Claire de La Rochefoucauld

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Claire de La Rochefoucauld
GR. 25 I.. : Qui es-tu, que fais-tu, d’où viens-tu, où vastu, Claire ?
Entretien avec
Claire de La Rochefoucauld
Dominique Attal, Dominique Baron, Sandrine Ray
Bien que surdiplômée et fille de productrice et de réalisateur-scénariste, Claire a tenu à faire ses
classes sur le terrain. Elle a démarré comme modeste assistante de plateau tout en bas de l’échelle,
dont elle atteint dix-sept ans plus tard le niveau supérieur avec le beau film Vogue la vie, qui met
en scène des femmes qui rament – dans tous les sens du terme – pour s’éloigner de la maladie et
reprendre pied sur les rivages de la vie.
C.D.L.R. : Je suis une réalisatrice de bientôt 42 ans,
mère de trois jeunes enfants – c’est très important pour
moi – de deux, cinq et huit ans. Ma carrière a démarré
un peu plus tôt que celle des autres réalisateurs puisque
j’ai la chance d’avoir une maman productrice qui m’a
aidée. Mais j’ai commencé tout en bas comme troisième
assistante régie et réalisation, puis seconde et première
assistante mise en scène… et je réalise depuis 2005. J’ai
fait mon premier enfant et mon premier film la même
année. 2005 était une très belle année pour moi.
GR. 25 I.. : Deux enfants la même année.
C.D.L.R. : C’est un peu ça, oui, deux enfants la même
année.
GR. 25 I.. : Quelle a été ta première réalisation ?
C.D.L.R. : J’ai réalisé des épisodes de PJ, une série sur
laquelle j’avais démarré troisième assistante, sept ans
auparavant.
GR. 25 I.. : 2005, ça fait dix ans.
C.D.L.R. : Un peu moins, huit.
GR. 25 I.. : Oui mais, pour les femmes, les difficultés
rallongent les années. (Rires)
C.D.L.R. : Sur PJ, j’ai eu la chance de faire un cross-over
de PJ - Avocats et associés. Pour nos jeunes lecteurs non
initiés, un « cross-over », c’est quand les personnages
de deux séries se mélangent… Cela m’a permis de
rencontrer Alain Clert. Du coup, il m’a engagée pour
la partie Avocats et associés du cross-over et ça s’est
tellement bien passé qu’il m’a proposé ensuite six
épisodes de cette série, emblématique à l’époque.
J’ai eu la chance de travailler avec ce grand monsieur
de la production, et ensuite, dans le désordre, j’ai réalisé
des unitaires, de la série TF1, France 2, France 3… mais
jamais Canal + ni M6. Pour TF1, je n’ai fait que quatre
épisodes de la série R.I.S., mais c’était bien. C’était du
policier, mais c’était une expérience intéressante.
GR. 25 I.. : Ce qui est intriguant, c’est ta manière de
parler de ton métier, en disant que tu es une réalisatricetechnicienne…
C.D.L.R. : Parce que je pense que j’ai un vrai complexe
de ne pas écrire, mais en même temps je n’en ai pas
particulièrement l’envie, donc c’est un complexe sans
l’être… J’ai un agent qui n’arrête pas de me dire : « Allez,
écris…. » Mais c’est un talent. Il faut savoir le faire.
J'aime raconter les histoires des autres. Et je tiens à
dire que c’est aussi beau d’essayer de raconter le mieux
possible une histoire qu’on n’a pas écrite qu’une histoire
qu’on a écrite. Je pense que les auteurs-metteurs en
scène n’ont pas à être opposés aux metteurs en scènetechniciens. Je me sens auteure par ma mise en scène,
mais je me vois technicienne dans le sens où je fais
de la série, parce qu’on peut différencier les genres.
Je fais des unitaires mais aussi du Plus belle la vie, donc
je fais du studio. Et là, je suis obligée d’être une bonne
technicienne, parce qu’il y a vingt minutes utiles à
© Laurent Denis - Claire sur Famille d'accueil avec Eric Sicot et Laurent Rabouille
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réaliser par jour et seize séquences à faire entrer dans la
boîte. Et c’est un exercice que j’adore. Quand je faisais
R.I.S., PJ ou Avocats et associés, je savais très bien que
les séries appartenaient plus aux producteurs qu’aux
réalisateurs. C’est normal, parce qu’ils sont là au longcours. En série, mon boulot c’est : comment m’adapter,
où est-ce que je peux mettre ma patte de metteur en
scène, au-delà de la technique. Alors, j’essaie d’apporter
mon travail avec les acteurs. Je viens du théâtre, j’ai été
administratrice, j’ai travaillé longtemps avec Aurélien
Recoing à La Rue blanche. Je viens vraiment de ce
milieu-là et j’aime ça. Et quand j’arrive sur une série,
j’essaie de beaucoup travailler avec les comédiens.
C’est vraiment la direction d’acteurs qui m’intéresse.
C’est ça que j’aime. Et au-delà, il y a les unitaires, où
je travaille avec les scénaristes et où j’essaie, sans les
trahir, d’amener mon univers et de faire passer l’histoire
par mon prisme personnel. Mais je tiens à dire que
toutes les étapes, toutes les formes de réalisation, sont
intéressantes, sauf pour quelques stars intellectuelles
que la technique n’intéresse pas…
GR. 25 I.. : Ce que tu dis est important, parce qu’on
entend souvent un cliché qui dit que les réalisatrices
sont intellos et ne sont pas techniciennes. Ce qui sousentend qu’elles ne seraient pas aptes à la série de prime
time. C’est absurde. Ceux qui ne sont pas aptes à la
série, ce sont justement ceux qui ne sont pas passés
par l’assistanat et l’expérience du plateau, qu’ils soient
femme ou homme, il n’y a pas de différences.
C.D.L.R. : Oui, ça devient ton histoire. Et tu la respectes.
J’ai fait plein de séries différentes, Magellan, PJ, Avocats,
R.I.S. Quand je suis sur le plateau, que je fasse un
unitaire ou un 52 min, de toute façon je suis là pour
faire passer les émotions. Et quand je fais Plus belle la
vie, je suis aussi là pour la même raison. On est des
passeurs d’émotions, c’est ça, notre métier. Quel que
soit le sujet que je traite, c’est mon objectif. Être émue
sur le plateau. Et je me dis que si je le suis, avec un peu
de chance, le téléspectateur le sera aussi.
GR. 25 I.. : Justement, et n’en déplaise à certains, est-ce
que la forme de mise en scène que tu revendiques n’est
pas tout simplement une écriture ?
C.D.L.R. : En tout cas, c’est une analyse et une
interprétation du texte, et ça m’est arrivé parfois que les
scénaristes, en voyant le résultat, aient eu l’impression
que je n’avais pas tout à fait raconté leur histoire.
Il y a quelques années, sur un de mes unitaires, l’un des
scénaristes a été surpris. Non qu’il n’ait pas apprécié
mon travail, mais parce que le film était devenu une
comédie romantique, alors qu’il pensait avoir écrit un
film humoristique. Il n’a pas été négatif, mais il était
étonné. Et pourtant, j’avais tourné mot pour mot son
scénario…
GR. 25 I.. : Jean Aurenche, qui était quand même un
grand monsieur, disait : « Quand je découvre dans un
film une scène différente de ce que j’avais écrit, mais
réussie, ou une belle scène à laquelle je n’avais pas pensé,
je suis heureux et je remercie le réalisateur. »
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semaines pour faire 90 minutes, je ne sais pas si je
réussirais à remplir le temps.…
GR. 25 I.. : Oui, parce que ce sont d’autres manières de
travailler… C’est Patrice Leconte qui a dit : « Quand j’ai
le temps, je me rate. » (Rires)
C.D.L.R. : Mais c’est vrai que sur le plateau, souvent,
les équipes sont très surprises parce que je vais vite,
et j’aime travailler comme ça. Et de temps en temps,
mon chef-op me dit : « Tu n’as pas arrêté de foncer et on
finit vingt minutes avant l’heure. » Alors je lui réponds :
« Mais je ne vais pas vite pour finir à l’heure, je vais vite
parce que c’est comme ça que j’aime travailler… »
GR. 25 I.. : C’est l’adrénaline.
Claire enceinte sur PJ 140 avec Cecile Richard, Jalil Naciri et El Driss
C.D.L.R. : Bien sûr qu’il y a une écriture de la mise en
scène.…
GR. 25 I.. : Et dans la grande génération américaine,
John Ford, Alfred Hitchcock, Howard Hawks n’écrivaient
pas une ligne de leurs scénarios. Pourtant on n’a retenu
que leur vision, leurs mises en scène et ça ne faisait pas
polémique avec la Writer’s Guild ou les producteurs de
l’époque…
C.D.L.R. : Mais c’est aussi pour ça que j’adore la télévision
et que je n’ai pas de problème si je ne fais pas de cinéma.
Et mon vrai rêve, c’est de faire de la mise en scène de
théâtre. Et je sais par ailleurs que quand tu n’écris pas,
c’est compliqué de devenir réalisateur de cinéma.
GR. 25 I.. : Ça a changé, maintenant, on a des exemples
de transitions… il y a des ponts. On entre dans une
période paradoxale et positive où un réalisateur d’une
série réussie peut très bien être appelé par le cinéma,
comme chez les Anglo-Saxons et les Scandinaves.
C.D.L.R. : Oui, chez nous, on a eu l’exemple avec Pascal
Chaumeil, Nicolas Cuche, Fred Tellier.
GR. 25 I.. : Ça n’empêche pas certains producteurs et
diffuseurs français – ne citons pas de noms – d’oser
dire : « Ce serait bien de faire venir des réalisateurs de
cinéma pour relancer notre fiction télé parce qu’ils ont
des univers. » Ça ne te choque pas ?
C.D.L.R. : Ça me choque, parce qu’évidemment nous
avons aussi nos univers. Je viens de faire un téléfilm en
vingt et un jours. C’est la norme aujourd’hui, pour un 90
minutes. Dans ce téléfilm, sur la moitié des séquences,
j’ai neuf comédiennes à l’image. La seule différence
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avec le cinéma, c’est que si j’avais eu quarante jours de
tournage, mon univers personnel se serait peut-être un
peu plus libéré qu’en vingt et un jours. Parce que, quand
tu as neuf personnes autour d’une table et deux heures
pour tourner la séquence là où le cinéma prend une
journée, ton objectif n’est pas de faire ta bande-démo
perso pour les Césars, mais de faire en sorte que les
comédiens soient bons, que tu aies si possible un gros
plan de chacun, que l’émotion passe, et que la scène
fonctionne bien.
GR. 25 I.. : C’est vrai.
C.D.L.R. : Donc, je veux dire à ces producteurs injustes
que nos univers existent, mais ils ont plus ou moins le
temps de s’exprimer. Le problème, c’est que si tu fais
venir un réalisateur qui n’a fait que du cinéma, et que
tu lui demandes de tourner 90 minutes en vingt et
un jours, on verra s’il trouve le temps d’exprimer son
univers. Tu y es arrivée, toi, Sandrine (Ray), dans ton
beau téléfilm La Balade de Lucie. Mais parce que tu as
su t’adapter patiemment, avec modestie, avec Sandrine
Bonnaire. Tu n’es pas entrée en télévision comme dans
quelque chose de réducteur…
GR. 25 I.. : Oui, et puis le film de Sandrine était un film
personnel, ce n’était pas une commande. C’est différent
quand c’est ton film, même si les contraintes de temps
et de budget sont les mêmes. Après, tu sais ou tu ne
sais pas le faire. Certains sont bons partout, quel que
soit le délai.
C.D.L.R. : Mais Sandrine n’a pas pu s’exprimer autant
en télévision, pas de la même façon. Ce n’est pas le
même exercice. Mais, à l’inverse, si on me donnait neuf
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…entretien avec Claire de la Rochefoucauld…
bien. » Je lui ai dit : « Au moins, vous êtes honnête, donc
vous êtes pardonné », et il m’a engagée. Moi, quand je
dis que j’aime ou que je n’aime pas, c’est que j’ai vu.
GR. 25 I.. : On est d’accord. C’est quand même la
moindre des choses.
C.D.L.R. : Mais je suis vraiment de la « génération télé »
et j’ai passé ma vie à regarder la télé, de Casimir à La
Famille Katz… Je suis téléphage et c’est un plaisir pour
moi de faire de la télévision. Je ne fais pas ça parce
que je n’ai pas fait la FEMIS ou équivalent.… Et je suis
cinéphile aussi. Bien évidemment je vais au cinéma, que
j’aime passionnément.
C.D.L.R. : Oui, c’est l’adrénaline qui me fait avancer.
Et puis je trouve qu’on vole parfois de belles choses
quand on met les comédiens en apesanteur. On arrive
à leur subtiliser des trucs – pas forcément, d’ailleurs –,
quelquefois ils nous l’offrent avec plaisir, mais en tout
cas on échange des choses vraies. Mais ce que je
voudrais dire aussi, et je profite de notre entretien, c’est
qu’il faut aimer la télé. Il faut la faire et l’aimer. Et il faut
que les producteurs, les comédiens, les réalisateurs,
les scénaristes, les diffuseurs, aiment la télé. Voilà.
C’est important, parce que c’est un outil magnifique.
Oui, il y a Internet qui déferle… Mais elle existera
toujours, la télé. Et il faut profiter de cet outil pour faire
des choses qu’on ne peut pas faire ailleurs.
GR. 25 I.. : Cette coupure cinéma-télé est vraiment
française. La réalisatrice Lou Jeunet qui nous représente
à la Fédération européenne des réalisateurs de
l’audiovisuel, explique que dans tous les autres pays
d’Europe tu es simplement réalisateur, sans être classé
télé ou cinéma.
GR. 25 I.. : Absolument. Malheureusement, beaucoup
ne l’aiment pas.
C.D.L.R. : En dehors du temps de tournage, l’autre
différence, c’est qu’en télé tu n’as pas l’angoisse du
mercredi à la première séance… Mais tu as l’angoisse de
l’Audimat du lendemain matin.
C.D.L.R. : On souffre du mépris qu’ont beaucoup de
gens pour la télévision. Je connais des réalisateurs de
télévision qui n’ont pas la télé. Incroyable ! Et je dis
que ce n’est pas possible. Moi, je regarde tout. Je suis
un artisan de la télévision, je regarde ce que font mes
camarades, je suis spectatrice. Les Petits Meurtres
d’Agatha Christie, je suis comme une gamine quand
je regarde ça, je me prépare un plateau télé avec mon
mari et on regarde avec plaisir. Fais pas ci, fais pas ça,
j’y prends beaucoup de plaisir. Il y a des programmes
que j’aime, d’autres non, mais j’ai regardé un épisode de
toutes les séries qui ont été faites en France sur toutes
les chaînes.… C’est dramatique de penser que les gens
qui fabriquent la télé parfois la méprisent.
GR. 25 I.. : Et ceux qui la critiquent ne la regardent
pas. Quand certains voient des films de cinéma ratés,
ils disent : « On dirait un téléfilm. » Pour contredire
ça, dans un débat à France Culture, un réalisateur de
télé important a déclaré un jour : « Je suis sidéré de
voir certains critiques de cinéma rejeter nos téléfilms.
Ils n’ont pas compris qu’il y a souvent des films de cinéma
qui ne sont même pas des téléfilms… » Et il avait raison.
C.D.L.R. : Oui, j’ai connu ça. Une fois, un producteur
m’a opposé un refus. Il a dit : « Bof, une réalisatrice de
P.J. »… Je n’avais fait que P.J. à l’époque, et la personne
qui lui avait parlé de moi lui a dit : « Mais regarde au
moins un de ses épisodes. ». Il l’a fait et je dois dire qu’il
m’a épatée, parce qu’il m’a dit : « Voilà, j’ai été un con de
dire bof, P.J., parce que j’ai regardé et c’était vachement
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C.D.L.R. : C’est si étrange en France qu’il y ait deux
syndicats de réalisateurs. La CGT télé et la SRF cinéma.
C’est même hallucinant, parce que c’est le même
métier.…
GR. 25 I.. : Oui, mais la fiction télé est surtout représentée
par le Groupe 25 Images, qui est une association, pas
un syndicat comme la SRF…
GR. 25 I.. : En télévision, ton inquiétude du mercredi
après-midi, c’est que tu es en mixage, que ce jour-là,
tes enfants ne sont pas à l’école, et que la nounou est
malade. Alors tu les emmènes au mixage ?
C.D.L.R. : (Rires) Oui c’est ça…
GR. 25 I.. : Cette séparation télé-cinéma est rétrograde.
On croit que le renouveau viendra du cinéma, ce qui est
une absurdité, car il y a une génération, la tienne, Claire,
qui va démontrer que la télévision peut souvent faire
mieux que le cinéma. Il y a des séries télé françaises de
haut niveau, on le voit à Série Series et sur Canal +.
C.D.L.R. : Je n’ai pas Canal +. Mais en tout cas ils
essaient des choses, c’est déjà pas mal. Seul bémol, ils
n’appellent pas de réalisateurs de télé. Il faut avoir fait
du cinéma…
GR. 25 I.. : Il faut se battre. Parce qu’en face de cette
jeune génération de réalisateurs et réalisatrices, il y a
une nouvelle génération de producteurs commerçants,
pour qui la culture n’est qu’un produit. Ils se sont mis
dans la tête que ça viendrait du cinéma. Et Canal et Arte
entretiennent ce mythe.
C.D.L.R. : Ils ont tout faux. Ça viendra de la télé, comme
aux États-Unis. Maintenant ils sont tous comme des
fous sur les séries… Je suis en train de regarder House
of Cards... Ouh la la.
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C.D.L.R. : Ça me fait penser à une autre chose dont je
voudrais parler… Je vous ai dit qu’il fallait respecter la
télé et l’aimer, et je voudrais aussi qu’on respecte un
peu plus les comédiens. Et notamment, je voudrais
profiter de cet entretien – je ne vais pas me faire que
des copains – pour dire à mes camarades réalisateurs
et réalisatrices que quand on parle avec les comédiens,
ils nous disent souvent : « On nous vole nos essais, on
nous vole nos castings et il n’y a qu’un réalisateur sur 5
ou 6 présent au casting. » Moi, je suis au casting, et une
fois sur deux on me prend pour l’assistante de casting,
tellement on est étonné que le réalisateur soit là…
GR. 25 I.. : On a tous des copains acteurs qui nous le
disent. On te soutient à 200 %.
C.D.L.R. : J’ai confiance en mes directeurs de casting.
J’ai travaillé avec Laure Cochener que j’adore, on
échange, on travaille ensemble, mais je préfère les voir
moi-même, les acteurs. Ce qui est important pour un
comédien, c’est la première rencontre. Et moi j’y suis.
Quand j’ai fait Famille d’accueil, je suis allée à Bordeaux
pour le casting des silhouettes. Le responsable du
casting figuration m’a vu arriver, il n’en revenait pas.
GR. 25 I.. : « Vous êtes qui, vous ? Vous venez pour une
silhouette ? » (Rires)
© Laurent Denis - Claire sur Famille d'acceuil avec Christian Charmetant
GR. 25 I.. : C’est du haut de gamme, c’est sûr… Parlons
maintenant de Vogue la vie, le film unitaire que tu es en
train de terminer. Comment cela s’est-il monté ?
C.D.L.R. : Je n’écris pas, mais certains producteurs
m’intègrent assez tôt, et sur ce dernier unitaire, ça
fait deux ans que nous étions en chantier. Une belle
collaboration. Avec sa société Mima, ma mère l’a
coproduit avec Sylvie Barbe, Jean-Marc Robert et leur
société DocSide.
GR. 25 I.. : DocSide. Belle production de documentaires.
C.D.L.R. : L’idée de Vogue la vie est née du documentaire
de Sylvie Barbe, Dragon Ladies, nous irons à Venise, qui
racontait son histoire personnelle. Alors qu’elle était
traitée pour un cancer du sein, son médecin lui a parlé
de ces femmes italiennes atteintes du même cancer
qui faisaient du dragon-boat, un bateau de course à
la rame, pour participer à une compétition à Venise.
Sylvie est une femme assez incroyable, comme on
aimerait en voir plus souvent. Elle a eu l’idée de créer
le premier équipage français, mais aussi d’en faire un
documentaire magnifique, qui est à tomber par terre.
Un vrai documentaire sur les femmes. Ça a été diffusé
une première fois dans Thalassa et ça a fait un carton,
rediffusé je ne sais combien de fois. C’est le scénariste
Marc Eisenchteter qui a eu l’idée d’aller voir Sylvie et de
lui proposer d’en faire une fiction, qu’il a coécrite avec
Blandine Stintzy. Sylvie et Jean-Marc, ne faisant que du
documentaire, n’osaient pas produire une fiction seuls.
Alors Marc a amené le projet chez Mima, et c’est comme
ça que ça s’est monté. Et moi, je suis dessus depuis le
début, et comme souvent en écriture, l’élaboration a
été compliquée. Ce n’est pas de la faute des conseillers
de programme de fiction, mais ça coince souvent audessus d’eux, aux programmes…
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GR. 25 I.. : Le cancer n’est pas très glamour pour eux.
Le problème, c’est la peur de perdre de l’audience en
chimio. C’est ce qu’on appelle la dictature du marketing
non ?
C.D.L.R. : Oui… Même sur France Télévisions, on a
l’impression que depuis qu’il n’y a plus de pub, c’est pire.
Pourquoi ? Il y a d’autres moyens que l’Audimat pour
justifier l’existence du service public.
GR. 25 I.. : Au cinéma, tu es jugé sur la qualité d’un film,
mais à la télévision tu prends le pouvoir avec le taux
d’audience. Et puis il y a un autre facteur important,
souvent évoqué chez les chercheurs comme François
Jost, qui démontre, dans Le Culte du banal (Armand
Colin, 2013), que l’obsession de faire de l’audience est
en train de faire basculer l’ensemble des programmes,
y compris la fiction, vers le divertissement. Car certains
ne voudraient faire que du divertissement.
C.D.L.R. : C’est ce qui se passe avec les programmes
courts d’avant-soirée, qui sont souvent drôles, comme
par exemple Parents, mode d’emploi avec Arnaud Ducret
et Alix Poisson, deux formidables acteurs.
GR. 25 I.. : Alix Poisson est géniale… Comme Virginie
Hock dans ton film Vogue la vie ?
C.D.L.R. : Eh bien, tu verras, il ne faut pas t’attendre à
voir du Virginie Hock déjantée. On n’est pas dans La Colo.
Elle s’est vraiment glissée dans un univers très différent.
Mais la comédie est bien là, aussi grâce à Mehdi Nebbou,
le personnage masculin de leur entraîneur.
GR. 25 I.. : La grande force des actrices comiques c’est
justement de savoir partir sur des univers inverses,
émouvants…
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C.D.L.R. : Parce qu’un acteur qui se rate s’il n’est pas à
l’aise au casting, peut-être qu’avec moi, réalisatrice à
la caméra, il va jouer juste. Et puis c’est une question
de respect. Et je tiens des petits carnets où je note les
noms des comédiens que je rencontre, que je n’engage
pas, mais qui m’ont plu. Enfin quoi, on est payés en
prépa. Où sont-ils, les réalisateurs, s’ils ne sont pas au
casting ?
GR. 25 I.. : C’est fait. On te soutient aussi parce que la
moitié des essais sont anthropométriques et destinés à
montrer aux producteurs et diffuseurs les acteurs qu’ils
ne connaissent pas. Ils veulent un DVD pour avoir un
catalogue, pour pouvoir dire : « Lui oui ... Lui non… Elle,
pas assez jolie. »
…entretien avec Claire de la Rochefoucauld…
films à la fois. Le réalisateur n’est pas là, les comédiens
ne le rencontrent pas, ils voient une assistante ou
un stagiaire qui sort de la fac, qui annone le texte en
filmant, et on voudrait que le comédien soit bon ?
GR. 25 I.. : Et si on laisse faire, il y aura bientôt autant
de directeurs de casting que d’acteurs. (Rires)
C.D.L.R. : Avant, le premier assistant faisait le casting
avec le metteur en scène. Mais les temps de préparation
ont fondu comme le reste. Moi je ne vois que deux ou
trois personnes par rôle. Beaucoup plus quand ce sont
de jeunes gens de 15 à 20 ans, parce qu’on ne les
connaît pas, et là tu as besoin de voir plus de monde…
GR. 25 I.. : Revenons à la question des femmes
réalisatrices…
C.D.L.R. : Oui, j’allais y revenir, parce qu’on est peu
nombreuses mais, en revanche, qu’est-ce qu’on est
nombreuses comme premières assistantes. Je pense
qu’il y a plus de femmes premières assistantes que
d’hommes. C’est une des voies essentielles pour
arriver à la réalisation. L’autre étant le scénario… ou la
FEMIS. Mais c’est vrai que la voie la plus répandue, c’est
l’assistanat.
GR. 25 I.. : C’est quand même la trajectoire la plus solide,
pour arriver à la réalisation. Au moins, tu connais le
plateau et tu maîtrises le temps et la technique, ce qui
ouvre ton univers.
C.D.L.R. : Une fois, j’ai été refusée sur une série, parce
que le diffuseur a dit que ce n’était pas une série pour
une réalisatrice. C’était une série policière, et je sortais
de P.J., quand même. (Rires) Il y en a qui pouvaient
penser que P.J., c’était fleur bleue, mais c’était quand
même assez dur, du vrai quotidien.…
C.D.L.R. : En tout cas, on ne peut pas dire qu’on nous
impose nos castings si on n’y est pas.… Les comédiens
savent qu’ils ne vont peut-être pas être choisis, mais
je dis à ceux que je reçois : « Je vous prendrai ou je
ne vous prendrai pas, mais de toute façon, si je vous
rencontre, c’est que vous êtes un bon comédien. Je ne
suis pas là pour juger si vous êtes bon ou mauvais, je
suis là pour voir si on peut travailler ensemble, et si vous
correspondez au rôle. »
GR. 25 I.. : C’est une rencontre essentielle.
C.D.L.R. : Et il y a plein de gens que j’ai vus en casting
qui m’ont convaincue, que je n’ai pas pris, mais que j’ai
pris sur le film d’après.
GR. 25 I.. : Et puis c’est dur pour un petit rôle d’arriver le
matin, une heure avant le début du tournage, sans que
le réalisateur ne l’ait jamais rencontré. C’est n’importe
quoi.
C.D.L.R. : C’est une faute professionnelle. Et il faut se
battre aussi contre les directrices de casting qui font dix
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© Aurelien Faidy - Claire pensive sur Vogue la vie
La Lettre des Réalisateurs n° 31
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GR. 25 I.. : Une autre question se pose : comment
expliquer que les réalisatrices soient majoritaires dans
des séries comme Sous le soleil ? Pourquoi les femmes
sont-elles cantonnées à l’assistanat, à l’avant-soirée ou
à l’après-midi ? A part une dizaine d’exceptions, dont
tu fais partie, qui arrive à faire un téléfilm de temps en
temps ?
C.D.L.R. : Oui et encore, j’ai fait 3 unitaires avec des
productrices avec qui j’avais déjà beaucoup travaillé
comme assistante ou en série, comme Delphine Claudel
et Florence Dormoy, qui sont des amies, et la troisième,
c’est ma mère. Donc, les gens qui m’ont confié des
unitaires, ce ne sont pas non plus des producteurs qui
ont fait le tour du monde pour venir me chercher.
GR. 25 I.. : Et ça réduit encore le champ statistique…
© Aurelien Faidy - Claire entourée de son équipe mise en scène (Nicolas Vray et Marjorie Rouvidant) et de Mehdi Nebou sur Vogue la vie
A l’inverse, il y a des projets qu’on m’a proposés parce
que j’étais une femme, comme Pour ma fille, de JeanMarc Rudnicki et Claire Lemaréchal. La chaîne avait
dit qu’elle aimerait bien que ce soit une femme. J’en ai
bénéficié. Pour Vogue la vie, gros sujet sur le cancer du
sein, la chaîne préférait aussi que ce soit une femme
qui réalise.
GR. 25 I.. : Oui, heureusement, de temps en temps ça va
dans le bon sens.
C.D.L.R. : Ça s’améliore. Mais chez les chefs-ops femmes
comme chez les réalisatrices, la génération précédente
a dû se battre pour ouvrir la voie, et certaines y ont
quand même développé un sacré caractère… (Rires)
Parce que sinon, elles ne se faisaient pas de place.
GR. 25 I.. : A ce propos, ce qui est injuste, c’est qu’un
réalisateur énervé et gueulard est simplement classé
« autoritaire », alors qu’une réalisatrice autoritaire est
classée « emmerdeuse » même sans gueuler.…
C.D.L.R. : On est encore dans un monde de machos,
mais il y a aussi, hélas, une proportion de femmes de
pouvoir qui n’aiment pas les femmes réalisatrices.
GR. 25 I.. : Les proportions devraient évoluer.
Souhaitons-le.
C.D.L.R. : J’en parlais avec Emmanuelle Dubergey, une
copine que j’aime beaucoup, mais demander du 50-50,
ça ne veut rien dire, parce qu’on se disait qu’il n’y avait
pas assez de réalisatrices compétentes pour occuper
50% des places.
réalisatrices ont eu accès depuis 2008 à des 52 min
de prime time sur les grandes chaînes ? 64 épisodes
sur 868. Et seulement 10 épisodes sur 298 à France
Télévisions, 3,4%.
C.D.L.R. : C’est fou. Mais le quota n’est pas la bonne
solution. En revanche, rien n’empêche de demander à
un diffuseur et à un producteur qui font 12 épisodes
d’une série par an d’en confier au moins 2 à une femme.
C’est peu, mais ça changerait déjà beaucoup. Et parmi
les femmes, ils ont le choix, s’ils en ont envie, d’aller
chercher une réalisatrice qui n’a fait que du cinéma, ou
une réalisatrice de pub, ou une réalisatrice de clips, on
s’en fiche.
GR. 25 I.. : Qui dépassera déjà d’une journée le troisième
jour (Rires)…
C.D.L.R. : Sans doute, mais ça laisse ouvert le champ
des possibles… Peut-être que c’est quelque chose
comme ça qu’il faut obtenir. Après, ça me paraît plus
compliqué sur les 90 min, parce qu’un unitaire, c’est
plus une rencontre entre un producteur, un texte, un
réalisateur… Déjà, si on le faisait sur les séries, ça serait
une grosse avancée. Jean-Pierre Guérin et Christophe
Valette l’ont toujours fait sur Famille d’accueil. Il y a
eu Véronique Langlois, Pascale Dallet, Marion Sarraut,
moi… Parce que c’est aussi avec Virginie Lemoine, qui
défend la cause des femmes. Quand il y a des gens qui
font des choses, il faut le dire.
GR. 25 I.. : Mais alors, tu as conscience de faire partie
des happy few ?
C.D.L.R. : En revanche, ce qui m’a aidé à travailler, c’est
d’avoir fait P.J. pendant longtemps et d’avoir eu, je dois
l’avouer, une bonne réputation d’assistante. Je pense
que ça m’a servi. Et d’ailleurs, Delphine Lemoine qui
fait Section de recherches, a été aussi une très bonne
assistante.
GR. 25 I.. : Elle fait partie des rares qui surnagent avec
toi.
C.D.L.R. : Et j’en suis ravie parce que c’est une fille
super et une très bonne réalisatrice, il faut le dire aussi.
On a un peu le même parcours avec Delphine… Mais il y
a un vrai problème avec le pourcentage de réalisatrices.
C’est du grand n’importe quoi.
GR. 25 I.. : Les chiffres sont tellement sidérants…
C.D.L.R. : Là, j’ai fait quatre 52 minutes de Famille
d’accueil, mais parce que c’était GMT et Christophe
Valette. J’espère que les nouveaux vont continuer à
m’appeler, parce que Christophe s’en va… Mais les
successeurs ont l’air bien : Julien Dewolf et Alban
Etienne. Ce sont eux qui font Nos chers voisins et Pep’s,
des séries courtes de TF1. C’est du bon divertissement
d’access.
GR. 25 I.. : Oui, mais ils ont le sens de la fiction. Ce n’est
pas de la téléréalité scriptée…
C.D.L.R. : Ah non, il y a de vrais comédiens, sur de vrais
scénarios.…
GR. 25 I.. : Emmanuelle Dubergey travaille sur la série
PBLV depuis des années en access, et comment est-ce
possible qu’on lui refuse le prime time ?
C.D.L.R. : Je ne sais pas. Pour ce qui me concerne, à part
la fois où j’ai été refusée sur une série, soi-disant parce
que c’était trop violent pour une femme, je ne me suis
jamais sentie écartée du prime time.
C.D.L.R. : Oui, je suis une privilégiée…
GR. 25 I.. : Kathryn Bigelow a fait des films violents
comme Démineurs ou Zéro Dark Thirty…
C.D.L.R. : Évidemment, on en connaît mais… chuut !
(Rires)
GR. 25 I.. : Et Arte est de loin la chaîne la plus féminine,
mais c’est uniquement en unitaires de 90 min, avec 10
téléfilms sur 35 confiés à des réalisatrices, soit 28,6 %.
C.D.L.R. : Oui, c’est vraiment n’importe quoi… Et j’ai vu
des hommes faire des films d’une tendresse et d’une
douceur très féminines…
GR. 25 I.. : Mais est-ce que le quota, même sans parité,
n’est pas hélas le seul moyen ? Seulement 7,3% de
C.D.L.R. : Je reste presque muette. Mais les unitaires
d’Arte, c’est un autre monde…
GR. 25 I.. : Mais oui, bien sûr. Sinon est-ce que tu t’es
sentie discriminée ?
GR. 25 I.. : Il y aussi des réalisateurs incompétents ou
imposteurs…
14 •
La Lettre des Réalisateurs n° 31
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…entretien avec Claire de la Rochefoucauld…
C.D.L.R. : Objectivement, pas par les équipes, jamais.
Et même avec les électros-machinos des équipes
de France 3, je n’ai jamais eu de problèmes. (Rires)
Discriminée non, mais il y a une réalité des chiffres qui
est incroyable, je ne dis pas le contraire. Pourquoi est-ce
que, moi, j’y suis arrivée, pourquoi je bosse ? D’abord
parce que je suis bien dans le métier… Je suis née sur un
plateau. J’étais aux Buttes-Chaumont à l’âge de deux
ans… Et les producteurs, je les connais. Je pense que
j’ai une facilité à me vendre plus grande que d’autres
garçons et filles réalisateurs, parce que je connais ce
métier par cœur.
GR. 25 I.. : Et puis dix ans d’assistanat quand même,
faut-il le rappeler.
C.D.L.R. : Oui, dix ans à bosser pour GMT, pour DEMD, et
pour un nombre de boîtes de prod incalculable. J’ai fait
des gros films d’époque, et du coup j’ai eu la confiance
des producteurs.
GR. 25 I.. : Mais la confiance des producteurs ne te
donnait pas celle des diffuseurs…
C.D.L.R. : C’est Cécile Roger-Machart et Laurence
Bachman qui m’ont vraiment donné ma chance
au début, à France 2. Cécile était conseillère de
programmes et Laurence était directrice de la fiction.
Et je dois dire qu’après, je n’ai pas eu de problèmes avec
les femmes diffuseurs. Anne Holmes et Carole Le Berre
m’ont acceptée sur mon unitaire. Heureusement, parce
que malgré le fait que je sois mère de trois enfants, je
deviens folle si je ne travaille pas. Il faut que j’aille aux
Restos du cœur ou à la Croix-Rouge… mais je ne peux
pas rester sans rien faire. (Rires)
GR. 25 I.. : Tu es comme ta sœur comédienne Sophie, il
faut que tu sois sur le front.
C.D.L.R. : Voilà, au combat. Et le résultat, c’est que
j’accepte aussi beaucoup de choses. Je fais aussi bien
de l’access que du prime, je fais de la série, comme de
l’unitaire. J’ai de la chance, mais je travaille aussi parce
que je suis curieuse de beaucoup de choses. J’ai des
copains réalisateurs ou réalisatrices qui n’ont pas envie
de faire tout ce que je fais.
GR. 25 I.. : Mais c’est bien, ça brise l’élitisme survivant
qui a fait du mal à la télévision…
C.D.L.R. : Et quand je vais faire Plus belle la vie, deux fois
par an, je fais deux semaines, c’est mon stage AFDAS
de l’année… (Rires) Alors là, pour le coup, si tu veux être
bonne technicienne, c’est le top. Quand, en une prise,
tu dois avoir fait une séquence de deux minutes trente
avec trois caméras, croyez-moi, tu affines ton discours,
tu peaufines tes mises en place… Moi, j’ai appris
énormément sur PBLV, à dire trois mots aux comédiens,
au lieu de trois phrases. Tu n’as pas le temps de dire trois
phrases. Donc, quand tu arrives sur un film classique, tu
vas gagner du temps. Parce que tout à coup, ces mots,
ils vont te revenir…
La Lettre des Réalisateurs n° 31
• 15
GR. 25 I.. : Tu répètes, tu mets en place, et là tu décides.
C.D.L.R. : Voilà. Je suis quelqu’un qui met des caméras
devant des comédiens, et pas des comédiens devant
des caméras. Je pense qu’il y a deux grandes catégories
de réalisateurs, et pour moi, il n’y a pas une méthode
meilleure que l’autre. Mais celle-là, c’est la mienne.
Et c’est vrai que c’est aussi pour ça que les comédiens
sont généralement assez heureux avec moi, parce qu’ils
ont une marge de liberté.
GR. 25 I.. : Il n’ont pas de marques au sol à respecter
partout.
© Aurélien Faidy - Tournage de Vogue la vie avec Medhi Nebbou, Virginie Hoq, Naidra Ayadi, Sophie de La Rochefoucauld,
Nadia Fossier, Marie Christine Ory, Claire Perot, Chantal Trichet, Yvette Petit et Anne le Guernec
GR. 25 I.. : En série, on apprend l’ellipse, et on sait que ça
peut très bien se monter même s’il n’y a pas l’ouverture
et la fermeture de porte…
GR. 25 I.. : Parce que parfois, une nouvelle équipe a
besoin de dégager du terrain et de l’argent, pour faire
ses nouveaux projets, ses trucs à elle. On l’a tous vécu.
C.D.L.R. : Et puis, j’aime bien les personnages récurrents.
J’aime bien rentrer dans des familles, je trouve ça
agréable d’apprendre les codes… Quand j’ai fait le crossover de P.J. et Avocats, je ne pouvais pas avoir plus
de contraintes. Parce que l’épisode de P.J., je l’ai fait
entièrement à l’épaule et au Steadicam. Et l’épisode
d’Avocats, à l’inverse, je l’ai tourné entièrement en
travelling, tout le temps en mouvements fluides, ce qui
était un peu le code d’Avocats. Et bien, c’est fou ce que la
contrainte technique est créatrice quand on la dépasse.
Et c’est peut-être une des choses qui me ressemblent
le plus, ce cross-over. Parce que je me retrouve dans
l’humeur des acteurs…
C.D.L.R. : Ce qui est quelque part un peu légitime.
Et puis, quand une série a duré dix ans, elle peut s’arrêter.
Je ne vis pas dans le passé. Et l’histoire de ce cross-over,
c’est aussi celle de deux producteurs différents qui ont
réussi à s’entendre. Telfrance et Son et Lumière, Michèle
Podroznik et Alain Clert
GR. 25 I.. : Il était très bien. C’était du super-bon boulot.
C.D.L.R. : Mais il était très bien écrit, en revanche, je
dois dire que vraiment, la rencontre des mondes de
Marc Eisenchteter et de Laurent Burtin, qui sont quand
même deux êtres très opposés…
GR. 25 I.. : Aux antipodes, oui.
C.D.L.R. : Mais… ça donne des choses formidables.
Comme quoi, c’est bien de travailler avec des gens
différents. J’avais un très bon texte, et des comédiens
hypermotivés. Et puis, les ploucs de P.J. qui rencontrent
les bourges d’Avocats… c’était du miel. On a fait
6 millions et demi de téléspectateurs. Ça a vachement
plu aux gens. Ils n’ont pas continué…
GR. 25 I.. : Ce sont deux chaînes différentes, mais tu
imagines le carton si Nos chers voisins déboulaient dans
Fais pas ci, fais pas ça ? Ils exploseraient l’audience.
C.D.L.R. : Bien sûr. Mais Michèle avait eu l’idée du crossover parce qu’elle devait faire un épisode spécial série
policière sur France 2 pour Noël. Et elle avait proposé
de le faire avec tous les héros récurrents de France 2.
C’est-à-dire une enquête criminelle qui démarrait dans
La Crim, dont Éloïse Rome s’occupait, et puis ça passait
sur P.J. et ainsi de suite… Et elle avait obtenu de Pierre
Mondy qu’il ouvre une porte et qu’il dise : « Ah non,
pardon, je me suis trompé de chaîne. » (Rires), et qu’il
reparte. Parce qu’elle produisait aussi Les Cordier.
GR. 25 I.. : C’est drôle.
C.D.L.R. : Donc, c’était vraiment l’épisode-cadeau.
Sauf que, six ou dix producteurs ensemble, avec des
bibles de personnages, ils ont fait trois réunions et
hop, ça s’est dégonflé… Au niveau des droits, c’était
impossible à gérer. Dommage.
GR. 25 I.. : Et pourquoi ils n’ont pas continué ?
GR. 25 I.. : Autre question, Claire. Comment travaillestu tes séquences ?
C.D.L.R. : Pour une raison très simple, et je peux le
comprendre… Jean Bigot était à la création d’Avocats et
de P.J. comme conseiller de programmes. Il est revenu
huit ans après comme directeur de la fiction et les séries
étaient toujours là. Il avait envie de faire autre chose.…
C.D.L.R. : Ce qui me caractérise le plus, c’est que je
ne fais pas de découpage. Enfin, j’en fais un, que je ne
montre à personne. (Rires) Au cas où je n’aurais pas
d’inspiration, je sais que je l’ai dans la poche, et pour
donner des axes à la régie, bien sûr.
16 •
La Lettre des Réalisateurs n° 31
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C.D.L.R. : En tout cas, ça laisse une marge de création
à un plus grand nombre de personnes dans l’équipe.
Je trouve qu’il y a deux choses très difficiles quand tu
deviens réalisateur. La première, c’est de garder les pieds
sur terre. Parce que, quand tu veux quelque chose, il y
a trois personnes qui se précipitent. Tu es surprotégée.
Mais moi, je prends mon com-tech, je demande une
pile, je change la pile… et je leur dis : « Mais vous savez,
chez moi, je change les piles de mes télécommandes
toute seule. Comme une grande, je n’appelle pas un
stagiaire… »
GR. 25 I.. : Et je sais faire un café.
C.D.L.R. : Et j’ai été stagiaire mise en scène, donc je sais
faire une photocopie. Et la deuxième chose vraiment
importante pour moi, c’est qu’il faut être suffisamment
sûr de soi, pour pouvoir dire non à des propositions,
mais en restant ouvert aux autres, pour être capable
de dire oui. Parce que tu n’as pas la science infuse, et
il y a plein de gens sur le plateau qui peuvent avoir
de meilleures idées que toi sur un point. Et c’est cet
équilibre à trouver… C’est-à-dire que pour moi, un
réalisateur qui dit toujours non, c’est un con, il n’a qu’à
aller faire ses films tout seul. En revanche, un réalisateur
qui dit toujours oui, c’est qu’il y a quinze réalisateurs
sur le plateau. Et c’est cet équilibre qui est vachement
important. Moi, j’ai appris, et je crois qu’aujourd’hui je
ne le maîtrise pas trop mal, à être capable d’écouter
mes collaborateurs.
GR. 25 I.. : Un bon réalisateur et un bon pickpocket.
C.D.L.R. : On est des pilleurs d’idées. C’est clair. On fait
un métier d’équipe. On est des chefs d’orchestre. Parce
qu’on ne fait pas un film seul. Et que si on veut faire
un métier où on ne doit le résultat artistique qu’à soimême, il ne faut pas être metteur en scène.
GR. 25 I.. : Non, il faut être peintre…
C.D.L.R. : Il faut être sculpteur, peintre, auteur de romans,
sur la première version du scénario, mais réalisateur,
seul, tu n’existes pas. Et moi je suis toujours atterrée,
aux remises de prix des festivals, du peu de réalisateurs
qui remercient leur équipe. Je vais dire quelque chose qui
ne va pas faire plaisir aux copains réalisateurs, mais tu
donnes à un réalisateur extrêmement moyen un super
chef-op, une super chef costumière, un super cadreur,
un bon scénario, des bons comédiens, le film sera bien.
Tu files à un génie les mêmes en mauvaise version, il
fera une bouse. Parce que tout seul, il ne peut rien.
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…entretien avec Claire de la Rochefoucauld…
GR. 25 I.. : Absolument. Le réalisateur est entrepreneur,
commandant de bord…
C.D.L.R. : Et je fais ce métier parce que j’aime les gens.
Parce que j’aime aussi être bien entourée… Et le chef
monteur alors ? Parlons-en… Il n’est pas important le
monteur ? Moi, je vais toujours au montage une fois que
l’ours est fait. Je laisse le monteur avoir sa vision du
film. Et après, je ramène l’ensemble à ma vision. Mais
il – ou elle – donne une direction ou une autre, et j’ai eu
des surprises au montage parfois. J’ai eu des cadeaux
des monteurs. Et des compositeurs… Par contre, le
compositeur, il faut que tu l’inspires. C’est un échange
en permanence.
GR. 25 I.. : Oui. Ce sont des mélanges d’univers, d’offres,
de regards, de richesse…
C.D.L.R. : Normalement, notre métier, c’est la générosité.
C’est l’échange… Alors je sais que certains metteurs en
scène sont à l’opposé de ça. Je sais que c’est possible,
que ça existe, mais moi, j’aime travailler dans le plaisir,
et l’écoute des autres.
GR. 25 I.. : Clouzot engueulait ses actrices, Pialat les
malmenait. Et ça a donné des beaux films.
C.D.L.R. : Oui, je sais, mais il y a de meilleures façons de
mettre en scène…
GR. 25 I.. : Mais en fiction télé, on n’est pas comme ça.
C.D.L.R. : Vous êtes sûrs ? (Rires)… Mais à l’inverse,
Wenders est un type délicieux, Fellini était adorable,
Chabrol était une merveille, tout le monde se battait
pour travailler avec eux, et ils faisaient aussi de grands
films. Tout peut arriver, mais moi, je préfère travailler
dans le plaisir et surtout, j’aime savoir pourquoi je fais
un film, décider pourquoi je suis là, et contrôler mon
entourage. Par exemple, j’ai beaucoup travaillé avec
France 3 et j’ai adoré leurs équipes. Je ne veux plus
qu’on me dise : « J’ai raté mon film parce que l’équipe de
France 3, elle est molle. » Ce n’est pas vrai. Je n’ai pas
fait toutes les stations, mais j’en ai fait trois sur quatre.
Les équipes de France 3, ce sont des techniciens qui ont
une expérience que n’aura jamais aucun intermittent.
Ils font cinq films par an, avec cinq réalisateurs
différents…
GR. 25 I.. : On a tous connu chez France 3 des femmes
et des hommes attachants et doués.
C.D.L.R. : Voilà. J’ai fait quatre fois 90 minutes avec
France 3 Lille, c’était devenu mon équipe. Et Dieu sait
que j’aime aussi mon équipe du privé. Simplement, si tu
arrives chez eux avec ton ego et ta couronne de César,
et que tu leur dis qu’il est temps de leur expliquer le
cinéma, ben les mecs, ils vont aller un peu moins vite
chercher les projos pour toi dans le camion. (Rires)
GR. 25 I.. : On est là aussi pour gérer une grosse machine,
pas seulement le scénario, et surtout une équipe.
En principe, c’est la base de notre métier.
La Lettre des Réalisateurs n° 31
• 17
© Aurélien Faidy - Claire sur Vogue la vie
C.D.L.R. : Moi, j’ai croisé un réalisateur qui disait que
les cadreurs de France 3 Lille ne connaissaient pas la
modernité. Mais ces mêmes cadreurs, six mois avant,
ils avaient tourné Les Oubliées, la sublime série HadmarHerpoux avec Jacques Gamblin. Alors qu’on ne vienne
pas me dire qu’ils ne savent pas être modernes.…
J’ai adoré cette série… Je suis allée en projo, je devais
rester pour un épisode, je suis restée pour les six,
tellement j’étais sidérée qu’on ait fait ça sur France 3.
Et on te dit qu’ils ne seraient pas des cadreurs modernes ?
GR. 25 I.. : C’est aussi l’univers qu’a insufflé Hervé
Hadmar, qui a imposé deux caméras à l’épaule, entre
autres. On a fait une interview de lui… Ils lui ont dit :
« On ne sait pas faire, ce n’est pas dans nos habitudes,
mais on va essayer. » Ils ont accepté le principe et on a
vu le résultat.
C.D.L.R. : Mais parce que notre métier, c’est aussi de
donner du désir.
GR. 25 I.. : Ah, mais c’est surtout ça. Créer une famille
éphémère, et lui donner l’envie…
C.D.L.R. : Créer de l’envie et de l’émotion. Pour moi, ce
sont les deux clés essentielles. Parce que c’est quand
même un très beau métier, même s’il est parfois violent.
GR. 25 I.. : En quoi le trouves-tu violent ?
C.D.L.R. : Parce qu’on te dit oui, on te dit non, on te
considère un peu comme un pion, ou comme certains
traitent les comédiens… « Eh bien non, pas cette
fois-ci », on t’annonce les choses de manière un peu
abrupte, on ne te traite pas toujours avec beaucoup
de bienveillance, je trouve. C’est brutal. Peut-être que
« violent » est exagéré, mais « brutal » est le bon mot.
GR. 25 I.. : Disons qu’on est parfois traité comme des
vendeurs à qui on refuse un produit. Mais un film, une
série, c’est trois, quatre, cinq années de travail personnel
des auteurs. Ça ne se refuse pas comme une maquette
18 •
La Lettre des Réalisateurs n° 31
de logo ou un article de presse…
GR. 25 I.. : Tout à fait d’accord.
C.D.L.R. : Oui. J’en reviens aux comédiens.
On passe son temps à se les faire refuser
dans les chaînes, avec une sécheresse qui
est parfois terrible. Je me répète, mais il
faut respecter nos acteurs et il faut aimer
la télévision. C’est une demande que je
fais à mes camarades réalisateurs, mais
aussi aux producteurs et aux diffuseurs.
Il faut vraiment qu’on l’aime et qu’on la
défende, notre télévision. Et mon dernier
film, Vogue la vie, je l’ai fait pour ça, et pas
pour l’audience même si je l’espère bonne.
Mais si je fais 3 millions de téléspectateurs,
et que sur ces 3 millions, j’ai 100 000
femmes qui, grâce au film, vont aller faire
une mammographie et découvrir à temps
qu’elles ont un début de cancer, eh bien,
je n’aurai fait pas ce métier pour rien.
On est là pour divertir, mais aussi pour être
les garants d’une certaine forme de société,
de lien social. C’est essentiel.
C.D.L.R. : Ce qui compte, c’est la courbe, donc le texte
d’origine. Des fois, si la courbe se casse la gueule, c’est
parce qu’il ne se passe rien entre la minute 20 et la
minute 50. Mais là, je pense qu’on doit être solidaire de
notre scénariste.
GR. 25 I.. : Si les chaînes acceptent de faire des films
engagés, dans cette direction-là, là, tant mieux.
C.D.L.R. : Tu vois, là, sur Vogue la vie, on a réussi. Michèle
et Marc ont été très forts, ils ont réussi à vendre un film
sur le cancer, ce qui n’est pas très vendeur… J’espère que
vous le verrez.
GR. 25 I.. : Bien sûr. Ce qui est intéressant dans ce que tu
dis, Claire, c’est qu'il y a une envie d’aller vers le public.
Notre métier, c’est d’être dans l’air, de regarder. Souvent,
on me dit : « Oh, mais comment, tu as trouvé cette idée,
toi ? » et je réponds : « Mais c’est mon métier, je regarde
tout, j’observe tout. »
C.D.L.R. : Moi aussi, je peux rester à une terrasse de
café pendant des heures à regarder les gens, comment
ils se conduisent, écouter ce qu’ils disent, comment ils
reçoivent le monde. C’est notre métier, peu importe
qu’on écrive ou pas, on enregistre.
GR. 25 I.. : Et quand les chargés de programmes, les
chaînes, nous permettent d’aller dans ce sens sans
lissage ni censure, alors le public le reçoit et se sent
respecté. Et l’audience suit.
C.D.L.R. : Moi, quand j’ai un film diffusé, je m’intéresse
un peu à l’audience, bien sûr, mais ce que je veux voir
avant tout, c’est la courbe. Parce que mon boulot, ce
n’est pas que les gens viennent, c’est qu’ils restent.
S’ils ne viennent pas, je n’y suis pour rien, parce qu’on
ne vient pas sur mon nom, ils ne savent pas qui je suis.
On ne regarde pas un La Rochefoucauld ou un Sandrine
Ray. On regarde un Woody Allen – je dis Woody Allen
parce que je l’adore. On vient en fonction du sujet et de
la communication qui a été faite autour du film… quand
il y en a une. Mais ça, c’est un autre problème, une autre
brutalité quand il n’y a rien… Donc, si les gens ne sont
pas venus, on ne doit pas nous incriminer. En revanche,
si les gens sont venus et qu’ils sont partis, alors, là, c’est
qu’on a mal fait notre boulot de réalisateur.
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GR. 25 I.. : On doit assumer et travailler ensemble.
A partir du moment où on accepte un film…
C.D.L.R. : Oui c’est notre boulot de parler avec eux.
Et avant la prépa, si possible. Moi, je serai toujours
solidaire, surtout sur les unitaires. Sur les séries, tu
as moins, ou pas, de maîtrise, mais pas toujours.
Par exemple, sur Famille d’accueil, il y avait un
scénario que je trouvais moins bon, j’ai appelé Georges
Desmouceaux, on a discuté, il a récrit des choses, car
il y a quand même des directeurs d’écriture – je le cite
parce que c’est un plaisir de travailler avec lui – qui sont
très à l’écoute des réalisateurs. On travaille ensemble,
main dans la main, c’est très agréable.
GR. 25 I.. : Oui mais le problème, c’est qu’il y a quand
même une partie des professionnels qui mettent les
carences sur le dos des réalisateurs. On entend un peu
trop souvent : « Tel réalisateur n’a pas tenu ce qui était
écrit, il s’est planté en audience, etc. »
C.D.L.R. : Mais il faut se battre contre ces préjugés. Marc
Eisenchteter, qui a écrit avec Blandine Stintzy le beau
scénario de Vogue la vie, a été surpris par mon film.
Je l’ai pris à contrepied. Et pourtant, je vous jure, j’ai
tourné mot pour mot ce qu’il a écrit. Mot pour mot. Je
n’ai pas changé un décor, je n’ai pas changé un mot de
dialogue, je n’ai rien changé… et il a été surpris.
GR. 25 I.. : On peut te montrer une séquence tournée début
décembre par les stagiaires de Initiation en réalisation
fiction tv, mis en place par Formation 25 Images. Sur la
même séquence, un stagiaire a tourné un 50 secondes…
et une autre réalisation fait deux minutes trente, avec le
même texte et les mêmes comédiens.
…entretien avec Claire de la Rochefoucauld...
GR. 25 I.. : Eh bien, nous on le fait dans notre stage mise
en scène adaptée à la télé. Et c’est vraiment étonnant.
Ce sont toujours des regards complètement différents.
C.D.L.R. : C’est une super idée… Je veux venir. C’est
aussi pour ça qu’il faut que les producteurs cessent
de harceler nos pauvres copines scriptes… parce qu’ils
veulent que le scénario fasse le temps qu’ils souhaitent,
et que la scripte finisse par s’y plier…
GR. 25 I.. : Mais si elle n’a pas déjà travaillé avec le
réalisateur, elle manque d’éléments. Tu fais jouer un rôle
par Dujardin, la séquence dure une minute trente, avec
Luchini, elle dure six minutes. (Rires)
C.D.L.R. : Tout ça pour conclure que, en dehors des
séries ultra-formatées où le réalisateur n’est qu’un chef
de plateau, notre mise en scène est prépondérante.
GR. 25 I.. : Si tu poses le scénario sur un cube au milieu
du plateau de tournage et qu’un réalisateur ne le prend
pas en main, il ne se passera rien. CQFD… Merci, Claire,
de cet entretien où ta franchise remet quelques pendules
à l’heure et renseignera les distraits et les rêveurs (les
mots sont diplomates) sur notre métier.
C.D.L.R. : Merci à vous de m’avoir donné la possibilité de
dire que je fais un beau métier. Si on me permet de le
faire. Parce que j’ai beaucoup de collègues réalisatrices
et réalisateurs sur le carreau, pour qui les projecteurs
ont du mal à se rallumer…
Entretien réalisé le 19 décembre 2013 à Paris
C.D.L.R. : C’est Kusturica qui a lancé ça dans les écoles
de cinéma, il y a vingt ans. Quand j’étais assistante de
Jean-Pierre Igoux, il me disait : « J’aimerais bien écrire
un court-métrage, et le faire réaliser, avec le même
budget, par trois réalisateurs différents, pour voir ce que
ça donne. »
A quand la diffusion du CHANT DES SIRENES (2011) ?
Prix du meilleur téléfilm au festival de la fiction tv de la rochelle 2011.
Ecrit par Christian Roux et Laurent Herbiet qui le réalise, d'après le roman de
Christian Roux "La bannière était en noir". Produit par Agora Films pour France 2.
Avec : Cyril Descours, Sabrina Ouazani, Eric Caravaca, Arnaud Ducret, Franck Pitiot
Ils ont 20 ans et les mêmes rêves. Ils se rencontrent lors d’une audition type Nouvelle Star.
Elle, française d’origine nord-africaine, lutte contre sa propre communauté. Lui, enfant de la
DDASS, sans attaches ni culture. Il est rapidement happé par une bande de hooligans ultras
dans laquelle il croit trouver une famille.
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La Lettre des Réalisateurs n° 31
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