les quatre jumelles - Site de la compagnie Dies Irae

Transcription

les quatre jumelles - Site de la compagnie Dies Irae
DIES IRAE ET MILLE ET UN PLATEAUX
présentent
les quatre jumelles
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du 8 au 15 décembre 2009
au Ring à Toulouse
à 20H30
Rens. / Réservations : 05 34 51 34 66
les quatre jumelles a été créé du 21 au 31 janvier 2009
au Glob Théâtre à Bordeaux
Compagnie Dies Irae - B.P. 80028 - 33037 Bordeaux cedex 06 62 29 92 95 - [email protected]
Licence 2-1014621 - site : http://ciediesirae.free.fr/
LES QUATRE JUMELLES
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L’ÉQUIPE
mise en scène
Christine Monlezun
distribution
Joséphine
Leïla
Fougère
Maria
Vincent Bailly
Nicolas Guimbard
Julie Roger-Mazas
Loïc Varanguien de Villepin
Coordination
lumières / son
construction
aide technique
Matthieu Boisset
Philippe Libier
Matthieu Langlais
Luc Moreau
PARTENAIRES
TNT-manufacture de chaussures - Bordeaux
Glob théâtre - Bordeaux
OARA/ IDDAC
DRAC / Aquitaine
ADAMI
CONTACTS
DIES IRAE
Tel 06 62 29 92 95 - Email : [email protected]
site : http://ciediesirae.free.fr/
MILLE ET UN PLATEAUX
Tel 06 11 59 54 83 - 2 rue Collette 75017 Paris
Christine Monlezun
Email : [email protected]
PRIX DE VENTE
5000 euros TTC. pour la 1ère représentation. 4000 euros les suivantes.
Défraiements et déplacements pour 7 personnes.
Fiche technique sur demande en fonction du lieu d’accueil.
DIES IRAE est soutenue par le Conseil Régional d’Aquitaine et le Conseil Général de la
Gironde. En 2008, la compagnie a bénéficié du soutien de la Ville de Bordeaux, de l’O.A.R.A et
de l’I.D.D.A.C. et de la DRAC Aquitaine
LES QUATRE JUMELLES
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COPI / INTRODUCTION
Quoi de plus excitant et effrayant que l'univers que nous propose Copi ? Un monde peuplé d'exilés,
comme Copi d'ailleurs -au sens réel et figuré- cabossés, étrangers, relégués, enfermés pour la
plupart, et trouvant dans cet enfermement même ou malgré, l'échappatoire… Copi est un paradoxe,
avec la mort pour compagne, c'est une machine vitale, une machine à pousser les murs, faire
exploser les cadres. Au final, ses personnages, à l'instar de Copi, sont des artistes, mais ne le
revendiquent surtout pas, tout y passe et d'abord l'art qui n'y est qu'un rat à se foutre dans le cul !!!!
L'iconoclasme de Copi est de la plus radicale efficacité puisqu'il ne se revendique surtout pas comme
tel ! Il met à nu sans cesse tous nos fascismes -externes et internes mais sans jamais le proclamer,
non comme ça, en ayant l'air de faire une bluette, une série B. Un espace minuscule est accordé aux
personnages de Copi, ils le rendent immense, tournent les clés, tordent les barreaux.
INTENTIONS DE MISE EN SCENE
Comme souvent avec Copi, avec les quatre jumelles on est face à un texte qui n'a l'air de rien à
première vue…mais qui résiste à la narration parce que plus qu'un autre dans son oeuvre, c'est un
texte qui n'a pas de centre, pas vraiment de début, de milieu ou de fin. C'est un texte blanc. Surtout il
ne raconte pas une histoire. Si l'on s'essaie tout de même à l'exercice, cela pourrait donner : deux
prétendues soeurs jumelles, Fougère et Joséphine Goldwashing, se retrouvent sans explication chez
les non moins prétendues soeurs jumelles Maria et Leïla Smith. S'ensuit une cascade de situations
pour le moins délirantes où les meurtres succèdent aux résurrections sur fond de cocaïne, héroïne,
amphétamines à gogo, de rivières de diamants et de flingues d'opérette.
On peut s'en tenir là et s'attacher à jouer cet excès, invraisemblance, dynamitage des codes
théâtraux, clins d'oeil et parodies, une mécanique que le texte semble proposer immédiatement, un
enchaînement de séquences à un rythme d'enfer.
Mais quoi ? C'est tout ? Et alors ? Parodier des codes, quand bien même on s'y exerce avec
virtuosité, ce que de toute façon je n'aime pas trop au théâtre, même pas du tout, ne revient au final
qu'à parodier des codes, à travailler cet univers de façon quasi-boulevardière, où le savoir-faire de
l'acteur l'emporte.
Or avant tout un texte c'est une matière qui résonne et vibre en formant un entrelacs de désirs
souvent inconscients entre lui et ceux qui le travaillent et puis ceux qui le regardent ensuite. Et c'est
très intime comme rapport, cette résonance.
Cette question de l'exil, ce leitmotiv souterrain que je traîne et qui me traverse en profondeur, c'est ça
qui m'a fait rencontrer ce texte des quatre jumelles. Et par hasard ou comme par hasard, il y a peu, je
suis tombée sur cette phrase de Copi lui-même :
" Il y a deux sortes d'exils : l'intérieur et l'extérieur. Le troisième, c'est la mort."
Rien de plus éclairant ni de plus vrai.
Ces quatre jumelles, (les nôtres?), miroirs de nos propres exils, dépendances et dérisions, jouent, à
mort même, mais à quoi, et que jouent-elles exactement et pourquoi ? C'est cet endroit du texte qui
nous a intéressés, c'est ce qu'il dissimule et porte en creux qui nous a troublés. De fait, on s'aperçoit
vite que ce texte a -volontairement- peu d'intérêt au sens strict. Il est comme la partie visible d'un
iceberg qui se dérobe sous le pas des acteurs sur le plateau et ce faisant dévoile la bouche d'ombre
qui l'éclaire de biais. La solitude et la mort. Et ça n'a rien de sinistre.
Dans son écriture même, on dirait qu'il cherche à épuiser la langue. Elle s'y révèle pauvre,
répétitive,témoin d'un éternel recommencement, d'une épuisante et dérisoire répétition du même.
Notre travail a consisté à " trouer " ce texte et à entrer dans cet invisible dont il est porteur.
Pareilles à des fantômes qui parleraient depuis le pays des morts, ces quatre jumelles ressuscitent
crûment les lambeaux d'une existence débarrassée de ses oripeaux. Ce faisant elles nous invitent à la
mort. Il y a beaucoup d'autodérision dans ce tragique-là, si tragique il y a à danser avec la mort. Cette
puissance de Copi, cette légèreté de l'autodérision jusque et justement dans la solitude et la mort.
C'est cette étrange traversée que nous avons envie de dire, une rêverie hallucinée et hallucinante où
des corps essaient de se laisser voir, où l'important n'est pas que quelque chose se passe mais que
quelque chose passe. Ressentir plus que comprendre ce que la mort vient éclairer. Ainsi chaque jeu,
ou tentative de jeu, qu'elle soit prise à bras le corps ou avortée, témoigne de cette valse hésitation
avec la mort, refus ou acceptation. C'est donc à l'inverse des 30 minutes que la lecture du texte nous
offre, à l'inverse de l' " énergie " superficielle que Les quatre Jumelles semblent dégager que nous
avons choisi de présenter ce texte.
C'est du vide et du silence qu'il émerge, lambeau ou flambée éphémère, cri ou soupir.
LES QUATRE JUMELLES
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JARDIN DES DÉLICES…ET VERT PARADIS DES AMOURS ENFANTINES.
Un jardin des délices, enfer et paradis à la fois, commencement et fin du monde… Les quatre jumelles
se découvrent comme une peinture de Jérôme Bosch.
A ce vide qu'il s'agit non de remplir mais de peupler d'intensités pures, vitales ou mortelles, l'espace
scénographique répond par un espace vide, un rectangle clos qui le crée et offre la dimension
panoramique d'un tableau, aire de jeu no man's land qui se peuple peu à peu et conserve les traces
de tout ce qui a été mis en jeu. Seuls éléments toujours là, un canapé, un " faux " frigo, vestiges d'une
illusion référentielle désuète mais repoussés à l'extérieur du cadre. Chassés mais à vue.
La lumière et le son, également improvisés, non illustratifs, viennent ouvrir d'autres espaces, appels
d'air, bulles.
Pour les acteurs de ce tableau qui s'exposent, un long travail qui consiste à tenter de se laisser vivre,
dans la plus grande impudeur à eux-mêmes possible, avec toute la cruauté d'enfants sauvages,
indomptés, à laisser parler l'inconscient et ses pulsions désirantes sans les censurer, mais jamais
démonstratives, qui tentent simplement de se laisser voir au spectateur, à la loupe ou au microscope
comme il voudra. Le rire, s'il existe, naît de cette fleur noire.
Quitter la rive et surtout celle du jugement ou plutôt s'y abandonner, accepter de se laisser voir
démonté par le regard. Un travail qu'il faut sans cesse recommencer parce que la peur, la pression de
la représentation, l'envie de plaire, reviennent toujours s'insinuer dans nos corps. C'est pour cela aussi
que nous choisissons de présenter un travail en improvisation, afin d'être démuni et d'accepter ce
dénuement, pour lutter au mieux contre la tentation du spectaculaire, en tout cas éprouver notre
capacité à y résister.
Ca doit être le contraire d'un numéro d'acteur.
C'est en revanche le travail de l'acteur qui se dit dans le choix de cette forme risquée, en tentant de
laisser voir ce que suppose d'être là, sous le regard, surexposés. Un numéro d'équilibre pour le
funambule Copi.
Christine Monlezun / novembre 2008
COPI
De son vrai nom Raul Damonte Botana, Copi est né à Buenos Aires en 1939. Il arrive à Paris en 1963
et se fait connaître comme dessinateur en créant La femme assise, qui triomphera dans
l'hebdomadaire le Nouvel Observateur. Il a écrit des romans insensés et, pour le théâtre, des pièces
où se retrouvent la dérision de ses dessins et leur générosité d'âme. Il publie sa première pièce La
journée d'une rêveuse en 1966 puis suivront, entre autres, L'Homosexuel ou la difficulté de s'exprimer,
Eva Péron et La Tour de la Défense en 1978. Son ultime pièce Une visite inopportune sera créée en
1987, quelques semaines avant sa mort.
LES QUATRE JUMELLES
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PRESSE
SPIRIT / BORDEAUX – Janvier 2009
Deux paires spirituelles
Christine Monlezun signe pour la compagnie Dies Irae la mise en scène des Quatre
Jumelles, délire pulsionnel de Copi, présenté au Glob Théâtre, du 21 au 31 janvier
2009.
Sous nos latitudes, on avait pu repérer Christine Monlezun sur scène il y a deux ans dans
Médée Concert, transposition rock de l’œuvre du vieux Sénèque montée par Matthieu
Boisset. Aujourd’hui, la comédienne venue de Toulouse à Bordeaux, où elle a notamment
travaillé avec Jean-Luc Terrade avant de rejoindre la compagnie Dies Irae, présente sa
première mise en scène d’importance. Matthieu Boisset, cette fois, se contente de signer la
création lumière. La permutation des rôles n’est pas surprenante pour cette compagnie qui
défend l’idée d’un théâtre collectif. Le choix des Quatre jumelles de Copi est plus inattendu :
quel lien entre le tragique latin et l’iconoclaste latino-américain ? Peut-être, d’après Christine
Monlezun, un même univers rock’n’roll, une prédilection pour certains thèmes, l’exil, l’excès,
la mort… On avait travaillé sur plusieurs pièces de Copi et on s’est arrêté sur celle-là, qui
paraît la plus déjantée, illogique.
Ecrite au début des années 70, c’est en effet l’une des pièces les plus déroutantes de
l’œuvre – pourtant fort peu académique - de Raul Damonte dit Copi. Elle plante, dans une
Alaska improbable, deux paires de prétendues siamoises, qui se livrent à tous les excès
dans une grande impunité tant morale que logique : drogue et sexe à gogo, meurtres,
résurrections en chaîne…Les qualificatifs d’absurde ou surréaliste ont souvent été collés a
l’œuvre. La metteuse en scène préfère parler d’un chaos organisé, placé sous le signe de la
pulsion, l’inconscient, le fantasme, l’inavouable. Copi construit un univers dévasté,
déconstruit mais ludique, où le langage invente à chaque instant la réalité jouée sur scène.
La mise en scène se propose de contourner un autre cliché. Copi est souvent monté sur le
mode de la provocation, l’esbroufe, l’hystérie boulevardière. En forçant ce trait, on prend le
risque d’une parodie gratuite, qui tourne à vide. On a donc choisi un autre parti pris. Parce
qu’au-delà de la succession de gags, Copi instaure un univers plus profond, très noir. Il y a
chez lui un gouffre, une faille. »
C’est ce sombre territoire que l’équipe a choisi d’explorer, d’abord en instaurant un tempo
plus saccadé, alternant rythmes rapides et phases lentes, flambées de jeu et silences,
manière d’étirer cette courte pièce en lui redonnant sa noirceur métaphysique. Ni provoc’
trash, ni distanciation abstraite, sur un espace vide, les quatre acteurs entament une valsehésitation avec la mort dans un esprit de jeu qui se propose de ressusciter l’innocence et la
perversité de l’enfance. Autre parti-pris, dans la distribution alignée au Glob (Vincent Bailly,
Dimitri Capitain, Nicolas Guimbard et Julie Roger-Mazas), trois des quatre jumelles sont des
hommes. Mais pour Monlezun, ce choix relève moins d’un questionnement sur le
travestissement ou l’identité sexuelle (thèmes pourtant récurrents chez Copi).que d’une
simple envie de travailler avec des acteurs qui lui sont chers.
[Pegase Yltar]
Les quatre jumelles, du mercredi 21 au samedi 31 janvier, 20h (du mardi au jeudi),
21h (les vendredis et samedis), Glob Theatre.
Renseignements 05 56 69 06 66. www.globtheatre.net
LES QUATRE JUMELLES
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PRESSE (suite)
MOUVEMENT 21/01/09
21/01 > 31/01/2009 – BORDEAUX
Dévastés…
Christine Monlezun revisite Copi
COPI / Christine MONLEZUN
Christine Monlezun met en scène Les Quatre Jumelles très loin de ce naturalisme boulevardier
où Copi est souvent plus paraphrasé qu’entendu. Copi, tiré vers Sarah Kane et ses univers
soufflés, par deux années de recherche d’acteurs. A voir au Glob Théâtre, à Bordeaux, du 21
au 31 janvier.
A très grande distance des préjugés sur Copi et sur ses univers de grandes « folles »
camées et putassières, la metteur en scène Christine Monlezun met en scène Les Quatre
jumelles. Présentée au Glob Théâtre (Bordeaux), ce travail fondé sur la liberté des
acteurs est sans commune mesure avec le naturalisme boulevardier souvent plaqué sur
cet auteur. D’origine argentine, ses débuts truculents dans les années soixante/soixantedix n’étaient en effet pas loin du boulevard. Pour des raisons liées à l’époque, ses pièces
ont d’abord été créées dans des théâtres privés (Gaîté-Montparnasse, Epée de bois,
Théâtre Fontaine...), sans doute par nécessité, mais aussi pour mettre en scène une
critique au vitriol du sérieux théâtral qui régnait alors dans les théâtres publics, façon
Jean Vilar. En ce sens, les metteurs en scène alors brillants qui créèrent les pièces de
Copi, Jorge Lavelli, Alfredo Arias et Jérôme Savary, savaient jouer avec les codes de jeu
et ont peut-être su donner le vertige, en singeant le boulevard. Mais, la noirceur
sarcastique qui semble avoir été la leur, avec le temps, s’est décolorée ; l’on garde le
souvenir d’un Copi qui, par exemple, crée Les Quatre jumelles dans l’ambiance électrique
du Palace, l’année où La cage aux folles de Jean Poiret fait fureur (1973). Leïla, Marie,
Joséphine et Fougère sont peut-être passées pour ce qu’elles n’étaient pas, leur
quadruple puissance démystificatrice passant au second plan de leur séduction. Certes,
Copi a tout fait pour brouiller les pistes et les genres. Mais sa reconnaissance artistique a
peu à peu éclipsé son mauvais genre activiste, celui d’un exilé politique, militant du FHAR
et dessinateur satirique à Hara-Kiri - entre autres. Il a même fini par entrer au répertoire
de la comédie française (1). Entre temps, on a oublié qu’il était d’abord poète, au sens
fort. Un poète est, selon Henri Meschonnic, quelqu’un dont les poèmes sont secrétés par
sa forme d’existence (2), en tant qu’elle s’invente hors des schémas. Si les pièces de
Copi portent la marque de son vécu, c’est qu’il vécut une critique radicale des formes
d’existence et de sexualité en usage. Chez Copi, les lingots d’or ne servent à rien, pas
plus que l’héroïne à gogo dans l’exil des quatre jumelles en Alaska, au royaume de la «
neige » (surnom de la came). Copi est plus sensible au manque que rien ne peut apaiser,
à la douleur, au vide du désir, au non-sens de la satisfaction. Sous-entendu : il y a une
mégalomanie à croire y remédier, à croire au bonheur, à la jouissance, ou encore à
l’objet de désir. Suivons son regard sur l’état pitoyable du monde... Si Copi a écrit des
textes qui ne ressemblent à rien de connu tout en les faisant passer pour du théâtre
divertissant, c’est qu’il se devait de ficeler ces chevaux-là de Troie, pour y glisser des
poèmes à retardement qui durent plus que la mode du jour...
Jeu de recherches
Christine Monlezun entendit le détonement. Les arguments, retombés en lambeaux,
n’étaient plus que caricatures de fables informes. L’acteur, à vif. Un acteur désormais
orphelin d’intrigue et de personnage, égaré comme personne, un réfugié sans décor. Si
au départ, Christine Monlezun ne savait pas définir ce qu’elle cherchait dans Copi ou lui
voulait, elle pouvait affirmer ce qu’elle refusait de faire au théâtre : Combler les béances
du texte, boucher les trous entre les scènes, donner du corps à des marionnettes,
injecter des commentaires sur l’action, tout cela avec le lyrisme qu’ont les tricheurs pour
se prétendre sincères en fabriquant un spectacle.
Christine Monlezun ne voulait pas recopier ce théâtre bien connu qui philosophe sur le
ludisme de l’acteur, voire sur la folie qui le rendrait comparable à Hamlet. Dès le début
d’une recherche entamée fin 2006 (TNT-Manufacture de chaussures), elle choisit de
partir en terrain inconnu : la scène serait exilée, entre exil intérieur et exil politique, au
seuil d’un dernier, celui de la mort (4). Et s’il n’est pas nouveau de soutenir que, chez
Copi, l’inconscient mène la danse comme Christine Monlezun le soutient, il est plus
iconoclaste de renoncer à la maestria d’une course au rythme d’insultes bien envoyées
mais, tout de même, un tant soit peu répétitives (comme « salope » et « chienne »).
Alors, que jouent-elles, cette paire de jumelles, si elles ont si peu à dire ? « C’est cet
endroit du texte qui nous a intéressés, les acteurs et moi-même, c’est ce qu’il dissimule
et porte en creux qui nous a troublés », écrit Christine Monlezun. Dénaturalisant la
scène, elle a créé un site où personne n’est plus défini par ses pouvoirs d’interprétation,
pas même le spectateur, mais plutôt par ses limites, par ses résistances ou ses
défections, et surtout par sa solitude, son ignorance, sa maladresse. Le dévoilement de
l’acteur est devenu la pierre d’achoppement de cette mise en scène qui devient celle de
sa propre tentative pour échapper à son pantin ou à son clown.
Les répétitions ont rendu nécessaire de penser les représentations montrant - pour le
dire schématiquement - des acteurs cherchant à jouer, tâtonnant... Mais cela ne venait
pas sur commande. C’était une lutte de retenir le mouvement qui cache le malaise, de
s’approcher... Une lutte avec la peur du temps et non avec le temps lui-même. Une lutte
pour laisser le temps ruisseler. Sous sa pluie douce-amère, Vincent Bailly, Dimitri
Capitain, Nicolas Guimbard et Julie Roger-Marsas se sont d’abord exercés à se
rencontrer. Plusieurs périodes d’improvisation ont eu lieu jusque début 2009 (à l’OARA,
au TNT). « Je n’avais pas de parti pris sinon de n’en avoir pas. Les choses sont donc
arrivées intuitivement : le choix du texte des Quatre jumelles, parce qu’au départ, je
pensais à Loretta Strong ; la nécessité d’une programmation parce qu’au départ, je ne
cherchais pas à faire une mise en scène ; enfin, la scénographie », confie-t-elle. Le carré
de jeu qui s’est mis en place est plus une ébauche scénographique qu’une scénographie
en bonne et due forme. Il s’est polarisé entre d’un côté un sofa et de l’autre, un immense
réfrigérateur vide, entre lesquels rôdent comme des chiennes affamées les acteurs.
Somatisation du théâtre, ces deux éléments métaphorisent d’un côté une scène
primitive, un fantasme traumatique et de l’autre un manque béant, un amour
introuvable. Et elles - les acteurs - se traînent, en loques, visiblement marquées par les
épreuves, les yeux ouverts sur la dévastation d’un monde soufflé. Et c’est ainsi, qu’à
rebours des diableries du boulevard, un Copi proche des univers de Sarah Kane ou de
Nan Goldin, apparaît sur fond d’arte povera. Le désarroi d’êtres démunis, démunis parce
leur désir se montre sans objet, saisis à contre-pied des idées reçues sur l’objet à
posséder pour être heureux. Ils sont plutôt en quête d’un sujet. La mise en scène
ponctue la fin des Quatre jumelles de points de suspension.
Temps de travail
L’intéressant est qu’une telle apparition n’a pu se faire au théâtre qu’en prenant le temps
d’en faire, plus de deux années durant. Ce travail sur la durée a créé une mémoire de la
scène, un inconscient de jeu, un espace-temps propre aux acteurs, déconnecté du temps
banal. La partie visible de ce travail sur le temps se laisse d’abord contempler, avec
humour, dans l’usure des costumes, ou de ce qu’il en reste, fatigués par les répétitions.
Manière claire de ruiner le théâtre en s’en prenant sauvagement à son emblème : l’habit,
mais sans lui dénier son merveilleux. Non pas le faux merveilleux de la chambre
d’illusions du magicien ou de l’habit du moine, mais celui du poète qui témoigne de
métamorphoses et de monstruosités semant l’effroi. Les résilles ne tiennent plus qu’à un
fil arachnéen de Parques, les visages régulièrement jetés dans la poudre d’argile font
surgir des vampires hagards, et les perruques sont hirsutes comme après une explosion.
Mais Julie Roger-Marsas, elle, porte sa longue chevelure naturelle intacte, de même que
les corps des acteurs garçons apparaissent sous des restants de vêtures féminines. La
ruine laisse deviner un monde disparu mais, paradoxe, encore présent - ce monde vivant
de la chair désirable. La partie invisible de ce travail sur le temps se passe dans les
acteurs qui, dans ce travail d’improvisation, se laissent tantôt aspirés par une situation et
un imaginaire, puis quittés, comme en descente d’un shoot - tout cela par vagues, un
peu comme l’on peut croire et puis ne plus croire qu’on jouit, ou à ce que l’on vit. Ces
moments où les acteurs sont abandonnés par le jeu objectent l’inertie d’une vulnérabilité
à l’hystérie des compétitions de toutes sortes, toutes guerrières, qui entraînent le monde
à chercher follement ce qu’il fuit à toutes jambes : le temps. Ces Quatre jumelles nous le
donnent.
1. Depuis 2001, avec Une visite inopportune dans une mise en scène on ne peut plus correcte signée
Lukas Hemleb. Mais qui n’entre aujourd’hui au répertoire du Français ! Désormais, Copi côtoie Pagnol,
dans l’éclectisme le plus libéral...
2. Célébration de la poésie (Verdier, 2001).
Mari-Mai CORBEL
Artiste(s) :
COPI auteur
Christine Monlezun Metteur en scène
Mari-Mai CORBEL rédacteur
Agenda :
du 21/01/2009 00:00 au 31/01/2009 00:00
Bordeaux 33000 Bordeaux
POINT DE VUE SUR LE SPECTACLE : « Copi comme vous ne l’avez jamais vu. »
Jusqu’ici, lorsqu’on voyait à l’affiche une pièce de Copi, on savait à quoi s’attendre. Une sorte de
boulevard trash, avec rebondissements et travestis, paumés et portes qui claquent, tout ça sur un
rythme d’enfer. Cette interprétation, l’utilisation des codes du théâtre bourgeois dans un monde
interlope crée un effet comique, qui n’est certes pas la seule qualité du théâtre de Copi, mais qui a
largement contribué à sa fortune actuelle. Christine Monlezun n’a pas cherché cet effet. Dans Les
quatre Jumelles, en effet, elle étire le temps sur un plateau peuplé de sortes de fantômes qui, de
temps à autre, éclatent de vitalité pour retomber dans leur langueur, qui, de temps à autre, se parlent,
s’unissent, se combattent pour revenir à leur solitude première. Loin des lumières éclatantes, il règne
là une sorte d’obscurité propice à toutes les déviances, toutes les transgressions. Et c’est là sans
doute la clé de ce travail. Christine Monlezun n’a pas cherché à éclairer, à expliciter, ni même à
montrer ces personnages, mais simplement à les faire vivre. Pour cela, elle a donné à ses interprètes
une liberté totale, liberté dont ils n’ont pu se saisir qu’au bout d’un long travail, en profondeur, qui a
duré plusieurs mois.
C’est qu’elle ne se livre pas si facilement, cette pièce. Pour peu qu’on veuille la débarrasser de ses
habituels oripeaux, et la donner non plus à entendre, mais à éprouver, sans esbroufe et sans
complaisance, elle se découvre pour ce qu’elle est : le témoignage d’une humanité certes déglinguée,
certes blessée, mais encore — ô combien — vivante.
Certains pourront être agacés, d’autres trouver cela vain, d’autres encore crier à la trahison de
l’auteur. Beaucoup aussi seront déstabilisés par cette lecture sur le fil. Mais si l’on se laisse immerger
dans cet univers, si l’on laisse au vestiaire ses certitudes, si on ne craint ni les moments de silence, ni
les temps d’immobilité, si enfin on garde simplement l’œil ouvert et l’esprit libre, on découvre quelque
chose de l’essence même du théâtre : la présence, là, devant soi, d’êtres de chair et de désir, de
passions et de violences.
Eric Chevance, directeur du TNT - Bordeaux
LES QUATRE JUMELLES
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L’ÉQUIPE
Vincent Bailly
comédien Joao - Cie Gatao - spectacle de rue, solo.
Note de Vacarme - Cyrk Klotz, cirque contemporain.
Père noël et fils - Cie Gatao - spectacle d'intervention.
Matthieu Boisset
ENSATT / promotion 1990
mise en scène Médée-concert d’après Sénèque.
Mises en scène : voir sur http://ciediesirae.free.fr/
Nicolas Guimbard
CNSDA / promotion 2003
comédien Sans faim 1 et 2 de Hubert Colas au Théâtre de la Colline. dans Hamlet mes
Hubert Colas / Théâtre de Chaillot. Roméo et Juliette - mes T. de Pange.
Christine Monlezun
comédienne Médée-concert - mes Matthieu Boisset.
mise en scène
Guignol’s band preface d'après Céline,
Bartleby, la formule d'après Melville.
Julie Roger-Mazas
comédienne l’Image de S. Beckett - mes Manuel Mazaudier.
A travaillé notamment avec Manuel Mazaudier, Daniel Strugeon, Marc
Paquien (Copi, Beckett, Tchekov, Martin Crimp).
Loïc Varanguien de Villepin
comédien / Metteur en scène / Compagnie Les Limbes / Bordeaux
Nous le Passage d’après des poèmes de Meschonnic / TNT – Bordeaux. Les
Vagues de V. Woolf. Mues (poésie sonore).
DIES IRAE depuis
1994 / http://ciediesirae.free.fr/
Senex Blues d’après Sénèque.
Le Sang de Duke d’après C. Marlowe.
Guignol ‘s Band (création d’après le théâtre grand guignol).
Trafic d’après Edouard II de C. Marlowe.
Eden, Eden, Eden de P. Guyotat, avec Les Marches de l’été.
Guignol ‘s Band Preface d’après Céline.
Médée-concert d’après Sénèque.