiques de Paris lui accorde son Prix Audiffred
« à cause des documents de haute valeur historique » publiés dans Le Travailleur. En 1961, il est
nommé chevalier de la Légion d’honneur et en 1973, officier de l’Ordre national du Mérite.
L’Université du New Hampshire lui accorde un doctorat honoris causa en 1976.
En août 1941, Wilfrid Beaulieu épouse Oda McClure. Deux filles naîtront de ce mariage.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Wilfrid Beaulieu devient l’un des premiers gaullistes
aux États-Unis, publiant les textes du général de Gaulle et défendant un point de vue que peu
d’Américains comprennent. Il est vice-président du comité régional de France Forever et viceprésident de l’Alliance française de Worcester, Massachusetts.
Il fut 1’un des membres fondateurs, en 1947, du Comité d’Orientation franco-américaine,
mais il quitte très tôt cet organisme afin de garder son indépendance. En 1949, il devient membre
d’honneur de l’Association de la Presse de Langue française (Paris).
Pèlerin de l’absolu comme Léon Bloy qu’il rappelle par sa virulence et par sa capacité de
vocifération, Wilfrid Beaulieu a lutté pour la survivance (préservation de l’héritage catholique
francophone) et contre l’assimilation, avec la même fougue que Charles Maurras (dont il aimait
discourir) avait mise dans sa lutte acharnée pour l’ordre et contre le désordre. De fait, la
survivance fut pour Wilfrid Beaulieu une sorte d’absolu, à la poursuite duquel il voua toute sa
tempétueuse énergie pendant plus d’un demi-siècle. Son engagement dans cette cause fut total, et
sa carrière se résume à ceci : c’est la fidélité de toute une vie aux valeurs héritées de la NouvelleFrance : foi, langue et traditions.
Dans cette lutte, ses têtes de Turc furent surtout les Anglo-Américains et les IrlandoAméricains assimilateurs, certains chefs franco-américains qu’il estimait « lâcheurs » ou
« démissionnaires », et tous ceux, parmi les Franco-Américains, qui se laissaient angliciser ou
assimiler. S’assimiler pour Wilfrid Beaulieu était une infamie car c’était faillir à un devoir qu’il
jugeait inviolable : garder intact le patrimoine ancestral pour le transmettre, intact, aux
générations montantes. Cet engagement total laisse entrevoir à quel point il est enraciné dans le
Canada d’avant la Conquête de 1760 et dans la France d’avant 1789.
Imprégné d’un indéniable historisme, Wilfrid Beaulieu a fait œuvre d’historien de deux
façons. D’abord en publiant des textes ayant un intérêt historique dès leur parution, des textes qui
nous remémorent, par exemple, le culte que Wilfrid Beaulieu avait voué aux Patriotes québécois
qui s’étaient soulevés en 1837-1838 contre le gouvernement anglais, ou encore son culte de
Louis Riel. Ensuite en faisant de son journal le reflet de la vie intellectuelle et culturelle francoaméricaine tout au long de ses quarante-huit années d’existence, de 1931 à 1978.
Publiciste de l’histoire canadienne-française et franco-américaine, Wilfrid Beaulieu a aussi
contribué puissamment à faire rayonner la littérature franco-américaine en publiant les écrits de
collaborateurs de marque. De fait, c’est la fine fleur de l’intelligentsia d’ici qui se retrouve dans
les pages de ce journal, aussi bien que des collaborations de haute volée venues de France, du
Canada, d’un peu partout à travers la francophonie mondiale.
Assez paradoxalement, Wilfrid Beaulieu aura édifié une œuvre durable en exploitant à fond
un genre éphémère en son essence.
Wilfrid Beaulieu décède le 18 mai 1979 à Linwood, Massachusetts.
Armand CHARTIER
BIBLIOGRAPHIE
- Chartier, Armand. « Wilfrid Beaulieu : l’homme et l’œuvre ». Dans Claire Quintal, éd., Le
Journalisme de langue française aux États-Unis, Vie française. Revue trimestrielle. Québec :
Conseil de la Vie française en Amérique, 1984. p 50-80.
- Dion-Lévesque, Rosaire. Silhouettes franco-américaines. Manchester, NH : Publications de
l’Association canado-américaine, 1957. p 41-44.
- « Symposium sur la presse franco-américaine et sur Le Travailleur de Wilfrid Beaulieu »,
Boston Public Library, Boston, Massachusetts, 1982. Oda Beaulieu, dir. Publication de la Société
historique franco-américaine, 1983.
- La Collection Wilfrid Beaulieu (1900-1979) à la Boston Public Library contient les papiers de
Wilfrid Beaulieu. On y trouve de la correspondance entre Beaulieu et plusieurs écrivains
québécois et franco-américains dont Lionel Groulx, Rémi Tremblay, Ferdinand Gagnon, etc.,
ainsi que plus d’une centaine de manuscrits d’auteurs destinés aux pages du Travailleur.
- L’Institut français d’Assumption College possède une collection complète du journal
Le Travailleur.