Inscrire tous les éléphants d`Afrique à l`Annexe I de la CITES
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Inscrire tous les éléphants d`Afrique à l`Annexe I de la CITES
2 Inscrire tous les éléphants d’Afrique à l’Annexe I de la CITES CoP17 Prop. 16 Auteurs de la proposition : Bénin, Burkina Faso, République centrafricaine, Tchad, Éthiopie, Kenya, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sri Lanka et Ouganda tt Recommandation : SOUTENIR Situation actuelle : Les éléphants d’Afrique font l’objet d’une inscription non unifiée aux Annexes de la CITES, ce qui complique leur statut et réduit leur protection en vertu du droit international. La majorité des populations d’éléphants sont inscrites à l’Annexe I de la CITES, qui interdit tout commerce international de l’ivoire. Cependant, les quatre populations du Botswana, de la Namibie, de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe sont inscrites à l’Annexe II, qui autorise le commerce international des éléphants et de parties d’éléphants sous certaines conditions. Un moratoire sur la soumission de propositions relatives au commerce de l’ivoire par les pays dont les populations sont inscrites à l’Annexe II est en vigueur depuis 2008 mais expirera en 2017, ouvrant la voie à la soumission de propositions en vue de la commercialisation. Contexte : Pendant les années 1970 et 1980, lorsque toutes les populations d’éléphants d’Afrique étaient inscrites à l’Annexe II de la CITES, un commerce illégal de l’ivoire très répandu et incontrôlé s’est développé très rapidement parallèlement au commerce international légalisé supervisé par la CITES, impliquant des conséquences dévastatrices pour les éléphants dans toute l’Afrique. En 1989, l’inscription de toutes les populations d’éléphants d’Afrique à l’Annexe I a envoyé au monde un signal clair que tout commerce d’ivoire était illégal. Les marchés de l’ivoire se sont alors effondrés et le prix de l’ivoire a chuté, mettant fin à la crise du braconnage et permettant aux populations d’éléphants de se rétablir. La rétrogradation à l’Annexe II de quatre populations nationales d’Afrique australe, qui se traduit par une inscription séparée des populations d’éléphants du continent avec deux niveaux de protection par la CITES, a en revanche envoyé le message que le commerce d’éléphants et de leur ivoire est acceptable. Par la suite, les ventes « expérimentales » de stocks d’ivoire en 1999 et 2008 ont été un échec total. Conformément à ce que le secrétaire d’État des États-Unis John Kerry a expliqué lors d’une audience du comité sénatorial américain en mai 2012, les ventes de stocks ont probablement « aiguisé les appétits » d’ivoire dans les pays consommateurs 1. Les syndicats du crime ont rapidement mis la main sur cette nouvelle opportunité. De nouvelles recherches publiées en juin et en août 2016 par des économistes de l’université de Californie à Berkeley et de la Princeton University démontrent que la seconde vente de 2008 serait directement liée à l’escalade du braconnage qui a mené à la crise actuelle 2. Ils ont constaté que « l’annonce au niveau international des ventes légales d’ivoire coïncide avec une brusque augmentation d’environ 66% de la production illégale d’ivoire sur les deux continents ». Au cours de la dernière décennie, des pays d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Est ont fait l’objet d’une très forte pression des braconniers pour l’ivoire, tandis que l’Afrique australe 1 www.gpo.gov/fdsys/pkg/CHRG-112shrg76689/html/CHRG-112shrg76689.htm Hsiang, S. & Sekar, N. (2016) Does legalization reduce black market activity? Evidence from a global ivory experiment and elephant poaching data. NBER Working Paper 22314, June 2016. www.nber.org/papers/w22314 ; Hsiang, S. (2016) Applying econometrics to elephant poaching: our response to Underwood and Burn. www.g-feed.com/2016/08/applying-econometrics-to-elephant.html 2 voit désormais le braconnage augmenter régulièrement et se trouve confrontée à la menace de syndicats du crime. Le “Great Elephant Census” (GEC) a fait savoir que les populations d’éléphants de savane avaient subi un déclin considérable, avec pas moins de 144’0000 (30%) éléphants tués dans 15 pays d’Afrique entre 2007 et 2014 3. La proposition d’inscription à l’Annexe I (CoP17 Prop. 16) Cette proposition soumise par les pays de la Coalition pour l’Éléphant d’Afrique, conjointement avec le Sri Lanka, vise à rassembler sous une même inscription toutes les populations d’éléphants d’Afrique et les États de leur aire de répartition en transférant de l’Annexe II à l’Annexe I les populations d’éléphants du Botswana, de la Namibie, de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe. Les critères biologiques 4 pour l’inscription de toutes les populations éléphants d’Afrique à l’Annexe I de la CITES sont clairement remplis, notamment celui d’« un déclin marqué de la taille de la population dans la nature en cours ou passé (mais avec la possibilité qu’il reprenne) ». Selon les critères d’inscription de la CITES, « un taux de déclin récent marqué » correspond à « un déclin en pourcentage égal ou supérieur à 50 % au cours des 10 dernières années ou de trois générations, la valeur la plus longue étant retenue » 5. Trois générations d’éléphants couvrent 75 ans. Selon les estimations, il y avait 1,2 million d’éléphants en Afrique en 1980. En 1989, lorsque la CITES a décidé d’inscrire les populations d’éléphants à l’Annexe I, ces chiffres avaient déjà baissé de 50 %. Avec la récente crise du braconnage, ils se sont encore effondrés. À la fin de l’année 2013, selon la Base de données sur les éléphants d’Afrique de l’UICN, le nombre total d’éléphants dans les catégories « certain » et « probable » s’élevait à 473 386, indiquant un déclin de 61 % sur une période de 33 ans au sein des populations d’éléphants d’Afrique. Depuis, les estimations sont toujours à la baisse ; d’après les données du GEC, le nombre d’éléphants de savane diminue actuellement de 8% chaque année. À défaut de mesures urgentes, les pertes se poursuivront. La capacité des réseaux criminels, de plus en plus complexes, à répondre à la demande d’ivoire dans les pays consommateurs surpasse la capacité des pays de l’aire de répartition à protéger les éléphants face aux fortes pressions du braconnage. L’existence de liens entre ces réseaux criminels et des groupes terroristes ou des milices, ainsi que des activités de trafic d’armes et d’êtres humains, a été établie. Seul un effondrement drastique de la demande grâce à un message clair envoyé aux consommateurs pourra mettre fin à cette dévastation par les syndicats criminels. Le régime de libre-échange en place jusqu’en 1989, avec une inscription de toutes les populations d’éléphants d’Afrique à l’Annexe II de la CITES, était impossible à contrôler et permettait le blanchiment sur des marchés légaux d’ivoire acquis illégalement. L’inscription séparée actuelle ne fonctionne pas non plus ; elle maintient une demande élevée en ivoire dans les pays consommateurs, encourage les réseaux criminels à conserver leur intérêt pour le braconnage et le trafic de l’ivoire et continue de permettre le blanchiment. Les éléphants d’Afrique sont de grands migrateurs qui ne peuvent rester confinés au sein de frontières nationales. Parmi les nombreux exemples de populations transfrontalières, nous pouvons citer celles de Mara-Serengeti et Amboseli-Kilimandjaro Ouest (Kenya et Tanzanie), du Parc National du W (Burkina Faso, Niger et Benin), de la Tri-nationale Dja-Odzala-Minkébé ou TRIDOM (Cameroun, République du Congo et Gabon) et du grand parc transfrontalier de Limpopo (Afrique du Sud, Zimbabwe et Mozambique). De fait, 60 % des éléphants considérés comme « namibiens » font en réalité partie de la population transfrontalière du Kavango-Zambèze (KAZA), partagée avec l’Angola, la Zambie et le Botswana. Le maintien du status quo au moyen de frontières politiques et non biologiques, impliquant différents niveaux de protection au sein des populations transfrontalières, entache la CITES d’une véritable absurdité. L’inscription de toutes les populations d’éléphants à l’Annexe I est le meilleur moyen de protéger l’espèce en tant que telle et d’empêcher l’escalade du braconnage dans les quatre pays dont les éléphants sont inscrits à l’Annexe II. Elle offrira aux éléphants une protection maximale, permettra de simplifier et d’améliorer la mise en œuvre des lois sur le terrain, montrera que les membres de la CITES sont unis dans la lutte contre l’extinction des éléphants d’Afrique. Par-dessus tout, elle enverra au monde entier un message sans équivoque : l’achat et la vente d’ivoire sont illicites, dangereux pour les éléphants et tout simplement inacceptables. 3 Chase et al. 2016, disponible sur : https://peerj.com/articles/2354/ 4 https://cites.org/fra/res/09/09-24R16.php 5 Annexe 5, Résolution Conf, 9.24 (Rev. CoP 16) Critères d’amendement des Annexe I et II.