OBJETS POETIQUES
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OBJETS POETIQUES
OBJETS POETIQUES « Je montre les choses qui m’amusent et me plaisent » Avec le recul, Panamarenko nomme ‘objets poétiques’ les premiers objets qu’il réalise de 1966 à 1968. Ils sont maintenant détachés des ‘objets de circonstance’, inséparables des happenings de ses débuts. Trop rapidement peut-être, certains commentateurs y ont vu un prélude aux œuvres techniques et mécaniques qui suivraient. Mais la première voiture, ProvaCar et l’étonnante bicyclette suisse (la roue avant beaucoup plus petite que la roue arrière et destinée à l’ascension des pentes alpestres) sont réalisées à la même époque, tout comme Das Flugzeug, son premier avion*. Les tensions entre le naturel et l’artificiel, le banal et l’insolite, la présentation et la représentation donnent tout leur sel à un ensemble hétéroclite qui nous fait croiser crocodiles, crème glacée, gouttière ou baleine. Se proposant de couvrir un arbre de neige artificielle, Panamarenko se contenta d’un cartable, d’une paire de bottes et d’un fagot. La mousse de polyuréthane qui a aujourd’hui viré au jaune, se révéla plus capricieuse que prévu comme matériel artistique… Plus loin, Panamarenko reconstitue minutieusement les parterres d’une section du jardin botanique d’Anvers : surfaces terreuses, plantes maigrichonnes, étiquettes et compartimentages, le tout en matières synthétiques. Humour, biographie et histoire de l’art : l’Afwasbak (bac à vaisselle) rappelle les corvées de l’artiste lors de son service militaire. Panamarenko restitue avec précision les jeux de transparence de l’eau qui baigne les objets. Avec les feuilles de Perspex (sorte de plexiglas) et de métal laqué, il réalise un collage-assemblage et compose une subtile nature morte. Dans la famille des objets poétiques, Molly Peters est l’œuvre la plus ‘pop’ de l’artiste. Pop comme ‘popular’ et ‘Pop Art’. Cette poupée (‘pop’ en néerlandais !) grandeur nature reprend les traits d’une actrice. Celle çi interprète le rôle de Patricia Fearing dans Thunderball de 1965 qui met en scène James Bond, l’espion séducteur du moment. Panamarenko réalise cette œuvre (1966-67) en collaboration avec Hugo Heyrman, peintre d’actrices et de stars de cinéma. Cette sculpture est faite en styropor® (sorte de frigolite), recouvert de pièces de feutre épinglées. Dans sa pose provocante, la poupée reprend celle d’une photo de l’actrice parue dans Playboy. Ce type de femmes apparaît pendant la seconde guerre mondiale. On les appelle les « pin-ups » car les militaires américains avaient pris l’habitude de les punaiser (« pin up ») à leur mur. Le gant qui déforme la main gauche est l’accessoire qu’utilise Patricia Fearing pour masser James Bond. Lors du vernissage de l’exposition, Molly Peters est présentée au public suspendue à des cordages: cette femme-objet ‘décolle’, on peut l’examiner sous toutes les coutures… Ludiques, astucieux, expérimentaux, prosaïques… les objets poétiques se prêtent à de nombreuses lectures. L’artiste les considère comme des reconstructions de réalités (souvenirs ou images) qu’il a expérimentées ou ressenties, des sortes de ‘traductions renforcées’ de ces expériences. JP.Th.