La ferme se rebelle - Le Mensuel de Rennes

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La ferme se rebelle - Le Mensuel de Rennes
Vanina Delmas
SOCIÉTÉ
Des vaches en carton à l’entrée d’Acigné ? Un teasing avant de lancer des actions concrètes pour défendre les exploitations menacées par l’évolution du plan local d’urbanisme.
La ferme se rebelle
ÉTALEMENT URBAIN
Aux portes de Rennes, à Acigné, un collectif s’insurge contre les « incohérences » du plan
local d’urbanisme initié par la mairie. L’étalement urbain suscite la grogne des agriculteurs.
«S
La barrière
naturelle n’est
plus un frein
à l’étalement
urbain
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auvegarde des zones
agricoles » ou « développement des zones
à urbaniser » ? Un jargon qui parle désormais à une partie des
Acignolais. La révision du plan local d’urbanisme (Plu) ces dernières années a mis
à la mode cette terminologie barbare.
Le but : délimiter les nouvelles zones
d’expansion urbaine. Mais à quel prix ?
Les propriétaires de la ferme biologique
Ifer, enclavée entre la zone d’activités du Boulais et celle du Pontd’Ohin, ont découvert que 15%
de leurs terres seraient probablement grignotés par l’extension de
ces zones. Implantée depuis quinze
ans, cette exploitation emploie trois
personnes à temps plein. Elle fournit des produits bio aux consommateurs locaux. « La vente directe
de nos produits a permis de fédérer
des personnes autour de notre cause »,
expliquent Sylvie et Yvonnick Letort,
propriétaires.
Grâce au bouche à oreille, plusieurs
dizaines de personnes ont formé le collectif Plu d’avenir, afin de défendre les
terres menacées. Deux autres exploitations seraient dans cette situation.
L’objectif principal des frondeurs est
d’informer. « Tant qu’on n’explique
pas simplement l’impact du projet aux
citoyens, ils ne se sentent pas concernés », affirme Elodie Rondard, membre
Le Mensuel
Mensuel/février 2013
www.LeMensuel.com
du collectif. L’ouverture de l’enquête
publique en mairie doit avoir lieu courant février. La première phase administrative du Plu est engagée, mais le
collectif s’active avant l’enregistrement
définitif du zonage.
Un combat contre
le pot de fer ?
Acigné souscrit, comme la plupart des
communes de la région rennaise, au
concept de « ville archipel » prôné par
Rennes Métropole. Ce dernier consiste
à préserver des corridors de verdure
autour des communes et à privilégier
la densification plutôt que l’étalement
urbain. En 2008, le Pays de Rennes,
dont fait partie Acigné, a entériné en
lien avec les représentants agricoles
un programme local de l’agriculture.
Le texte stipule que « La "ville archipel"
place l'agriculture au milieu de la ville.
La pérennité de ce modèle repose sur le
maintien d’une activité agricole forte. »
En décembre dernier, la région Bretagne
et l’Etat ont finalisé, de leur côté, une
charte pour une gestion économe du
foncier, afin d’inciter les collectivités à
la « sobriété foncière ». Ces déclarations
de bonnes intentions se heurtent sur le
terrain au pragmatisme des décideurs…
A Acigné, le centre de la commune et
les zones agricoles sont délimités à
l’ouest et au sud par le Chevré et la
Vilaine, qui forment une sorte de bar-
rière naturelle. Mais les cours d’eau ont
été « franchis » par les zones d’activités.
Ils ne sont plus un frein à l’étalement
urbain. « Pour nous, le projet de Plu
n’est cohérent ni avec la politique de
préservation des ressources naturelles,
ni avec les lois sur l’environnement »,
déclare Yvonnick Letort.
Patrick Besnard, membre du bureau
départemental de la Confédération
paysanne, assure que le foncier est
un combat au quotidien : « En Ille-etVilaine, on perd 1 800 ha de terres par
an. Les collectivités poussent l’urbanisation toujours plus loin pour créer
des activités économiques plus lucratives que les fermes. Tous ces cas sont
des mini Notre-Dame-des-Landes. »
Acigné n’est pas un cas isolé. À SaintJacques-de-la-Lande, Bertrand Robert
a connu une situation semblable. En
2011, le dernier agriculteur de la ville
a vu deux hectares de ses terres récupérés pour l’agrandissement du centre
d’entraînement du Stade rennais. « Se
battre contre les collectivités, c’est se
battre contre le pot de fer », explique
Bertrand Robert, syndiqué à la FDSEA.
« Ils ne gagneront pas », prévoit-il, fataliste. Reste à savoir quelles compensations recevra la ferme Ifer si le Plu est
validé dans les mois à venir. La mairie
n’a pas répondu à nos sollicitations.
Vanina Delmas
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