Présence de VIH-1 dans le sperme de patients sous multithérapie

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Présence de VIH-1 dans le sperme de patients sous multithérapie
Présence de VIH-1 dans le sperme de patients sous multithérapie anti-VIH
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°74 - mai 1999
VIH - SPERME
Présence de VIH-1 dans le sperme de
patients sous multithérapie anti-VIH
Anne Tachet-Buchaillard
service de microbiologie, groupe hospitalier Necker-enfants malades (Paris)
Christine Rouzioux
virologie, Hôpital Necker (Paris)
Human
Immunodeficiency
Virus type 1 in the
semen of men
receiving highly
active
antiretroviral
therapy
Zhang H.,
Dornadula G.,
Beumont M.,
Livornese L. Jr,
Van Uitert B.,
Henning K.,
Pomerantz R.J.
The New England
Journal of
Medicine, 1998,
339, 25,1803-9
Les traitements antirétroviraux puissants pourraient contribuer
à une diminution du risque de transmission sexuelle du VIH.
Pour autant, l'utilisation systématique du préservatif reste
impérative, l'infectiosité du sperme pouvant persister, et le
risque de transmission de virus mutés résistants est réel.
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Présence de VIH-1 dans le sperme de patients sous multithérapie anti-VIH
Dans cette étude qui aborde la question de la présence du VIH1 dans le sperme chez des patients traités, le virus a été
recherché parallèlement dans le sperme et le sang chez 7
hommes infectés, recevant depuis une longue période (5 à 41
mois) un traitement antirétroviral puissant (2 analogues
nucléosidiques + 1 ou 2 inhibiteurs de protéase). Les deux
formes du virus, présentes dans les deux compartiments
sanguin et spermatique, ont été quantifiées. Les particules
virales libres dans le liquide séminal et dans le plasma étaient
indétectables à moins de 50 copies d’ARN-VIH/ml chez les 7
sujets. Parallèlement, le virus associé aux cellules (ADN
proviral) était détectable chez les 7 sujets dans les cellules du
sang périphérique (5 à 40 copies d’ADN-VIH/106 cellules)
mais également dans les cellules séminales chez 4 d’entre eux
(5 à 90 copies).
L’infectiosité du sperme et du sang a été également explorée
par coculture virale. La présence de PBMC sanguines
productrices de virus a été montrée chez trois sujets; pour
deux d’entre eux, les cellules séminales étaient aussi
productrices. Les virus produits présentaient soit un tropisme
macrophagique soit un double tropisme lymphocytaire et
macrophagique, caractéristiques des virus transmis par voie
sexuelle. Les virus détectés dans le sperme, sous leur forme
provirale ou infectieuse ont été analysés par séquençage des
gènes codant pour la protéase ou pour la transcriptase inverse:
ils ne présentaient pas de mutations associées à une résistance
aux différents antirétroviraux administrés.
Malgré un traitement antirétroviral puissant et efficace
(charges virales plasmatique et séminale inférieures à 50
copies/ml), administré au long cours, le VIH reste détectable
chez certains hommes dans la fraction cellulaire du sperme, et
peut conserver un potentiel infectieux compatible avec la
persistance d’un risque de transmettre le virus par voie
sexuelle.
La transmission sexuelle du VIH est la voie la plus fréquente
de transmission du virus et le sperme en est le principal
véhicule. La charge virale globale d’un échantillon de
sperme, comprenant les particules virales libres (ARN-VIH)
dans le liquide séminal et des cellules séminales infectées,
apparaît liée à son potentiel infectieux, même si l'isolement
du virus en culture en est le meilleur reflet. En l’absence de
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traitement antirétroviral, le VIH présent sous ses deux formes,
libre ou associé aux cellules, est détectable dans le sperme
chez la plupart des hommes infectés, mais en quantités très
variables d'un individu à l'autre.
Dans une étude menée dans notre laboratoire, nous avons
montré que la positivité de l’ARN-VIH dans le liquide
séminal est très fréquente (environ 90% des échantillons) à
des taux corrélés aux taux plasmatiques mais globalement
plus faibles, avec chez certains individus un taux d’ARN-VIH
nettement plus élevé dans le liquide séminal que dans le
plasma. La positivité de l’ADN-VIH dans les cellules
séminales est fréquente (environ 60% d’échantillons positifs)
mais le plus souvent à des niveaux plus faibles que ceux
observés dans les cellules du sang périphérique. Cette
positivité est d’autant plus fréquente et le niveau de positivité
d’autant plus élevé que le nombre de leucocytes (incluant des
lymphocytes CD4 et des macrophages) présents dans
l’échantillon de sperme est élevé, que le taux périphérique de
lymphocytes CD4 est bas et enfin que le taux d’ARN-VIH du
liquide séminal est supérieur ou égal au taux d’ARN-VIH
plasmatique. L’isolement du virus en culture à partir des
cellules séminales est inconstant (environ 30% des
échantillons), fluctue d'un éjaculat à l'autre chez un même
individu, et apparaît fortement lié au niveau de la charge
ADN-VIH dans les cellules séminales.
L’efficacité puissante des traitements récents combinant
plusieurs molécules antirétrovirales entraîne un abaissement
important et rapide de la charge virale plasmatique, qui
apparaît comparable en cinétique et en amplitude à la chute
de la charge virale séminale. Une charge virale indétectable
dans le liquide séminal est d'autant plus facilement et
rapidement atteinte que l'efficacité du traitement antirétroviral
apparaît importante dans le compartiment sanguin. La
fréquence de positivité des cultures de cellules séminales
semble également diminuer sous traitement. Toutefois,
l’efficacité des traitements sur la détection et la quantité
d’ADN proviral dans les cellules séminales non
spermatozoïdes semble limitée, tout au moins pour des durées
de traitement de 6 mois à un an (données personnelles).
Dans le même sens, l'équipe de Zhang, en utilisant une
technique de coculture sensibilisée par une déplétion des
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cellules séminales en cellules CD8 positives, rapporte une
fréquence élevée de cultures positives chez des sujets
recevant depuis longtemps un traitement antirétroviral
puissant et efficace, en association avec des taux d’ADN
proviral dans les cellules séminales comparables aux taux
d’ADN dans les cellules mononucléées du sang circulant. Ce
résultat, dont l'impact est majeur, indique que chez des
patients traités, avec des charges virales plasmatique et
séminale indétectables, une infectiosité liée à la fraction
cellulaire du sperme persiste ainsi que, bien sûr, le risque de
transmettre le virus par voie sexuelle.
L'équipe de Zhang a recherché les mutations de résistance aux
antirétroviraux par séquençage des gènes codant pour la
protéase ou pour la transcriptase inverse à partir des virus
détectés dans le sperme, sous forme provirale ou infectieuse.
Aucune mutation majeure n’a été détectée indiquant que le
traitement antirétroviral administré a été efficace, avec une
réduction importante de la réplication virale objectivée par
l'indétectabilité de l'ARN-VIH dans les compartiments
sanguin et spermatique. Le virus reste toutefois présent sous
forme intégrée dans le génome de la fraction cellulaire
séminale, vraisemblablement dans des cellules à vie longue,
insensible à l'action des traitements. Le virus détecté pourrait
également provenir de cellules plus récemment infectées, via
une réplication virale à bas bruit dans le tractus génital, au
sein duquel l’efficacité de certaines molécules antirétrovirales
pourrait être atténuée, en liaison avec une diffusion
insuffisante.
L’utilisation de traitements antirétroviraux puissants,
aboutissant au maintien de charges virales basses ou
indétectables dans le sang associé dans la plupart des cas à
des niveaux d'ARN-VIH indétectables dans le liquide
séminal, pourrait contribuer à une diminution du risque de
transmission sexuelle du VIH et donc à une limitation de
l’expansion de l’épidémie. Toutefois, le recours systématique
à des rapports sexuels protégés quel que soit le niveau de la
charge virale plasmatique ou séminale reste impératif:
l'infectiosité du sperme peut persister notamment via les
cellules infectées. De plus, le risque de transmettre par voie
sexuelle des virus mutés résistants à une ou plusieurs
molécules antirétrovirales est réel et critique; cet événement
constitue alors un obstacle majeur à la prise en charge
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Présence de VIH-1 dans le sperme de patients sous multithérapie anti-VIH
thérapeutique d’un sujet nouvellement infecté. - Anne Tachet,
Christine Rouzioux
Vernazza PL, Gilliam BL, Flepp M et al.
" Effect of antiviral treatment on the shedding of HIV-1 in semen "
AIDS, 1997, 11, 1249-1254.
Gupta P, Mellors J, Kingsley L et al.
" High viral load in semen of human immunodeficiency virus type 1infected men at all stages of disease and its reduction by therapy with
protease and nonnucleoside reverse transcriptase inhibitors "
J Virol, 1997, 71, 6271-6275.
Gilliam BL, Dyer JR, Fiscus SA et al.
" Effects of reverse-transcriptase inhibitor therapy on the HIV-1 viral
burden in semen "
J AIDS 1997, 15: 54-60.
Eron JE, Vernazza PL, Johnston DM et al.
" Resistance of HIV-1 to antiretroviral agents in blood and seminal
plasma: implications for transmission "
AIDS, 1998, 12, F181-F189.
Tachet A, Dulioust E, Salmon D et al.
" Detection and quantification of HIV-1 in semen: identification of a
subpopulation of men at high potential risk of viral sexual
transmission "
AIDS, 1999 (sous presse).
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