Côte d`Ivoire – Evaluation approfondie de la sécurité alimentaire
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Côte d`Ivoire – Evaluation approfondie de la sécurité alimentaire
Février 2007 Note de synthèse: Côte d’Ivoire – Evaluation approfondie de la sécurité alimentaire Pourquoi une enquête? La Côte d’Ivoire connaît des troubles socio-politiques depuis le coup d’Etat militaire de 1999 et le début de la rébellion armée en 2002 qui a conduit à la partition du pays en deux zones, le sud sous contrôle gouvernemental et le nord occupé par les Forces nouvelles, ex-rebelles. Le pays traverse une période de transition, récemment reconduite, qui doit permettre aux principaux protagonistes de la crise de trouver un accord pour l’organisation d’élections. En terme de développement humain, le pays se classe 164ème sur 177.1 La crise a amplifié le taux de pauvreté qui touche 48,8% de la population en 2006, contre 38,4% en 2002.2 Le PAM mène une intervention prolongée de secours et de redressement (IPSR) depuis 2004 pour aider les populations vulnérables à travers la distribution de rations alimentaires, de cantines scolaires, d’interventions vivres-contre-travail ou de formations. Cette IPSR doit s’achever en juin 2007. Afin d’élaborer la réponse la plus appropriée pour les interventions à venir, le PAM a mené une évaluation approfondie de la sécurité alimentaire en septembre et octobre 2006. La FAO a apporté un appui technique à la réalisation de cette étude et l’a co-financée avec ECHO et l’Agence Suédoise de Coopération Internationale au Développement (ASDI). Comment a-t-elle été réalisée? L’enquête couvre le nord et le centre du pays. Elle a été menée auprès de 1 000 ménages dans les régions de Worodougou, Bafing, Denguélé, Moyen Cavally, Lacs, Savanes, Marahoué, N’zi Comoé, Zanzan et Haut Sassandra. Pour les régions des 18 Montagnes et la Vallée du Bandama, les données utilisées viennent de l’enquête VAM de 2004 et du système de suivi de la sécurité alimentaire en place depuis 2005. Une analyse des données secondaires a aussi été intégrée aux résultats de l’enquête. Combien de ménages sont en insécurité ou vulnérabilité alimentaire? Environ 566 500 personnes sont dans une situation d’insécurité alimentaire, soit 9% des ménages ruraux. Environ 1 109 600 personnes, soit 20% des ménages ruraux sont dans une situation de risque élevé d’insécurité alimentaire, c'est-à-dire qu’elles sont à la limite de l’insécurité alimentaire. Selon l’enquête MICS-3 de l’Unicef, 33% des enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique modérée et 15 % de malnutrition chronique sévère. Définitions utilisées: La sécurité alimentaire (1) existe quand tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. La vulnérabilité à l’insécurité alimentaire des ménages est la combinaison entre leur exposition aux tendances (démographiques, économiques, physiques, etc), aux chocs (naturels, économiques, santé, etc) et aux saisonnalités (prix, possibilités d’emploi, etc) et la capacité de ces ménages à y faire face et de mitiger les effets de ces chocs sur leur mode de vie. (1) FAO (2002), Etat de l’insécurité alimentaire dans le monde, 2001. L’insuffisance pondérale touche 19,2% des enfants de moins de 5 ans dans sa forme modérée et 4 % dans sa forme sévère. 6,7% des enfants sont émaciés, dont 1,1% sous une forme sévère. Ces niveaux sont observés au niveau national et varient selon le sexe, la région et le milieu de résidence. 3 Où vivent les ménages à risques? Le Moyen Cavally est la région la plus touchée. Elle a la proportion la plus élevée de ménages en insécurité alimentaire, soit 43% des ménages. De plus, 27% des ménages ont un risque élevé de tomber dans l'insécurité alimentaire. 1 selon le dernier rapport du PNUD source: PNUD 3 Résultats de l’enquête nationale à indicateurs multiples, 2006, rapport préliminaire, INS/UNICEF, Décembre 2006 2 Le rapport est disponible sur le site: www.wfp.org/odan Prévalence de l’insécurité alimentaire / Septembre - octobre 2006 D’autres régions ont un taux élevé de personnes qui risquent de tomber dans une situation d’insécurité alimentaire. C’est le cas de la région des Montagnes (40%), de la région de Denguélé (35%), Bafing (33%), de la vallée du Bandama (28%), du Haut Sassandra (26%) et des Savanes (22%). Classes de sécurité alimentaire par région Worodougou 3% 11% Zanzan 4% N'zi C omoé 4% Marahoué 7% Lacs Denguélé 37% 46% 14% 35% 47% 12% Moyen C avally Bouaké (Vallée du Bandama)* 0% 20% 30% 16% 14% 27% 31% 34% 11% 36% 40% 13% 10% 38% 28% 22% 43% Man (Montagnes)* 21% 36% 28% 7% 40% 19% 33% 10% 21% 38% 26% 35% 5% Savanes 45% 26% 18% 15% Bafing 41% 31% 21% 11% Haut Sassandra 58% 28% 13% 40% IA RIA 50% ABSA 60% 70% 80% 90% 100% BSA La malnutrition chronique sévère est particulièrement préoccupante dans le Nord Est et le Sud Ouest où elle atteint des niveaux de respectivement 23,3% et 21,1%. Les niveaux sont aussi élevés dans le centre Ouest (15%) et le Nord Ouest (16,7%). Dans ces régions, la situation est également préoccupante en ce qui concerne l’insuffisance pondérale. Les taux de malnutrition aiguë atteignent des proportions très élevées par rapport à la moyenne nationale dans le nord (13,6 % de malnutrition aiguë modérée et 3% sous sa forme grave), dans le centre nord (11,6% de malnutrition aiguë modérée) et l’Ouest (7,6% pour la forme modérée). Qui sont les ménages à risques? Les ménages dont les principales ressources proviennent d’un travail journalier, d’envois d’argent ou d’une aide extérieure sont les plus vulnérables à l’insécurité alimentaire. Ceux qui mènent des activités de petit commerce ou petits métiers sont à risque, du fait de la précarité de leur flux de revenus. L’agriculture et la vente de produits vivriers ainsi que des cultures de rentes (cacao, café, arachide) sont communément pratiquées par les ménages ruraux. Dans l’ensemble la quasi-totalité des ménages ont accès à la terre. Cependant, pour un tiers des ménages interrogés, ces deux activités ne fournissent pas un revenu constant, les conduisant ainsi à l’adoption d’autres stratégies non agricoles. Les modèles de dépenses alimentaires montrent que les ménages en insécurité alimentaire achètent principalement des céréales (riz) et que les dépenses par tête sont un peu plus de la moitié de ce dont disposent les ménages en bonne sécurité alimentaire. Cela indique un revenu net très faible disponible pour couvrir les besoins alimentaires et non alimentaires (problème d’accès); Quelles sont les causes de l’insécurité et de la vulnérabilité alimentaire? L’insécurité alimentaire est essentiellement liée à des problèmes d’accès et/ou d’utilisation des aliments. 4 Disponibilité: La disponibilité alimentaire reste assurée à l’échelle nationale grâce aux productions locales, aux importations (notamment de riz) et à l’aide alimentaire. De même les marchés restent relativement bien approvisionnés. Cependant dans les zones enclavées, les flux de produits alimentaires restent limités. Accès aux aliments: l’insécurité alimentaire est due à des problèmes d’accès. Les ménages en insécurité alimentaire n’ont pas de moyens d’existence leur fournissant un flux régulier de revenus; non seulement leurs capacités de production sont limitées mais leurs revenus restent insuffisants pour l’achat du panier alimentaire de base. Il existe un lien étroit entre le niveau de pauvreté et la sécurité alimentaire des ménages. Ainsi les ménages qui possèdent des biens et des animaux ont en général une meilleure situation alimentaire. Le taux de scolarisation des enfants en âge d’aller à l’école est faible, seulement 46% des enfants sont scolarisés (51% des garçons et 40% des filles). Mais les taux varient peu en fonction du niveau de sécurité alimentaire de la famille. Ils fluctuent en revanche de manière significative selon les régions, les taux de scolarisation sont nettement plus faibles dans les régions au nord de la zone de confiance. Les raisons les plus fréquentes de non scolarisation sont le manque d’intérêt, la participation des enfants aux travaux agricoles, les frais de scolarité et le manque d’enseignants. Les taux d’alphabétisation des adultes sont faibles, en particulier dans les régions au nord de la zone de confiance. Utilisation alimentaire et malnutrition: Les modèles de consommation alimentaire illustrent un niveau très bas de diversité alimentaire (principalement des céréales) avec du poisson, probablement consommé en très petites quantités. Les résultats du MICS 3 montrent une prévalence non négligeable de la malnutrition. Les pratiques inappropriées d’alimentation des enfants de moins de 2 ans sont un élément crucial de la malnutrition; Mais l’étude montre aussi une insuffisance des soins de santé maternels et infantiles. Le taux d’allaitement exclusif est extrêmement bas (4% selon le MICS 3). Avec une prévalence du VIH de 4,7 %, la Côte d’Ivoire est l’un des pays les plus atteints par le VIH/SIDA en Afrique de l’Ouest. La méconnaissance de la transmission de la mère à l’enfant est préoccupante et on assiste à une féminisation de l’épidémie (6,4% des femmes contre 2,9% des hommes). Seulement 52 % des femmes qui ont déjà entendu parler du SIDA connaissent la transmission mère-enfant comme un des trois modes de transmission du VIH. Chocs: 45% des ménages interrogés ont déclaré avoir subi un choc au cours de 12 derniers mois. Les trois chocs les plus importants sont la maladie grave ou décès d’un ou de plusieurs membres du ménage, le décès d’un membre actif du ménage et le manque de pluie. Les difficultés liées au manque de pluie apparaissent dans la plupart des régions mais sont plus marquées dans la région des Lacs et du Bafing. L’insécurité est très localisée et n’a été signalée comme un choc par une proportion significative des ménages que dans le Moyen Cavally. Les tensions intercommunautaires et ethniques sont récurrentes dans cette région. 4 L’insécurité alimentaire dépend de la disponibilité (production nationale et individuelle), de l’accès aux aliments (physique, sociopolitique, économique) et de l’utilisation des aliments (connaissances nutritionnelles et environnement sain pour faciliter l’absorption des nutriments). Quelles recommandations pour les interventions et programmes? La plupart des activités recommandées sont à mettre en œuvre dans le cadre de programmes conjoints avec d’autres agences des Nations Unies et / ou des structures gouvernementales. Le ciblage des zones prioritaires (indiquées en italique) a été établi sur la base de la prévalence de l’insécurité alimentaire, un ciblage socio-économique pour prendre en compte les ménages ayant les moyens d’existence les plus précaires et la prévalence de la malnutrition. Principales recommandations Distribution générale (zones prioritaires: l’Ouest- Moyen Cavally, 18 Montagnes) Est. 17.000 bénéficiaires ¾ Prévoir une assistance alimentaire pour couvrir les besoins initiaux des populations qui seraient amenées à se déplacer en raison de tensions intercommunautaires. Education (zones prioritaires: les régions au nord de la zone de confiance) ¾ Apporter une assistance alimentaire aux écoles primaires pour augmenter l’inscription des enfants en âge de scolarisation et les maintenir à l’école pendant la durée du cycle. Est. 580 000 bénéficiaires ¾ Mener une activité pilote de ration à emporter pour les filles dans les régions où une forte disparité de genre est constatée. (18 Montagnes, Bafing, Worodougou et Denguélé). Est. 60 000 bénéficiaires ¾ Apporter une ration alimentaire pour les enseignants bénévoles qui assurent le fonctionnement des écoles en attendant le retour des enseignants fonctionnaires (régions au nord de la zone de confiance). Est. 18 000 bénéficiaires Malnutrition (Savanes, Denguélé, Bafing, Worodougou, Vallée du Bandama) Est. 5 000 bénéficiaires ¾ Fournir une assistance alimentaire aux enfants pris en charge dans le cadre des programmes de nutrition complémentaire et thérapeutique, ainsi qu’aux femmes bénéficiaires des activités de santé maternelle et infantile. ¾ Mettre l’accent sur des activités d’éducation sanitaire et nutritionnelle pour les femmes VIH/SIDA - Est. 42 000 bénéficiaires ¾ Assurer une assistance alimentaire aux femmes enceintes séropositives, sur la base de leur vulnérabilité à l’insécurité alimentaire, afin de mettre l’accent sur les activités de prévention de la TME; ¾ Fournir une ration alimentaire familiale aux personnes vivant avec le VIH, bénéficiant d’un traitement aux anti-rétroviraux, et vulnérables à l’insécurité alimentaire. Si les bénéficiaires sont toujours vulnérables après cette période d’appui, ils pourront bénéficier d’un appui en entrant dans une activité de formation en milieu urbain ou une activité de vivres contre travail ou vivres pour formation en milieu rural; ¾ Fournir une assistance alimentaire aux orphelins du SIDA vivant dans des familles d’accueil afin d’apporter un supplément nutritionnel à ces ménages vulnérables à l’insécurité alimentaire et de leur permettre un transfert de revenus sur des dépenses non alimentaires; Moyens d’existence / Agriculture (Moyen Cavally, Savanes, Haut Sassandra, Zanzan, Lacs, 18 Montagnes, Vallée du Bandama) ¾ Fournir une ration alimentaire dans le cadre de projet vivres - contre - travail aux ménages en insécurité alimentaire qui dépendent des envois d’argent et d’aide extérieure. Il est proposé de centrer les travaux sur la réparation d’infrastructures (des pistes ou ponts permettant un meilleur accès aux marchés, aménagement de bas-fond, travaux d’irrigation, etc.). Est. 10 000 bénéficiaires ¾ Fournir une ration alimentaire dans le cadre d’activités de formation contre travail aux ménages qui dépendent du petit commerce, de petits métiers ou du travail journalier, afin de leur permettre de renforcer leurs compétences techniques et niveau d’alphabétisation et d’améliorer la productivité de leur activité. Outre l’alphabétisation, les techniques de transformation des produits agricoles et l’appui à la diversification des activités génératrices de revenus sont tout particulièrement recommandés. Est. 30 000 bénéficiaires ¾ Fournir une ration de protection de semences en complément des intrants fournis par la FAO aux ménages (déplacés/retournés) qui n’ont pas pu produire de cultures vivrières en raison de leur déplacement, de l’insécurité ou de conflits fonciers (Moyen Cavally, 18 Montagnes). Est. 26300 bénéficiaires Autres recommandations ¾ Etudier le rôle d’une éventuelle assistance alimentaire dans le cadre du PNDDR pour les enfants vulnérables (ex combattants, etc.) ¾ Poursuivre les activités du système de suivi (régions couvertes:Moyen Cavally, Savanes, 18 Montagnes, Vallée du Bandama) et étendre aux régions suivantes: Haut Sassandra, Bafing et Denguélé. Pour plus d’information, contacter: Abdou Dieng, PAM Directeur de bureau de pays, [email protected] Samir Wanmali, ODAV (VAM), PAM Rome, [email protected]