fiche d`oeuvre Hamon - Musée des Beaux

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fiche d`oeuvre Hamon - Musée des Beaux
Fiche d’œuvre
19e
Jean-Louis Hamon, (Plouha, 1821 – Saint Raphaël, 1874)
L’escamoteur, quart d’heure de Rabelais, 1861
Huile sur toile, 149 x 310 cm
Nantes, Musée des Beaux-arts
L’œuvre
Deux œuvres se distinguent dans l’ensemble de la production de Jean-Louis Hamon, La Comédie
humaine, réalisée entre 1851 et 1852, conservée aujourd’hui au musée d’Orsay et son pendant,
L’Escamoteur ou Le quart d’heure de Rabelais, peint dix ans plus tard et acheté la même année par
le musée des Beaux-arts de Nantes au salon de Nantes.
Si La comédie humaine est réalisée en pleine apogée du mouvement Néo-Grec, son pendant nantais
correspond lui aux dernières heures du style qui a fini par lasser les critiques. Alors que d’autres
membres du groupe se tournent vers une peinture différente, Hamon affirme sa constante fidélité au
style Néo-Grec jusqu’à son départ en Italie en 1863.
• Un format hors du commun
Ces deux peintures se remarquent tout d’abord par leur format très horizontal et leurs dimensions
imposantes (149 x 310 cm).
Le tableau d’Orsay est la première œuvre ambitieuse que réalise Hamon. Le choix d’un format
traditionnellement réservé au genre historique laisse à penser qu’il mesure ainsi son talent à celui de
ses aînés et espère sans doute une acquisition de l’Etat. Hamon reprend plus tard ce même format
pour le tableau de Nantes.
• Un sujet anecdotique et moral
Concernant L’escamoteur et son sujet, les critiques du salon 1861 sont partagées : Théophile
Gautier, pourtant premier défenseur du style néo-grec, lui reproche son manque de clarté mais loue
«les détails amusants et curieux dans cette énigme qui nous impatiente et nous retient».
Dans L’escamoteur, les inspirations antiques, chères aux artistes néo-grecs, ne sont qu’un prétexte à
la représentation d’un sujet anecdotique et léger. Il s’agit d’une réflexion morale, traitée de manière
ironique, sur la sagesse et le divertissement.
Un homme, vêtu d’une tunique rouge et coiffé d’un bonnet, interpelle l’assistance. Il est placé devant
un attirail de potions et de poisons dont l’efficacité est attestée par les cadavres de rats suspendus
autour d’une affiche très explicite.
L’escamoteur distrait une assemblée de femmes et d’enfants en faisant apparaître un scarabée noir
sous un gobelet, pendant qu’une veille femme fait la quête en récoltant de l’argent dans son
Fiche d’œuvre / Service des Publics + Julie Capuano / Musée des Beaux-arts de Nantes / Octobre 2013
tambourin. Le titre du tableau prend ici tout son sens puisque « le quart d’heure de Rabelais »
signifie « l’heure de payer la note ».
Dans la moitié droite, un précepteur détourne les écoliers du spectacle du bonimenteur, des
philosophes dissertent, index levé, et un astrologue scrute le ciel avec une longue-vue improvisée.
Ce dernier personnage, à la barbe longue, n’est autre que Hamon lui-même.
• Des jeux anachroniques
Le mélange des genres est l’une des caractéristiques du style néo-grec. Le sujet d’histoire et la scène
de genre se mêlent bien souvent. Les détails empruntés à l’antiquité servent volontiers un sujet
léger.
Ici, Hamon mélange les époques. Ainsi, les drapés grecs des jeunes femmes cohabitent avec les
blouses d’écoliers du Second-Empire. A l’extrémité gauche du tableau, Minerve déesse de la sagesse,
représentée sous sa forme animale le hibou, domine et juge la scène.
Hamon utilise sa connaissance de l’antiquité pour porter un regard décalé et amusé sur la société
contemporaine.
• Une composition en frise
Hamon a choisi une composition en frise, qui accentue un peu plus l’horizontalité de ce grand
tableau. Tous les personnages sont alignés sur un seul plan. Le sens de lecture de gauche à droite
est dynamisé par plusieurs figures : celle de l’escamoteur, avec son corps courbé et son bras tendu,
sa vieille complice, tête tournée vers la droite, le précepteur et ses élèves avançant têtes baissées
vers la droite, et l’astrologue brandissant sa longue vue. Cet instrument dépasse de la frise de
personnages et équilibre la composition, faisant un contrepoint à l’étal du bonimenteur à l’extrême
gauche du tableau.
Ce choix de composition en frise est fréquent dans les œuvres néo-grecques. Il est inspiré des vases
antiques. Hamon a travaillé de 1849 à 1857 comme dessinateur à la manufacture de porcelaine de
Sèvres. Ses décors pour vases ont influencé ses peintures de chevalet.
L’artiste
1821 : Né en Bretagne dans les Côtes d’Armor, Hamon est confié enfant aux frères Lamennais. Il est
destiné à devenir prêtre. A l’âge de vingt ans, il quitte sa ville natale et se rend à Paris. Il
décide de se consacrer à la peinture et intègre l’école des Beaux-arts dans l’atelier de Paul
Delaroche (Paris, 1797- Paris, 1856), puis de Charles Gleyre (Chevilly, Suisse, 1806 – Paris,
1874). C’est alors qu’il rencontre le groupe des futurs Néo-Grecs : Gustave Boulanger, HenriPierre Picou et Jean-Léon Gérôme.
1840 : Les jeunes hommes se retrouvent dans l’atelier de Jean-Léon Gérôme, rue de Fleurus, qui
devient une sorte de ruche artistique surnommée « le chalet ».
1844 : Echec au Grand Prix de Rome
1847 : Il expose au Salon et reçoit plusieurs récompenses dont la Légion d’honneur en 1855
1849-1857 : Il travaille comme dessinateur à la Manufacture de Sèvres. Le style néo-grec inspire
également les arts décoratifs.
1861 : L’escamoteur est mal perçu par le public parisien et la critique. Hamon apparaît comme une
figure singulière et un artiste incompris. Il quitte la France et s’installe à Capri en Italie. Sa
peinture délicate, ses scènes de genres souvent familiales et ses sujets poétiques sont alors
très appréciés.
1873 : Il expose au Salon sa dernière œuvre peinte, « Le triste rivage » (1871, 103 x 160cm,
collection particulière.)
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Le bonus
• Le pendant
Jean-Louis Hamon, « La comédie humaine », 1852, Huile sur toile, 137 x 160cm, Paris, musée
d’Orsay.)
Peinture emblématique de l’artiste, elle résume tous les préceptes du groupe des Néo-Grecs auquel il
appartient. Le goût pour l’Antiquité est ici une évidence que viennent troubler des personnages et
éléments anachroniques. Ainsi, un cortège de poètes et philosophes grecs (Homère, Eschyle,
Aristophane, Héraclite, Démocrite…) cohabite avec Dante et La Fontaine. A ces figures illustres, qui
font se mélanger les genres littéraires dans le tableau d’Hamon et qui ont pour point commun la
réflexion sur l’homme, se mêlent des enfants et une vendeuse de violettes. Ils regardent un théâtre de
Guignol à la forme d’un temple grec dans lequel les marionnettes traditionnelles ont été remplacées
par Cupidon, Minerve et Bacchus.
L’anachronisme des personnages est poussé à son comble et la confusion des genres savamment
orchestrée dans cet hommage à la littérature empreint d’humour.
Le tableau doit sans doute sa composition en frise, le traitement de la perspective et ses couleurs
réduites et douces à l’influence des décors pour porcelaine que Hamon exécute au même moment pour
la manufacture de Sèvres.
Fiche d’œuvre / Service des Publics + Julie Capuano / Musée des Beaux-arts de Nantes / Octobre 2013