Michel Dupont ou la liberté par l`imagination

Transcription

Michel Dupont ou la liberté par l`imagination
scènes
21 novembre 2012
le spectacle
DE LA
SEMAINE
Michel Dupont ou
la liberté par l’imagination
Entre conte à la Barbe bleue
et faits divers, Anne-Cécile
Vandalem plonge dans le
noir pour une fable sonore
sur la force de l’imaginaire.
D
ans la petite salle où pénètre le public,
on s’assied à même le sol couvert de tapis et de coussins noirs. Puis la lumière
s’éteint nous plongeant dans une obscurité totale. Et une voix s’élève racontant une sorte
de conte commençant par l’incontournable
« il était une fois ». Mais ici, fiction et réalité
vont se croiser, se télescoper et finir par
échanger leurs rôles… Spectacle entièrement
basé sur le son, Michel Dupont, Réinventer le
contraire du monde, est un ovni de nos scènes concocté par Anne-Cécile Vandalem.
Sur quoi vous êtes vous basée pour écrire ce
spectacle ?
J’ai travaillé sur cinq faits divers. Tous concernaient des jeunes filles enfermées et dans
tous, elles se raccrochaient très fort à la manière de dompter son esprit par l’écoute.
Vous avez rencontré les jeunes filles victimes de séquestration ?
Non. Je me suis basée sur les histoires de Natasha Kampusch, Sabine Dardenne, Elizabeth Fritzl… Elles ont toutes écrit ou eu des
gens qui ont écrit pour elle. Ce qui me frappait très fort, c’est que passé le choc de l’enfermement physique, c’est la peur de sombrer
dans la folie qui les envahit. D’où le besoin de
se raconter des histoires. Au-delà de cela, c’est
aussi un spectacle qui s’adresse aux adolescents pour leur dire que parfois, quand on a
l’impression que tout est bouché, on peut se
créer des possibles. Ces filles enfermées parfois des années, l’ont fait par la seule force de
leur imagination.
Pourquoi plonger le public dans le noir ?
Après Habituation, spectacle très visuel,
j’avais envie, pour une fois, de me passer
d’image. Et de voir comment, avec cette absence d’images, on pourrait aller encore plus
loin. Au niveau du fond, j’avais envie de continuer de parler de la question de l’isolement et
de l’imagination comme moyen de survie,
comme échappatoire. Ici, il s’agit de l’histoire
d’une petite fille qui est séquestrée dans une
cave par son père. Je voulais que le public soit
dans les mêmes conditions qu’elle et puisse
faire le même chemin. A partir de là, tout un
imaginaire assez riche peut se développer.
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Evoquant un univers d’enfermement, cette photographie n’est qu’une allusion au spectacle qui
se déroule entièrement dans le noir avec le son pour seul protagoniste. © CHANTAL MICHEL
Toutes les scènes sont construites sur un minimum de 5 plans sonores différents (elle, ce qui
se passe dans la cave, ce qui est derrière les
murs, ce qui est en haut et l’extérieur). Dans
chaque situation les cinq sont traités constamment. C’est comme du montage cinéma.
Pourquoi ce titre avec un nom masculin ?
Michel Dupont, c’est le nom et le prénom les
plus répandus en Belgique francophone.
Donc c’est un peu l’anonymat, tout le monde
et personne. Et cette petite fille enfermée est
littéralement privée d’identité, de genre, par
son père. Dans tous les récits d’enfermement,
il y a une sorte de lavage de cerveau qui permet ensuite au bourreau de faire de la victime son instrument.
Dans votre spectacle, on ne sait quasi rien
du père…
Pour moi, la question n’était pas le rapport
bourreau-victime. C’est un fait de départ.
Après, c’est comment un individu enfermé,
coupé de tout repère peut trouver en lui la force vitale pour se reconstruire… Pour « réinventer le contraire du monde ».
JEAN-MARIE WYNANTS
« Michel Dupont, réinventer le contraire du
monde », du 28 novembre au 8 décembre à
l’Amphithéâtre du Théâtre de Namur
(www.theatredenamur.be) et du 29 janvier au
8 février au Théâtre national.