Prévention et sexualité chez les personnes séropositives
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Prévention et sexualité chez les personnes séropositives
INFOTRAITEMENTS EST UNE PUBLICATION DE L’ASSOCIATION ACTIONS TRAITEMENTS 144 INFORMATION SOUTIEN SUPPORT infotraitements 1. Apparemment, dans certains centres les cliniciens ont changé le traitement dès que la charge virale est redevenue détectable. mensuel d’information sur les traitements du VIH/sida et des co-infections • janvier 2006 • no 143 • 3 EDITORIAL Pour 2006, une année très...“safe” ! TÉMOIGNAGES sommaire Prévention et sexualité chez les personnes séropositives : En se protégeant, on protège l’autre... 2 PRÉVENTION GAY Bareback et séro-triage... 8 SURCONTAMINATION Infections multiples, surinfections, virus recombinants… 9 PRÉVENTION Les campagnes ciblées de l’INPES 11 RUBRIQUE Lu, vu, entendu 12 NOUS CONTACTER 01 43676600 FAX 0 1 4 3 6 7 3 7 0 0 WEB http://www.actionstraitements.org E.MAIL a t @ a c t i o n s traitements.org LIGNE INFO VIH 0 1 4 3 6 7 par Eugène Rayess [email protected] n ce début d'année, il nous a paru important de faire le .point sur un sujet qui prend de plus en plus d'importance : *la prévention chez les personnes infectées par le VIH, en mettant à contribution le point de vue des lecteurs. Et cela, d'autant plus que ce sujet n'avait jamais été abordé dans InfoTraitements ; normal, diront certains, pour un journal qui fait de l'information sur les traitements. Et pourtant, ce sujet devrait aussi intéresser les personnes séropositives, pour plusieurs raisons : la surcontamination est une réalité, même si peu d'études sont disponibles à ce jour… La vie avec les traitements n'est pas simple, je ne vous apprends rien ; et le relâchement constaté dans les études publiées en 2004 et 2005 concerne aussi les personnes infectées, lié le plus souvent à une lassitude, à une volonté d'avoir une vie “normale”, sur tous les plans. L'autre explication de ce relâchement proviendrait aussi de l'efficacité des antirétroviraux, qui ont diminué la présence du virus chez les personnes séropositives. Certains en “profitent” pour avoir des relations non protégées. C'est un sujet plutôt tabou, mais c'est une réalité : la plupart des séropositifs, et plus particulièrement les gays, réservent de plus en plus leurs “prises de risques”, comme la sodomie sans préservatif, à des partenaires de même statut sérologique. Cette pratique, appelée “séro-triage”, présente pourtant des risques non négligeables, surtout avec la recrudescence des infections sexuellement transmissibles (syphilis, LGV, hépatites, blennorragies…) qui sont autant de nouvelles portes d’entrée pour le virus. Nous demeurons convaincus de l'importance de développer de nouvelles approches de prévention, en prenant appui sur une analyse réaliste des risques, à élaborer et partager par l'ensemble du milieu associatif. Dans ces nouvelles approches, la prise en compte de la séropositivité dans les messages de prévention apparaît aujourd'hui incontournable. Tout cela, bien sûr, sans consentir à baisser la vigilance sur les discriminations. Actions Traitements y a donc toute sa place. En ce début d'année, ne dérogeons pas à la règle : nous vous adressons nos meilleurs voeux ; et si les bonnes résolutions 2006 rimaient avec plus de prévention chez les séropos, cela pourrait nous permettre d'envisager l'avenir sous un jour plus favorable. E 0 0 0 0 I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 1 TÉMOIGNAGES Prévention et sexualité chez les personnes séropositives : En se protégeant, on protège l'autre… Dès les débuts de l'épidémie, la prévention concernant le VIH a mis l'accent sur la responsabilisation des individus, sans distinguer leur statut sérologique. Mais la protection n'est pas uniquement défensive et individualiste. Ainsi, pour les personnes séropositives, il s'agit d'abord de protéger l'autre tout en se protégeant soi-même. Les récentes affaires pénalisant la transmission du VIH ont peut - être aujourd'hui fait évoluer la question de la prévention, en brisant certains tabous entourant la sexualité des personnes séropositives. par Bernard Tessier [email protected] 2 E n effet, c'est probablement la peur de stigmatiser ce groupe qui a longtemps contribué à délaisser la prise en compte de leurs difficultés dans ce domaine, alors même que les études (1) montraient dès 1987 des pratiques de non-protection parmi des couples sérodifférents, repérées un peu plus tard dans tous les groupes de transmission. Puis, avec l'arrivée des trithérapies, le signalement de dysfonctionnements sexuels fut peu à peu reconnu. En 2002 le Rapport Delfraissy introduisait un chapitre sur la prévention et la sexualité chez les personnes atteintes. Après avoir reconnu 190, bd de Charonne 75020 Paris TEL 0143676600 FAX 0143673700 E.MAIL: [email protected] WEB: www.actions-traitements.org Directeur de la publication Jean-Marc Bithoun Rédacteurs en chef Odile Vergnoux, Eugène Rayess Coordinateur scientifique Odile Vergnoux Comité de rédaction Eugène Rayess, Odile Vergnoux, Jean-Marc Bithoun, Séverine Fouran, Frank Rodenbourg, Christian Christner, Bernard Tessier, Jeanne Kouamé, Gaëlle Bariche, Yves Béhar Chef d’édition Eugène Rayess Réalisation Actions Traitements I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 que la vie sexuelle pouvait être perturbée par l'impact des médicaments, le message des experts préconisait le dialogue entre l'équipe soignante et les patients. Il recommandait aux médecins d'aborder systématiquement la question de la sexualité avec leurs patients séropositifs. Mais parallèlement, “la performance” des trithérapies fait percevoir comme plus ou moins secondaire ce qui touche à la sexualité et à la prise de risques ; particulièrement en tant que partie intégrante de la prise en charge thérapeutique... Aujourd'hui la maladie change de visage : elle devient à dominante hétérosexuelle, de plus en plus féminine. On a pu constater que la revendication pour une relation sexuelle sans risque s'organise ; et que des réponses sont attendues. Il faut donc plus que jamais continuer à permettre aux personnes concernées de “dire” leur séropositivité dans une relation sexuelle ; et pour cela continuer à les soutenir en renforçant le dépistage, la protection face aux rejets. À ce sujet, les enquêtes répétées de Sida Info Service et même celle de 2005 confirment les attitudes de discrimination y compris dans la sphère de la vie privée (en 2005, un tiers des personnes ont été rejetées par un partenaire, et la moitié d'entre elles a renoncé à une relation sexuelle en raison de sa séropositivité ou ne l'a pas révélée lors d'un rapport occasionnel). C'est dans ce contexte que nous TÉMOIGNAGES agenda avions lancé dans le journal un appel à témoignages sur les pratiques de prévention et sur les questionnements et difficultés rencontrés au quotidien : seize lecteurs ont accepté de témoigner. Voici donc une synthèse de leurs points de vue. Il s'agit de onze hommes et cinq femmes. • Sur les seize témoins, treize d'entre eux vivent en couple : - neuf sont dans un couple sérodiscordant (six ont des rapports stables ; trois des rapports stables et aussi occasionnels), - quatre sont dans un couple séroconcordant, - et enfin trois vivent seuls. • L'orientation sexuelle est : - homosexuelle pour dix d'entre eux, - hétérosexuelle pour cinq - bisexuelle pour une personne. • Les âges se répartissent comme suit : - cinq témoins ont moins de 40 ans, - sept ont entre 40 et 50 ans, - quatre ont plus de 50 ans. - Enfin neuf habitent la région Parisienne et six la province (Est, Sud-Ouest, Sud-Est, Centre) Ils partagent une ancienneté importante dans la contamination, et donc un long parcours, avant et après l'apparition des traitements : quatre depuis moins de 10 ans, six entre 10 et 15 ans et six ont plus de 15 ans de vie avec leur thérapie antirétrovirale. Nous sommes partis des pratiques à risques constatées dès les années 1990, puis des dysfonctionnements sexuels reconnus dix ans plus tard avec les trithérapies, pour proposer cette enquête concernant la prévention et la séropositivité. Il s'agissait à partir d'entretiens non directifs de comprendre le parcours de chacun depuis la contamination. Nous avons échangé avec chaque témoin sur le rapport avec son partenaire (stable ou occasionnel), avec son entourage, avec le médecin ; puis sur les peurs, les prises de qualité de vie Réunions d’informations organisées par Actions Traitements et Sida Info Service, avec la collaboration du Kiosque Info Sida Réunions VIH et qualité de vie au Kiosque Info Sida 36, rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris (M° Saint-Paul) Jeudi 26 janvier 2006 à 19h La gestion des échecs thérapeutiques en 2006 • Concepts, • Stratégies, • Nouveaux Médicaments Il faut plus que jamais continuer à permettre aux gens concernés de “dire” leur séropositivité dans une relation sexuelle ; et pour cela continuer à les soutenir en renforçant le dépistage, la protection face aux rejets. risque, et les réponses en termes de prévention. Le compte-rendu qui suit est donc la présentation synthétisée de points de vue de lecteurs qui ont accepté de témoigner. Il n'est évidemment pas représentatif de l'ensemble des séropositifs. Enfin, la parole de personnes récemment contaminées nous a malheureusement fait défaut ! Un enjeu central : révéler ou maintenir le secret sur sa sérologie. Il y a un consensus pour “le dire” quand la relation devient sérieuse ; mais également pour ne pas l'aborder quand la relation est occasionnelle. La révélation est vécue comme “dure, particulièrement quand on 3 Avec Dr Roland Tubiana (Unité de Recherche Clinique VIH, Hôpital de la Pitié-Salpétrière) Pour tous renseignements, contacter Jeanne Kouamé au 01 43 67 20 60 démarre une relation amoureuse et… peut poser problème si l'annonce est faite avec maladresse”. Néanmoins, dans une relation qui n'est plus occasionnelle, le dire “c'est la première chose que je fais, ça évite d'aller plus loin…” ou alors “c'est dur, j'ai eu peur de l'affronter, mais au bout de quelques semaines, on s'est dit les choses”. Pour parler “on attend que les sentiments soient plus forts que le sexe !” ou “que la personne devienne importante pour moi… Il me faut des enjeux affectifs”. Si cette démarche est présentée à certains moments comme nécessaire, il est signalé qu'elle peut créer un malaise, une peur du rejet ; surtout avec un nouveau partenaire : Frédéric : “La peur prend le I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 par TÉMOIGNAGES contrôle de la libido, le dire crée un mouvement de retrait du partenaire… Lors de mouvements très intimes, les bouches se desserrent, les caresses diminuent”. Muriel : “J'avais tellement eu peur d'avoir contaminé mon partenaire que j'ai fini par lui dire, il a fallu attendre le résultat des tests… Le dire, c'est une chose, mais après il faut le vivre. Aujourd'hui, la peur de revivre ce parcours de révélation me rend inflexible sur le préservatif !” tenaires ActionsTraitements remercie, pour leur soutien à son action, les LABORATOIRES Abbott France Bœhringer Ingelheim Bristol - Myers Squibb Chiron France Gilead Glaxo Smith Kline Produits Roche Sanofi-Aventis INSTITUTIONS Direction Générale de la Santé INPES Ville de Paris (DASES) Si la parole circule mieux dans une relation stable, et contribue à l'adoption durable d'une protection “à deux”, l'adaptation au risque n'est jamais définitive. Elle s'accompagne fréquemment d'une peur de contaminer latente chez la personne séropositive qui semble inciter le couple à ASSOCIATIONS Sidaction entretenir et à poursuivre “un dialogue et la négociation”. Pierre : “J'ai eu envie de témoigner pour dire que c'est faisable. Celui qui est séropositif a plus de responsabilité, l'autre ne peut que recevoir, je me sens plus responsable et je me sentirais plus coupable si… Il faut qu'il y ait beaucoup de négociation, de dialogue… On sait ce qu'il faut faire au départ ; mais il y a des moments de lourdeur, de pesanteur…” Un atout plébiscité : le soutien de l'entourage On aura compris que prévention et séropositivité, pour faire bon ménage dans la durée, ont besoin de s'inscrire dans une relation de confiance, et dans un parcours où les peurs doivent pouvoir se dire. “J'ai besoin du couple, des amis, plus les années passent, plus je me rends compte de cette nécessité...” 4 mon agenda Journée Nationale Hépatites 21 janvier 2006 Une grande journée nationale d'information sur les hépatites B et C, avec des conférences-débats pour tous les professionnels de santé dans les 31 pôles de référence hépatites et des initiatives régionales pour le grand public Protéger son partenaire : une adaptation jamais acquise, même en couple ! --------- Plus d’informations sur le site : http://www.presstvnews.fr/ journee-hepatites/ I N F O T R A I T E M E N Là encore, la plupart de ceux qui ont témoigné (qu'ils vivent seuls, ou en couple séroconcordant ou sérodiscordant) ont insisté sur l'importance d'être soutenus par la famille en premier lieu ; mais aussi par l'entourage proche des amis. Cela revient donc à le dire à “ceux qui vous aiment” : Muriel : “Je suis heureuse de vivre en symbiose familiale, c'est primordial. Ma famille n'a jamais dramatisé et m'a toujours écoutée avec un discours positif.” Laurent : “Je suis en échec thérapeutique, j'ai la chance d'être dans une famille qui me soutient et comprend !” Christophe : “J'ai besoin du couple, des amis, plus les années passent, plus je me rends compte de cette nécessité. J'ai eu une période de relâchement, c'était un ensemble de choses …J'étais très seul, pas entouré.” Et quand le rejet ou les discriminations s'en mêlent, ce peut être parfois pire que la maladie : Roland : “Je suis exclu de ma famille avec la maladie, je vis le rejet et l'homophobie de la part de ma famille. La maladie n'est rien par rapport à l'exclusion d'une famille, c'est pire… J'ai refusé le silence… Mais si la personne est rejetée sans ressources, sans travail, comment exister ?” Françoise : “Mon frère et ma mère, ma seule famille, ont peur ; je subis ce jugement sur ma vie, ma mère l'a su avant que je lui dise, par rupture de confidentialité. Depuis que j'ai ma fille, j'assume, je ne regrette pas ma révélation, j'ai cette chose-là en moi à dire, quitte à me prendre des retours…” Enfin le souci de préserver sa famille peut l'emporter. Pour Frédéric, “j'ai refusé de le dire à mes parents, il m'était trop difficile de présenter ce VIH à des gens qui m'aiment.” Si treize des témoins sur seize vivent une relation de couple, T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 mon agenda TÉMOIGNAGES Groupes de parole pour les couples sérodifférents • Groupe de parole pour les couples hétérosexuels, les premiers lundis de chaque mois de 19h à 21h. animé par Annick Verret (conseillère conjugale et sexologue) • Groupe de parole pour les couples homosexuels, cela n'empêche pas la plupart de reconnaître que la prévention soutenue dans le temps “pose un problème, car on préfèrerait faire sans !”. Et sitôt ce constat fait, c'est “la peur de faire risquer” qui est évoquée. Pierre : “J'ai peur de lui faire risquer quelque chose, c'est peutêtre plus difficile pour moi. Je crains que le préservatif craque, je ne voudrais pas qu'il suive le même parcours que moi. Dans la mesure où l'on ne prend pas de risques, un certain équilibre est trouvé”. Dans la sérodiscordance (hétéro ou homosexuelle), il y a tout un contexte qui peut conduire l'un ou l'autre des partenaires à fragiliser la protection (désir de donner une preuve d'amour, souhait de relations sexuelles meilleures, fatigue dans la durée? Raisons difficiles à déterminer…) Anne-Claire : “Si je l'avais souhaité, mon époux (séronégatif) aurait accepté une relation non protégée. Il me l'a souvent proposé. J'ai refusé… Cela aurait été difficile à vivre. J'ai accepté ne pas avoir d'enfant, mais contaminer, certainement pas”. Ce témoin parlera de quelques frayeurs lors de ruptures de préservatif avec l'attente des résultats du test. Mais elle ignorait l'existence du traitement prophylactique post-exposition. Encore une fois, le poids de la responsabilité est souvent abordé par le partenaire séropositif dans les deuxièmes vendredi de chaque mois de 19h à 21h. animé par René-Paul Leraton (sexologue et “Si je l'avais souhaité, mon époux (séronégatif) aurait accepté une relation non protégée. Il me l'a souvent proposé. J'ai refusé…” le couple sérodiscordant : Christian : “C'est dur pour les couples sérodiscordants, au bout d'un moment ils sont tentés par le relâchement. J'ai eu cette discussion avec mon partenaire séronégatif pour lui rappeler qu'il avait beaucoup plus à perdre que moi. Je me sens un peu coupable de son relâchement, je ressens plus de responsabilité que lui, et si un jour il devenait séropositif, je m'en voudrais. Moi, je fais tout pour ne pas l'exposer ; et d'ailleurs, il sait que ça me stresse dans les relations”. Cette difficulté de maintenir à long terme l'utilisation du préservatif se retrouve auprès des quatre témoins aujourd'hui tous dans des couples séroconcordants, alors que l'un des partenaires au départ de leur vie à deux était séronégatif. Dans ces mêmes couples, le rapport au préservatif peut réactiver la peur de le voir craquer ; avec la perte d'érection et d'excitation dès son installation. À contrario, la contrainte du préservatif peut être transformée en cohabitation paisible qui peut même aller jusqu'au plaisir ou l'érotisation, particulièrement dans des rapports occasionnels : “Avec mes partenaires, je trouve coordinateur de la ligne Azur à Sida Info Service) --------LIEU : Kiosque Info Sida 36, rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris (M° Saint-Paul) que fréquemment certains auraient tendance à ne pas l'utiliser. L'utilisation du préservatif (fellation exceptée) est associée pour moi à l'excitation” (Yann). --------- Plus d’informations : 01 44 78 00 00 5 La prise de risques : entre peurs et désir Six témoins sur seize vivant en couple ne signalent pas de rapports occasionnels. Sept autres toujours en couple pratiquent ces rapports ; et trois personnes les vivent plus épisodiquement. Dans ces situations, la prise de risques est le plus souvent présentée du point zéro à minimale, calculée, voire limitée ou exercée entre séropositifs : Yann : “Je tends vers la prise de risque minimale, pas de pénétration sans préservatif, le tout préventif ne me gêne pas, il y a d'autres jeux, il faut de l'imagination. Je ne l'utilise pas pour la fellation, le risque est faible et cela me fait moins peur!” Christian : “J'ai eu des prises de risques parfois volontaires mais calculées. Il s'agissait d'une personne séropositive comme moi. Elle avait envie, on en a parlé, je ne courais pas énormément de risques” (cf. I N F O T R A I T E M E N T S - N ° N.B. Tous les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat. 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 TÉMOIGNAGES re Glossai (1) L'étude multicentrique européenne auprès de couples hétérosexuels discordants montrait en 1987 que la séropositivité affectait fortement la sexualité. À la suite du diagnostic, 43 % des personnes index étaient abstinentes et 47% ne se protégeaient pas. Et selon un bilan effectué en 1995 par Green ces principales tendances se retrouvaient dans tous les groupes de transmission. (2) Relapse : Relâchement de la prévention. article sur les surcontaminations) Laurent : “Avec mes partenaires, je pratique la fellation sans capote ; j'ai quand même assez peur, je ne suis plus du tout à l'aise dans les relations sexuelles; c'est quand même un traumatisme, mes résultats thérapeutiques sont catastrophiques. » Pour un témoin, le “relapse (2)” est associé à une période difficile de solitude et de déception affective: “J'ai eu parfois des rapports non protégés sans aller jusqu'à l'éjaculation, je me donne des limites…” Michel évoque un rapport au risque contrasté : “Avant la rencontre de mon ami, j'avais une sexualité débridée. L'annonce de ma séropositivité avait arrêté ma frénésie. On a essayé en vain de se protéger avec mon ami, mais il est devenu séropositif comme moi. Depuis quelque temps, j'avais envie à nouveau de rapports occasionnels, mon ami a accepté de les partager. Aujourd'hui, nous avons quelques rencontres par Internet ; on s'échange avant notre statut immunitaire ; moi je dis la vérité… Il y a forcément une part d'incertitude… C'est paradoxal, ça me fait peur et ça me libère”. (3) Bareback signifie «monter à cheval à cru », sans utiliser de selle. Terme apparu en Amérique du Nord dans les années 1990, la culture bareback fut interprétée initialement comme une résistance aux messages de la santé publique qui impose le sexe sécuritaire. (4) Docteur Catherine Breton, Psychiatre, Psychanalyste, Service du Professeur Bergman, Hôpital Lariboisière, Paris. 6 (5) SIDA INFO SERVICE : Tél : 0800 840 800 (6) Femidom® : Préservatif féminin. (7) Prévention secondaire : Attitude permettant de prévenir une nouvelle infection chez une personne déjà contaminée. Si Michel compare cette part d'incertitude à “une part du jeu”, il constate que la prise de risques fait partie de la vie (comme la roulette russe ou le saut à l'élastique…) Et, ambivalent, il l'accueille à la fois avec “peur et excitation”. En I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 “Je tends vers la prise de risque minimale, pas de pénétration sans préservatif, le tout préventif ne me gêne pas, il y a d'autres jeux...” revanche, ce même témoin dira que, sans connaissance du statut de son partenaire, il utilise le préservatif, voire se limitera à “pas grand-chose”. Ainsi, la peur n'empêche pas toujours la prise de risques. Ce serait d'ailleurs oublier le désir et la force de l'inconscient qu'il est impossible d'occulter dans ces situations. Nicolas n'a jamais surmonté ce qu'il appelle “sa difficulté d'identité et les erreurs commises vis-à-vis de lui durant son enfance”. Il constate qu'il y a “des forces beaucoup plus impérieuses qui poussent à prendre des risques… La force de l'inconscient est énorme, c'est bien pour cela que la prévention est si difficile”. Christophe : “Dans la prise de risque, l'état mental occulte la maladie, le mental est ailleurs, il n'y a pas d'explication rationnelle… On a tous des fantasmes, et le plaisir, c'est de les assumer… Mais alors, après c'est l'angoisse qui monte, le mental revient à la surface Et encore je dis cela alors que je ne prends pas de drogue et ne suis pas prêt à rentrer dans le jeu du bareback(3)”. Le Docteur Catherine Breton(4) a beaucoup réfléchi à la question de “la non-prévention” à partir de ses consultations, y compris avec des patients VIH, et constate : “Ce que j'entends de la non-prévention est multiple, mais ce qui est presque toujours évoqué est une contradiction entre la volonté consciente et l'agi”. Durant ses entretiens à l'hôpital, beaucoup de ses patients “découvrent qu'ils ne vont pas rencontrer un autre mais eux-mêmes et qu'on ne peut pas faire de prévention avec soimême... Et le sachant, certains me disent que parfois, ils peuvent utiliser un préservatif par la suite”. Muriel déplore la rareté des lieux d'écoute et de parole, car pour elle “certaines personnes vont mal”. Or le parcours avec le VIH exige un travail sur soi : “L'estime de soi est remise en cause, apprendre à s'aimer, c'est mieux se respecter et mieux respecter les autres”. À ce sujet, certains témoins évoquent l'intérêt de la thérapie qu'ils ont suivie ou poursuivent actuellement ; et même plus anciennement, l'apport du groupe de parole fréquenté au moment de la découverte de leur séropositivité, qui leur a redonné confiance “en entendant ce que les autres ont dit… et qui n'était pas plus facile”. Aujourd'hui, sur les pratiques à risque, Sida Info Service(5) a constitué un groupe de parole. TÉMOIGNAGES Quel regard des médecins ? Une fois sur deux, la sexualité et la prévention ne sont pas abordées au cours de la consultation de suivi médical. Peur du jugement, réponse évasive : “Je parle de ma libido, il reste très évasif, pas de réponse particulière ou laconique”. Ou alors : “Vous savez à partir d'un certain âge, tout le monde a un peu les mêmes soucis !” Pudeur évoquée particulièrement lorsque le patient est un homme et le médecin une femme, manque de temps ? Bref, il y a beaucoup de raisons pour ne pas parler de sa sexualité dans le cadre du parcours de soins. Trois fois (sur seize !) le médecin l'aborde plutôt avec des femmes ; et deux fois le patient en prend l'initiative. En outre le traitement des MST (Chlamydiae, condylomes, etc...) n'est même pas toujours un prétexte pour ouvrir un tel échange. Même si dans ce domaine le médecin n'a pas de formation particulière, son rôle souhaitable d'orientation vers un sexologue, un psychologue, par exemple, n'est pas mis en évidence par les personnes interviewées. On peut aussi dire que pour amorcer une telle démarche, le travail devrait se faire “à deux” ; et dans ce cas, c'est la relation traditionnelle entre patient et médecin qui est mise à l'épreuve. Des points de vue sur “prévention et séropositivité” Difficile à propos d'un tel sujet de témoigner sur soi sans souhaiter donner “son point de vue”. Six des témoins dont quatre sont des femmes s'expriment plus particulièrement pour : • Mettre en cause un discours des medias estimé “décalé” ; présentant des trithérapies qui marchent en minorant les discriminations, les effets secondaires et parfois les échecs. Bref en oubliant les malades, leurs témoignages, leur contexte de vie. En même temps exprimer une colère face à la montée des contaminations : une femme originaire d'Afrique subsaharienne vivant en France, faute de traitements dans son pays, trouve inacceptable que des jeunes se contaminent et commencent leur vie avec la maladie. • Rappeler l'inégalité des femmes face à la disponibilité des outils de prévention : diffusion restreinte du Femidom ®(6), recherche sur les microbicides insuffisante… • Dire la nécessité de prendre en compte la séropositivité dans les messages de prévention, car la durée des traitements et de la protection s'allonge et peut parfois peser. Si l'on craint moins aujourd'hui de stigmatiser en ciblant des personnes séropositives, c'est plutôt l'impact de tels messages qui est questionné, surtout quand “on veut oublier la maladie et vivre comme tout le monde !” • Revenir sur la responsabilité et préciser qu'en se protégeant, on protège l'autre. Ainsi la responsabilité individuelle devient d'emblée partagée et “à deux” … à condition qu'un minimum d'informations sur les risques, sur son statut immunitaire, soit échangé entre les partenaires : “L'individu n'est pas fait pour porter seul la responsabilité pour deux” confirme Françoise. Celle-ci appelle les séropositifs à plus de visibilité, y compris dans les medias. Pour elle, “ne pas le dire complique la vie et alimente les peurs” ; climat reconnu peu propice à la diminution des discriminations qui continuent à ne pas épargner la vie privée des séropositifs. Enfin, le souhait de voir toutes les associations de lutte contre le sida faire front pour élaborer un discours commun de prévention face aux risques et à leur analyse est très présent dans ces points de vue. entretiens individuels. Vos commentaires sur ce thème seront les bienvenus. Il paraissait essentiel, à partir d'une synthèse de ces expériences de montrer la complexité, la pluralité des parcours de prévention dans la séropositivité. En effet, il s'agit pour les personnes atteintes de continuer à diminuer les risques en tentant de ne pas compromettre leur vie affective. Il nous paraît important de mettre ces parcours en évidence, même si pendant de longues années la prévention dite “secondaire (7) ” auprès des personnes séropositives n'a pas été reconnue comme enjeu de prévention à part entière. Au final, on peut souligner deux défis à relever qui sont liés : faire reculer la stigmatisation qui empêche de dire sa séropositivité, et en même temps aider les personnes atteintes et leurs partenaires à maintenir tout au long de leur vie des pratiques destinées à “se protéger ensemble”. 7 “L'estime de soi est remise en cause, apprendre à s'aimer, c'est mieux se respecter et mieux respecter les autres...” Merci aux témoins qui forcément ne trouveront pas ici toute la richesse contenue dans les I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 PREVENTION GAY re Glossai Polémique dans la prévention gay : Bareback et séro-triage... (1) Bareback : signifie “monter à cheval à cru”, sans utiliser de selle. Terme apparu en Amérique du Nord dans les années 1990, la culture bareback fut interprétée initialement comme une résistance aux messages de la santé publique qui impose le sexe sécuritaire. Les derniers résultats de l'enquête « presse gay » montrent un net relâchement de la prévention dans le milieu homosexuel. Une des raisons pourrait provenir de cet espace de liberté et de tolérance qu'est Internet… par Eugène Rayess [email protected] (2) Séro-triage : le fait de chercher des partenaires sexuels du même statut sérologique que soi (2) IST : infections sexuellement transmissibles SOURCES : • Réduction des risques à San Francisco par Yves Lafontaine • La sexualité bareback : d'une culture de sexe à la réalité des prises de risque par Alain Leobon E liste 8 n effet, Internet, ce media en perpétuelle évolution, est devenu un espace où les communautés se retrouvent, et ceci d'autant plus que son côté anonyme aide à briser certains tabous… De plus, on y accède le plus souvent à partir d'un espace privé (son domicile), perçu comme plus sécuritaire au sens où le regard social environnant n'est pas là pour juger des intentions sexuelles. Cet accès facilité au plaisir sexuel, débouchant sur de vraies rencontres, ouvre la voie aux pratiques “bareback (1)”, le plus souvent recherchées et choisies en toute connaissance de cause entre “séropositifs adultes et consentants”. Mais ne jetons pas la pierre à ces sites de rencontre, ils sont là pour durer, et les études ont prouvé que les rapports non protégés ne sont pas systématiques, même sur certains sites ouvertement “bareback”. L'utilisation du préservatif est négociée, et la franchise quant au statut sérologique est même parfois une sécurité supplémentaire pour les personnes séroconcordantes. e.mail L’information thérapeutique en temps réel: le forum e.mail d’ActionsTraitements Il s’agit d’une liste de diffusion internet d’informations thérapeutiques sur le VIH et les hépatites venant de sources associatives, institutionnelles et industrielles du monde entier. Nous y diffusons aussi des comptes rendus des principales conférences médicales sur le sida et les hépatites. Une revue de presse scientifique hebdomadaire y est également disponible. Les textes diffusés sont soit en français, soit en anglais. Il est aussi possible pour les abonnés de contribuer à fournir des informations à la liste ou d’envoyer des demandes de renseignements auxquelles tous les abonnés sont susceptibles d’apporter des réponses. Cette liste est gratuite et ouverte à tous. Pour s’abonner, envoyer un message à : [email protected] I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 Il faut montrer que les personnes infectées par le VIH, malgré toute la lassitude qui peut exister et qui peut se comprendre après toutes ces années, restent conscientes de leur responsabilité face à la maladie… Nous sommes en fait en train de connaître une nouvelle ère dans la vie avec le VIH, celle où certains pratiquent le “sérotriage(2)”. Ces comportements se sont déjà développés outre atlantique, comme à San Francisco, où les derniers chiffres sanitaires laissent perplexes : en effet, si l'incidence du VIH commence à se tasser, les gonorrhées rectales et la syphilis ont augmenté, qui vont de pair avec l'augmentation des relations non protégées. Et c'est cela qui permettrait justement d'expliquer l'apparente contradiction entre l'augmentation des IST(3) et des comportements à risques, et l'incidence VIH qui reste stable dans cette région des Etats-Unis. Selon le rapport, les données comportementales soutiennent cette hypothèse. Bien qu'il y ait plus de gays ayant des rapports non protégés en 2003 par rapport à la période précédente, la fréquence des relations avec un partenaire de statut inconnu serait, elle, en diminution. Mais attention, nous ne faisons en aucun cas l'apologie du sérotriage, car à ce jeu là tout le monde est perdant : les personnes séropositives qui ont souffert de la discrimination se mettent à leur tour à discriminer les autres… Et ce n'est vraiment pas le moment, à l'heure où le relâchement se confirme, de montrer le mauvais exemple. Alors, sans entrer dans la polémique, nous sommes favorables à un discours commun face à ce dérapage de la prévention. Toutes les associations de lutte contre le sida doivent avoir le même langage (qui reste à élaborer) : Il faut montrer l'exemple, comme aux premières heures de l'épidémie, il faut que les personnes infectées par le VIH, malgré toute la lassitude compréhensible après toutes ces années, restent conscientes de leur responsabilité… Ne prenons pas de risques, et n'en faisons pas courir aux autres ! SURCONTAMINATION ligne info traitements Infections multiples, surinfections, virus recombinants… 4367 01 0000 C’est la ligne d’information sur les traitements de l’infection à VIH, qui fonctionne du lundi au vendredi de 15 h à 18 h. Le sujet est complexe, et fait l'objet de beaucoup de questionnements chez les scientifiques et les personnes atteintes : y a t-il un risque réel, important, de contracter une deuxième infection à VIH, lorsqu'on est déjà contaminé ? La surinfection, ou surcontamination, doit-elle être redoutée ? Est-il obligatoire d'utiliser des préservatifs au cours de relations sexuelles entre deux partenaires séropositifs ? par Odile Vergnoux [email protected] I l n'est pas facile de fournir une réponse claire à cette question, car les cas de surinfection décrits dans la littérature médicale, s'ils existent, ne sont pas très fréquents. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils ne soient pas nettement plus fréquents dans la réalité, mais témoigne plutôt sans doute de la difficulté à les identifier. Il faut pour cela mettre en évidence dans la population virale hébergée par un individu (à partir de la charge virale circulante) deux virus VIH génétiquement différents témoignant à coup sûr de deux sources de contamination différentes. Cette identification se fait à partir de l'analyse de tout ou partie des séquences du patrimoine génétique viral. Or il est fréquent que l'un des virus, en raison de sa virulence, prenne le pas sur l'autre qui circule en quantité insuffisante pour pouvoir être repéré par les tests classiques. Le virus VIH comprend deux Des milliards de particules virales naissent tous les jours, et le virus mute en permanence, à raison d'une mutation sur son matériel génétique par cycle de multiplication. types, VIH-1 et VIH-2. Le second est essentiellement cantonné à l'Afrique de l'Ouest et sa virulence est moindre : le plus souvent l'infection est peu évolutive, moins transmissible entre partenaires ainsi que de la mère à l'enfant. Parmi le VIH-1, il existe trois groupes, dont le groupe M (“majoritaire”) est de loin le plus représenté dans le monde. Le groupe M est luimême subdivisé en de nombreux sous-types, portant les lettres majuscules de l'alphabet, de A à K. En Europe de l'Ouest, le soustype B est le plus répandu, mais la fréquence de sous-types non B augmente, en particulier en France. Mutation permanente Le virus VIH est considéré comme le plus variable des agents viraux à l'origine d'une maladie humaine. Cela est dû à 9 un haut niveau de réplication et de production virale chez une personne ne recevant pas un traitement efficace : des milliards de particules virales naissent tous les jours, et le virus mute en permanence, à raison d'une mutation sur son matériel génétique par cycle de multiplication. Il paraît maintenant évident que dans un environnement “favorable” (contacts sexuels multiples entre partenaires n'ayant pas une charge virale contrôlée), des possibilités d'infection insoupçonnées il y a quelques années existent : infection simultanée par plusieurs virus génétiquement différents, infections séquentielles dans le temps, et par ailleurs formation de virus nouveaux par recombinaison du matériel génétique de deux virus différents, co-existants chez la I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 SURCONTAMINATION Mes triple’asir... à même personne. Ce dernier phénomène avait déjà été explicité l'an dernier au congrès de Bangkok, il a récemment fait la “une” (première séance plénière) au congrès européen de Dublin. Les virus recombinants, appelés CRF (Circulating Recombinant Form) sont maintenant reconnus comme un phénomène majeur, avec vingt et une formes identifiées dans quatre grandes cohortes africaines, à côté des neuf soustypes connus de longue date pour le VIH-1 du groupe M (majoritaire). Des idées reçues tenaces Bien qu'il apparaisse que prévention et discriminations ne fassent pas bon ménage, les idées reçues à propos des modes de contamination par le VIH restent tenaces. Lors des manifestations du 1er décembre organisées avec Sidaction, nous sommes intervenus avec Le Kiosque auprès d'étudiants à l'université de Saint-Denis. Un quiz distribué avant l'intervention a permis d'exploiter 45 réponses. Ces chiffres, non statistiquement représentatifs, confortent ceux déjà publiés par l'enquête ANRS. 20% des répondants pensent qu'il est risqué de boire ou manger dans la même assiette qu'un séropositif, 20% pensent qu'on s'expose au VIH en embrassant avec la langue, 22% en se faisant piquer par des moustiques. Il ne semble pas vain de rappeler que ces trois actions ne présentent pas de risque. À l'inverse, près de 25% des répondants pensent qu'utiliser le rasoir, ou la brosse à dents d'une personne séropositive est sans risque, alors que c'est faux. 13,33% des réponses indiquent faussement qu'une fellation ou un cunnilingus sans préservatif ne présente aucun risque. Une question a divisé l'assistance à part égale : 49% pensant qu'il existe un risque de contamination de l'animal à l'homme par griffure ou morsure !!! Comment de tels résultats sont - ils encore possibles après tant d'années de prévention et de lutte ? Pourtant ils sont là et, bien que décourageants, ils nous poussent à continuer d'agir sans relâche. Vingt ans après le début de l'épidémie, saisir toutes les occasions d'en parler, d'informer, de dialoguer, de réfuter les idées fausses autour de soi reste indispensable. Inquiétant ? Ces réponses émanent d'étudiants en Sciences de l'Education, les enseignants de demain… 10 Souches recombinantes Les études de ces cohortes africaines montrent une augmentation des infections multiples et d'infections à virus recombinants dans le temps, chez les personnes très exposées au risque de contamination. Dans certaines régions du monde, les souches recombinantes sont devenues de loin prépondérantes dans l'infection à VIH. Ces résultats ne sont certes pas directement transposables chez nous, où les sous-types de virus les plus fréquents ne sont pas les mêmes, et où beaucoup de personnes atteintes reçoivent un traitement permettant de réduire fortement ou de rendre indétectable la charge virale, réduisant de façon importante le risque de contamination. Mais ils doivent éveiller l'attention et même susciter l'inquiétude. On connaît en fait peu de choses sur les facteurs qui favorisent la transmission, hormis l'importance du niveau de charge virale. Il est bien connu qu'un niveau de charge virale élevé favorise la transmission (par exemple de la mère à l'enfant au cours de la grossesse et l'accouchement, ou entre partenaires sexuels dont l'un est à un stade où la charge virale est très élevée, tel que pendant la primo-infection ou à un stade terminal de l'infection). On sait aussi que dans les couples stables sérodiscordants n'ayant pas de relations protégées, un très faible niveau de charge Séverine Fouran I N F O T R A I T E M E N T S - N ° 1 4 4 - J A N V I E R - 2 0 0 6 virale diminue fortement le risque de transmission du virus. Surcontamination Mais on peut très bien imaginer des situations, dans le contexte de relâchement actuel de la prévention, où deux partenaires séropositifs ayant une charge virale notable, par exemple non traités ou traités de façon peu efficace, courraient le risque de se surcontaminer en cas de relations sexuelles non protégées. Différentes situations peuvent alors se produire : soit les deux virus persistent et sont détectables ; soit le virus le plus “faible” est éliminé (au moins virtuellement, car il est probablement stocké dans mettre en évidence que cette personne avait été contaminée, en 2002, par un autre virus de sous-type B différent du virus original, sans que cette deuxième infection se soit accompagnée d'une augmentation de la charge virale ni d'une chute des CD4. Dans ce cas, la réinfection par un virus de sous-type génétiquement proche du premier ne s'est pas manifestée par des signes d'infection aiguë, alors que la troisième infection par un virus très différent a été très “parlante” en termes de symptômes. Par ailleurs une recombinaison entre les deux virus de sous-type B a également été mise en évidence chez cette personne. Dans les couples stables sérodiscordants n'ayant pas de relations protégées, un très faible niveau de charge virale diminue fortement le risque de transmission du virus. l'organisme), avec le risque que le nouveau virus soit plus virulent que l'ancien, ou porteur par exemple de résistances multiples aux médicaments ; soit un virus recombinant est généré, et il prend le pas sur les deux virus d'origine ; soit plusieurs virus recombinants sont générés dans des proportions variables et plus ou moins stables au cours du temps. Au congrès européen de Dublin a été présenté un poster, ayant pour origine le laboratoire de Virologie renommé d'Amsterdam, et décrivant un cas de triple infection chez un homosexuel hollandais, ayant des pratiques sexuelles non protégées. Il s'agit d'un homme dont la séropositivité avait été découverte en 2001, avec un virus de sous-type B. En 2003, à l'occasion de symptômes évoquant une “nouvelle primoinfection”, est découverte une charge virale extrêmement élevée, une importante chute des CD4, et l'existence d'un nouveau virus, une forme recombinante AE, qui domine rapidement la population virale. L'analyse des échantillons de plasma stockés dans l'intervalle a permis de Des pratiques à risques Il faut voir la situation avec réalisme : au fur et à mesure que les techniques de virologie deviennent plus performantes, et dans la mesure où se propagent de nouveau des pratiques sexuelles délibérément à risque chez des personnes ignorant ou voulant ignorer leur statut VIH, l'importance de leur charge virale et le risque de contamination qu'elles font prendre à autrui, et prennent pour elles-mêmes, un tel exemple sera loin d'être exceptionnel. Il faut en tenir compte pour adapter les messages de prévention, et la prise en charge thérapeutique bénéfique non seulement à l'échelon individuel peut avoir aussi un but collectif, pour diminuer la propagation de l'épidémie et la circulation de formes recombinantes de virus, potentiellement plus agressives. Il est par ailleurs vraisemblable que tout cela ne fera que compliquer la recherche vaccinale, déjà extrêmement difficile étant donné la variabilité génétique intrinsèque du virus. PREVENTION . Rencontre avec Stéphane Delaunay, chargé de communication pour les programmes VIH de l’INPES Les campagnes ciblées de l’INPES L'Institut National de Prévention et d'Éducation pour la Santé conduit des programmes qui s'inscrivent dans le cadre plus général des politiques de santé publique, et développe une expertise propre dans le champ de la promotion de la santé. Le fonctionnement de l'Institut s'organise autour de programmes établis en fonction des grandes priorités de santé publique définies par le Ministère de la Santé. propos recueillis par Bernard Tessier et Eugène Rayess [email protected] & [email protected] Cotisation annuelle : actuelle montre ses limites et l'on est en phase de réflexion. Il y a trois types de publics prioritaires dans la lutte contre le sida : les jeunes, les 23 € Elle vous permet de participer à la vie de l’association, aux séminaires qu’elle organise régulièrement, vous donne accès aux services exclusifs comme la consultation par e-mail d’une revue de presse spécialisée internationale, et vous donne le droit de voter à son assemblée générale annuelle. migrants, les gays. Et, au sein de cette communauté, il y a un vrai retour à la vie sexuelle des personnes atteintes. Concernant le VIH, le dispositif global que nous avons prévu comprend notamment pour 2005-2006 : • des campagnes d'affichage “grand public” contre les discriminations (affichage Abribus) et concernant l'acceptation de la personne atteinte par son entourage, • des affiches sur les coinfections avec l'hépatite B et LGV / Syphilis / Condylomes / Gonococcies seront disponibles également sur Internet et sur les sites de rencontres, • des fiches techniques concernant l'aide à la vie quotidienne avec le virus (nutrition, suivi du traitement, sexualité, observance…) Quatre fiches sont prévues en 2006 et quatre autres en 2007, destinées à tous les publics séropositifs (exceptée une pour le milieu gay), • en 2006, trois portraits destinés à faire témoigner des personnes séropositives qui ont eu, à un certain moment, des pratiques à risques et sont revenues à des comportements de prévention (10 minutes en court métrage). Ce sera une première dans un objectif de responsabilisation des personnes atteintes, • à destination des gays, deux romans-photos sont sortis en juin et contenaient 35 messages de prévention autour d'un récit d'une personne qui se fait contaminer et de celui d'une personne séropositive ; un troisième sortira en février 2006, • des cartes notamment sur la fellation, le traitement postexposition, l'adaptation des pratiques pour réduire les risques…etc. seront diffusées sur Internet et dans les lieux gays en partenariat avec le SNEG”. * Le site internet de l’INPES : www.inpes.sante.fr * Le site Internet d'information sur le VIH et les IST à destination des jeunes : www.protegetoi.org * Le roman-photo de prévention, site Internet : www.nous-tous.com * sitcom de 24 épisodes disponible sur Internet : www.e-vonne.com * Un site d’information spécifique : www.havefun.fr à MONTANT DU DON EN EUROS à CODE POSTAL à VILLE à NOM à E-MAIL (FACULTATIF) à PRÉNOM à TÉLÉPHONE (FACULTATIF) Vos dons sont aussi les bienvenus. Ils vous permettent de bénéficier d’une déduction d’impôt égale à 60% de leur montant annuel (un don de 100 €, par exemple, ne vous revient en fait qu’à 40 €) : une attestation fiscale vous sera adressée. à ADRESSE à DATE à SIGNATURE Veuillez compléter et détacher ce bulletin, et le renvoyer accompagné de votre règlement par chèque bancaire ou postal à l’ordre d’ActionsTraitements 190, bd de Charonne, 75020 Paris 11 Ces informations font l’objet d’un traitement informatisé et sont destinées aux membres du bureau d’ActionsTraitements ainsi qu’à son service comptable. Conformément à la loi Informatique et libertés, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification des données personnelles vous concernant : pour l’exercer, adressez-vous à ActionsTraitements, 190, bd de Charonne, 75020 Paris. adhésion R encontre a v e c Stéphane Delaunay, Chargé de Communication pour le Programme VIH, qui nous présente les actions prévues jusqu'en 2006 pour la prévention à destination de tout public, puis des gays et cette fois-ci (c'est quasiment une première !) à destination des personnes séropositives. Stéphane Delaunay : “L'Inpes travaille en étroite collaboration avec toutes les associations de lutte contre le sida, mais pendant longtemps, avec elles, nous n'avons pas ciblé les campagnes sur les personnes séropositives par crainte de faire reposer sur elles la prévention et de les stigmatiser. Il s'agissait d'un consensus autour du fondement de la prévention, basé sur la co-responsabilité des partenaires. Les seules campagnes qui ont eu lieu concernaient les discriminations. Aujourd'hui, on est un peu à une charnière ; la prévention “Pendant longtemps, nous n'avons pas ciblé les campagnes sur les personnes séropositives par crainte de faire reposer sur elles la prévention et de les stigmatiser...” lu, vu, entendu Création maquette : Eugène Rayess, Actions Traitements - Dépôt légal à parution ISSN 1251-8433 Commission paritaire 75281 Développer la “perception patient” avec l'étude OSKAR 12 Une étude observationnelle, centrée autour des perceptions par le patient de son traitement, vient d'être lancée par les laboratoires Abbott. L'observatoire OSKAR a pour objectif de développer et de valider un auto-questionnaire patient plus simple que les questionnaires existants principalement utilisés dans ce cadre de recherches. Ce nouvel outil, destiné à être utilisé dans la pratique médicale courante, permettrait d'enrichir la relation médecin-patient en intégrant l'évaluation de différents domaines qui dépassent le cadre de la qualité de vie et de l'observance au traitement, comme le ressenti qu'a le patient de ses symptômes, ainsi que la satisfaction qu'il peut exprimer quant au traitement qui lui est prescrit. Cette "perspective patient" est entendue comme englobant la perception de la tolérance, de la vie sociale, sexuelle, professionnelle et la qualité de vie par les personnes traitées. Cette étude s'intéresse à tout patient infecté par le VIH, traité par une association incluant Kaletra®. Une centaine de médecins dans toute la France participent à l'observatoire OSKAR. Le nombre de patients prévu est de 800, qui se répartissent en plusieurs groupes en fonction de l'ancienneté du traitement par Kaletra®. La phase de recrutement se poursuit encore pendant quelques semaines et les résultats seront présentés en 2007. Comme tout observatoire, cette étude est non interventionnelle, elle n'impose aucun examen complémentaire. Dans le VIH, la mesure des perceptions des patients en relation avec le traitement de la maladie prend d'autant plus d'importance que le traitement est chronique, et que les effets indésirables peuvent influencer l'observance du patient. En intégrant donc les perceptions du patient comme nouveau critère de décision, ou tout au moins de réflexion, le clinicien s'intéressera à une dimension plus personnelle et fondamentale pour le patient. C'est pour cela que cette étude intéresse les associations de patients, représentés au sein du conseil scientifique de cet observatoire par le TRT-5. Source : Franck Barbier (AIDES, TRT-5) Source : APM Les résistances aux antirétroviraux présentes chez 82% des enfants infectés par le VIH Constance Delaugerre, du laboratoire de virologie de l'hôpital Necker, et ses collègues ont mené une étude génotypique sur 125 enfants (72 garçons et 53 filles) suivis à l'hôpital et ayant déjà reçu des traitements antirétroviraux. Ces patients, qui possédaient tous une charge virale supérieure à 500 copies/ml, avaient été exposés à une médiane de 6,5 antirétroviraux sur une durée médiane de huit ans. Parmi ces enfants, 82% présentaient une résistance à au moins un antirétroviral. Les résistances aux abonnement Abonnement à InfoTraitements (11 numéros/an) : 30 € Demandeurs d’emploi, RMistes et étudiants (joindre justificatif): 16,80 € Résidents à l’étranger* : 36,60 € Abonnement de soutien : 46 € ou plus Abonnement Mail : 20 € U EA UV O N inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) étaient plus fréquentes que celles aux inhibiteurs nonnucléosidiques (INNTI) et aux inhibiteurs de protéase, avec des chiffres respectifs de 75%, 47% et 42%. Un quart des enfants (27%) présentaient une résistance à au moins un inhibiteur de chaque classe. Les chercheurs ont remarqué que ce facteur était associé à la prise d'un nombre élevé d'inhibiteurs de protéase. Rappelant que "lors d'un échec thérapeutique, il est recommandé d'utiliser les tests génotypiques de résistance pour optimiser le choix thérapeutique et éviter l'accumulation de résistances", ils ont estimé que "de nouveaux antirétroviraux [devaient] être rapidement disponibles pour un usage en pédiatrie". ! Demandeurs d’emploi, RMistes et étudiants (joindre justificatif): À fortes concentrations plasmatiques, Sustiva® augmente le risque de troubles psychologiques De hautes concentrations plasmatiques d'efavirenz (Sustiva®) augmentent le risque de troubles psychologiques, selon une étude parue dans Clinical Infectious Diseases. Felix Gutierrez, de l'hôpital général universitaire d'Alicante (Espagne), et ses collègues ont suivi pendant 18 mois 17 patients sous Sustiva®, molécule dont les troubles psychologiques (vertiges, troubles du sommeil, troubles du comportement) constituent un effet secondaire. Les chercheurs ont estimé que les patients dont la concentration plasmatique d'efavirenz était supérieure à 2,74 µg/ml avaient 5,68 fois plus de risques de connaître ces troubles. Dix patients présentaient des symptômes neuropsychiatriques, dont le plus courant était une perte de sommeil. Quatre d'entre eux ont dû interrompre Sustiva®, deux à la suite de dépressions, l'un en raison de sautes d'humeur et de pertes de concentration, tandis qu'un autre présentait des troubles obsessionnels. Selon des travaux antérieurs, l'efavirenz est efficace dès une concentration plasmatique de 1 µg/ml. Or chez les 17 patients, les concentrations étaient comprises entre 0,62 µg/ml et 12,59 µg/ml. "Il est possible, dans des cas particuliers, de réduire les doses afin d'empêcher les effets toxiques", ont suggéré les auteurs, qui se sont prononcés pour la surveillance de la concentration plasmatique chez les patients sous Sustiva®. Source : Clinical Infectious Diseases, vol.41, p.1648-1653 Premiers résultats positifs en phase II pour le brécanavir Le brécanavir, un nouvel inhibiteur de protéase (IP) développé par GlaxoSmithKline, a démontré son efficacité chez des patients infectés par le VIH, selon les résultats intermédiaires d'une étude de phase II présentés lors du dernier congrès américain d'infectiologie de l'ICAAC. Douglas Ward, infectiologue à Washington, et ses collègues ont présenté les données à 24 semaines d'une étude (prévue sur 48 semaines) menée sur 31 patients infectés par le VIH. Parmi ces personnes, toutes sous thérapie antirétrovirale, six présentaient des résistances à la classe des inhibiteurs de protéase. Le brécanavir, boosté par 200 mg de ritonavir (Norvir®), a été administré à raison de 600 mg par jour en deux prises journalières. Les patients prenaient en plus deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, pour la majorité Combivir® (zidovudine + lamivudine). Les chercheurs ont noté une baisse de charge virale aussi bien chez les patients sensibles aux IP que chez ceux qui étaient résistants, de respectivement 2,7 log10 copies/ml et 2,2 log 10 copies/ml. De même, 77% des patients présentaient une charge virale indétectable (inférieure à 50 copies/ml) à 24 semaines. Le brécanavir a entraîné également une bonne réponse immunologique, avec un gain médian de CD4 de 84 cellules/mm3. Les auteurs n'ont par ailleurs relevé aucun effet secondaire sérieux chez les patients. "Ces données précoces sont encourageantes et justifient le développement du brécanavir via des essais cliniques menés aussi bien chez des patients naïfs que chez des patients ayant déjà subi des traitements", a conclu Douglas Ward. La molécule fait actuellement l'objet d'un essai de phase IIb, ont indiqué les chercheurs. à NOM à E-MAIL (FACULTATIF) à PRÉNOM à TÉLÉPHONE (FACULTATIF) à ADRESSE à DATE Source : APM à SIGNATURE 11 € Vous recevez chaque mois dans votre boîte mail le journal au format PDF Veuillez compléter et détacher ce bulletin, et le renvoyer accompagné de votre règlement par chèque bancaire ou postal à l’ordre d’Actions Traitements, service abonnements, 190, bd de Charonne, 75020 Paris * uniquement mandat international ou virement bancaire à CODE POSTAL à VILLE Ces informations font l’objet d’un traitement informatisé et sont destinées aux membres du bureau d’ActionsTraitements ainsi qu’à son service comptable. Conformément à la loi Informatique et libertés, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification des données personnelles vous concernant : pour l’exercer, adressez-vous à ActionsTraitements, 190, bd de Charonne, 75020 Paris.