PRURIGO NODULAIRE DE HYDE. A PROPOS D`UN CAS

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PRURIGO NODULAIRE DE HYDE. A PROPOS D`UN CAS
PRURIGO NODULAIRE DE HYDE
A PROPOS D'UN CAS
AIT OURHROUIL M., EL BAKKALI A., BENYOUSSEF K., SENOUCI K., HASSAM B., BENNOUNA-BIAZ F.
RESUME
Les auteurs rapportent un cas de prurigo nodulaire de
Hyde (P.N.H. ), chez une patiente de 40 ans, fait de
gros nodules prurigineux. Ils relatent les difficultés
thérapeutiques et la re l at ive efficacité du Thalidomide, et concluent sur l'intérêt du diagnostic clinique
de l'affection.
(Anapath n° 92/B/190, Pr BENOMAR Said). Un traitement
à base du Thalidomide à raison de 300 mg/J. a entraîné la
disparition du prurit et une ébauche d'amélioration des
lésions cutanées.
Figure 1 : Lésions nodulaires comme posés sur la peau
à surface verruqueuse (membres inférieurs)
Mots-clés : Prurit - Prurigo - Nodules - Thalidomide
INTRODUCTION
Dermatose prurigineuse, de cause inconnue, caractérisée
par des nodules très saillants, le P.N.H. atteint avec prédilection les femmes d'âge moyen de vie. A la lumière
d'une observation, nous nous proposons de faire une mise
au point sur cette affection rare.
OBSERVATION
Mme K., âgée de 40 ans, sans antécédents pathologiques,
mère de 3 enfants, accuse depuis 12 ans un prurit féroce
sur des lésions cutanées papulo-nodulaires de quelques
millimètres de diamètre à 1,5 cm, plus prononcées au
niveau des 4 membres (Fig.1) et le visage (Fig. 2). Ces
éléments nodulaires sont saillants comme posés sur la
peau et à surface verruqueuse. La peau sous-jacente est
tout à fait normale.
Les bilans clinique et paraclinique de routine sont sans
particularité. L'aspect clinique fait évoquer en premier
lieu, le P.N.H. et permet d'éliminer les autres prurigos et
le lichen verruqueux. Le prélèvement biopsique offre un
revêtement cutané hy p e rplasique et ve rru q u e u x .
L'attention est surtout retenue par l'importance des lésions
dermiques qui consistent en la présence de nombreux
manchons inflammatoires lympho-histiocytaires déployés
autour des vaisseaux et de filets nerveux hyperplasiques.
Clinique Dermatologique - C.H. Ibn Sina - Rabat (Maroc)
Médecine du Maghreb 1995 n°53
AIT OURHROUIL M., EL BAKKALI A., BENYOUSSEF K., SENOUCI K., HASSAM B., BENNOUNA-BIAZ F.
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COMMENTAIRES
Le P.N.H. est une affection rare (3). Il touche surtout les
femmes de 30 à 50 ans (3) et coexiste parfois avec des
troubles ovariens et une entéropathie au gluten (9).
Cliniquement il est cara c t é risé par de gros éléments
cutanés nodulaires globuleux, très saillants et durs. Ils sont
nettement limités et hémisphériques, de la taille d'un pois à
celle d'une demi-noisette.
Les uns sont lisses et d'une teinte ivoirine ou rosée, les
autres sont recouverts de squames très adhérentes, grises
ou brunâtres (aspect corné) (3, 7, 8). Certains sont excoriés
avec des croûtelles sanguinolentes, provoquées par le
grattage. Lorsque les éléments sont jeunes, ils peuvent être
entourés d'un placard urticarien ou d'une zone de lichénification (3). Ils siègent surtout sur les membres (les faces
postérieures des avant-bras, les cuisses et les jambes) et
s ' a c c o m p agnent d'un pru rit féroce rebelle aux antipru rigineux et survenant par crises (3, 7, 9).
Figure 2 : Eléments papulo-nodulaires
du visage et pavillon d'oreille (-)
De diagnostic évident, le P.N.H. reste d'étiologie inconnue
(3, 8, 9). Il se distingue des autres prurigos par son aspect
clinique. Il pose les mêmes problèmes pathogéniques que
les lichénifications primitives (3) et son principal diagnostic différentiel est le lichen verruqueux hypertrophique,
dont le diagnostic repose sur l'examen histologique et la
présence de lésions de lichen plan typique sur le reste du
tégament (3, 8).
Le traitement est malheureusement décevant (3). On utilisera sans grand espoir toutes les médications générales et
locales préconisées pour les lichénifications.
De même l'abl ation ch i ru rgicale des nodules peut être
t e n t é e, mais au prix des récidives en bord u re (3). Le
traitement local est décevant. La corticothérapie forte est
appliquée sous occlusion pour limiter le grat t age. La
crénothérapie par douches filiformes est souvent utile (8).
La cryothérapie, par application d'azote liquide sur les
nodules les applatirait et supprimerait le prurit pendant
plusieurs mois (3, 8). De même l'application de l'acide
trichloracétique à 33 % semble bénéfique.
Le traitement général est aussi souvent décevant que le
traitement local. La psychothérapie est certainement utile.
Le Thalidomide est très efficace (6). En 1968, MATTOS
utilise le premier ce dérivé dans le P.N.H. (6). Par la suite
plusieurs dizaines de patients ont été traités par le Thali-
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domide. Les doses étaient généralement importantes :
400 mg/j (6). Ce traitement semble le plus efficace (6, 8).
Le mode d'action ferait intervenir la neutotoxicité directe
sur les fibres amyéliniques et l'effet sidatif central (6).
sifs à la posologie de 600 mg/j. pendant 2 mois puis en cure
discontinues (1, 5).
L'ETRETINATE et d'autres rétinoïdes ont permis également de contrôler plusieurs cas (4) ; à l'inverse des prurigo
nodulaire semblent avoir été induits par l'étretinate : 2 cas
ont été rapportés par BOER et 1 cas par ROWLAND
PAYNE (2, 7). Le Bénoxaprofène a permis des succès déci-
Le diagnostic du P.N.H. est avant tout clinique. Son histologie évoque celle des lichénifications. La multiplicité des
thérapeutiques possibles, mis à part le Thalidomide, témoigne bien de l'absence de solution satisfaisante. Le but du
traitement reste l'interruption du cycle prurit-grattage.
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
1 - ALLEN B.R.
Benoxaprofen and the skin.
Brit. Der., 1983, 109, 367-64.
2 - BOER AND SMEENK
Nodular prurigo like eruption indirced by etretinate (2 cases).
Brit. J. Der., 1987, 118, 271-74.
3 - DEGOS R.
Dermatologie, Flammarion, 1981, 968.
4 - GIP L.
Dermatologie, 1984, 169, 260.
5 - HINDSON C. et coll.
Treatment of nodular prurigo with Benoxaprofen.
Brit. J. Derm., 1982, 107, 369-71.
6 - REVUZ J.
Actualités du Thalidomide.
ADV, 1990, 117, 313-21, (103 références).
7 - ROWLAND-PAYNE C.M.E. et coll.
Brit. J. Derm., 1985, 113, 431.
8 - SAURAT J.H.
Prurigos.
Précis de Dermatologie et Vénérologie.
Masson, 1990, 823-25.
9 - SVAREZ C. et coll.
Dermatologica, 1984, 169, 211.
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