Le Rhumatologue N o 88 - Juin 2014

Transcription

Le Rhumatologue N o 88 - Juin 2014
Le
humatologue
La revue de la Fédération Française de Rhumatologie
Socio-Pro
Dix milliards d’économie :
l’addition coup de bambou
Retraite complémentaire :
une réforme qui passe mal
DPC : le sévère rapport de l’IGAS
Le dernier des Mohicans
FMC
Les Journées Nationales
de Rhumatologie de la SFR
Quand et comment arrêter
une biothérapie dans la PR ?
Toxicité des anti-inflammatoires
non stéroïdiens
Les spondyloarthrites féminines
Dernières nouvelles Industrie
N° 88 / juin 2014
3
N° 88
Le Rhumatologue
Revue de la Fédération Française
de Rhumatologie
www.france-rhumato.fr
éDitoriAl
Directeur de la Publication
Renaud Samakh
Rédacteur en chef
Dr José Carbonnier
Coordination de la rédaction
Renaud Samakh
[email protected]
DPC : lA Mort AnnonCée (?)
Conseillers Scientifiques
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Pr Jean-Denis Laredo
Comité de Rédaction
Dr Armand Bejbaum, Dr Pierre Cayla
Dr Jean-Claude Gardiol, Dr Eric Gibert,
Dr Gilbert Guiraud, Dr Jean le Gallo
Dr Yannick Hesbert, Dr Henri Lellouche,
Dr Benoît Loze, Dr Jean-Jacques Mora,
Dr Olivier Rossignol, Dr Hervé Zakarian
Comité de lecture
Dr Daniel Chenebit, Dr Philippe Boyer,
Dr Didier Jacques, Dr François Badois,
Dr Nicole Molinas, Dr Patrick Maury,
Dr Michel de Bandt, Dr Françoise Gondouin,
Dr Lydie Coelho-Mandes
Edition, Publicité et abonnements
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32 rue de Paradis
75010 Paris
Tél. : 01 55 77 12 70
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8, RuE MARCEL-DASSAuLT, BONDY
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Tarif abonnement : 1 an : 10 €
Trimestriel réservé au corps médical
Tirage : 2 300 exemplaires
e DPC aurait-il du plomb dans l’aile ? Depuis le récent rapport de l’IGAS mettant en lumière
de nombreux dysfonctionnements et suggérant une réforme en profondeur, la question de sa
pérennité devient criante. Point n’est besoin d’être haut fonctionnaire pour avoir compris dès le
début que cette usine à gaz ne pourrait fonctionner bien longtemps sur un tel mode. Déjà, si le principe
d’évaluer sa pratique professionnelle ne peut être qu’approuvé par tout médecin consciencieux, la mise en
œuvre en apparait bien différente : pour en avoir débattu avec de nombreux confrères, il semblerait qu’une des
motivations principales des participants aux sessions est le fait de pouvoir être indemnisé d’un gros millier
d’euros par an, en suivant un programme complet. Cet attrait de l’« appât du gain » est assez surprenant chez
ces confrères, d’autant que ce montant -une goutte d’eau dans les recettes annuelles d’un honnête praticienest ensuite soumis aux cotisations diverses et variées que chacun connait. Quelle vergogne ! Avons-nous
vraiment besoin de cela pour vivre et pour bien travailler ? Le DPC est censé être obligatoire, direz-vous. Mais
ceux qui s’en contrefichent ne risquent rien, vu l’absence de sanctions, et l’absence même de tout contrôle.
Il se murmure de-ci de-là que l’Ordre des médecins se verrait tenu de sanctionner les praticiens présentant des
« insuffisances professionnelles ». Est-ce l’abstention au DPC qui est ainsi dans le collimateur ? Dans ce cas,
on ne voit pas très bien comment la logique de rémunérer quelqu’un pour qu’il se plie -sous peine de sanctionsà ses obligations, pourrait perdurer bien longtemps. Même le simple maintien de la gratuité n’est pas très
crédible, vu les budgets en jeu. Peut-être alors le contenu des sessions est-il professionnellement intéressant
? A lire les programmes des multiples propositions que nous recevons tous par courriers et par mails, force
est de constater que la plupart ressemblent à la FMC la plus « bidon » que l’on ait pu nous proposer autrefois,
que de plus elles se plagient les unes les autres ou reprennent de vieux modules de formation sans intérêt.
Simplement, les organisateurs sont agréés par les autorités ad hoc, et leurs sessions sont censées être
formatées avec la bénédiction de la Haute Autorité de Santé.
Comment peut-il y en avoir autant ? On subodore qu’il s’agit d’un commerce juteux : pour chaque praticien
attrapé dans ses filets, l’organisme prestataire percevra une indemnité bien plus substantielle que celle
octroyée au médecin lui-même. Ensuite, la récupération des fonds par les Gentils Organisateurs sous forme
d’honoraires d’expert ou de responsable de programme, de membre du conseil d’administration, etc., n’est
plus qu’un jeu d’enfant bien au point et parfaitement légal… quand les fonds arrivent ! Car vu la complexité
du système et les pertes en charge dans les canalisations, il n’est pas rare que l’organisme financeur ne
parvienne plus à faire face. Qui à votre avis sera servi en premier ? Paradoxalement, plus le DPC attirera de
participants, plus les dysfonctionnements s’amplifieront, il n’est pas facile de remplir un tel entonnoir.
L
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
éditorial
Comment en est-on arrivé à une telle situation ? Elle était parfaitement prévisible. Si sur le papier chacun est
dans son rôle, les conflits d’intérêt identifiés et écartés et si tout se déroule dans la clarté et la transparence,
en réalité la formation médicale continue sous toutes ses formes est un petit monde dans lequel apparaissent
toujours les mêmes acteurs sous des noms différents. Par exemple, chaque organisme représentatif d’une
spécialité, habilité à participer à l’accréditation des prestataires de DPC, a son ou ses propres prestataires,
juridiquement complètement distincts et indépendants, mais où gravitent toujours les mêmes personnes selon
un savant jeu de chaises musicales. Ce n’est qu’un exemple, il existe aussi des « boîtes » privées, dans
lesquelles on retrouvera aussi des têtes bien connues des milieux FMC. Ce fonctionnement d’une extrême
complexité, mais parfaitement maîtrisé par les initiés, qui sont eux-mêmes tantôt accréditeurs tantôt
accrédités, explique le foisonnement d’officines sur le marché, ainsi que la publicité forcenée dont vous êtes
envahis. Ne dit-on pas que pour qu’une farce soit bonne, il faut beaucoup de dindons ? Mais la fable de la
poule aux œufs d’or n’est sans doute pas loin.
A côté de cela, on ne peut que déplorer les difficultés de financement rencontrées par les réunions de FMC
classiques, montées par les participants eux-mêmes, peu coûteuses car organisées de façon bénévole et
financées par les Laboratoires, plus intéressantes et utiles professionnellement, et où chacun trouvait son
compte de façon finalement moins malsaine que la situation actuelle.
Ah ! Ces vieux croûtons, toujours à regretter le passé…
Théo Parfin des Ormais
GOD SAVE THE DATE !
Après la réussite du 13e Congrès de
la Fédération Française de Rhumatologie
Le prochain congrès aura lieu les
16 et 17 janvier 2015 à :
a l’hôtel Pullman, Paris Bercy a
Qu’on se le dise !
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
Annonce de la SOFOC
21
5
(Nouvelle formule du Lobstein journal)
SOciété Française d’Ostéodensitométrie Clinique
Président : Rémy Dufour, Avignon. Secrétaire : Bertrand Godfrin, St Gaudens. Trésorier : Alain Belleville, Tournefeuille.
Conseil d’Administration : Catherine Dray, Toulouse - Michel Ferly, Cugnaux - Alain Forgue, Lourdes
Jean-Louis Godfrin, Luchon - Gilbert Guiraud, Muret - Roland Hamisultane, Antibes - Benoît Loze, Cornebarieu
Jean Roquefort, Castelnaudary - Alain Rouanet (Président d’honneur), Narbonne
Siège : clinique Rhône-Durance chemin du Laverin 84000 Avignon - [email protected] - site internet: www.sofoc-dmo.org
11 oCtoBRe 2014 - 14e JouRnée de lA SoFoC,
Avignon
AmélioRAtion de lA PRAtique de lA denSitométRie dPC
la soFoC organise le samedi 11 octobre 2014 une journée de
formation spécifique à la bonne pratique de l’ostéodensitomètrie.
elle aura lieu à AviGnon, à l’hôtel de l’europe.
Cette formation répond à la nécessité d’une harmonisation de nos
pratiques en tenant compte de l’évolution des techniques.
elle s’adresse aux rhumatologues et aux radiologues ainsi qu’aux médecins
nucléaires.
nous avons la chance de pouvoir bénéficier de l’appui logistique de l’AFMl
ce qui autorise à faire rentrer cette journée dans le cadre du DPC. Celui-ci
offre l’avantage de nous permettre de remplir notre obligation administrative d’une formation professionnelle agréée annuelle avec l’opportunité d’une indemnisation individuelle de 350 € par l’oGDPC.
> les modalités pratiques :
- Soit s’inscrire sur monDPC.fr
- Soit téléphoner à Isabelle FORT de l’AFML au 01 53 68 90 03
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
Sommaire
6
informations socio-Professionnelles
Dix milliards d’économie : l’addition coup de bambou
7
Retraite complémentaire : une réforme qui passe mal
8
Catherine Sanfourche
Catherine Sanfourche
DPC : le sévère rapport de l’IGAS
8
Catherine Sanfourche
Brèves
9
Catherine Sanfourche
Le Rhumatologue ou le dernier des Mohicans - Plaidoyer pour une médecine clinique
11
Dr Gilbert Guiraud
Formation Médicale Continue
Les Journées Nationales de Rhumatologie de la SFR
14
Michel de Bandt
Quand et comment arrêter une biothérapie dans la PR ?
18
Interview de Michel de Bandt
Toxicité des anti-inflammatoires non stéroïdiens
21
Bernard Bannwarthl
Les spondyloarthrites féminines
24
Edouard Pertuiset
Dernières nouvelles de l’industrie
Michel Bodin
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
32
INFoRMATIoNS SoCIo-PRoFESSIoNNELLES
7
Catherine Sanfourche, Paris
DiX MilliArDs D’éConoMie :
l’ADDition CouP De bAMbou
l
a ministre de la santé, Marisol touraine,
a donné quelques précisions sur les
10 milliards d’économies que le secteur de la santé devra économiser dans les trois
prochaines années, ainsi que l’avait annoncé
le premier ministre, Manuel valls, lors de son
discours de politique générale.
détail. Par contre, Marisol Touraine a précisé que pour
« faciliter la qualité de la prescription », des listes de médicaments recommandés pour chaque spécialité seront
instituées, reprenant ainsi une recommandation du récent rapport du Commissariat Général à la Stratégie et
à la Prospective (CGSP). Inutile de dire que les médecins
ont réagi immédiatement à ce qu’ils considèrent comme
une atteinte à leur liberté de prescription.
Comme l’on pouvait s’y attendre, l’oNDAM fixé cette
année à 2,4 %, baissera à 2,1 % l’année prochaine
puis à 2 % en 2016 pour s’établir à 1,9 % en 2017.
« Un effort sans précédent », a commenté la ministre.
Les libéraux, qui pour la troisième année consécutive,
ont sous-réalisé l’objectif qui leur avait été fixé, vont
bientôt crier grâce, d’autant qu’ils ne voient pour l’instant aucun « retour sur investissement ».
Sans surprise, l’industrie pharmaceutique est également mise à contribution : 3,5 milliards d’euros devront
être économisés en trois ans « en baissant le prix des
médicaments et en favorisant les génériques », puisque
« nous consommons trop de médicaments, trop de médicaments de marque et trop de médicaments chers »,
selon Marisol Touraine. Sur les seuls génériques, le gouvernement attend 1 milliard d’euros d’économies, ce qui
sera possible à condition qu’ils représentent un quart du
marché français en 2017. L’industrie pharmaceutique
dénonce « un plan de facilité, profondément inadapté
aux enjeux, qui fait encore une fois porter tout l’effort
sur le médicament », qui ne représente pourtant que
15 % des dépenses d’assurance maladie. Pour le Leem,
ce plan est « un désaveu cinglant de la stratégie industrielle soutenue au plus haut niveau de l’Etat » et le gouvernement « prend le risque d’assécher définitivement
les considérables effets d’entraînement économique de
ce secteur sur l’ensemble de l’économie du pays ».
L’hôpital sera mis à contribution à hauteur de 2 milliards d’euros. La ministre de la Santé a indiqué que
cela serait possible grâce à une meilleure gestion et à
la mutualisation des achats ainsi qu’à un bien moindre
recours aux médecins intérimaires, les « médecins mercenaires » dont le surcoût annuel représenterait 500
millions d’euros pour les hôpitaux. Il est aussi demandé
à l’hôpital de développer les interventions en ambulatoire de façon à économiser 1,5 milliard d’euros sur trois
ans, dont près de 1 milliard pour la chirurgie ambulatoire, ce qui signifie qu’en 2016, une opération sur deux
devrait avoir lieu en ambulatoire. Encore faudrait-il que
les moyens soient donnés aux praticiens libéraux d’assumer ce transfert d’activité des hôpitaux publics vers la
médecine de ville.
La chasse aux « actes inutiles ou redondants » et à « la
consommation de médicaments inadaptés » devrait rapporter 2,5 milliards d’euros. « Des mesures seront prises
pour y remédier » a précisé la ministre, sans plus de
Enfin, pour parvenir aux 10 milliards d’euros attendus,
« le gouvernement prendra des mesures de lutte contre
la fraude » qu’il évalue apparemment à 1 milliard
d’euros. Réfutant l’idée d’un système de santé « low
cost », Marisol Touraine affirme que « les patients ne
seront ni moins bien soignés ni moins bien remboursés ».
Ce sont donc les professionnels de santé seuls qui
paieront la facture.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
8
INFoRMATIoNS SoCIo-PRoFESSIoNNELLES
Catherine Sanfourche, Paris
retrAite CoMPléMentAire : une réForMe
Qui PAsse MAl
l
a réforme de la retraite
complémentaire adoptée
par le conseil d’administration de la CArMF ne fait pas
l’unanimité. seule la FMF la soutient tandis que la CsMF et MG
France dénonce le « leurre de la
retraite à la carte ».
La réforme adoptée par la CARMF
concerne bien évidemment la retraite
complémentaire. Rappelons que la retraite des médecins libéraux est composée de trois régime : le régime de base
de la sécurité sociale, qui représente
20 % de la pension, le régime complémentaire (40 % de la pension) et l’ASV
(36 % de la pension). Pour l’heure,
l’âge légal de départ à la retraite est
de 62 ans pour le régime de base, sous
réserve d’avoir acquis le nombre de
trimestres nécessaires. Pour la complémentaire et l’ASV, qui représentent donc
80 % de la pension, l’âge de la retraite
est à 65 ans. En pratique, les médecins
ne peuvent donc liquider leur retraite
qu’à 65 ans, sous peine d’être pénalisé de 5 % par année anticipée dans la
complémentaire et l’ASV.
La CARMF propose une retraite « à la
carte » : les médecins pourraient prendre
et liquider leur retraite complémentaire
dès 62 ans, mais minorée de 15 % par
rapport à la retraite actuelle à 65 ans. En
contrepartie, leur pension serait majorée
de 5 % pour chaque année cotisée audelà de 62 ans dans le régime complémentaire. Pour Gérard Maudrux, cette
réforme avantage les médecins qui, pour
l’instant, touchent 100 % de leur pension s’ils partent à 65 ans mais rien de
plus s’ils continuent à exercer et qui ne
touchent que 85 % de leur retraite s’ils
la prennent à 62 ans. Avec la retraite « à
la carte », un médecin touchera 85 % de
l’actuel taux plein dès 62 ans, mais il touchera 5 % de plus par année travaillée
au-delà, soit + 15 % à 65 ans, + 25 %
à 67 ans et + 3 % au-delà, comme dans
le régime de base.
La CSMF et MG France rejettent radicalement cette réforme, arguant du fait
que « quand on réduit de 15 % le montant de la retraite à 62 ans par rapport à
65 ans, pour l’augmenter ensuite de 5 %
par année travaillée, mais sur ce montant réduit, on ne récupère pas à 65 ans
les 15 % perdus ! Cette réalité arithmétique traduit bien le fait que la pension
des médecins sera réduite dans tous les
cas ». La FMF quant à elle « soutient la
juste réforme du régime complémentaire proposée par nos représentants
démocratiquement élus à la CARMF.
Cette réforme permettra, grâce à des
ajustements minimes sur les cotisations
et les allocations, d’obtenir l’équilibre
sur le long terme avec les seules cotisations des médecins ».
La balle est maintenant dans le camp
des pouvoirs publics qui devront trancher.
DPC : le sévère rAPPort De l’iGAs
à
la suite des plaintes des
professionnels
portant
essentiellement sur les retards dans le paiement des forfaits,
Marisol touraine avait missionné
l’iGAs pour effectuer un audit de
l’organisme Gestionnaire du Développement Professionnel Continu
(oGDPC). les inspecteurs de l’iGAs
ont élargi leur champ d’investigation et présentent donc un panorama critique complet du dispositif.
ils y pointent de nombreux dysfonctionnements et proposent quatre
scénarios possibles de réforme.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
Les auteurs (*) du rapport mettent en
exergue « plusieurs vices de conception ».
Ainsi, « l’obligation de formation n’a pas
de contenu précis : ni le volume d’heures,
ni le contenu de la formation ne font
l’objet de prescription ». L’absence d’organisation de la sanction du manquement à l’obligation constitue un autre «
vice ». Enfin, « les aléas budgétaires qui
affectent la construction des budgets de
l’OGDPC ne donnent aucune assurance
qu’il sera possible de financer le coût
d’un DPC généralisé à tous les effectifs
de l’ensemble des professions ». L’IGAS
constate également « quelques mauvais
réglages » Parmi ceux-ci, la procédure
d’évaluation des organismes de DPC par
les Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI) qui « n’apporte pas toute
garantie de qualité », et l’absence de
contrôles a posteriori des organismes.
« La conduite de projet a été défectueuse.
Dans un cadre juridique contraint par
des textes qui empiètent sur la marge de
gestion nécessaire, les remises en cause
de règles édictées après “arbitrage”
politique, les délais trop serrés, le choix
technique hasardeux d’un recours exclusif à l’informatique, ont mis sous une
pression exclusive l’OGDPC », tranche
sévèrement le rapport, qui exonère
donc l’organisme gestionnaire, dont «
la responsabilité apparaît limitée », pour
INFoRMATIoNS SoCIo-PRoFESSIoNNELLES
mieux dénoncer un pilotage confus dû
à l’omniprésence de l’Etat. Enfin, l’IGAS
constate qu’ « une carapace de scepticisme entoure cette réforme dont beaucoup considèrent qu’elle échouera ».
Aussi la mission recommande-t-elle impérativement un « travail de concertation approfondie » en préalable à toute
modification du dispositif. « La concertation doit s’étendre à l’élaboration des
textes afin que la réforme s’élabore sans
ambiguïté et recueille la meilleure adhésion des acteurs », préconise-t-elle.
Pour cette réforme, l’IGAS envisage
quatre scénarios possibles. Le premier
consiste « à maintenir le système actuel en
en corrigeant les dysfonctionnements ».
Il faudrait notamment consolider le financement du DPC, assortir l’obligation
d’un « jeu de sanctions réelles » en cas
de manquement. La mission propose
également « d’alléger la gouvernance
et de garantir une concurrence loyale
entre organismes de formation ». Dans le
second scénario, les missions de
l’OGDPC seraient recentrées sur la formation inter-professionnelle et les priorités de santé publique et tout ce qui a
trait aux formations de DPC propre à
chaque profession relèverait des organismes gestionnaires spécifiques, ANFH,
OPCA et FAF. Dans le troisième scénario,
le DPC serait circoncris « à un socle de
connaissance à actualiser que détermine
le professionnel après évaluation de sa
pratique », socle qui serait à acquérir
auprès d’organismes ayant été évalués.
Quant au quatrième scénario, il est radical, puisqu’il « consiste en l’application
de droit commun de la formation continue : de légale, l’obligation redevient
déontologique, l’OGDPC est supprimé
et les fonds publics sont convertis en incitations, notamment dans le cadre des
conventions avec l’Assurance Maladie.
Concernant les libéraux, l’IGAS suggère
que ces incitations pourraient prendre la
brèves
Revenus à la baisse en
2012
« Résultat accablant ». C’est ainsi que la
CARMF qualifie les revenus des médecins
libéraux pour 2012, qui ont effet baissé de
2,4 % en euros courants cette année-là, soit
une baisse de leur pouvoir d’achat de 4,4 %
en tenant compte de l’inflation. Les baisse
moyennes sont à peu près les mêmes chez les
généralistes et les spécialistes, qu’ils soient
en secteur 1 ou en secteur 2. Tous secteurs
confondus, le revenu moyen des 1 679 rhumatologues libéraux pour 2012 a été de 76 713 €,
ce qui représente une baisse de 2,99 % par
rapport à 2011.
L’examen du projet de
loi de santé début 2015
La future loi de santé sera peut-être présentée en conseil des ministres avant l’été mais
ne devrait pas être examinée par le Parlement
avant début 2015. Les tutelles n’en travaillent
pas moins à sa rédaction qui devrait s’articuler
autour de six grands axes : définition des principes généraux et priorités de la politique de
santé ; gouvernance et organisation de soins ;
9
forme de points supplémentaires dans le
cadre de la ROSP ou d’une majoration
du C pour les médecins justifiant de leur
engagement dans le DPC.
Il revient à présent à Marisol Touraine de
trancher entre les quatre scénarios. Mais
si elle dispose du rapport de l’IGAS pour
éclairer sa décision, elle connaît aussi le
souhait de la majorité des professionnels qui, après quinze ans d’errance de
leur formation continue de réforme en
réforme, vivraient très mal une nouvelle
remise en cause radicale. Les syndicats
médicaux ont réagi dès la sortie du rapport : ils demandent que soient apportées rapidement des modifications au
dispositif de DPC allant dans le sens de
sa simplification et d’une augmentation
de son financement.
(*) Bertrand Deumie, Philippe Georges, membres
de l’IGAS ; Jean-Philippe Natali, interne de santé
publique, stagiaire à l’IGAS.
Catherine Sanfourche, Paris
démocratie sanitaire, droits des patients, représentations des usagers ; vigilance et sécurité
sanitaire ; e-santé, recherche innovation ; dispositions spécifiques à l’Outre-Mer. L’élaboration du DMP de « deuxième génération »
pourrait être transférée de l’ACIP santé à la
CNAMTS et le texte devrait consacrer la déclinaison régionale des conventions conclues
entre les professionnels de santé et l’Assurance
Maladie. Un numéro unique d’appel est prévu
pour la PDSA, ainsi que le versement du forfait
aux structures. Quant au DPC, son évolution
est aussi prévue dans ce texte.
Mention
« non substituable » :
menaces de sanction
Frédéric van Roekeghem, directeur de
l’UNCAM, a indiqué que des contrôles vont
être engagés pour vérifier que l’usage de la
mention « non substituable » est faire avec tact
et mesure. Les médecins qui n’en feraient pas
un usage « raisonné » pourraient être sanctionnés. Par ailleurs, les contrats d’objectifs qui
lient les ARS et l’Assurance Maladie devraient
comprendre, dès cette année, des engagements
sur le développement du générique.
Lancement de l’étude
Esteban
Sous l’égide du ministère de la Santé et de
celui l’Ecologie, du Développement durable
et de l’Energie, avec le soutien de l’Institut
National de Prévention et d’Education pour
la Santé (INPES), l’Institut de Veille Sanitaire
(InVS) vient de lancer l’étude Esteban, portant
sur l’environnement, l’alimentation, l’activité
physique et les maladies chroniques les plus
fréquentes. Réalisée auprès d’un échantillon
national de 4 000 adultes de 18 à 74 ans et de
1 000 enfants de 6 à 17 ans, l’étude Esteban
mesurera l’exposition de la population à
plus d’une centaine de substances chimiques
présentes dans l’environnement, décrira
l’évolution des consommations alimentaires,
de l’activité physique et de l’état nutritionnel
de la population. Elle fera également l’état des
lieux des maladies chroniques et de leurs facteurs de risque. Elle constituerait un outil pour
les professionnels de santé et les pouvoirs
publics dans l’élaboration et la mise en œuvre
des programmes de santé publique.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
INFoRMATIoNS SoCIo-PRoFESSIoNNELLES
9
le rHuMAtoloGue ou
le Dernier Des MoHiCAns
PlAiDoYer Pour une MéDeCine CliniQue
Dr Gilbert Guiraud - Muret-en-Comminges
« Ils virent la mort clore ses paupières, et il s’endormit paisiblement
de son dernier sommeil, comme une fleur qui se penche au déclin
du jour. » (J.F. Cooper)
l’
Histoire de la Médecine est dominée par deux cassures épistémologiques fondamentales qui ont bouleversé aussi bien la pensée médicale que les pratiques.
La première de ces cassures c’est le passage de la Médecine Humorale,
héritage d’Hippocrate et de Galien, à la Médecine anatomo-clinique au début
du XIXe siècle, puis physio-pathologique, dont les hérauts les plus emblématiques restent Laennec, Bichat, Landré-Beauvais pour les rhumatologues que
nous sommes, Magendie, Claude Bernard et combien d’autres. Ce passage a
été bien sûr progressif, il commence dès le XVIIe siècle
(Il y a lieu toutefois de rappeler que déjà en 1542
Jean Fernel dans son ouvrage La Physiologie évoquait l’examen sensoriel en privilégiant le toucher et
complétait cette approche du corps par l’intervention
de la raison, additionnant donc dans la démarche diagnostique « ce qui est perçu à ce qui est conçu ») et
se poursuivra tout au long des XIX et XXes siècles.
Cette mutation de la médecine humorale qui privilégiait une pratique Orale et/ou épistolaire - il suffit
de relire Madame de Sévigné- va progressivement se
faire vers une médecine anatomo-clinique avec une
prise en compte et une pratique du Corps du patient
qui va s’imposer comme Corps du Délit prioritaire.
C’est le moment où l’existence précède encore l’apparence. L’examen clinique est au centre de la relation médecin/malade avec très peu de médiums entre
les deux protagonistes : un stéthoscope et encore
très rudimentaire, c’est tout ce qu’il faut pour s’installer au début du XIXe
siècle !
Les outils diagnostics des XVII et XVIIIes siècles sont en effet modestes.
Le médecin interroge et observe le malade et son entourage, c’est là
l’essentiel de sa pratique clinique. Il ne le palpe pas, il ne le percute pas
et ne l’ ausculte pas encore. Il se contente d’ observer le faciès, la langue,
les yeux, les caractères des selles, ceux du sang après une saignée.
Le savoir le plus pertinent pour dire la maladie restent la prise du pouls
et l’ examen des urines. La pulsologie occidentale
est aussi complexe que celle de l’Orient mais reste
comme cette dernière plus littéraire que savante.
L’uroscopie quant à elle, se fonde sur une sémiologie complexe où s’ additionnent le voir, mais aussi
le sentir, le goûter, le toucher voire l’ entendre, sans
aller regarder réellement ce qui se passe au sein de
ce liquide biologique ! L’interprétation de l’ examen
des urines obéit à un rite rigoureux. L’urinal pendant des siècles sera considéré comme l’attribut
le plus caractéristique du médecin, dit « mireur
d’urine ».
Peu à peu la médecine, d’abord d’observation avec
une clinique qui reste essentiellement externe, va
coloniser le corps : à l’inspection, à l’auscultation,
à la percussion, à la palpation vont s’ajouter dès la
première moitié du XIXe siècle l’exploration endoscopique, timide d’abord puis de plus en plus agressive. La médecine va occuper le corps dans tous ses recoins avec un examen clinique qui va devenir
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
12
INFoRMATIoNS SoCIo-PRoFESSIoNNELLES
un véritable Corps à Corps. A la médecine externe des siècles précédents
va s’ajouter la médecine interne. A cet acharnement clinique du début de
cette première cassure épistémologique correspond une sémiologie du corps
dont on ne dira jamais assez les correspondances poétiques dont je n’évoquerais que quelques unes : le souffle doux, lointain, humé, aspiratif de
l’insuffisance aortique, le râle sous-crépitant de l’œdème du poumon, à ne
pas confondre avec le râle crépitant de la pneumonie et ce par analogie avec
le bruit du sel que l’on fait crépiter dans une poêle à une chaleur douce…
à cette époque le regard clinique du médecin était aussi vif que celui du
peintre, son oreille aussi mélomane que celle du musicien ! Et le médecin
inspirait le poète :
La poitrine
Le docteur
a ausculté
ma poitrine.
Il dit
qu’il y a
dedans une immense bulle.
Il lit avec les oreilles
mon trouble palimpseste
et il éveille je ne sais
quels diablotins avec les doigts.
Je voudrais moi aussi
m’ausculter la poitrine.
Federico Garcia Lorca
et quelque fois même l’écrivain/malade aide le médecin à mieux comprendre
le symptôme, comme Marcelle Sauvageot, quand dans son livre « Laissezmoi » parle de la toux dans la tuberculose :
« Des toux, toujours des toux, s’envolent dans la nuit glacée. Il y a la toux de cette jeune femme qu’on ne voit jamais : toute la nuit, inlassablement, sans arrêt, cette toux
craque comme du bois sec : pendant combien de temps
encore l’entendra-t-on avant qu’elle ne s’éteigne ? Le
corps n’est pas assez épuisé pour que ce soit cette nuit que
la lueur du petit jour l’emporte. De la chambre de ce garçon, qui tout à l’heure nous a quittés très vite en cachant
le sang qui filtrait de ses lèvres, vient une toux profonde et
humide….Ma voisine fait entendre sa petite toux rassurante…Et, moi-même, je tousse en réponse pour vérifier
l’état de mes poumons. Vais-je sentir ce creux, ce vide de
soufflet crevé ? Ou bien ce petit déchirement qui fait croire
qu’un lambeau s’est détaché ? Ou bien cette résonance
pleine qui donne l’illusion que tout est raccommodé ? Que
de toux dans la nuit ! Est-ce un hymne ? Où va-t-il ? »
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
Il a y aussi le témoignage de ceux qui souffrent et nous interpellent comme
Alphonse Daudet dans La doulou ou Jules Verne qui dans un sonnet dédié à
la morphine nous rappelle les données pharmacologiques de cet antalgique
de niveau 3.
Sainte Morphine et son divin baume
Je le sens ! qui circule en moi, qui me pénètre !
Avec l’avancement des sciences physiques et chimiques cette sémiologie
va naturellement s’enrichir de données biologiques, électriques et à partir
de 1895 d’images de l’intérieur du corps. Enfin on n’avait plus besoin d’attendre la salle d’autopsie pour comprendre de quoi souffrait notre malade !
et tout au long du XXe siècle ce sont ces techniques qui vont de complémentaires occuper bientôt tout le champ de la clinique, à telle enseigne que l’ on
assiste peut-être à l’inévitable déclin de la clinique du corps.
La spécialisation à l’extrême, les progrès de la thérapeutique et du diagnostic, les évolutions socio-culturelles inéluctables, la « déviance sécuritaire »
et la judiciarisation de la médecine, tout semble concourir à privilégier les
paramètres biologiques, les graphes électriques et surtout les images. C’est
une Médecine sans le Corps comme le prophétise Didier Sicard qui est en
train de se mettre en place.
Et c’est là la deuxième cassure épistémologique de notre Histoire à laquelle
nous assistons. Après l’appropriation du corps à partir du début du XIXe et
jusqu’à nous, se met subrepticement en place une médecine avec un corps
de plus en plus absent, un corps quasiment virtuel, lointain, une « télémédecine » au quotidien.
Le mireur d’urine est devenu un mireur d’images et de résultats biologiques.
Et demain la consultation à distance, déjà officialisée, offrira le diagnostic
et le traitement à la demande et sans que le malade et/ou le médecin aient
à se déplacer !
La présence du malade n’est même pas indispensable à la prise de décision
thérapeutique. Le temps est venu de la désappropriation du corps malade,
avec une mise à distance de la maladie que l’on ne veut plus approcher que
par des examens para-cliniques. « S’enfuir vite, aller loin, revenir tard »
c’était les conseils du docteur Augier en période d’épidémie de peste, nous
n’en sommes plus là, enfin pour le moment ! La technicité rapetisse la relation du médecin et de son malade. La relation se fait davantage avec nos
écrans d’ordinateurs ou de négatoscopes, que dans un face à face avec
l’Autre qui pourtant ne cesse de nous interroger sur le pourquoi de sa souffrance. Les images surtout ont pris la place de la réalité : c’est ce que Guy
Debord a parfaitement démontré, dans d’autres domaines que celui de la
médecine. Mais ici comme partout ailleurs, les images tendent effectivement à occulter la vérité clinique. Le malade lui-même accorde plus d’importance aux images et aux graphes électriques qu’à son corps en souffrance.
C’est à nous de lui rappeler en permanence que
l’existence précède l’apparence !
Il n’est pas question pour nous pour autant de nier, encore moins de refuser l’apport essentiel à l’élaboration du diagnostic de tous ces suppléments techniques. Ce sont eux qui font de l’acte médical d’aujourd’hui
INFoRMATIoNS SoCIo-PRoFESSIoNNELLES
un geste de plus en plus efficace. Mais de
là à occulter le corps, il est loin le chemin.
Ce qu’il nous faut éviter c’est la Dérive imagière
et l’Acharnement imagier, l’Icônolatrie, la Cascade des examens inutiles.
L’écoute doit rester le moment fort de la consultation, attentive, bienveillante et même fraternelle au plus haut sens républicain. Mais l’écoute
est difficile, il faut rassurer et faire comprendre
que de ce qui ce dit au cours de ce premier entretien dépend tout ce qui va suivre, pour éviter
une escalade d’investigations. Il faut prendre le
temps de l’écoute et c’est là la pierre d’achoppement de notre système de santé. Le pouvoir que
conféraient à notre savoir ses fondements scientifiques à tendance à décroître et ce en partie
pour avoir trop négligé l’apport complémentaire
des sciences humaines. Nos sociétés génèrent un
mal-être existentiel qui appelle sans le nommer
un désir d’écoute.
L’examen clinique arrive après l’écoute. C’est la
confrontation avec le corps malade. Le corps doit
être dévêtu : « Je ne saurais trop vous engager,
messieurs… à examiner les malades nus toutes
les fois que des circonstances d’ordre moral ne s’y
opposeront pas. En réalité, nous autres médecins,
nous devrions connaître le nu mieux même que les
peintres ne le connaissent. » (Leçons du mardi à la
Salpêtrière. Pr Charcot). Il n’est pas sûr que cette
connaissance ne soit en train de se perdre.
Il faut que le malade au cours « d’un corps à
corps singulier » comprenne, qu’au delà des
images virtuelles de son corps, qui sont de plus
en plus envahissantes, le médecin reste préoccupé en premier lieu par la souffrance de sa chair,
qui se situe bien au-delà d’une simple assistance
technique. Les images, les graphes, les résultats
biologiques ne doivent pas le déposséder de son
corps ! C’est là le risque majeur d’une médecine
qui tend justement à occulter, jusqu’à le faire disparaître, le corps du délit. Il faut faire attention
à ne pas favoriser, en trop privilégiant les images,
une médecine où le corps serait absent. Souvenons-nous de l’arrivée triomphante du scanner
dans le diagnostic de la hernie discale et de la
pandémie de discectomies qui a suivi où on a opéré davantage des images que des malades ! et
combien d’autres pandémies avons-nous connu.
Mais il s’agit là d’une médecine qui demande
du Temps. Et c’est ici qu’apparaît le Dernier des
Mohicans ! Il en reste encore quelques uns que
les Technocrates de la Santé appellent « Les Cli-
13
niciens » et pour lesquels ils ne sont pas encore
arrivés à définir ou à acter (comme ils disent) ce
qu’ils font exactement. De là peut-être la difficulté qu’ils ont à les nomenclaturer !
“ Le médecin doit disposer du temps nécessaire….
(C’est Jean Bernard qui parle) Or, plus qu’une autre
activité humaine, et surtout depuis qu’elle est devenue
complexe et efficace, la médecine demande du temps,
le temps de longs entretiens avec le malade, le temps
nécessaire au médecin pour connaître, comprendre la
femme, l’homme qui se confie à lui, le temps nécessaire
pour l’éclairer, l’informer, lui dire la vérité. ”
Jean Bernard
Ils comprendront peut-être que la faible rémunération de l’acte médical lèse aussi bien les médecins
que les patients. Comme le précise Jean de Kervasdoué (économiste du Conservatoire des Arts et
Métiers) dans Le Monde d’il y a quelques semaines :
« Cette activité intellectuelle est peu valorisée en
France par rapport à d’autres pays, comme si la
consultation n’était pas importante, n’était pas le
coeur de cette profession. » Et il poursuit : « je
ne trouverais pas scandaleux qu’une demi-heure de
consultation d’un médecin spécialisé et chevronné
soit facturée autour de 80 euros, sans qu’il soit
contraint de «faire» des actes. Il me semble donc
regrettable de favoriser la prescription d’actes et
de médicaments au détriment de la valeur ajoutée
première d’un médecin : l’acte clinique, qui devrait
lui apporter valeur et considération, dans le respect de la solidarité. »
De son côté le médiateur de la République, JeanPaul Delevoye, dans son rapport annuel constate
que « le divorce s’installe entre les médecins et
leurs patients » et s’en inquiète. Il réclame de l’ensemble des responsables et je le cite « un meilleur
accueil et une meilleure écoute ». N’est-ce pas là
ce que nous offrons ou devrions offrir à tous ceux
qui viennent nous consulter depuis toujours.
Seule la clinique fonde notre autorité professionnelle et morale. Seule elle donne du sens à une
image ou à un chiffre. C’est au clinicien et à lui
seul de décoder cette image et ce chiffre et pour
ce faire il lui faut du temps pour accueillir, écouter, réfléchir et décider.
Il est parfois long le chemin qui mène à l’espérance. Aujourd’hui pour nous les derniers des
Mohicans d’une médecine en partie à l’abandon
l’espérance c’est simplement la reconnaissance
de notre travail de clinicien. g
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
14
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
les Journées nAtionAles
De rHuMAtoloGie De lA sFr
Michel de Bandt - Service de rhumatologie, Fort de France
l
es journées nationales de rhumatologie de la société Française de rhumatologie se
tenaient à Fort de France du 5 au 7 mai 2014. le troisième jour était une journée
conjointe avec la CAr ou « Caribbean Association of rheumatology », qui regroupe les
rhumatologues des antilles francophones et Anglophones. De nombreux thèmes ont
été abordés autour de deux axes majeurs : place et intérêt des combinaison s de DMArDs dans
la Pr et les formes « non radiographiques » des spondyloarthrites.
Les cliniciens qui traitent des patients souffrant de
PR ont eu par le passé de nombreux échecs avec
le MTX en monothérapie de première intention.
Des combinaisons multiples ont été proposées,
la plus efficace d’entre elle était l’association
MTX + SZP + APS. L’arrivée des biothérapies a
relégué ces combinaisons au second plan.
En 2014 le coût des biothérapies d’une part et
des réflexions sur la stratégie thérapeutique remettent ces combinaisons à l’ordre du jour. Quelle
est leur place et surtout leur intérêt ?
Depuis de nombreuses années l’américain J. O’Dell
étudie les bénéfices d’une triple association par
MTX + SZP + HCQ et ses publications (ainsi que
d’autres) permettent de répondre à deux questions :
1) Faut-il instituer le MTX en mono thérapie ou
en trithérapie d’entrée de jeux dans une PR débutante vierge de tout traitement ? 2) Faut-il en cas
d’échec du MTX en monothérapie associer SZP et
CHQ ou basculer vers une biothérapie ?
le premier intervenant, le
Professeur A. Cantagrel tentait
de répondre à la question :
« le méthotrexate en première
ligne dans le traitement de la Polyarthrite rhumatoïde : monothérapie ou trithérapie d’emblée ? »
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
L’étude TEAR (Moreland LW et al. Arthritis
Rheum. 2012 ; 64(9) : 2824-35) a randomisé
750 patients souffrant de PR récentes et actives dans 4 groupes : MTX+placebo ou MTX
+ ETA ou encore MTX+placebo ou MTX+
SZP+HCQ. Les groupes sont en tous points
comparables. A 6 mois, l’objectif thérapeutique (DAS <2,6) est atteint chez 28 % des
patients sous MTX+placebo contre 41 % du
groupe MTX+ETA et 43 % du groupe trithérapie. A la 24e semaine, les patients des groupes
placebos reçoivent soit ETA soit la trithérapie et
ceux dans les deux groupes actifs qui gardent
un DAS >3,2 basculent dans l’autre stratégie. A deux ans on ne note aucune différence
significative sur le nombre de répondeurs dans
chaque bras et que le patient ait reçu une intensification thérapeutique initiale ou secondaire.
De même on ne note aucune différence sur la
variation du HAQ ou sur les variations de prise
de corticoïdes entre les 4 bras. La proportion
de patients non progresseurs (Δ SHS S0-S102
< 0,5) est identique dans les quatre bras. La
seule différence notée est une progression du
score plus faible chez les patients qui reçoivent
de l’ETA par rapport à la trithérapie, que ce soit
en première ou en seconde intention, avec des
variations respectives de 0,6 et 2,4 point de
score SHS (ce qui reste tout à fait minime) à
deux ans.
L’étude Treach (De Jong PH et coll. Ann Rheum
Dis 2013;72:72-78) compare à un an les bénéfices respectifs d’un traitement par MTX en
monothérapie versus une trithérapie initiale.
Il s’agit d’une stratégie step-up conduite chez
des PR actives (DAS44>7) évoluant depuis
6 mois randomisées dans trois bras : soit le MTX
seul à 25 mg /sem avec une corticothérapie PO
de 15 mg/j (groupe A) ; soit une trithérapie MTX
(25mg)+SZP (2gr)+HCQ (400mg) associée soit
avec une injection unique de 125mg (groupe B)
de méthylprednisolone en IM soit à 15 mg/j de
prednisone PO (groupe C).
L’analyse en ITT à un an ne montre aucune différence significative en termes de réduction du DAS
entre les 3 groupes. Même si le groupe B montre une
baisse plus rapide au 3e mois, tout se nivèle ensuite ;
au 3e mois en effet le nombre de patients avec une
activité haute ou modérée est en effet plus forte
dans le groupe C (40 %) que dans les deux autres
(20 et 21 %) mais cette différence ne persiste pas.
Dans cette étude si le DAS44 reste > 2,4 le
patient reçoit un biothérapie. A 12 mois 26 et
29 % des patients des bras B et C reçoivent une
biothérapie contre 41 % dans le groupe A, ce qui
n’est pas significatif.
En termes de progression radiologique, à un an,
on observe une progression identique dans les 3
groupes, avec une variation identique du score et
un nombre identique de patients progresseurs.
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
La seule réelle différence observée est dans le
nombre d’effets secondaires un peu supérieur
dans le groupe trithérapie en raison d’intolérances
digestives fréquentes.
Les données de la Nationnal data Bank for rheumatic diseases aux USA (Pedro et al. ACR 2013,
abstract 1055) montrent clairement que le maintient thérapeutique de la trithérapie dans la vraie
vie est faible avec une demi vie de 14 mois, en
raison des intolérances. A l’inverse la demie vie
des anti-TNF dans la vraie vie - appréciée par le
registre Danbio - est de 4 ans en moyenne (ML
Hetland et al. Arthritis and Rheumatism, 2010).
en conclusion
il y a peu d’intérêt à envisager d’emblée un
traitement combiné avec le MTX, que ce soit
avec SSZ et HOQ (trithérapie) ou avec une
biothérapie.
En cas de PR érosive sévère dès le début, il
semble préférable de favoriser l’association
d’emblée du MTX à un anti-TNF plutôt qu’à
SSZ + HCQ.
En cas de terrain à risque infectieux important ou en l’absence de lésions structurales
importantes ou rapidement progressive, l’association à SSZ + HCQ peut être privilégiée.
Si une corticothérapie est d’emblée associée
au MTX, une injection unique intra-musculaire pourrait être aussi efficace que 3 mois
par voie orale. g
le Pr th. schaeverbeke tentait de
répondre à la question :
« Quelle stratégie à adopter en cas
d’échec du MtX ? biothérapie ou
trithérapie ? »
De nombreuses études dans les années 90
avaient montré l’efficacité de la triple association
MTX + SZP + HCQ. Ainsi O’Del (O’Dell JR. New
Engl J Med 1996;334(20):1287–91) montre que
chez une des PR en échec du MTX, la triple thérapie est plus efficace (critère Paulus 50) que les
autres combinaisons disponibles à cette époque.
Un autre travail du même auteur (O’Dell JR. Arthritis rheum 2002;46(5):1164–70) montre à deux
ans la supériorité (critères ACR 20, 50 et 70) de
la triple thérapie versus les autres combinaisons
chez des PR en échec d’un premier DMARD.
Malheureusement c’est à cette époque que les
biothérapies sont arrivées et ont complètement
« occupé le paysage thérapeutique » et laissé ces
triples thérapies au rebut.
Dix ans plus tard, le monde traverse une crise profonde qui n’est pas étrangère au nouveau regard
que nous portons sur ces triples thérapies. Dans
les recommandations EULAR, en cas d’échec du
MTX (ou tout autre DMARD) de première intention et en absence de signe de mauvais pronostic
on peut basculer vers une combinaison et ensuite,
en cas d’échec de celle-ci, vers une biothérapie.
L’étude Swefot (Van Vollenhoven RF. Lancet.
2012;379(9827):1712–20) compare le bénéfice
de l’association MTX+IFL versus MTX plus SZP
et CCQ chez 487 PR en échec (DAS28>3,2) du
MTX à 3 mois. On note a un an un léger bénéfice clinique en termes de réponse ACR20 dans
le groupe IFL mais pas pour les ACR50 et 70.
On observe un léger avantage en termes de progression radiologique dans le groupe IFL mais cet
avantage n’est pas visible à un an et n’apparaît
ensuite qu’à deux ans (écart de trois points du
score SHJ).
L’étude TEAR nous a montré que le bénéfice clinique est supérieur dans les groupes MTX +IFL
ou Trithérapie par rapport au groupe monothérapie seule et qu’il n’y a pas de différence entre trithérapie orale initiale ou combinaison MTX+ETA
initiale. D’autre part la comparaison de la progression mSharp total entre les 4 groupes ne montre
pas de différence à 2 ans. Et la comparaison de la
progression mSharp total entre trithérapie orale
initiale et combinaison MTX+ETA initiale ne
montre pas de différence à 2 ans.
L’étude RACAT est une étude de non infériorité
sur deux ans comparant (O’Dell JR. New Engl J
Med 2013;369(4):307–18) la trithérapie à l’association MTX+ETA. L’objectif primaire est le DAS
à la 48° semaine et les objectifs secondaires
sont la douleur, la fonction et la progression
radiologique. Les deux stratégies sont aussi efficaces sur le DAS à la 24e semaine, et les patients
en échec qui basculent d’un bras vers l’autre ont
une réponse identique à 48 semaines. Chez tous
les répondeurs à la semaine 24, la réponse était
maintenue à la semaine 48. On note très peu de
progression radiologique dans les deux groupes et
il n’y avait pas de différence significative pour les
critères secondaires dans les deux groupes.
La notion de fenêtre d’opportunité requiert d’instaurer un traitement de fond rapidement dans les
polyarthrites débutantes, qu’elles soient rhumatoïdes d’emblée ou encore indifférenciées.
L’étude iMPROVED est un essai thérapeutique
randomisé, conduit à Leyden (la ville de BeSt),
qui a testé 2 stratégies de combinaison thérapeutique (triple association de traitements de fond
synthétiques ou association MTX + biothérapie)
dans des polyarthrites débutantes. Il s’agit de
15
610 patients, parmi lesquels 479 PR débutantes
et 122 arthrites encore indifférenciées, furent
inclus et initialement traités par MTX 25 mg/sem.
et prednisone 60 mg/j avec décroissance rapide
à 7,5 mg/sem. Les patients n’ayant pas achevé
la rémission sur le DAS (44 articulations) au cinquième mois étaient randomisés dans 2 bras :
- bras 1 : MTX (25 mg/sem.) + SSZ (2 g/j) +
HCQ (400 mg/j) + prednisone à faible dose (7,5
mg/j), avec décroissance et arrêt du MTX en cas
de rémission à M8, ou passage à l’association
MTX + ADA à M8 en cas de non-rémission DAS ;
- bras 2 : MTX (25 mg/sem.) + ADA (40 mg/14
jours) avec décroissance de la SSZ et de l’HCQ
en cas de rémission à M8, ou passage à l’association MTX + ADA 40 mg/sem. à M8 en cas de
non-rémission DAS.
L’efficacité était jugée sur le taux de rémission
DAS (DAS < 1,6) à M4 et M12, la fonction sur
le HAQ, et l’aggravation de l’atteinte structurale,
sur le score de Sharp modifié par Van der Heijde
(vSHS).
Au quatrième mois, 387/610 patients (63 %)
étaient en rémission avec le traitement initial
(MTX + PDN). Parmi eux, 257 (68 %) étaient en
rémission persistante à 1 an et 119 autres (32 %)
avaient pu arrêter tout traitement de fond sans
reprise évolutive de la maladie. Les taux de rémission sont identiques dans les PR débutantes et
les arthrites indifférenciées ( à 4 mois : 62 et
65 %, respectivement, à 1 an : 53 et 58 %, respectivement).
Parmi les 223 patients non en rémission à 4 mois,
161 ont été inclus dans la partie randomisée. À 1
an, 21 des 83 patients du bras 1 étaient en rémission (25 %) contre 32 des 78 du bras 2 (41 %),
ce qui correspondait à une différence significative (p = 0,01). Une décroissance thérapeutique a
été possible chez 37 % des patients du bras 1 et
65 % des patients du bras 2 (p = 0,02).
Aucune différence de réponse n’était notée entre
les patients ayant une PR d’emblée et ceux ayant
une arthrite indifférenciée.
Face à tREACH, l’étude CareRA conduite à Louvain en Belgique apporte des réponses diamétralement opposées. Cet essai contrôlé randomisé
a inclus 290 PR débutantes identifiées comme
à fort risque de progression structurale sur la
base d’une matrice de risque telle que la matrice
ESPOIR (DAS28 élevé, présence de FR et/ou
d’ACPA, syndrome inflammatoire biologique, érosions radiographiques d’emblée). Les 3 bras de
randomisation étaient : COBRA classique, trithérapie (MTX 15 mg + SSZ 2 g + HCQ 400 mg) +
prednisone (60 mg décroissant sur 6 semaines)
; COBRA slim (MTX 15 mg + PDN 30 mg) ;
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
16
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
COBRA avant-garde (MTX 15 mg + LEF 10 mg +
PDN 30 mg). À 16 semaines, le pourcentage de
patients en rémission était superposable dans les
3 groupes, maximal dans le groupe MTX en monothérapie (73,5 %), infirmant ainsi les conclusions
de l’essai tREACH.
Quels sont les avantages et les inconvénients de
la trithérapie ? En termes de rapport coût/efficacité la trithérapie d’emblée est l’association qui
a le meilleur rapport coût/efficacité exprimé en
« Qualy ».
En ce qui concerne la tolérance, il y a peu de
données disponibles mais on ne note pas de différence versus les cDMARDs en monothérapie ni
versus les biothérapies.
L’acceptation par les patients a surtout été évalué dans des stratégies de type COBRA (donc associée à une corticothérapie initiale forte) et ces
schémas thérapeutiques sont globalement mal
acceptés par les patients. On peut espérer que
les schémas COBRA « light » et « avant-garde »
avec des plus faibles doses de stéroïdes soient
mieux acceptés. On ne dispose pas de données
sur l’observance des patients vis-à-vis de cette
trithérapie.
en conclusion
La trithérapie est indiscutablement supérieure aux DMARDs en monothérapie et
comparable aux anti-TNF, au moins pour les
résultats cliniques. Elle donne ses meilleurs
résultats dans une stratégie de T2T. Ses
limites tiennent essentiellement à l’acceptation et au taux de maintien thérapeutique.
Elle devrait trouver une nouvelle place dans
l’arsenal thérapeutique entre le MTX en
monothérapie en première ligne et le premier
biologique au moins chez certains patients
de sévérité intermédiaire ou avec une contreindication relative à un biologique. g
le Pr t. Pham répondait à la
question : spondylarthropathies
axiale sans signe radiographique :
quelle stratégie de traitement ?
Les nouveaux critères ASA (Rudwaleit M et al.
Ann Rheum Dis 2009;68:770-6; et 777-83)
pour les SPA axiales font apparaître - chez des
patients âgés de moins de 45 ans et soufrant
depuis plus de 3 mois – deux modes possibles
de diagnostique, soit une entrée par la présence
d’une sacro-iliite à l’imagerie et d’au moins un
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
critère de spondyloarthropathie, soit la présence
d’un HLAB27 et d’au moins deux critères de
spondyloarthropathie.
Il existe donc deux cas de figures possibles : une
spondyloarthrite axiale radiographique avec une
sacroiliite radiographique, une spondyloarthrite
axiale « non radiographique » avec ou sans une
sacroiliite IRM.
Quelles sont les différences entre SpA axiales
radiographiques et non-radiographiques ?
Dans les cohortes de SPA radiographiques, le
pourcentage de femmes varie autour de 25 %
alors que dans les cohortes non radiographiques
elles représentent plus de la moitié des patients
(55 à 60 %). Les données de cohortes et d’essais thérapeutiques montrent que l’activité de la
maladie est similaire chez les SpA axiales, avec
ou sans sacroiliite radiographique. Cependant les
valeurs du BASGFI et du BASMI sont légèrement
plus faibles dans les SPA non radiographique par
comparaison aux autres.
Quels traitements proposer aux SpA axiales nonradiographiques ? Selon les recommandations
Françaises (Wendling D et al. Joint Bone Spine
2014;81: 6-14), en cas d’échec des AINS et
d’une maladie restant active (BASDAI > 4), il
faut passer aux anti-TNF. En effet les alternatives
thérapeutiques (Sulfasalazine, Methotrexate,
Pamidronate, Thalidomide, Leflunomide) n’ont pas
fait la preuve de leur efficacité dans les atteintes
axiales.
Peut-on parler de fenêtre d’opportunité dans les
spondyloarthrites ? En d’autres termes, est-ce
que traiter précocement permet d’obtenir plus de
rémissions ? Des rémissions sans traitement ?
Moins de progression structurale ?
Plusieurs études montrent que chez des patients
traités tôt dans leur maladie (<3 ans) le taux
de répondeurs ASAS est d’autant plus fort que
le patient est traité tôt et par un anti-TNF (plutôt qu’un placebo). L’étude iNFAST (Sieper J et
al. Ann Rheum Dis 2013 online) nous montre que
traiter tôt et fort de tels patients permet d’obtenir un taux important de rémission qui persistera
ensuite un an après l’arrêt des anti-TNF chez la
moitié des patients.
Dans le suivi de cohorte on note que 75 % des
patients développent des érosions dans les 2 premières années de la PR (radio standard) et que
la progression moyenne du score mSASSS est de
l’ordre de 2 points par an (ce qui est peu). Les premières études prospectives laissaient entendre
que les anti-TNF n’influençaient pas la progression radiologique.
Le suivi prospectif de Suivi prospectif multicentrique standardisé de SA traitées et non traitées
par anti-TNF (examen clinique annuel et radiographique tous les 2 ans) de 334 patients (hommes :
77 % ; âge : 41 ans ; durée de la maladie :
16 ans, B27+ : 83 % ; CRP : 15 mg/j ; mSASSS :
9,6 ± 14,5) montre qu’à 2 ans 30,5 % sont progresseurs radiographiques (Haroon et al. Arthritis
Rheum. 2013:65(10):2645-54). Mais l’analyse
multivariée avec différents modèles confirme le
caractère protecteur par les traitement anti-TNF
(OR = 0,427 ; IC95 : 0,204-0,891 ; p = 0,023) ;
protection qui dépends à la fois de la précocité
de l’introduction des anti-TNF et de la durée de
ce traitement.
Il s’agit donc de la première étude montrant un effet « structural » des anti-TNF dans la SA, en particulier pour un traitement précoce. Cependant,
le score radiographique initial (mSASSS) reste le
facteur prédictif le plus puissant. Il existe donc
un certain nombre d’arguments pour dire que
traiter précocement permettrait d’obtenir une
meilleure réponse et meilleur pronostic (fenêtre
d’opportunité).
Les patients sans signes radiologiques de sacroiliite répondent-ils (aussi bien) aux anti-TNF ? Globalement ces patients répondent moins bien que
les patients avec sacroiliite radiologique (Sieper J
et al. Ann Rheum Dis. 2013;72(6):815-22), ceci
pouvant s’expliquer en partie par l’inclusion dans
ce groupe « non radiographique » de patients très
fibromyalgiques.
en conclusion
La stratégie thérapeutique est similaire
pour les spondyloarthrites axiales radiographiques et non radiographiques. La prise en
charge précoce est importante pour limiter
l’inflammation, pour augmenter le taux de
rémission, et pour limiter la progression
structurale. g
le Pr r.M. Flipo répondait à la
question « Quelle stratégie de
première ligne pour traiter le rhumatisme psoriasique ? »
Le rhumatisme psoriasique est un rhumatisme à
ne pas « négliger »… encore trop souvent méconnu ou « non reconnu ». Son incidence augmente
en raison d’une meilleure reconnaissance et
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
surtout d’une augmentation de sa prévalence liée
à ‘augmentation de l’obésité et du surpoids. La
base de données THIN (TJ Love et al. Ann Rheum
Dis 2012;71:1273-7) montre une augmentation
de la prévalence du rhumatisme psoriasique en
fonction du BMI. Sa prévalence est actuellement
chiffrée entre 0,15 et 0,25 % soit 10 à 15 % des
sujets ayant un psoriasis.
C’est un rhumatisme potentiellement sévère au
plan fonctionnel et articulaire mais aussi cardio
vasculaire (A. Jamnitski et al. ARD 2013;72:
211-6). Il est fortement associé avec le syndrome
métabolique retrouvé chez 40 à 50 % des patients (L. Eder et al. ARD 2013;72:1956-61).
Une stratégie thérapeutique qui doit absolument
se préciser car de nombreuses notions restent
floues : pas de démonstration « claire » de l’existence d’une « fenêtre d’opportunité » , pas de
stratégie véritablement « ciblée », pas de stratégie d’intensification reconnue à l’image de la
PR. Mais des progrès récents ont été accomplis,
citons la démonstration des bénéfices de l’instauration précoce d’un traitement de fond (D. Gladman et al. ARD 2011;70:2152-4) ; les « premières
recommandations « Treat to Target » (J. Smolen
et al. ARD 2014;73:492-509) et la première
étude de Tight control : TICOPA (Coates et al.
ACR 2013, 814).
17
Globalement la stratégie de traitement du rhumatisme psoriasique reste encore « pyramidale »
et dans toutes les recommandations récentes le
recours aux AINS en première intention est privilégiée.
arrive très largement en tête des prescriptions de
DMARDS, avec les meilleures réponses ACR20
et DAS28 par comparaison à la SZP et au LEF.
D’autre part la survie du MTX à deux ans dans
cette cohorte est de 61 % contre 29 et 40 %.
En absence de reconnaissance de « la fenêtre
d’opportunité » le recours précoce à un premier
traitement de fond est laissé à l’appréciation
du clinicien en considérant toutefois que sont à
considérer comme facteurs de mauvais pronostic
la présence 5 ou plus articulations gonflées associées à une augmentation de la CRP d’une durée
> à 3 mois ou une atteinte structurale spécifique. A ce stade « …un traitement de fond tel
que le méthotrexate, la sulfasalazine, le léflunomide pourrait être envisagé… » (L. Gossec. ARD
2012;71:4-12).
Le recours aux biothérapies n’est pas recommandé de première intention par les sociétés
savantes, même en cas de forme très inflammatoire ou avec des lésions structurales précoces.
L’analyse de la cohorte italienne (M.N. Dario di
Minno et al. AR 2013;65:141-7), montre que la
probabilité d’arriver en MDA (Minimal Desease
Activity) d’une part et de rester sans rechute
sous anti-TNF d’autre part est inversement proportionnelle au surpoids du patients. g
En ce qui concerne le MTX il existe des essais
contrôlés qui sont négatifs mais discutables
en raison d’une posologie beaucoup trop faible,
d’une voie SC trop peu utilisée et d’un réel problème d’observance chez les patients obèses. En
pratique le MTX reste le DMARD de choix chez
ces patients comme le montre l’expérience de la
vraie vie. Dans le réseau THIN 46 % des patients
ont un DMARD, c’est du MTX dans 71 % des cas
et dans la cohorte NOR-DMARD (suivi a deux ans
d’une cohorte de plus de 100 patients) le MTX
Il exIste des recommandatIons t2t 2013 basées
sur des prIncIpes généraux sImples
(J. Smolen et al. Ann Rheum Dis. 2014;73:238-42)
• L’objectif principal de la prise en charge thérapeutique d’un sujet ayant une spondyloarthrite et/ou rhumatisme psoriasique est d’optimiser la qualité de vie à long terme et
le maintien des activités sociales via le contrôle des signes et des symptômes, la prévention des lésions structurales, la normalisation ou préservation des fonctions tout en
prévenant ou limitant les effets iatrogènes et les risques liés aux comorbidités.
• La suppression de l’inflammation est présumée être l’objectif principal pour obtenir
les objectifs thérapeutiques sus-cités.
• La cible thérapeutique principale devrait être l’obtention de la rémission clinique et/ou
le caractère inactif de l’atteinte musculosquelettique (arthrites, dactylites, enthésites,
atteinte axiale) tout en y associant la prise en compte éventuelle des manifestations
extraarticulaires.
• La cible thérapeutique devrait être individualisée en fonction de l’aspect clinique de
la maladie.
• La rémission clinique signifiant l’inactivité de la maladie est définie par l’absence d’activité inflammatoire clinique et biologique.
• La recherche d’un faible niveau d’activité ou niveau d’activité minimal peut être une
autre alternative de stratégie ciblée.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
18
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
QuAnD et CoMMent Arrêter
une biotHérAPie DAns lA Pr ?
Interview de Michel de Bandt - Service de rhumatologie, Fort de France
l
a Pr est une maladie hétérogène et en prédire l’avenir
- à tout moment - est délicat en raison de la multiplicité des facteurs qui interviennent, liés soit à l’affection, soit au patient, soit à la conduite thérapeutique.
nous avons demandé à Michel de bandt son sentiment sur les
recommandations et sur sa pratique personnelle.
le rhumatologue (lr) : Pouvez-vous nous dire ce qui
pourrait « prédire » l’avenir d’une Polyarthrite rhumatoïde, tant en ce qui concerne la progression de la
destruction articulaire que les possibilités de réponse
au traitement ?
Michel de bandt (MDb) : Parmi les caractéristiques qui permettraient de « prédire » l’avenir d’une PR, on trouve, traduisant
cette hétérogénéité, des éléments aussi variés que :
- Des facteurs prédictifs de progression articulaire (traduisant l’hétérogénéité des PR) :
- Érosions articulaires précoces
- Importance de l’activité initiale
- VS/CRP, Activité clinique
- ACPA (anti-CCP)
- Facteur rhumatoïde
- HLA-DRB1*04
- Des éléments tels le traitement initial (traduisant l’hétérogénéité
des pratiques…) : délai d’instauration du traitement, type de traitement : « intensif » versus « standard »…
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
- Des éléments liés au patient (âge, comorbidités…) : la connaissance de ces éléments permet de créer des outils de prédiction
(« matrices ») qui quantifient le risque en fonction de la présence ou
non de tel ou tel élément apportant une aide au choix du traitement.
lr : Quelle est la portée pratique des recommandations actuelles et comment précisez-vous une rémission ?
MDb : Les recommandations actuelles de traitement des PR récentes sont théoriquement claires :
« Les patients naïfs de traitement de fond présentant des facteurs
de mauvais pronostic devraient être considérés pour recevoir d’emblée l’association méthotrexate plus biothérapie (Saag et al. Arthritis Rheum. 2008;59:762-84) ».
Ou encore « Les patients à risque de développer une arthrite persistante et/ou érosive devraient recevoir un traitement de fond aussi
précocement que possible, même s’ils ne remplissent pas encore
les critères de classification d’un rhumatisme inflammatoire défini
(Combe et al. Ann. Rheum. Dis. 2007; 66: 34-45) ».
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
L’objectif de cette stratégie est d’obtenir la « rémission » qui prévient le risque de destruction articulaire (mais aussi les autres
risques de surmortalité, d’ostéoporose, etc.) puisqu’il existe une
corrélation entre le niveau d’activité de la PR et l’évolution structurale (Smolen et al. Ann Rheum Dis 2009; 68:823-7).
La rémission a été définie précisément par les sociétés de rhumatologie comme un SDAI <3.3 points (DAS<2,2) sur des critères
cliniques (sans critère de temps ni d’imagerie) :
- Articulation gonflée ≤1
- Articulation douloureuse ≤1
- CRP ≤1 mg/dl
- EVA globale ≤1 (échelle 0–10)
Une rémission durable semble bien plus « intéressante » pour le
patient en termes de prévention des risques (Wolfe et al. Arthritis
Rheum 2007;57:935-42). Enfin il est utile de se souvenir que notre
appréciation clinique de la rémission est subjective et méconnaît
les synovites infra cliniques, il apparaît de plus en plus nécessaire
d’ajouter à notre évaluation clinique l’échographie, qui recherche
des synovites infra cliniques dont la présence voue toute tentative d’arrêt thérapeutique à l’échec (Brown et al. Arthritis Rheum.
2008;58:2958-67).
lr : Dans quelles circonstances arrêtez-vous une
biothérapie ?
MDb : Plusieurs raisons peuvent être invoquées : un effet secon-
19
récemment on a proposé d’arrêter les DMARDs (Ten Wolde et al,
ARD, 1997, 56, 235-239) chez des PR en rémission persistante
(étude prospective de 285 PR, majorité de femmes, durée de la
maladie 10 ans, 75 % séropositives et 75 % érosives) sous divers
traitement (SO, MTX, Imurel, D-pénicillamine, HCQ…). Le suivi
de ces patients (avec les scores imparfaits de l’époque…) montre
clairement que 50 % d’entre elles rechutent dans l’année suivant
l’arrêt. La réintroduction du traitement initial montre aussi clairement que la maladie est alors plus difficile à contrôler après une
poussée liée à l’arrêt thérapeutique (avec les moyens de l’époque).
Des constatations identiques ont été faites chez les enfants.
lr : Pourquoi donc arrêter une biothérapie lors de la
rémission ?
MDb : Plusieurs arguments peuvent être avancés. Le premier
en raison du coût de ces traitements par mesure d’économie, le
second en raison du risque infectieux théorique, le troisième par
simple attitude de prudence, et le dernier pour apprécier si ces
molécules ont un effet thérapeutique durable après leur arrêt ?
Avant d’en arriver là il faut intégrer une autre notion : il existe deux
types de rémission durable, celle sans traitement et celle sous traitement.
l La notion de PR en rémission sous traitement est appréciée
l Les arrêts pour effets secondaires sont les plus fréquents et ont
été largement étudiés ces dernières années. Ce n’est pas notre
propos.
dans la vraie vie, le plus souvent, chez des PR anciennes qui reçoivent une biothérapie, en général mais pas toujours associée à un
DMARD. Selon la molécule utilisée ce taux de rémission varie de
10 % pour l’Abatacept et le Rituximab, à 40/50 % sous anti-TNF
et 60 % sous Tocilizumab. C’est chez ces patients que se pose la
question de l’arrêt éventuel des biothérapies.
l Les arrêts pour inefficacité sont encore mal explorés et la conduite
l La notion de PR en « rémission sans traitement » s’applique, en
daire, une inefficacité ou encore une rémission durable.
dans une telle situation est mal codifiée, même si des avancées se
font jour. Certains ont proposé des algorithmes faisant intervenir à
la fois le dosage sanguin de la biothérapie et la recherche d’anticorps neutralisant anti-médicament dans le même sérum afin de
dégager quatre situations clinique :
- dosage sérique de biothérapie faible et absence d’anticorps : augmenter les doses ;
- dosage sérique de biothérapie correct et absence d’anticorps :
changer d’anti-TNF ;
- dosage sérique de biothérapie faible et présence d’anticorps :
changer d’anti-TNF ;
- dosage sérique de biothérapie correct et absence d’anticorps :
augmenter les doses.
La pertinence clinique d’une telle approche demande cependant à
être validée par des études cliniques.
l Reste le dernier cas de figure : arrêter parce que le patient est
en rémission durable. De telles approches ont déjà été tentées bien
avant les biothérapies, ainsi on arrêtait les sels d’or en cas de rémission durable…
De telles approches ont été aussi conduites chez l’enfant et plus
pratique et à la lecture de la littérature, uniquement pour des PR
récentes (ou alors à de rares formes de PR très anciennes dans
lesquelles la maladie s’arrête par faute d’articulation à détruire…)
et correspond chez 15 % des patients à l’évolution dans les deux
ans qui suivent le début de leur maladie. Ces patients qui ont cette
évolution particulière, sont - en général - sans histoire familiale de
PR, avec un BMI bas, ne fument pas, ont une maladie qui évoluait
depuis peu de temps avant le début du traitement, ont une PR souvent séro négative pour LWR et anti-CCP et n’ont pas l’épitope partagé. Quelque soit le traitement proposé à ces patients ils arrivent
en rémission durable et persistante permettant l’arrêt de tout traitement. Par exemple dans l’étude BEST on note entre 15 et 20 %
de tels patients dans chacun des 4 bras (De Vries-Bouwstra et al.
Arthritis Rheum. 2003;48:3649. Goedkoop-Ruiterman et al. Arthritis Rheum 2005; 52: 3381-90). Ces patients représentent un
sous groupe de maladie moins grave et plus facilement curable... et
on est aussi en droit de se demander si cette rémission n’est pas
leur évolution naturelle !
Cependant, en pratique, une fois la rémission obtenue, il existe
encore des priorités, avant de songer à arrêter les biothérapies.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
20
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
l En partant du principe que les AINS n’ont plus de place dans
le traitement de la PR, clairement l’arrêt des corticoïdes est la
première priorité, compte tenu des données récentes démontrant
l’augmentation des risques infectieux et cardio vasculaire ainsi que
la surmortalité liés à son usage quelque soit la dose. Il est illusoire
de penser arrêter ensuite une biothérapie chez un patient qui garde
des corticoïdes.
l La modification à la baisse des DMARDS ne me semble pas c’est un avis personnel - indispensable à ce stade, à moins d’un
effet secondaire gênant. Il faudra bien, en effet, appuyer son traitement sur un DMARD si l’on compte arrêter la biothérapie.
l Une fois la biothérapie arrêtée quel est le devenir des patients ?
- Qui rechute et dans quel délai ?
L’analyse de la cohorte BeST montre qu’environ 50 % des patients
mis en rémission et qui arrêtent leur biothérapie rechutent dans
l’année qui suit (Klarenbeek et al, ARD, 2011;70:315-9).
Des données similaires sont observées dans la cohorte de P Emery,
celle de D Scott ou dans l’étude Japonaise RRR (van den Broek et
al, ARD, 2011;70:1389-94 ; Saleem et al, ARD 2010; 69:16361642 ; O’Mahony et al, ARD 2010 ; 69 :1823-1826 ; Tanaka et al,
ARD 2010 ; 69 :1286-91).
- Quelle progression radiologique (après l’arrêt de la biothérapie) ?
Dans l’étude RRR, une centaine de PR en rémission sous IFL arrêtent leur biothérapie et sont ensuite suivis et analysés en deux
groupes : ceux qui restent en rémission à un an sans traitement
et ceux qui rechutent. La progression annuelle du score de Sharp
dans les deux groupes reste inférieure à 0,5 point chez 67 % et
44 % des patients (non significatif) et la variation annuelle moyenne
du score dans chaque groupe est respectivement de 0,3 et 1,6
point ce qui n’est pas non plus significatif.
- Quelle réponse à la reprise du traitement par la biothérapie ?
Dans les études disponibles, entre deux tiers et trois quarts des
patients répondent à la réintroduction de la biothérapie en retrouvant un niveau de réponse identique à celui obtenu précédemment.
lr : existe-t-il une alternative, plutôt que l’arrêt d’une
biothérapie ?
MDb : En effet, plutôt que d’arrêter la biothérapie, on pourrait
réduire les doses, soit en espaçant les prises, soit en baissant les
posologies.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
La première solution n’est probablement pas souhaitable, car elle
semble exposer à une majoration du risque d’apparition d’anticorps
anti-produit actif donc une augmentation possibles des effets d’intolérances et une perte d’efficacité du produit.
La seconde solution semble plus intéressante comme le montre
l’étude « PRESERVE » (Smolen et al, Lancet. 2013; 381:918-29)
qui a randomisé une cohorte de patients en rémission sous MTX
+ ETA en trois bras : traitement identique, demi dose d’ETA ou
placebo d’ETA. Clairement, un an plus tard, le bénéfice clinique et
radiologique reste identique entre les deux doses d’ETA alors que le
bénéfice clinique est perdu chez 50 % des patients dans le groupe
placebo et qu’on observe aussi une très petite mais significative
reprise des lésions radiologiques dans le groupe placebo.
lr : Que pouvons-nous conclure ?
MDb : Il n’y a à ce jour, aucune recommandation claire et précise,
ni de rationnel précis pour arrêter une biothérapie.
- Si on souhaite arrêter, il est nécessaire au préalable d’atteindre
un niveau de rémission marqué et prolongé, étayé par une ou plusieurs échographies articulaires démontrant l’absence durable de
synovite infra clinique,
- puis d’arrêter les corticoïdes en premier lieu
- et n’arrêter les biothérapie qu’après une période prolongée de
rémission (au moins 6 mois, voire plus ?).
Il existe peu d’éléments permettant de prédire quel patient va rechuter dans l’année, mais environ un patient sur deux est concerné.
La reprise du traitement antérieur semble se faire avec un niveau
d’efficacité équivalent, pour deux tiers à trois quart des patients.
Il n’y a pas de données à ce jour sur le devenir à long terme de ces
patients qui rechutent puis reprennent leur traitement (traitement
« à la demande »), en particulier sur la baisse éventuelle des complications infectieuses, l’évolution du risque cardiovasculaire ou la
surmortalité liée à la PR. g
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
21
toXiCité Des Anti-inFlAMMAtoires
non stéroïDiens
Bernard Bannwarth - Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pellegrin, CHU de Bordeaux
l
es anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ains) ont pour caractéristique commune de diminuer
la synthèse des prostaglandines en inhibant la cyclo-oxygénase 2 (CoX-2) et, peu ou prou,
CoX-1. C’est à ce mécanisme d’action qu’ils doivent leurs propriétés antipyrétique, antalgique
et anti-inflammatoire, mais aussi leurs principaux effets indésirables.
bien que tous les Ains aient le même profil de toxicité, l’incidence de leurs complications varie d’un
produit à l’autre ; elle dépend en outre du terrain du patient (comorbidités, thérapeutiques en cours).
Au reste, les facteurs physiopathologiques et pharmacologiques favorisant la survenue des accidents
sévères forment l’essentiel des contre-indications et précautions d’emploi des Ains.
Dans cet article seront abordés les problèmes digestifs, cutanéo-muqueux et réno-vasculaires, sachant
que les Ains sont par ailleurs responsables d’hépatites, purement biologiques le plus souvent, de
troubles neurosensoriels (céphalées, vertiges, acouphènes…), hématologiques (cytopénies…), obstétricaux (fermeture prématurée du canal artériel et insuffisance rénale chez le fœtus, après le cinquième
mois de grossesse)…
1. effets indésirables digestifs
1.1. Des manifestations polymorphes
Les AINS peuvent provoquer des lésions tout le long du tractus digestif,
depuis l’œsophage (œsophagite) jusqu’à l’intestin (déperdition sanguine,
volontiers occulte), d’où la nécessité :
- de prendre le médicament, en position debout ou assise, avec un verre
d’eau ;
- d’évoquer l’éventualité d’une consommation régulière d’AINS, y compris
de spécialités délivrées sans ordonnance, devant toute anémie par carence
martiale ;
- de surveiller l’hémogramme chez les malades traités au long cours par un
AINS.
C’est toutefois l’étage gastroduodénal qui est la première victime des
AINS. A cet égard, il convient de distinguer1,2 :
- les symptômes dyspeptiques (nausées, gastralgies, « crampes » abdominales…), dont se plaignent 10 à 30% des personnes exposées aux AINS
et qui constituent la cause majeure d’arrêt du traitement (5 – 15 % des
malades au bout de 6 mois). Aussi courante avec les inhibiteurs sélectifs de
COX-2 qu’avec les AINS non sélectifs, la dyspepsie n’est pas liée à l’effet
de la molécule sur les prostaglandines locales, ni corrélée avec l’état anatomique de la muqueuse gastro-intestinale. Bref, la bonne tolérance fonctionnelle n’est pas une garantie d’innocuité, et inversement ;
- les ulcères définis comme des « pertes de substance ≥ 3 ou 5 mm »,
découverts lors d’examens endoscopiques systématiques. Généralement
asymptomatiques et d’évolution spontanément favorable, leur signification
clinique est incertaine dans la mesure où ils n’ont pas de valeur prédictive
quant à la survenue d’un événement digestif sévère ;
- les ulcères symptomatiques, révélés dans deux tiers des cas environ par
une hémorragie ou, parfois, une perforation gastro-intestinale, qui, malgré
leur relative rareté, méritent une attention particulière en raison de leur
gravité potentielle.
1.2. ulcères symptomatiques, hémorragies, perforations
Rapporté au nombre de prescriptions, il y aurait un épisode d’ulcère, saignement ou perforation (USP) pour 3 000 à 5 000 ordonnances d’AINS.
D’après les travaux épidémiologiques, l’administration chronique d’un AINS
traditionnel multiplierait globalement par 3 le risque d’USP dans la population générale. Ainsi, l’odds ratio était égal à 3,0 [intervalle de confiance à
95 % (IC 95 %) : 2,7 – 3,5) dans les études cas-témoins, et à 2,7 [IC 95 % :
2,1 – 3,5] dans les suivis de cohorte3. Pour avoir une idée de l’incidence
réelle des USP sous AINS, on doit prendre en compte l’incidence annuelle
de base qui est de 0,19 %, mais fluctue en réalité entre 0,04 % chez les
jeunes et 0,4 % chez les sujets âgés2,4.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
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FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
Il existe d’indéniables différences de gastrotoxicité entre AINS. Selon une
récente méta-analyse des essais cliniques, le risque relatif (RR) d’USP est
proche de 2 pour les coxibs [1,8 ; IC 95 % : 1,2 – 2,8] et le diclofénac [1,9 ;
IC 95 % : 1,2 – 3,1] contre 4 environ pour l’ibuprofène [4 ; IC 95 % : 2,2 –
7,1] et le naproxène [4,2 ; IC 95 % : 2,7 – 6,6], aux posologies maximales
autorisées [4]. Des AINS d’utilisation plus confidentielle n’apparaissent pas
dans les résultats de cette méta-analyse. Or, à la suite du réexamen de la
balance bénéfice/risque entrepris par l’Agence Européenne du Médicament
en 2006, l’AMM de plusieurs spécialités a été révisée : dose quotidienne
maximale réduite de 300 mg à 200 mg pour le kétoprofène, et limitation de
la dose maximale à 20 mg/j, restriction des indications et renforcement des
contre-indications pour le piroxicam.
En définitive, le risque individuel d’USP étant extrêmement disparate, son
évaluation oblige à recenser tous les facteurs prédisposants (Tableau I)1,2.
Il s’ensuit qu’on évitera l’usage des AINS chez les patients qui présentent
une contre-indication notoire à leur emploi certes, mais aussi chez ceux qui
cumulent les facteurs de risque digestif. A ceux qui ont 1 ou 2 facteurs de
risque, il est conseillé d’ajouter un inhibiteur de la pompe à protons - qui
offre le double avantage de diminuer la probabilité de développer un ulcère
et de soulager les symptômes dyspeptiques induits par les AINS. Par ailleurs, le risque d’USP étant fonction de la dose de l’AINS et de sa durée
d’utilisation, il est souhaitable d’instaurer le traitement à une posologie
moyenne (moitié de la posologie maximale) - d’autant qu’elle procure habituellement un soulagement comparable à celui des fortes doses, en particulier dans l’arthrose -, et de reconsidérer régulièrement son efficacité - pour
ne pas exposer les malades aux AINS de manière indue. Pour mémoire, la
prise durant un repas n’influe guère sur le pouvoir ulcérogène des AINS.
Tableau 1. Facteurs prédisposant aux complications digestives sévères
(ulcères, saignements et perforations gastro-intestinaux) des AINS.
Facteurs établis
Facteurs débattus
• Terrain physiopathologique :
• Comorbidités :
- âge > 65 ans
- rhumatisme inflammatoire
- ulcère gastroduodénal évolutif*
ou antécédent
- maladie cardiovasculaire
- hémorragie digestive récente*
ou antécédent
- infection par Helicobacter pylori
• Facteurs pharmacologiques :
- AINS : nature, durée de
traitement prolongée (> 1 mois),
posologie élevée ou association
d’AINS*
- association à un anticoagulant,
un antiagrégant ou un corticoïde
- diabète
• Habitus :
- tabac
- alcool
• Association médicamenteuse :
- antidépresseurs inhibiteurs
sélectifs de la recapture de la
sérotonine
- paracétamol
*contre-indication
2. effets indésirables cutanéo-muqueux
Les uns relèvent d’une authentique allergie et se traduisent en général par
un simple prurit, un rash allant de l’urticaire à une toxidermie sévère, un
œdème de Quincke… Ils ont pour conséquence d’interdire l’utilisation ultérieure de la molécule en cause et, par prudence, celle de tous les AINS qui
lui sont chimiquement apparentés vu la possibilité de réactions croisées
(autres oxicams après une allergie au méloxicam, par exemple).
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
Les autres sont l’expression d’une intolérance aux AINS. Ils se déclarent
en règle après 40 ans chez des sujets qui supportaient bien ces médicaments antérieurement, et consistent en une crise d’asthme, une rhinite ou
un larmoiement, parfois associés à un érythème facial ou un angiœdème,
apparaissant en 30 minutes à 2 heures après l’administration du produit.
Ailleurs, il s’agit d’une urticaire ou d’un angioedème et de signes respiratoires, de survenue plus tardive (4 – 24 heures après la prise de l’AINS)5.
Dès 1929, Widal en avait identifié un terrain prédisposant en décrivant la
fameuse triade : « asthme, polypose naso-sinusienne, asthme à l’aspirine ».
Outre l’asthme ou la polypose, l’urticaire chronique idiopathique en est également une circonstance favorisante5. Contrairement à l’allergie, les réactions d’intolérance peuvent être déclenchées par des molécules dépourvues
de tout lien structural. On les attribue à un état idiosyncrasique secondaire
au détournement du métabolisme de l’acide arachidonique vers la voie
des leucotriènes lorsque COX-1 est inhibée5. C’est pourquoi, le diagnostic
d’intolérance aux AINS repose sur des tests de provocation, et non sur des
tests cutanés. En principe, l’intolérance à un AINS contre-indique l’emploi
de tous les AINS. Néanmoins, au sein des « aspirin-like drugs », ceux qui
respectent COX-1 (paracétamol, AINS COX-2 sélectifs), surtout si l’on se
garde de les employer à forte dose, suscitent rarement des manifestations
cutanéo-muqueuses chez les sujets atteints de ce syndrome5.
3. Complications réno-vasculaires
Il existe une relation étroite entre les complications rénales et les complications cardiovasculaires, ces dernières résultant, en tout ou en grande partie,
de l’action des AINS sur le rein6.
3.1. Effets indésirables rénaux
L’insuffisance rénale aiguë, qualifiée d’hémodynamique, est inaugurée par
une oligurie. Réversible à ce stade si on arrête l’AINS, elle évolue vers
l’anurie dans le cas contraire. Elle s’observe dans les jours suivant l’instauration de l’AINS ou l’augmentation de sa posologie. Elle survient dans un
contexte d’hypoperfusion rénale, que celle-ci soit consécutive à une néphropathie, une athérosclérose, une insuffisance cardiaque, une hypovolémie
(hémorragie, déshydratation, diurétiques, …). Des mécanismes compensateurs interviennent alors pour préserver la filtration glomérulaire : vasodilatation artérielle pré-glomérulaire, sous la dépendance des prostaglandines
catalysées par COX-2, et vasoconstriction artérielle post-glomérulaire,
sous la dépendance du système rénine-angiotensine. Les AINS s’opposent
au premier de ces mécanismes cependant que les inhibiteurs de l’enzyme
de conversion (IEC) et les antagonistes de l’angiotensine II (sartans) s’opposent au second. On comprend dès lors la dangerosité des AINS chez les
patients, âgés notamment, traités par un diurétique et un IEC ou un sartan.
Les AINS utilisés au long cours seraient, à l’instar du paracétamol, un facteur de risque d’insuffisance rénale chronique. Des néphrites interstitielles
leur ont également été imputées.
3.2. Effets indésirables cardiovasculaires
Des prostaglandines synthétisées par COX-2 diminuent la réabsorption
du sodium dans l’anse de Henlé et, partant, tous les AINS entraînent une
rétention hydro-sodée, susceptible de générer6 :
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
- des oedèmes des membres inférieurs (2 – 4%) ;
- une hypertension artérielle de novo ou une perte d’efficacité du traitement
anti-hypertenseur en cours ;
- une décompensation d’une insuffisance cardiaque congestive préexistante.
Le plus souvent, la rétention hydro-sodée s’accompagne d’une majoration
a priori négligeable (quelques mm de mercure) - et volontiers méconnue - de
la pression artérielle systolique [7]. A long terme, cette augmentation est
toutefois responsable d’un surcroît d’accidents artériels thrombotiques, largement dominés par les infarctus du myocarde. Un mécanisme supplémentaire, propre aux inhibiteurs sélectifs de COX-2, contribuerait à ce risque en
déprimant la formation de prostacycline (vasodilatatrice et anti-agrégante)
catalysée par COX-2 dans les cellules endothéliales capillaires et en épargnant la synthèse de thromboxane A2 (vasoconstrictrice et pro-agrégante)
catalysée par COX-1 dans les plaquettes7. Les coxibs sont au demeurant
contre-indiqués chez les malades souffrant d’une cardiopathie ischémique
ou d’une artériopathie périphérique ou ayant un antécédent d’accident vasculaire cérébral. A vrai dire, les événements thrombotiques sont un effet
indésirable de classe avec, là encore, un risque variable selon le dérivé7.
Il paraît plus marqué avec les coxibs [RR par rapport à la population placebo :
1,4 ; IC 95 % : 1,1 – 1,7] ou le diclofénac 150 mg/j [RR : 1,4 ; IC 95 % :
1,1 – 1,8] qu’avec l’ibuprofène 2,4 g/j [RR : 1,4 ; IC 95 % : 0,9 – 2,3]
et le naproxène 1 g/j [RR : 0,9 ; IC 95 % : 0,7 – 1,3] - qui semble même
dénué de ce risque alors que l’ibuprofène augmente significativement celui
d’infarctus du myocarde4. Concrètement, l’administration d’un coxib ou de
diclofénac pendant 1 an à 1 000 patients inclus dans les essais cliniques
aurait provoqué 3 accidents thrombotiques, dont 1 fatal. Et sur 1 000
23
patients requérant de l’aspirine à visée anti-thrombotique, on déplorerait
7 – 8 événements, dont 2 mortels, par an4. Enfin, soulignons que ce sont des
complications tardives (délai > 6 mois) et probablement dose-dépendantes 4.
En toute hypothèse, les données disponibles indiquent que le naproxène est
l’AINS de choix chez les patients « vasculaires ».
C onClusion
Les AiNS ne sont certes pas des médicaments anodins,
mais la plupart de leurs complications graves pourraient
être prévenues par une prescription raisonnée (sélection de
leurs indications en fonction du bénéfice escompté, exclusion des malades les plus vulnérables, posologie et durée
minimales utiles, surveillance clinique et biologique lors
d’un traitement prolongé, information du patient sur les
avantages attendus et les risques encourus…). En contrepartie de leurs inconvénients, les AiNS ont démontré leur
efficacité sur un large éventail de syndromes douloureux,
aigus ou chroniques, inflammatoires ou non, dans lesquels ils surclassent infailliblement le paracétamol et les
opioïdes (faibles).
Somme toute, en dépit de leur toxicité, les AiNS sont des
précieux et indispensables antalgiques. g
Références :
u
1. Wolfe MM, et al. Gastrointestinal toxicity of nonsteroidal antiinflammatory drugs. N Engl J Med 1999;340:1888-99.
u
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participant data from randomised trials. Lancet 2013;382:769-79.
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LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
24
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
les sPonDYloArtHrites
FéMinines
Edouard Pertuiset - Service de Rhumatologie, Centre Hospitalier René Dubos, Pontoise
s
i la spondylarthrite ankylosante (sA) fut décrite en 1898 par Pierre Marie à partir
d’observations de formes sévères de la maladie1, elle fut longtemps sous-estimée et
presque ignorée chez la femme, car considérée (et apprise dans les facultés de médecine) comme une maladie « de l’homme ». or, en général, on ne trouve que ce que l’on
recherche ! A partir de 1984, le diagnostic de sA a été basée sur les critères de new York modifiés (tableau 1)2 qui nécessitent l’existence d’une sacro-iliite radiographique. Ce n’est qu’à
partir de 1990, avec les critères d’Amor3 puis de l’essG4 que le concept des spondyloarthropathies (spa) s’est imposé et qu’il a été observé une fréquence presque similaire des spa chez
la femme et chez l’homme5. Au cours des années 2000, la démonstration de l’efficacité des
anti-tnFa dans la sA, la démonstration de l’intérêt diagnostique de l’irM des sacro-iliaques,
le développement du concept de spondyloarthrite (spA) axiale et la prise de conscience de la
nécessité d’un diagnostic précoce ont révolutionné la prise en charge de ce que nous appelons
maintenant les spA axiales et périphériques5-7.
Tableau 1. Critères de classification de la
spondylarthrite ankylosante (SPA) : critères
de New York modifiés (1984) [2].
Critères cliniques
1) Lombalgies avec raideur de plus de 3
mois, améliorées à l’effort, mais ne cédant
pas au repos
2) Limitation des mouvements du rachis
lombaire à la fois dans le plan frontal et
sagittal
3) Limitation de l’ampliation thoracique par
rapport aux valeurs normales corrigées
pour l’âge et le sexe
Critère radiologique
Sacro-iliite radiologique :
bilatérale de grade ≥ 2 OU unilatérale de
grade 3 ou 4
Diagnostic
SPA définie : critère radiologique + au
moins 1 critère clinique
SPA probable :
- présence des 3 critères cliniques
- ou critère radiologique sans aucun de
ces critères cliniques
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
les spA sont des maladies
rhumatologiques inflammatoires fréquentes
En France, la prévalence des Spa avait été estimée à 0,30 %, légèrement plus élevée chez les
hommes que chez les femmes8. Aux Etats-Unis, la
prévalence de la SpA axiale chez l’adulte âgé de
18 à 44 ans a été estimée 0,70 %9. La prévalence
de la SpA axiale ou périphérique a été estimée récemment en France dans l’étude GAZEL10 à 0,43 %
(IC95 : 0,26-0,70%), avec une prévalence non
ajustée de 0,53 % chez l’homme et 0,35 % chez
la femme.
La méconnaissance historique de la SpA chez la
femme ne peut être le fruit du hasard. En dehors
d’éléments subjectifs divers et de la force de
l’habitude dans l’exercice médical, l’explication
principale qui vient à l’esprit est l’existence
d’une différence phénotypique selon le sexe, nous
emploierons plus volontiers le terme genre, qui
puisse expliquer que la forme classique représen-
tée par la SA soit de diagnostic plus rare et plus
difficile chez la femme. Aujourd’hui, à l’époque du
concept de SpA et d’une utilisation plus précoce
des biomédicaments, la question se pose à nouveau de l’existence de différences phénotypiques
selon le genre.
les femmes au temps
de la spondylarthrite
ankylosante
Les différences selon le genre au sein de la
SA ont fait l’objet d’une revue générale publiée
en 2008 par Lee et al.11. Si dans les années 1940,
le sexe ratio hommes/femmes avait été estimée à
9-10 :1, ce rapport a été revu à partir des années
1970, à la suite de la découverte du gène HLAB27 et de sa relation avec la SA, pour s’établir à
2-3 :1. De nombreuses études ont montré que le
délai diagnostique de la SA était plus élevé chez
la femme que chez l’homme, mais cette différence
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
s’est amenuisé avec le temps, reflétant très probablement une reconnaissance progressive de la
réalité de la SA chez les femmes. Dans le registre
espagnol de SA appelé REGISPONDER, qui a débuté en 2004, l’âge de début de la maladie est de
26,7 ans chez les hommes et 28,2 ans chez les
femmes, et le délai diagnostique n’est pas plus
long chez les femmes que chez les hommes12.
Concernant l’influence génétique, il est établi que la prévalence de HLA-B27 est la même
chez les hommes et chez les femmes, comme le
confirme la large cohorte nord-américaine PSOAS
où 88,7 % des hommes et 84 % des femmes
étaient porteurs de HLA-B2713. Toutefois, de
nombreux éléments semblent montrer des différences dans l’influence des facteurs génétiques
selon le genre. Ainsi, la transmission de la maladie d’une mère atteinte à un de ses enfants
serait presque deux fois plus fréquente pour
un garçon que pour une fille. Plusieurs études
montrent que les femmes atteintes de SA ont
plus fréquemment que les hommes des antécédents familiaux de SA, comme dans la cohorte
PSOAS où la fréquence de la SA chez un parent
au premier degré était de 41 % chez les femmes et
24,6 % chez les hommes13. Ceci a également été
observé dans le registre REGISPONDER où l’analyse de 1 514 patients atteints de SA (25,3 %
de femmes) montre une même fréquence de
HLA-B27 (83,2 % et 80,3 %) mais des antécédents familiaux de SA au premier degré chez
27,7 % des femmes et 17,9 % des hommes
(p=0,007)12. Plusieurs interprétations peuvent
être données à ces constations. La première est
que la SA reste méconnue chez la femme et que
le diagnostic reste plus facilement porté si un
facteur familial est présent. Toutefois, si cette
explication peut être valable pour des études
anciennes, elle devient moins acceptable pour
les études récentes. La seconde est que l’homme
développe plus facilement que la femme une SA
pour un même poids génétique, ce qui peut vouloir dire que la femme a besoin de plus de poids
génétique mais également de plus de facteurs
environnementaux, ou qu’elle est moins soumise
à ces facteurs. Si dans la cohorte PSOAS le tabagisme est moindre chez les femmes que chez les
hommes13, cette différence n’est pas retrouvée
dans le registre REGISPONDER12. Concernant
la question du phénotype clinique, les études
anciennes semblent concordantes pour affirmer
que l’atteinte du rachis cervical et des articulations périphériques sont plus fréquentes chez la
femme que chez l’homme11. Mais dans le registre
REGISPONDER, ni les cervicalgies, ni les arthrites périphériques ne sont plus fréquentes chez
les femmes12. La fréquence des manifestations
extra-articulaires de la SA n’est pas différente
entre les hommes et les femmes pour ce qui est
des uvéites et du psoriasis14. En revanche, il est
possible que la prévalence des maladies inflammatoires colo-intestinales soit plus élevée chez
les femmes atteintes de SA, car dans les études
cette prévalence est corrélée au pourcentage de
femmes incluses.
Plusieurs études ont démontré que l’atteinte
structurale rachidienne était plus sévère à
l’étage thoracique et à l’étage lombaire chez les
hommes que chez les femmes11. Dans la cohorte
PSOAS, l’atteinte structurale a été mesurée au
rachis cervical et au rachis lombaire par le score
BASRI (Bath Ankylosing Spondylitis Radiographic Index)13. L’analyse, faite après ajustement
pour les paramètres confondants, montre que les
hommes ont plus souvent une atteinte structurale
sévère, avec un risque relatif d’environ 3,8. Cette
atteinte structurale plus sévère chez l’homme,
quelle que soit la durée d’évolution de la maladie,
a été retrouvée dans le registre REGISPONDER en
utilisant également le score BASRI [12].
L’analyse de l’évolution structurale sur une
période maximale de 12 ans (en moyenne 7,9
ans) a été réalisée dans la cohorte multicentrique
européenne OASIS chez 186 patients atteints de
SA (30 % de femmes)15. La progression structurale a été évaluée par le score mSASSS (analyse
de profil des radiographies du rachis cervical
et lombaire, extrêmes 0-72), par 2 lecteurs. Le
score mSASSS à l’inclusion était de 11,6±16,2.
La progression moyenne annuelle est de 0,98
unités mSASSS et la progression est linéaire
à l’échelle de la cohorte, mais en revanche elle
est extrêmement variable selon les patients. La
progression structurale est significativement plus
élevée chez les hommes (1,11 unités/an) que chez
les femmes (0,69 unités/an ; p=0,005). La présence de HLA-B27 est corrélée avec la progression structurale uniquement chez les hommes.
Une analyse complémentaire montre qu’une
forte activité de la maladie, mesurée par le score
ASDAS-CRP, augmente la progression structurale
et que cet effet est plus important chez l’homme
que chez la femme15 bis.
Malgré une atteinte structurale plus sévère, les
études n’ont pas retrouvé de différence dans
l’évaluation du retentissement fonctionnel de la
SA entre les hommes et les femmes11, 12. Le retentissement professionnel apparait au moins aussi
important, si ce n’est plus, chez la femme que
chez l’homme atteint de SA.
Si au cours de la grossesse il ne semble pas y
avoir de modifications réellement significatives
25
de la SA, des poussées de la maladie ont été
observées dans les 6 semaines à 6 mois après
l’accouchement chez 45 à 92 % des patientes
selon les séries11. En pratique, il n’est pas rare de
voir débuter une SpA féminine dans les 6 mois
après un accouchement.
les femmes au temps
des spondyloarthrites et
spondylarthropathies
En 2009, Rudwaleit et al.16 ont rapporté les caractéristiques de la cohorte GESPIC. Dans cette
cohorte allemande multicentrique, 462 patients
atteints d’une SpA axiale ont été inclus de septembre 2000 à décembre 2004. Les patients
devaient répondre, soit aux critères de New York
modifiés avec une SA évoluant depuis moins de
10 ans (n=236), soit aux critères de Spa de
l’ESSG avec une maladie évoluant depuis moins
de 5 ans (n=226). Le pourcentage de femmes
était significativement inférieur dans le groupe
SA (36 %) par rapport au groupe SpA (57,1 % ;
p<0,001). Une prévalence plus élevée des
femmes dans les SpA non radiographiques et
une prévalence plus élevée des hommes dans
les formes radiographiques de SpA axiale a été
également retrouvée dans la cohorte hollandaise
SPACE17.
Dans la cohorte GESPIC, l’âge de début est plus
précoce chez les hommes (30,8 ans) que chez les
femmes (34,9 ans) dans les SpA non radiographiques, cette différence n’étant pas observée
dans les SpA radiographiques (SA).
Si l’on analyse tous les patients de la cohorte
GESPIC dont la maladie évoluait depuis moins de
5 ans, l’atteinte structurale radiographique est
moins fréquente chez les femmes que chez les
hommes aussi bien concernant la sacro-iliite que
la présence d’au moins un syndesmophyte, avec
des risques relatifs aux environ de 2,5. En analyse multivariée, la CRP et le genre masculin sont
deux variables indépendantes associées à l’atteinte structurale des sacro-iliaques et du rachis.
Dans le groupe de patients ayant une SA, le score
radiographique vertébral mSASSS est significativement plus élevé chez les hommes (5,8±9,9) par
rapport aux femmes (3,1±6,8 ; p=0,025).
L’influence du genre a été analysée spécifiquement dans un registre brésilien de Spa dans
lequel 1 505 patients (72 % d’hommes et
28 % de femmes) répondant aux critères de l’ESSG
ont été inclus de juin 2006 à décembre 200918.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
26
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
La majorité des patients inclus ont été classé
comme ayant une SA (65,5 %). L’ancienneté
moyenne de la maladie était d’environ 13 ans.
En comparaison aux hommes, les femmes étaient
caractérisées par : un âge plus élevé à l’inclusion
et une ancienneté des symptômes supérieure,
une moindre fréquence de HLA-B27 (résultat
non observé dans les autres études), une plus
grande fréquence des arthrites périphériques,
en particulier de celles des membres supérieurs,
une plus grande fréquence des dactylites et du
psoriasis, un score BASDAI plus élevé (mais pas
le BASFI), un score radiographique BASRI plus
faible, une moindre fréquence de la sacro-iliite
radiographique. Dans ce registre, le retentissement professionnel de la SpA était moindre chez
les femmes que chez les hommes. Ce registre doit
être interprété avec certaines précautions du fait
des différences inhabituelles selon le genre pour
le statut HLA-B27 et la fréquence du psoriasis.
Tableau 2. Cohorte DESIR : comparaison des caractéristiques initiales entre hommes et femmes.
(Partie 1)19
L’influence du genre a été analysé spécifiquement dans la cohorte DESIR (Devenir des Spondylarthropathies indifférenciées récentes), cohorte multicentrique française dans laquelle ont
été inclus de décembre 2007 à avril 2010, 708
patients adultes âgés de moins de 50 ans et souffrant de rachialgies et/ou de fessalgies d’horaire
inflammatoire, évoluant depuis 3 mois à 3 ans, et
suspects d’avoir une SpA axiale récente19. Pour
l’analyse de l’influence du genre, les 475 patients
répondant aux critères ASAS de SpA axiale ont
été sélectionnés. Cette analyse spécifique a
comparé 239 hommes et 236 femmes par analyse univariée et par analyse multivariée. De plus,
cette comparaison a été effectuée d’une part
dans la population de patients classés grâce au
bras imagerie de la classification ASAS (n=279)
et dans la population de patients classés grâce
au bras clinique (HLA-B27+) de la classification
ASAS (n=196). Les caractéristiques respectives
des hommes et des femmes sont exposées aux
tableaux 2 et 3, avec le résultat des analyses univariées. Il faut d’emblée remarquer que la durée
moyenne des douleurs axiales inflammatoires est
de 18 mois, ce qui fait toute la particularité de
la cohorte DESIR et la différencie de la cohorte
allemande GESPIC et de du registre brésilien.
L’analyse univariée effectuée dans l’ensemble de
la population de l’étude montre des différences
significatives chez les femmes par rapport aux
hommes : âge plus élevé, cervicalgies plus fréquentes, douleurs sacro-iliaques plus fréquentes,
score d’enthésite plus élevé (mais la différence
n’est pas significative pour les arthrites périphériques), score BASDAI plus élevé (avec une valeur
plus élevée pour tous les items du BASDAI, sauf
Tableau 3. Cohorte DESIR : comparaison des caractéristiques initiales entre hommes et femmes.
(Partie 2)19
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
Caractéristique
Homme (n=239)
Femme (n=236)
p
Age
31,9 ± 8,4
34 ± 8,7
0,007
Durée des lombalgies, ans
1,5 ± 0,9
1,6 ± 0,9
NS
Cervicalgies, %
29,3
44,1
0,001
Fessalgies, %
69,9
79,7
0,01
4,2 ± 2,8
5,2 ± 2,8
< 0,001
EVA douleur axiale
EVA douleur périphérique
2,8 ± 2,8
3,3 ± 2,8
< 0,05
Score art douloureuse
2,3 ± 4,8
4,9 ± 8,7
< 0,001
Synovite ≥ 1 (% patients)
Score enthésite (MASES)
ATCD familiaux, %
6,7
8,9
NS
1,4 ± 2,1
3,4 ± 3,4
< 0,001
35,15
51,3
0,001
HLA-B27 positif, %
86,9
80,5
NS
Bonne réponse aux AINS,%
86,1
83,4
NS
Atteinte extra-articulaire,%
BASMI
Caractéristique
25,5
29,7
NS
2,2 ± 0,9
2,3 ± 0,9
NS
Homme (n=239)
Femme (n=236)
p
basdaI
4± 82
4,6 ± 2
< 0,001
BASDAI-Q1 : fatigue
5 ± 2,4
6,1 ± 2,2
< 0,001
BASDAI-Q6 : durée de la RM
3,7 ± 2,6
3,9 ± 2,8
NS
CRP, mg/L
11 ± 16,5
6,9 ± 9,6
0,04
ASDAS-CRP
2,9 ± 1,3
3 ± 1,1
NS
basFI
2,7 ± 2,1
3,3 ± 2,3
0,007
SF-36 score mental
56,2 ± 23,5
48,8 ± 22,1
< 0,001
SF-36 score physique
55,2 ± 22,4
48,1 ± 20,8
< 0,001
HAQ-AS
0,47 ± 0,4
0,6 ± 0,4
< 0,001
ASQoL
8±5
10,2 ± 4,8
< 0,001
Sacro-iliite Rx, %
45,1
32,9
0,02
Sacro-iliite IRM, %
58,9
40,3
< 0,001
Anomalies inflammatoires à
l’IRM rachidienne, %
34,9
18
< 0,001
1,45 ± 3,4
1 ± 2,9
NS
Score Rx mSASSS
pour la durée de la raideur matinale), score BASFI
plus élevé, moindre qualité de vie sur les différents scores. Mais il est notable qu’il n’existe pas
de différence selon le genre pour le score ASDASCRP.
L’analyse multivariée montre des différences
significatives. Le sexe féminin est positivement
associé au score BASDAI et à la valeur de la qualité de vie ASQoL (et donc négativement associée
à la qualité de vie). A l’inverse, il est négativement
associé à la fréquence de positivité de l’IRM des
sacro-iliaques, à celle de l’IRM rachidienne, ainsi
qu’à l’existence d’une sacro-iliite radiographique
si la CRP est enlevée du modèle. En effet, on
remarque que la CRP est significativement plus
élevée chez les hommes que chez les femmes.
Les différences selon le genre concernant les
SpA diagnostiquées par le bras imagerie de la
classification ASAS sont exposées au tableau 4.
En analyse multivariée, on retrouve une association significative positive entre le genre féminin
et : la fatigue, une moindre qualité de vie (score
ASQoL). A l’inverse, il existe une association
négative avec les lésions inflammatoires à l’IRM
rachidienne. Mais il est important de noter qu’il
n’existe pas dans ce sous-groupe de relation
entre le genre et, ni le score BASDAI, ni le score
ASDAS-CRP, ni le score BASFI, ni le score SF-36.
27
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
Tableau 4. Cohorte DESIR : comparaison des caractéristiques initiales entre hommes et femmes
ayant une SpA diagnostiquée par le bras imagerie de la classification ASAS19.
Caractéristique
Age
Homme (n=162)
Femme (n=117)
p
31,1 ± 8,4
33,7± 8,9
0,02
HLA-B27 positif, %
80,5
60,7
< 0,001
ATCD familiaux, %
34
51,3
0,004
1,5 ± 2,2
3,1 ± 3,2
< 0,001
Score enthésite (MASES)
BASDAI
4 ± 2,1
4,3 ± 1,9
0,16
4,9 ± 2,5
5,6 ± 2,2
0,02
13,6 ± 17,4
7,9 ± 10,2
< 0,001
ASDAS-CRP
3,1 ± 1,3
3 ± 1,2
0,44
BASFI
2,8 ± 2,1
3 ± 2,3
0,61
BASDAI-Q1 fatigue
CRP, mg/L
ASQoL
8,2 ± 4,9
9,5 ± 4,9
0,04
SF-36, score mental
56,5 ± 23,6
52,1 ± 22,1
0,14
SF-36, score physique
54,5 ± 22,2
52,3 ± 20,7
0,46
44,65
24,11
< 0,001
IRM rachis inflammatoire,%
Tableau 5. Cohorte DESIR : comparaison des caractéristiques initiales entre hommes et femmes
ayant une SpA diagnostiquée par le bras clinique HLA-B27+ de la classification ASAS19.
Caractéristique
Homme (n=77)
Femme (n=119)
p
33,5 ± 8,1
34,4± 8,5
0,47
37,7
51,3
0,06
Score douleur articulaire
2 ± 3,8
5,8 ± 9,1
< 0,001
Score enthésite (MASES)
1,4 ± 1,8
3,7 ± 3,5
< 0,001
Age
ATCD familiaux, %
basdaI
3,9 ± 1,9
5±2
< 0,001
BASDAI-Q1 fatigue
5,2 ± 2,1
6,6 ± 2,1
< 0,001
CRP, mg/L
5,9 ± 13,3
5,9 ± 9
NS
asdas-crp
2,6 ± 1,2
3 ± 1,2
0,008
basFI
2,85± 2,1
3,6 ± 2,3
0,001
7,5 ± 5,1
11 ± 4,6
< 0,001
SF-36, score mental
ASQoL
55,5 ± 23,6
45,5 ± 21,8
0,003
SF-36, score physique
56,5 ± 22,9
44 ± 20,1
< 0,001
13,7
11,8
0,71
IRM rachis inflammatoire,%
Dans ce groupe, la CRP est nettement plus élevée
chez les hommes que chez les femmes.
Les différences selon le genre, concernant les
patients ayant une SpA diagnostiquée par le bras
clinique de la classification ASAS, sont exposées
au tableau 5. En analyse multivariée, il existe une
association positive entre le genre féminin et : l’activité de la maladie mesurée par les scores BASDAI
et ASDAS-CRP, la fatigue, une moindre qualité de
vie (score ASQoL). Dans ce groupe, il n’existe pas
de corrélation entre le genre et la CRP.
Globalement, on remarque qu’il y a autant
d’hommes que de femmes dans la cohorte ayant
un diagnostic initial de SpA axiale selon les critères ASAS, mais que les hommes sont plus
nombreux dans le groupe imagerie positive et les
femmes plus nombreuses dans le groupe imagerie
négative. Dans le groupe à imagerie positive, la
CRP est plus élevée chez les hommes que chez
les femmes mais l’activité clinique n’est pas différente. Dans le groupe à imagerie négative, tous
les scores d’évaluation clinique de la maladie sont
plus élevés dans le genre féminin, malgré une
CRP non différente. Dans les deux groupes, la
fatigue est plus importante chez les femmes et la
qualité de vie est plus altérée. De même, le score
d’enthésite est plus élevé chez les femmes que
chez les hommes dans les deux groupes. On note
également une plus grande fréquence des antécédents familiaux chez les femmes. L’ensemble
de ces données montre des différences phénotypiques précoces des SpA axiales selon le genre
et montre que les différences ne sont pas exactement les mêmes selon la présence ou non d’une
imagerie positive. Ainsi, les différences cliniques
selon le genre sont plus marquées quand l’imagerie est négative, mais la différence pour l’inflammation biologique n’existe que quand l’imagerie
est positive.
Une différence selon le genre pour l’imagerie par
IRM des sacro-iliaques est retrouvée dans une
étude belge de l’équipe de Gand, où l’extension
de l’œdème osseux à l’IRM sacro-iliaques, mesurée par le score SPARCC, était plus importante
chez les hommes que chez les femmes atteints
de SpA axiale20.
Nous avons vu dans la cohorte DESIR, que la
fatigue est plus importante chez les femmes que
chez les hommes atteints d’une SpA axiale débutante. La question de la cause exacte de la fatigue
se pose. Dans une étude observationnelle réalisée à l’hôpital Cochin (étude COSPA), effectuée
chez 266 patients atteints d’une SpA ancienne
(16,8±11,7 ans), la fatigue est associée au sexe
féminin, mais dans l’analyse multivariée le seul
facteur associé à la fatigue est l’évaluation globale du patient 21. Ici, la fatigue semblerait donc
peut-être plus liée à l’activité de la maladie qu’à
des facteurs démographiques comme le genre.
Diagnostic positif
des spondyloarthrites
chez la femme
Le diagnostic positif de la SpA ne diffère pas
chez la femme et chez l’homme. La SpA axiale
doit être envisagée devant des douleurs axiales
(lombalgies, fessalgies, dorsalgies, cervicalgies, douleurs thoraciques) d’horaire inflammatoire (tableau 6), évoluant habituellement
depuis plus de 3 mois et avant l’âge de 45-50
ans (mais les formes à début tardif existent).
Tableau 6. Critères 2009 des experts de
l’ASAS pour le diagnostic de « rachialgies
inflammatoires » chez des patients dont les
symptômes évoluent depuis plus de 3 mois23.
Paramètre
Critère
1
Age de début < 40 ans
2
Début insidieux
3
Amélioration avec l’exercice
4
Absence d’amélioration
avec le repos
5
Douleur nocturne (avec
amélioration après le lever)
Le « diagnostic » de rachialgies
inflammatoires est porté s’il existe au
moins 4/5 paramètres
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
28
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
La SpA périphérique doit être envisagée devant
une arthrite (mono-, oligo- ou polyarthrite) et/
ou une enthésite inflammatoire, et/ou une dactylite. Si le syndrome inflammatoire est très
inconstant dans les SpA, l’augmentation de la
CRP est maintenant incluse dans les critères
ASAS pour les SpA axiales.
Tableau 7. Critères de classification des spondylarthropathies d’Amor (1990)3, modifiés pour
l’imagerie par IRM.
Signes cliniques ou antécédents
Coefficients
1) Douleurs nocturnes lombaires ou dorsales et/ou raideur matinale dorsale
ou lombaire
1
2) Oligoarthrite asymétrique
2
Les critères de classification utilisables à ce
jour sont les critères d’Amor modifiés pour
inclure l’IRM (tableau 7), les critères de l’ESSG
modifiés pour inclure l’IRM (tableau 8) et les
critères ASAS, d’une part pour le diagnostic de
SpA axiale (tableau 9)22, 23, d’autre part pour les
SpA périphériques (tableau 10)24. Concernant
l’IRM, le signe retenu dans la classification
ASAS comme témoignant de la sacro-iliite est la
présence d’un œdème osseux juxta-articulaire,
soit unique mais visible sur 2 coupes adjacentes
(Figure 1), soit à localisations multiples sur une
même coupe (Figure 2)25.
3) Douleurs fessières uni- ou bilatérales, douleurs fessières à bascule
1
4) Doigt ou orteil « en saucisse »
2
5) Talalgie ou autre enthésopathie
2
6) Iritis
2
7) Urétrite non gonococcique ou cervicite moins d’un mois avant le début
de l’arthrite
1
8) Diarrhée moins d’un mois avant de début de l’arthrite
1
9) Présence ou antécédent de psoriasis et/ou de balanite et/ou d’entérocolopathie chronique
2
Il s’agit bien là de critères de classification qui
constituent pour la pratique une aide au diagnostic qui peut rester un avis d’expert. Certaines patientes atteintes de SpA répondent aux
3 critères précités, alors que d’autres peuvent
répondre à un ou deux de ces critères. De plus,
la sensibilité et la spécificité des différents
critères se situent aux alentours de 80 %, ce
qui implique un pourcentage non négligeable de
faux positifs et de faux négatifs. La spécificité
est évidemment très élevée quand l’imagerie est
positive, proche de 100 %. En revanche quand
l’imagerie radiographique et IRM des sacro-iliaque reste négative, le diagnostic est parfois
difficile à porter avec certitude. Si un patient
répond à plusieurs des critères de classification,
la probabilité diagnostique n’en apparait que
plus élevée.
Sacro-iliite radiologique :
≥ stade 2 si bilatéral OU ≥ 3 si unilatéral
OU sacro-iliite à l’IRM
Dans les formes axiales, l’intérêt de l’IRM rachidienne à la recherche de spondylites inflammatoires n’est pas démontré quand l’IRM sacro-iliaques est négative, mais dans la pratique cet
examen est très souvent pratiqué devant des
lombalgies inflammatoires. La scintigraphie
osseuse n’est pas recommandée dans le diagnostic des SpA, mais cet examen peut être
très utile dans des cas difficiles en montrant
une hyperfixation dans certaines localisations
évocatrices, comme par exemple les enthèses
ou l’articulation manubrio-sternale, localisations
pouvant alors bénéficier d’une analyse ciblée
par IRM (Figure 3).
Signe radiologique
Terrain génétique
Présence de l’antigène HLA B27, ou antécédent familial de pelvispondylite,
de syndrome de Reiter, de psoriasis, d’entérocolopathie chronique
2
Sensibilité au traitement
Amélioration en 48 heures des douleurs par anti-inflammatoires non
stéroïdiens et/ou rechute rapide (48h) à leur arrêt
2
Diagnostic de spondylarthropathie si score total ≥ 6
Tableau 8. Critères de classification des spondylarthropathies de l’ESSG (European
Spondylarthropathy Study Group) (1991) [4] modifiés pour l’imagerie par IRM.
Critères majeurs
1) Douleurs rachidiennes inflammatoires (douleurs du rachis lombaire, dorsal ou cervical avec
au moins 3 des 5 critères suivants : début avant 45 ans, début progressif, améliorées par
l’exercice, raideur matinale, durant depuis plus de 3 mois)
2) Synovites asymétriques ou prédominantes aux membres inférieurs
Critères mineurs
1) Antécédent familial de spondylarthropathie
2) Psoriasis
3) Urétrite, cervicite ou diarrhée aiguë survenue dans le mois précédant l’arthrite
4) Entérocolopathie inflammatoire chronique
5) Douleurs fessières à bascule
6) Enthésopathie (achiléenne ou plantaire)
7) Sacro-iliite radiologique (stade ≥ 2 si bilatéral, stade ≥ 3 si unilatéral)
OU sacro-iliite à l’IRM
Diagnostic de spondylarthropathie s’il existe au moins :
1 critère majeur + 1 critère mineur
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
3
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
Figure 1. IRM des sacro-iliaques (T2) : œdème inflammatoire
(hypersignal) unique, localisée à la sacro-iliaque gauche, mais visible sur
la coupe adjacente.
Figure 3. IRM du sternum (STIR) : arthrite manubriosternale érosive permettant d’aboutir au diagnostic de
spondyloarthrite.
29
Figure 2. IRM des sacro-iliaques (STIR) : lésions d’œdème inflammatoire
(hypersignaux) multiples et bilatérales.
Tableau 9. Critères de classification des spondylarthrites (SpA) axiales de l’ASAS23.
Critères applicables chez un patient souffrant de lombalgies évoluant
depuis au moins 3 mois et ayant débuté avant l’âge de 45 ans
Présence d’une sacro-iliite à l’imagerie*
+
≥ 1 critère « clinique » de SpA
Signes « cliniques » de SpA :
1. « Lombalgies » inflammatoires
2. Arthrite
3. Enthésite (talon)
4. Uvéite
5. Dactylite
6. Psoriasis
7. Crohn ou rectocolite hémorragique
8. Antécédent familial de SpA
9. HLA-B27 positif
10. Augmentation de la CRP
11. Bonne réponse aux AINS
ou
Présence de l’antigène HLA-B27
+
≥ 2 autres critères cliniques de SpA
* Sacro-iliite à l’imagerie :
- soit inflammation active aiguë évocatrice de SpA à l’IRM
- soit sacro-iliite radiographique certaine selon les critères de New-York
modifiés
Critères globaux : Sensibilité = 82,9 % ; spécificité = 84,4 %
Critères avec imagerie positive : sensibilité 66,2% ; spécificité = 97,3 %
Tableau 10. Critères de classification des spondylarthrites (SpA) périphériques de l’ASAS24.
Arthrite ou Enthésite ou Dactylite*
+
Au moins 1 des 6 items suivants :
- psoriasis
- Crohn ou rectocolite hémorragique
- infection récente
- présence de HLA-B27
- uvéite
- sacro-iliite en imagerie (Radiographie ou IRM)
OU
Au moins 2 des 5 items suivants :
- arthrite (en cours, ou antécédent)
- enthésite (en cours, ou antécédent)
- dactylite (en cours, ou antécédent)
- antécédent de lombalgie inflammatoire (selon le jugement du clinicien)
- antécédent familial de SpA au 1er ou 2e degré : SPA, psoriasis, uvéite, arthrite réactionnelle, MICI
Sensibilité = 77,8 % - Spécificité = 82,2 %.
* L’arthrite peut être mono, oligo ou polyarticulaire. Mais le caractère asymétrique et/ou prédominant aux membres inférieurs est évocateur de la SpA.
Tous les items cliniques, notamment les dans les antécédents, doivent avoir été diagnostiqués par un médecin.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
30
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
Diagnostic différentiel
des spondyloarthrites
chez la femme
Au-delà de la vaste question du diagnostic différentiel des Spa en général, nous centrerons notre
propos sur le diagnostic différentiel de la SpA
féminine avec la fibromyalgie, car cette problématique est bien réelle dans la pratique du rhumatologue. En effet, ces deux maladies sont susceptibles de réaliser chez la femme un syndrome
polyalgique diffus associé à une asthénie.
La fibromyalgie (FM), qui toucherait en France 1,6 %
de la population adulte selon l’étude DEFI ayant utilisé les critères ACR 199026, atteint les femmes 7
à 10 fois plus fréquemment que les hommes. Dans
les nouveaux critères de FM proposés par l’ACR en
201027, qui constituent des critères préliminaires, les
18 points douloureux de Yunus ne sont plus utilisés.
Si la FM reste un syndrome douloureux diffus évoluant depuis plus de 3 mois, à prédominance axiale,
paravertébrale, réparti au rachis cervical, dorsal et
à la région lombofessière, les douleurs périphériques
font aussi partie du syndrome. La nouvelle classification insiste sur la diffusion des zones douloureuses ressenties et les signes dits « physiques »
associés : asthénie, sommeil non réparateur, troubles
cognitifs, colopathie fonctionnelle, myalgies, fatigabilité musculaire, céphalées, anxiété, dépression, etc.
En 2007, une équipe de Tel-Aviv avait rapporté
une étude dans laquelle 50 % des 18 femmes
atteintes de SA répondaient aux critères de FM 28.
Dans le registre REGISPONDER, la prévalence de la
FM (critères ACR 1990) est de 4,11 % et augmente
à 10,8 % dans la population des femmes atteintes de
SA29. Les auteurs soulignent le fait que l’existence
d’une FM modifie l’appréciation des scores BASDAI
et BASFI, ce qui peut aboutir à une escalade thérapeutique non appropriée. Dans une étude ayant porté
sur 60 patients (72 % de femmes) présentant des
lombalgies inflammatoires, 30 % des patients répondaient aux critères de FM30. Les auteurs insistent sur
la difficulté de distinguer des zones d’enthésite douloureuse et les points douloureux de Yunus. Dans une
étude actuellement online31, dans une population de
402 patients présentant une SA ou une SpA axiale
avec psoriasis, la prévalence de la FM (critères ACR
2010) est de 14,9 % mais la différence est majeure
entre les femmes (31,3 %) et les hommes (9,3 %).
Cette étude met en évidence l’intérêt d’utiliser le
score ASDAS-CRP, plutôt que le score BASDAI, pour
mesurer l’activité de la SpA. L’intérêt de l’utilisation
de l’échographie avec Doppler pour distinguer des
enthésites douloureuses et des douleurs de la FM32
ne nous semble pas démontré à ce jour.
Il existe donc deux problématiques qui peuvent
interférer. En premier lieu, celui du diagnostic dif-
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
férentiel entre SpA et FM. En l’absence d’une imagerie positive et/ou d’une inflammation biologique,
l’utilisation diagnostique du HLA-B27 doit être faite
avec précaution dans la mesure où il n’est qu’un des
items diagnostiques, et que sa positivité est à la fois
inconstante et non spécifique. Les symptômes dits «
physiques » de la FM sont fréquents dans la population générale et le retentissement anxiodépressif
d’un état douloureux chronique est également fréquent. Certains éléments sémiologiques sont très en
faveur d’une SpA, comme la sensibilité aux anti-inflammatoires non stéroïdiens ou l’amélioration des
douleurs avec l’activité physique (car c’est bien
l’inverse que l’on observe dans la FM). La seconde
problématique est celle de l’augmentation de prévalence de la FM au cours de la SpA, phénomène que
nous pensons pouvoir qualifier de FM secondaire et
qui vient perturber l’évaluation de l’activité de la maladie ainsi qu’amoindrir l’efficacité des traitements
spécifiquement anti-inflammatoires sur le ressenti
douloureux.
efficacité des anti-tnF
dans les spondyloarthrites
féminines
L’influence du genre sur la réponse aux anti-TNF chez
les patients atteints de SA a été analysée par van
der Horst-Bruinsma et al.33 à partir des résultats de
4 essais thérapeutiques de l’étanercept (ETN) dans
la SA : 3 essais comparant ETN et placebo (PBO)
et un essai comparant ETN et sulfasalazine (SSZ).
Dans ces essais avaient été inclus 957 hommes et
326 femmes (26 %). Des différences selon le genre
étaient présentes à l’inclusion, comme un âge plus
élevé chez les femmes, une CRP moyenne plus élevée
chez les hommes, des scores BASDAI et BASFI plus
élevés chez les femmes (mais un score ASDAS-CRP
identique dans les deux genres). L’étude a comparé
les différences sous ETN entre S0 et S12 (3 mois)
après ajustement. La réponse à l’ETN est significativement inférieure chez les femmes par rapport aux
hommes en utilisant les variations du score ASDASCRP, mais aussi les scores BASDAI et BASFI. Cette
différence est observée dans les différents items
d’évaluation de la douleur et dans l’EVA globale.
Nous disposons de plusieurs données de registres
permettant l’analyse du maintien thérapeutique
des anti-TNF chez les patients atteints de SA et de
l’influence du genre sur ce maintien. Dans 3 « registres » (registre suédois SSATG, étude hollandaise
GLAS, registre danois DANBIO), il a été observé
un maintien thérapeutique d’un premier anti-TNF
inférieur chez les femmes par rapport aux hommes
atteints de SA [34, 35, 36]. Toutefois, si une étude
a trouvé que la réponse ASAS40 à 6 mois était
meilleure dans le genre masculin35, l’analyse multivariée dans le registre DANBIO34 n’a pas retrouvé le
genre féminin comme facteur indépendant prédictif
d’une moins bonne réponse BASDAI à 6 mois. Dans
le registre DANBIO, la même analyse a été réalisée
pour un 2e traitement anti-TNF (switch) et a montré
également un meilleur maintien thérapeutique chez
l’homme mais l’absence de relation entre l’évolution
du BASDAI et le genre37.
Dans une étude italienne rétrospective ayant porté
sur 170 patients (118 hommes et 52 femmes)
atteints d’une SpA axiale répondant aux critères
ASAS et traités par un anti-TNF, les deux facteurs
indépendants principaux de la réponse BASDAI50
à 12 mois de traitement anti-TNF étaient le sexe
féminin et l’indice de masse corporelle [38]. Le
pourcentage de patients ayant atteints une réponse
BASDAI50 était de 67,8 % chez les hommes et
46,2 % chez les femmes. Le risque relatif de l’absence de réponse BASDAI des femmes était de
3,23 (IC95 : 1,52-7,14), équivalent à la population
des patients obèses (RR = 3,57). Toutefois, le pourcentage de très bonne réponse à 12 mois (BASDAI
≤ 1) ne différait pas selon le genre.
L’influence du genre sur l’efficacité et le maintien
thérapeutique des anti-TNF dans la SpA mérite
d’être étudiée de manière plus approfondie. Dans
l’essai ABILITY-1 ayant comparé adalimumab (ADA)
et placebo (PBO) chez des patients atteints d’une
forme non radiographique de SpA axiale39, le genre
ne semble pas avoir influencé la réponse à l’ADA.
C onClusion
La femme atteinte d’une SpA développe
moins fréquemment une atteinte structurale axiale que l’homme, et cette atteinte
est moins sévère, ce qui est à la base de la
méconnaissance historique de la SA chez la
femme. Dans les formes débutantes de SpA
axiale (notamment dans les formes à imagerie
positive comme le montre la cohorte DESIR),
l’inflammation est moindre chez la femme que
chez l’homme, tant l’inflammation biologique
sanguine que l’inflammation visible en IRM.
Ceci rend compte de la plus grande difficulté
de diagnostic chez la femme, notamment face
à la fibromyalgie. En revanche, il est probable
que la prévalence des maladies inflammatoires
colo-intestinales soient supérieures chez les
femmes atteintes de SpA. Les mécanismes
physiopathologiques qui sous-tendent ces
différences selon le genre nécessitent d’être
élucidés, notamment dans le contexte actuel
des recherches sur la physiopathologie de la
SpA et de son évolution structurale.
FoRMATIoN MéDICALE CoNTINUE
31
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an observational prospective cohort study from the South Swedish Arthritis Treatment Group Register. Arthritis Care Res 2010 ; 62 : 1362-9. u 37. Glintborg B, Ostergaard M, Krogh NS et
al. Clinical response, drug survival and predictors thereof in 432 ankylosing spondylitis patients after switching tumour necrosis factor α inhibitor therapy: results from the Danish nationwide
DANBIO registry. Ann Rheum Dis 2013 ; 72 : 1149-55. u 38. Gremese E, Bernardi S, Bonazza S et al. Body weight, gender and response to TNF-α blockers in axial spondyloarthritis.
Rheumatology 2014 ; 53 : 875-81. u 39. Sieper J, van der Heijde D, Dougados M et al. Efficacy and safety of adalimumab in patients with non-radiographic axial spondyloarthritis: results
of a randomised placebo-controlled trial (ABILITY-1). Ann Rheum Dis 2013 ; 72 : 815-22.
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
dernières nouvelles de l’industrie
32
DERNIèRES NoUvELLES DE INDUSTRIE
La rubrique “dernières nouveLLes de L’industrie”
a été réaLisée par Le dr MicheL bodin, paris
HuMirA® :
10 Ans Au serviCe De lA sAnté
Conférence de Presse des laboratoires Abbvie,
le 1er octobre 2013
elon le Dr Elisabeth Rouffiac, Directeur Médical des
laboratoires ABBVIE, la mise a disposition du corps médical
de Humira® a modifié considérablement la prise en
charge d’un certain nombre d’affections. Ainsi, le pronostic de handicap lié à la PR a été totalement modifié dans les dix dernières
années. En dix ans, 71 études cliniques ont été effectuées, concernant plus de 23 000 patients. La recherche continue, et pas dans
le seul domaine rhumatologique.
S
L’originalité de cette conférence de presse a été l’intervention successive de 3 spécialistes exerçant dans des disciplines totalement
différentes. Le Pr Alain Cantagrel (Toulouse), rhumatologue,
estime que la PR du XXIe siècle n’est plus celle du XXe.
Le patient devient acteur de sa maladie ; la relation entre ce
patient et son médecin prend une importance capitale ; enfin, et de
plus en plus, une bonne prise en charge passe par l’intervention de
réseaux pluridisciplinaires. Nombres d’études peuvent témoigner
d’efficacité d’Humira® : l’étude OPTIMA, par exemple, permet d’évaluer en 3 à 4 mois seulement la réponse au traitement
sur la prévention des lésions structurales de la PR. Aucun traitement ne permet une restauration du cartilage, et il est de ce fait
primordial d’en freiner la destruction. Dans d’autres pathologies,
comme les atteintes du rhumatisme psoriasique et les spondyloarthrites, des études comme ADEPT témoignent de la diminution
des poussées et du ralentissement des détériorations. Compte tenu
des avantages du produit, les effets indésirables apparaissent
limités, avec un rapport bénéfice risque hautement favorable.
Gastro-entérologue à Nancy, le Pr Laurent Peyrin-Bizoulet, témoigne lui aussi des progrès accomplis notamment dans le
domaine des MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin,
150 000 en France). De 2 types (RCH, rectocolite hémorragique et
maladie de Crohn), elles atteignent essentiellement le sujet jeune ;
le but du traitement est d’induire dans le CROHN une réponse
clinique, et atteindre si possible un stade de rémission durable.
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Alors que la récidive post-opératoire est la règle, le fait de traiter précocement par Humira® limite le recours à la chirurgie
et diminue le nombre de sténoses et fistules. L’évolution peut
être suivie par des marqueurs spécifiques, mais l’on manque de
facteurs prédictifs d’évolution. La RCH est plus facile à traiter,
mais la colectomie ne résout pas tout. Le traitement biothérapique tend à obtenir une cicatrisation muqueuse, avec au mieux
une rémission profonde compatible avec la reprise d’une vie
normale.
Selon le Dr Marc Perrussel enfin, dermatologue à LimeilBrévannes, le traitement par biothérapie redonne de l’espoir
aux psoriasiques, avec des périodes de rémission plus ou moins
longues, souvent qualifiées de « fausses guérisons ». Il a été
démontré qu’un traitement par Humira® pouvait apporter
une amélioration jusqu’à 90% du score PASI (Psoratic Area
Severity Index). Ces résultats, qui changent totalement la vie
du patient, doivent inciter à étendre au maximum l’accès à ces
traitements. n
ADAliMuMAb (HuMirA®)
DAns les ForMes PéDiAtriQues
Des MAlADies CHroniQues
Conférence de Presse des laboratoires Abbvie,
le 13 mai 2014
e Dr Emmanuel Thibout, Directeur du Département Immunologie d’AbbVie France, a rappelé le
développement continu de l’adalimumab depuis plus de
10 ans Dans les formes pédiatriques de la maladie de Crohn,
une indication a été obtenue pour les enfants de 6 à 17 ans.
Pour l’AJI (arthrite juvénile idiopathique), l’indication a été
obtenue chez l’enfant de 2 à 4 ans, avec prolongation possible
chez les patients plus âgés en fonction de la réponse thérapeutique. Le remboursement est effectif depuis le 11.02.2014.
L
Le Pr Frank Ruemmele (Service de Gastro-EntérologieHépatologie et Nutrition pédiatriques, CHU Paris-Hôpital Necker-
DERNIèRES NoUvELLES DE INDUSTRIE
Enfants Malades) a évoqué la symptomatologie de la maladie de
Crohn : douleur abdominale, diarrhée + ou - sanglante, retard de
croissance, et lésions périnéales. La prédominance est féminine, vers
la trentaine, avec une incidence de 15 à 20/100000.
A l’inverse de la forme adulte, la forme pédiatrique privilégie les
atteintes coliques, les atteintes iléales étant rarissimes.
La prise en charge vise à contrôler les symptômes, traiter les poussées, éviter les rechutes, prévenir, détecter et traiter précocement les
complications, et également assurer la prise en charge psychologique,
améliorer la qualité de vie, veiller à maintenir un état nutritionnel
correct et permettre une croissance satisfaisante.
L’arsenal thérapeutique comprend les traitements anti-inflammatoires
(corticoïdes), les immunosuppresseurs, les biothérapies et les autres
traitements (chirurgie, nutrition parentérale, antibiotiques) ; compte
tenu des effets néfastes des corticoïdes, on s’oriente de plus en
plus vers les anti-tnf, premier traitement des fistules périnéales, et
traitement de première intention des malades dont le pronostic est
mauvais. Les essais ont d’abord été conduits avec l’infliximab (IFL),
et plus récemment avec l’adalimumab (Etude IMAGINE).
Cet essai évalue le taux de rémission clinique après 26 semaines de
traitement (critère principal) ainsi que le taux de patients répondeurs
à S26, le taux de patients en rémission clinique à S52, le taux de
répondeurs à S52, le taux de patients sevrés en corticoïdes en rémission à S26 et à S52, le taux de patients sevrés en IS en rémission à
S26 et à S52, le pourcentage de fermeture de fistules à S26 et à S52,
et la vitesse de croissance staturale (Z-score) et IMC entre visite initiale, à S26, et S52 (critères secondaires). L’étude a été significative
sur tous ces critères, avec une tolérance satisfaisante (29 infections
sévères pour 100 patients/année). Par ailleurs, l’efficacité d’ADA se
confirme en cas d’échec de l’IFL.
Pour le Pr Isabelle Koné-Paut (Service de Pédiatrie et de
Rhumatologie pédiatrique, CHU Kremlin-Bicêtre), l’arthrite juvénile
idiopathique et ses redoutables conséquences sur la vie relationnelle
de l’enfant, en famille, à l’école, sur les terrains de sport, difficile à
prendre en charge sur le plan thérapeutique, bénéficie grandement
de l’apport des biothérapies. Le MTX, depuis la fin des années 80,
puis les biothérapies au début des années 2000 autorisent l’abandon
progressif des cortisoniques. Une étude ADA + MTX vs placebo + MTX
a mis en évidence l’efficacité de l’ADA, avec des effets secondaires
réduits au minimum, permettant l’obtention des AMM suivantes :
- 2008 : Humira® en association (ou non) au méthotrexate
est indiqué pour le traitement de l’AJI polyarticulaire évolutive chez
l’adolescent de 13 à 17 ans en cas de réponse insuffisante à un ou
plusieurs traitements de fond.
33
- 2012 : Extension d’AMM aux enfants de 4-17 ans, avec
présentation pédiatrique (24 mg/m2/15 jours, max 40 mg), tableau
de correspondance taille/poids/ml à injecter.
Ainsi, en 2014, la prise en charge d’une AJI oligoétendue et polyarticulaire, de sévérité moyenne, passe par le méthotrexate, et,
si la sévérité est importante, par les anti-TNF. En cas de douleurs
nocturnes, d’impotence fonctionnelle majeure, on peut associer MTX
+ anti-TNF.
En cas d’échec d’un premier anti-TNF, il n’existe pas de consensus :
on peut recourir à un 2e anti-TNF, ou aux autres biothérapies
(Abatacept, Tocilizumab). Pour l’Adalimumab (AMM à partir de
2 ans), la dose est de 40 mg/15 jours en s/c. Pour les patients
< 30 kg, on prescrit 24 mg/m2 de surface corporelle. n
l’AbAtACePt (orenCiA®) DésorMAis
DisPonible en inJeCtion sous CutAnée
Conférence de Presse des laboratoires
bristol-MYers-sQuibb, le 1er avril 2014
vec cette nouvelle forme, ORENCIA® devient la 1re et
la seule biothérapie non anti-TNF disposant d’une double
présentation, pour une meilleure adaptabilité au traitement
de la polyarthrite rhumatoïde (PR), en fonction des choix des patients
et de leurs praticiens. Environ 1 malade sur 2 exprime sa préférence
pour l’une ou l’autre forme.
A
Les modes d’action ne sont pas identiques, mais les différents essais
du programme d’études cliniques ont mis en évidence la non-infériorité de cette nouvelle forme SC d’abatacept avec la forme IV, tant
en matière d’efficacité que de tolérance (étude ACQUIRE). Par ailleurs, l’étude AMPLE a montré une efficacité en association avec le
méthotrexate (MTX) comparable à celle de l’adalimumab (traitement
anti-TNF sous cutané de référence), avec une meilleure tolérance au
point d’injection.
L’abatacept agit en amont de la cascade inflammatoire sur les lymphocytes T ; ceci induit, en aval, une inhibition des cellules effectrices et
de la production de cytokines pro-inflammatoires. ORENCIA® SC
et IV trouve son indication dans la prise en charge de la PR modérée
à sévère, en association avec le MTX, chez les patients adultes ayant
eu une réponse inadéquate à un traitement antérieur (DMARDs, MTX,
anti-TNF). L’abatacept, en association avec le MTX, induit une réduction
de la progression des dommages structuraux et une amélioration
des capacités fonctionnelles. Le passage de la forme IV à la forme SC
n’entraine aucune perte d’efficacité(étude ATTUNE).
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
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DERNIèRES NoUvELLES DE INDUSTRIE
En matière de tolérance, selon les données de l’étude ALLOW,
l’interruption pendant 3 mois du traitement, puis sa réintroduction
n’entraine aucune augmentation de l’immunogénicité. Enfin, que le
produit soit utilisé avec ou sans association avec le MTX, sa tolérance
est jugée comme satisfaisante (étude ACCOMPANY).
Maurice HOUVION, le Dr Alain REY, chef du Département Médical
de l’Insep, François Xavier FEREY, masseur kinésithérapeute et Cédric
QUIGNON-FLEURET, psychologue, attachés à l’établissement.
L’animateur de la soirée était le Dr Alain DUCARDONNET,
Médecin Journaliste.
Le traitement par ORENCIA® SC doit être initié en milieu hospitalier, avec une dose de charge par voie IV suivie d’une injection SC de
125 mg dans les 24 heures. Une injection sous-cutanée par semaine
sera ensuite administrée. n
En dehors des auditeurs présents dans la salle, l’émission était
diffusée en direct sur internet et il était possible à tous les médecins
informés de participer en formulant des remarques ou en posant des
questions. Les thèmes abordés étaient les suivants :
événeMent interACtiF en trAuMAtoloGie sPortive le suivi Du PAtient
blessé lors D’une ACtivité PHYsiQue
Webforum des laboratoires Genevrier,
le 10 avril 2014
C
e webforum s’est déroulé dans les locaux de l’Insep à Paris.
Sur le plateau étaient réunis le champion olympique 1996 de
saut à le perche, Jean GALFIONE, son entraîneur ex-champion
LE RHUMATOLOGUE 88 / jUin 2014
- Le patient sportif en pratique de ville ;
- Vécu et problématique du sportif de haut niveau face à la blessure
(témoignages de Jean GALFIONE et Maurice HOUVION) ;
- La prise en charge à l’Insep du sportif de haut niveau ;
- Proposition d’un cadre de prise en charge du patient sportif blessé
en médecine de ville.
Les questions posées ont été nombreuses et les débats animés. Cette
formule originale de réunion scientifique autorise, par une large diffusion, la participation active et simultanée d’une audience étendue
à un grand nombre de médecins. n
GOD SAVE THE DATE !
Après la réussite du 13e Congrès de
la Fédération Française de Rhumatologie
Le prochain congrès aura lieu les
16 et 17 janvier 2015 à :
a l’hôtel Pullman, Paris Bercy a
Qu’on se le dise !
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Le
humatologue
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