La petite fille aux allumettes

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La petite fille aux allumettes
La petite fille aux allumettes
Au-delà des mots : pages 136 et 140
C’était le dernier soir de l’année. Dans ce crépuscule glacé,
une petite fille pauvre marchait dans la rue, la tête et les
pieds nus. Sa peau était rouge et bleue de froid. Dans un
vieux tablier, elle portait toute une série d'allumettes et elle
en tenait un paquet dans sa main. Tout au long de la
journée, personne ne lui en avait acheté, personne ne lui
avait donné ne fût-ce qu'un franc. Affamée et tremblante,
elle avançait et se sentait très malheureuse.
Elle se demanda alors depuis combien de temps elle n’avait plus mangé. Elle
s'assit dans un coin, entre deux maisons, tout en serrant ses bras autour d’elle.
Elle souleva ses pieds et souffla son haleine sur un orteil raide sans que cela ne
l’aide beaucoup. Elle avait peur de rentrer à la maison parce qu’elle n'avait pas
vendu une seule allumette el qu’elle n’avait pas gagné d’argent.
Ses petites mains étaient devenues tout à fait raides de
froid. Ah ! Une allumette lui ferait certainement du bien ;
si elle osait seulement en sortir une de la boîte, pour
l'allumer contre une pierre et à réchauffer ses doigts !
Elle osa. L'allumette lança mille étincelles et brûla d'une
façon merveilleuse ! C’était une flamme chaude et claire.
Elle donnait une belle lumière que la petite fille entourait
de ses mains.
Le feu brûlait d'une telle chaleur
rayonnante que la petite rapprocha ses pieds pour les
réchauffer mais soudain la flamme s'éteignit. Sa main ne
tenait plus que le bout d'une allumette brûlée.
Elle en alluma une deuxième qui brilla d'une façon
encore plus claire et dont la lumière rendit le mur aussi
transparent qu'un voile. Et ensuite, ensuite elle put
même voir jusque dans la maison. Sur une longue table,
on avait étendu une nappe blanche, sur laquelle on avait
déposé un magnifique service en porcelaine, un grand plat plein de gâteaux, une
soucoupe en verre avec des raisins, des pommes, des poires et des ananas, un
chandelier d’argent muni de bougies vertes, une carafe de vin et un plat
immense. Dans celui-ci il y avait une oie rôtie, farcie de pommes et de prunes
séchées. Soudain, l’oie se redressa, elle sauta de la table et s’avança vers la
petite fille. Celle-ci s'accroupit et tendit les mains dans cette direction. On
entendit alors un craquement ! La petite fille s'effraya et lorsqu'elle regarda de
nouveau dans la direction de l’oie, l’allumette s’éteignit et il ne resta qu'un mur
épais et froid.
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Lecture : 4 année.
La petite fille aux allumettes ; novembre 2009 : page 24
Mais la fillette voulut revoir cette image
merveilleuse et elle alluma une troisième
allumette.
Et soudain, elle revit un éclat
merveilleux, qui devenait de plus en plus fort.
Elle se trouva devant le plus bel arbre de Noël
qu'elle n’eût jamais vu. Les bougies brillaient
vivement sur les branches vertes et on aurait dit
qu'il y en avait de plus en plus ; elle vit aussi les boules de couleur, rouges et
jaunes, d’or et d’argent, et de petits paquets qui pendaient également à l’arbre.
La petite fille aperçut aussi l’étoile qui brillait au sommet de l’arbre. Elle n'aurait
pas pu dire avec certitude si l’étoile était fixée à l’arbre ou si elle brillait dans le
lointain. Et plus elle y pensait, plus il lui semblait que l’étoile montait haut dons le
ciel. Elle voulut la retenir et tendit les mains vers elle. La lumière des bougies se
mit à monter de plus en plus haut jusqu'à se confondre avec les étoiles dans le
ciel ; l'une d’elles se mit à tomber en tirant derrière elle un chemin brillant dans le
ciel bleu foncé.
« Quelqu'un meurt en ce moment ! » dit la fillette, car sa grand-mère, qui était
morte, lui avait un jour raconté : « lorsqu'une étoile tombe sur la Terre, une âme
monte vers Dieu. » Tout était devenu sombre et froid autour d'elle. Mais la
petite fille ne le remarquait pas. Le souvenir de sa grand-mère ne la quittait plus
et il lui semblait qu'elle revivait le passé : elle était malade – sa grand-mère était
assise à son chevet ; elle ne parvenait pas à s'endormir – sa grand-mère lui
racontait une histoire ; elle pleurait – et sa grand-mère couvrait ses larmes de
baisers.
Alors, la petite fille alluma encore une allumette ; elle brillait d'une lumière claire ;
et au milieu de cette lumière, se tenait sa grand-mère, que l’on apercevait
nettement et qui riait affectueusement. Comme c’était joli ! « Grand-mère ! »
cria la petite fille. « Oh, emmène-moi ! J'ai tellement peur que tu ne t'en ailles
lorsque l’allumette s’éteindra. Reste près de moi, ne t'en va pas comme le feu,
l’oie rôtie et le bel arbre de Noël. »
Grand-mère ne prononça pas un seul mot, mais ses yeux brillaient de
contentement. Elle ouvrit les bras et s’approcha. La petite fille alluma alors une
allumette après l'autre, car elle ne voulait plus perdre sa grand-mère. Et les
allumettes répandaient une lumière tellement claire qu’on aurait dit que c’était le
jour ; la lune et les étoiles étaient devenues plus pâles.
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Lecture : 4 année.
La petite fille aux allumettes ; novembre 2009 : page 25
Maintenant, la grand-mère se trouvait
tout près. Elle était beaucoup plus
grande, plus jeune et plus belle que ce
que la petite fille n’avait jamais vu.
Avec précaution, elle prit la fillette
dans ses bras et, toutes joyeuses,
elles montèrent de plus en plus haut ;
la ville avec ses murs froids, la Terre
avec sa misère disparurent dans le
lointain tandis que là-haut, il n'y avait
ni froid, ni faim, ni peur. Elles étaient
arrivées ou royaume de la paix.
Le soleil de l'an nouveau se leva sur la
ville. Dans un coin, entre deux maisons, il y avait, le dos appuyé au mur, une
petite fille dont les joues étaient roses et qui avait un sourire heureux aux lèvres.
C'est ainsi qu’on trouva la petite – gelée au cours de la dernière nuit de l'année.
Elle était toute raide et devant elle il y avait une boîte d’allumettes brûlées.
« Elle a voulu se réchauffer ! » dit-on. Mais personne ne soupçonna les belles
choses qu'elle avait vues et avec quel éclat elle était montée au ciel avec sa
grand-mère.
[…] Hans Christian Andersen, La petite fille aux allumettes, Éditions Chantecler, 1988
Mots en italique et soulignés : vocabulaire à chercher dans le dictionnaire
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Lecture : 4 année.
La petite fille aux allumettes ; novembre 2009 : page 26

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