Le discours de Madame Janine Dumas

Transcription

Le discours de Madame Janine Dumas
Allocution de Madame Janine Dumas
Remise du prix Pierre-Dumas 2008
Mercredi 10 décembre – 15 heures
Monsieur le Chancelier,
Mesdames et Messieurs,
Très chers amis
Permettez-moi en tout premier lieu, Monsieur le chancelier, de vous dire
combien je suis sensible aux paroles encourageantes que vous avez eues à
l’égard de la Fondation Pierre Dumas, mais je crois devoir le souligner, la
fondation ne poursuit son objectif que grâce à votre bienveillante attention et
assistance, et qu’il me soit permis ici de vous en exprimer toute ma gratitude.
C’est pour moi, une fois de plus, un très grand honneur de vous présenter le
lauréat du Prix Pierre Dumas. Il revêt, cette année encore, un caractère tout
particulier. Vous nous avez rappelé les lauréats du Prix 2007, Livio Benedetti et
Christiane Meynet, qui nous fait l’amitié d’être ici. Depuis, Monsieur le
Chancelier, s’est créée spontanément une chaîne entre les lauréats des prix
Pierre Dumas, et des liens précieux et inestimables ne cessent de se créer et de
se développer.
Comme vous l’avez si justement commenté, le 26 février j’ai eu la joie de
faire la connaissance de Manon et de Carole, son admirable super-maman qui
élève seule ses trois enfants, Lora onze ans, Luka neuf ans, ses trois chats, ses
deux hamsters, ses poissons rouges, et bientôt un lapin. De ce jour, entre Manon
et moi, s’est instauré un échange de correspondance par internet. Elle m’écrit en
braille, son ordinateur iris me les traduit, et il lui traduit les miens - moyen de
communication virtuose et innovant pour moi.
À Chambéry, à la Fondation Pierre Dumas, Manon a trouvé, paraît-il, une
maison de famille, elle y vient passer des vacances seule ou avec sa sœur. Pour
agrémenter nos nombreuses activités, nous avons rendu visite à Livio Benedetti.
Dans son atelier, elle y a découvert, sous ses doigts appliqués, la copie du
buste de Pierre. Nous avons assisté à de nombreux concerts, et pour ne citer
qu’un, celui du Bel Air Chamber Orchestra de Renaud Capuçon, lauréat du Prix
2006. Elle peut, à présent, distinguer nettement le violon de Renaud, le
violoncelle de Gauthier, l’alto et la contre basse.
Afin de mieux faire la connaissance de Manon, je vous invite à visionner de
courts extraits d’un film qui lui est consacré. Il est en cours de préparation, et sa
réalisatrice, Mathilde Syre, qui n’a pu malheureusement se joindre à nous
aujourd’hui, a bien voulu, faire un montage à votre intention, et me le confier.
Qu’elle en soit ici chaleureusement remerciée.
Grâce à la délicatesse et à la sensibilité de Mathilde Syre, vous avez pu
découvrir la personnalité de Manon et vous conviendrez avec moi qu’elle n’est
pas une petite fille comme les autres et combien elle est attachante. Pour avoir
eu le privilège de partager son quotidien, je peux mesurer sa remarquable facilité
d’adaptation, comprendre sa détermination à devenir plus indépendante, et
mieux encore d’apprécier son désir de faire appel à un ami, un ami intime, un
chien guide pour l’accompagner sur le chemin qu’elle s’est tracé.
Par l’intervention de Christiane Meynet, le vœu de Manon est alors passé de
l’ombre à la lumière et la chaîne de liens dont je faisais mention a franchi cette
fois l’Atlantique pour atteindre le Canada grâce à l’association MIRA Europe.
Son président, Frédéric Gaillanne, envoie au Québec, depuis de nombreuses
années, des adolescents aveugles désireux d’obtenir un chien guide. MIRA
Canada, fondation unique au monde, créée en 1981 par un jeune québécois, Eric
Saint-Pierre, s’est spécialisée dans l’élevage des chiens guides et a concentré ses
efforts à l’amélioration des capacités fonctionnelles des enfants aveugles,
notamment la mobilité et l’orientation, afin qu’ils puissent se déplacer librement
dans leur milieu de vie.
De son côté, Frédéric Gaillanne, depuis trois ans, nourrit un rêve et frappe à
toutes les portes pour créer le premier centre européen analogue, et il sait de
quoi il parle car il a lui-même perdu la vue à la suite d’un accident de voiture à
l’âge de dix-neuf ans. Sur un terrain de 7 000 m2 qui lui appartenait, il veut
construire un centre de formation de chiens guides et un centre d’accueil et
d’hébergements, tous deux reliés par un parcours de mobilité et de sens
compensatoires. La première pierre vient d’être posée.
Pour diverses raisons, Manon n’a pas pu partir pendant les vacances de la
Toussaint au Canada, comme initialement prévu. Alors Frédéric Gaillanne une
fois de plus réagit, il bouscule le calendrier, bouscule l’architecte, bouscule les
artisans, la première pierre est posée le 4 octobre 2008. Frédéric calcule, gère,
planifie, décide : Manon aura son chien en juillet prochain et c’est à l’Isle-sur-laSorgue qu’elle le recevra. Mesdames et Messieurs, méfiez-vous des aveugles, ils
sont téméraires, marchent très vite et voient beaucoup plus loin que nous.
Vous aurez ressenti, comme moi, combien l’émotion est grande et parfois
insurmontable pour certains parents. Ce petit film à l’instant témoigne, s’il en est
besoin, de l’impérieuse nécessité de réaliser ce projet pour ces enfants, qu’ils
soient français, belges, italiens, espagnols, qu’ils aient dix ou dix-huit ans, qu’ils
soient mal ou non-voyants.
Mais vous le savez tous, ces fondations, ces associations ne vivent que de
dons et de subventions. Pour ce qui est des appels de dons pour le chien de
Manon, ils ont été entendus bien au-delà de nos pays de Savoie. Des dons
arrivent de Grenoble, Lyon, Paris, Marseille, de Suisse, de Guadeloupe. En
2009, deux concerts, un ballet sont organisés à son profit. À ces généreux
donateurs, dont certains sont ici présents, Manon et moi, du fond de notre cœur,
les remercions très chaleureusement.
Le 22 octobre dernier, cher Frédéric, accompagné de deux de vos
collaborateurs, vous êtes venu pour la première fois à Chambéry à la Fondation
Pierre Dumas. Vous y avez rencontré pour la première fois Christiane Meynet,
accompagnée de deux de ses administrateurs, et pour la première fois Manon,
accompagnée de sa maman, sa sœur et son frère. C’est ce jour là, et dans cette
maison, où la voix de Pierre Dumas résonne encore lorsqu’il affirmait que « tout
est possible à ceux qui savent conjuguer la volonté, la persévérance et l’union »,
que vous avez appris votre candidature, et le choix du jury de vous désigner
lauréat du prix Pierre Dumas 2008, pour votre projet d’un « centre pour
l’autonomie et la mobilité des enfants aveugles ».
Avec toute l’énergie que vous déployez, l’enthousiasme qui vous anime, votre
dévouement, votre générosité et votre détermination, nous sommes tous
confiants, qu’en juillet prochain, Manon et bien d’autres trouveront, grâce à
votre projet et à leur chien guide comme vous le dites si joliment « de la lumière
sous leurs pas».
Vos filles, Fanny et Charlotte, ici présentes, vos amis présents et futurs se
joignent à nous pour vous en remercier, vous encourager et vous féliciter. Cher
Frédéric, j’ai l’immense plaisir de vous remettre le diplôme de la Fondation
Pierre Dumas pour le Prix 2008, sa version en braille, et un chèque de 8 000
euros, compensé par une première contribution correspondant au montant des
chèques, encaissés à ce jour, des généreux donateurs pour l’acquisition d’un
chien pour les yeux de Manon.

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