EVALUATION de LECTURE -‐ SECONDE septembre 2013

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EVALUATION de LECTURE -‐ SECONDE septembre 2013
 EVALUATION de LECTURE -­‐ SECONDE septembre 2013 Corrigé I. Etude d’un extrait de Pauline, de Dumas (17 pts) : Questions sur le texte 1. (4 pts = 3 + 1) Expansions du nom : a. Dans les lignes 3 à 6 (deuxième paragraphe), relevez toutes les expansions du nom, en indiquant, pour chacune, sa nature et sa fonction grammaticale. « (la partie) que je connaissais déjà » : prop. Sub. Relat. complt du nom antécédent « partie ». « (les ruines) de l’abbaye » : GN complt prépositionnel du nom « ruines ». « (la colline) qui domine la mer » : prop. Sub. Relat. complt du nom antécédent « colline » « (le porche) ruiné : adj. qualificatif, épithète liée du nom « porche ». b. Relever, dans ce même paragraphe, la phrase qui justifie le petit nombre de ces expansions. La narratrice sait que son interlocuteur connaît les lieux, elle ne juge donc pas nécessaire d’en faire une description détaillée (malgré le fait qu’elle-­‐même les visite « en détail ») : « Vous les avez explorées, je n’ai pas besoin de vous les décrire. » 2. (3 pts = 1+1+1) Temps verbaux : a. Quels sont les temps de conjugaison principalement utilisés dans le texte ? Pourquoi ? Les temps utilisés sont les temps habituels du récit : passé simple : « je descendis », « je résolus », « mes pas se dirigèrent » pour les actions de premier plan, imparfait : « Horace avait », ses amis partagaient », ces pistolets qui ne quittaient » pour souligner l’habitude. b. Quel est le temps du verbe souligné ? quelle est la valeur de ce temps ? « Je ne sais pourquoi » ? (l.12). Présent d’énonciation : il s’agit d’une réflexion de Pauline au moment où elle parle. c. Quel est le mode du verbe souligné ? quelle est la valeur de ce mode ? « je sortirais avec Horace » (l. 24). Conditionnel présent : le mode marque une éventualité, une possibilité, Pauline n’est pas sûre de sortir. 3. (5 pts = 1+2+2) Vocabulaire : 1. Quel est le sens de ruiné dans « le porche ruiné » (l. 5) ? Le porche, c’est-­‐à-­‐dire la construction qui abrite la porte, est en ruine, est délabré. 2. Donnez deux homonymes de comte et la définition de chacun d’eux. Conte : Récit d’aventures imaginaires. Compte : détermination d’une valeur numérique par un calcul, calcul. 3. Relevez les adverbes qui illustrent et soulignent l’expression : « défiance éternelle qu’avait Horace ». Expliquez. Trois adverbes soulignent la méfiance d’Horace et les précautions qu’il prend très soigneusement : « jamais », dans « ces pistolets qui ne quittaient jamais le chevet de son lit » souligne qu’il est constamment prêt à se défendre, « parfaitement », dans « un pavillon isolé et parfaitement fermé », et « habilement » (renforcé par l’intensif « si »), dans « portes et volets étaient si habilement joints », montrent le soin qu’il prend à cacher ses actions. 4. (5 pts) Lecture : Expliquez à quels éléments du roman font allusion les citations suivantes (en gras dans le texte) en répondant aux questions indiquées entre parenthèses. Puis répondez à la dernière question. — « Les environs du château », l. 1 ; de quel château s’agit-­il ? Le château évoqué est le château de Burcy, en Normandie, qui appartient à Horace de Beuzeval et où Pauline, sa femme, n’est pas la bienvenue. Sous prétexte de son manque de confort, le comte a refusé de l’y emmener. Elle a pris la décision de le rejoindre, sans le prévenir. — « Vous les avez explorées, je n’ai pas besoin de vous les décrire. », l. 4 ; à qui s’adresse-­t-­elle ? L’interlocuteur de Pauline, narratrice de ce passage du roman, est Alfred de Nerval qui a découvert l’abbaye en ruine suite à un naufrage en barque. C’est à cette occasion qu’il a surpris Horace sortant d’une cave de ces ruines et a ainsi pu délivrer Pauline qui y était enfermée : Alfred, autre narrateur du roman, a déjà raconté cet épisode. — « C’était la seconde fois que je voyais ce spectacle », l. 7 ; quand la narratrice a-­t-­elle vu ce panorama pour la première fois ? La veille du jour qu’elle évoque dans ce passage, Pauline s’est déjà promenée dans cet endroit avec Horace qui l’avait emmenée pour une promenade en bateau. La marée étant basse, ils avaient dû laisser la barque et rentrer par les dunes. — « ce cheval toujours sellé dans l’écurie. », l. 13 ; pourquoi y a-­t-­il toujours un cheval sellé à l’écurie ? Un cheval est toujours sellé, donc prêt à partir, pour permettre à Horace de prendre la fuite si nécessaire. — « ses amis », « ces pistolets qui ne quittaient jamais le chevet de son lit », l. 14-­15 ; pourquoi Horace a-­t-­il toujours des pistolets à portée de mains ? qui sont ses amis ? Plusieurs fois dans le roman, Pauline signale que son époux —et ses amis, Max et Henri— dorment avec des pistolets sur leur table de chevet et des chevaux sellés à l’écurie. Ces détails accentuent le mystère qui entoure les trois hommes et qui sera levé quand le lecteur apprendra ses activités de brigandage. — « quand j’étais arrivée. », l. 15 ; quand Pauline était-­elle arrivée et pourquoi ? Pauline est arrivée la veille : elle s’inquiétait pour son mari et voulait le rejoindre malgré son interdiction. Elle dissimule d’ailleurs à sa mère le fait qu’elle rejoint Horace sans qu’il l’y ait invitée. — « un pavillon isolé et parfaitement fermé », l. 21 ; quel est ce pavillon ? Le pavillon évoqué est celui où Horace et ses amis amènent leurs victimes. On y accède par un escalier dérobé dans la bibliothèque, puis par un passage souterrain — Quand Pauline comprend-­elle tout ? et de quoi s’agissait-­il ? Tous les éléments mystérieux prennent sens pour Pauline quand elle est témoin du meurtre d’une femme par Horace alors qu’elle est passée par le passage souterrain. Elle comprend ainsi que le comte et ses amis sont les fameux brigands qui terrorisent depuis des mois la Normandie. II. Questions de lecture (18 pts) Répondre obligatoirement aux questions correspondant à trois oeuvres. Si vous avez lu plus de livres, vous pouvez répondre à d’autres questions : ces réponses feront l’objet d’un bonus. Toutes les réponses doivent être rédigées, organisées en paragraphes et bien justifiées par des exemples précis. —
Austen J., Orgueil et Préjugés o Expliquez le titre du livre en vous appuyant sur quelques scènes qui pourraient, selon vous, illustrer chacun des deux mots du titre. L’orgueil est un défaut de caractère alors que le préjugé est un jugement porté sur des valeurs socioculturelles qui définissent notamment le fort sentiment social de classe qui structure le roman. Les passages les plus célèbres du récit, ceux où l’orgueil et les préjugés font des relations de cette petite communauté anglaise un haut lieu de l’hypocrisie et du ridicule domestiques : ⇒ La scène du bal chez Bingley et la première apparition de Darcy est l’occasion d’une série d’événements ou de simples remarques qui révèlent l’orgueil des invités et les préjugés dont ils font preuve notamment eu égard à « l’étiquette » c’est-­‐à-­‐dire à l’attitude, aux civilités, aux bonnes manières qu’ils sont en droit d’attendre : o « préjugés »  quand la famille Bennet entre dans la salle de bal et que Mr. Darcy est décrit, la narratrice indique que la rumeur « qui circula moins de vingt minutes après son entrée lui attribuait « dix mille livres de rente ». On notera que la représentation des personnages inclut constamment une évaluation de leurs richesses et que celle-­‐ci participe beaucoup de la « grandeur d’âme » des personnages, au moins dans un premier temps (chp III). o « orgueil »  Lors du bal, après qu’il eut attiré tous les regards, Mr. Darcy est jugé avec beaucoup de sévérité parce qu’on « découvrit qu’il était fier, méprisait les gens qu’il côtoyait et ne se satisfaisait de rien. Du coup, son vaste domaine du Derbyshire ne suffit pas à lui épargner d’avoir une physionomie particulièrement désagréable et rébarbative, et n’être rien en comparaison de son ami [Mr. Bingley] ». Le personnage de Darcy représente dans le roman une échappatoire à la médiocrité des autres personnages justement parce qu’il semble préservé de la psychologie des autres protagonistes. En 2
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réalité, il ne méprise leur orgueil que parce que le sien n’est que plus fort de toutes les prétentions aristocratiques de sa classe de grand seigneur. L’orgueil des convives les conduit à épouser les rites sociaux du bal et ce jusqu’à l’obséquiosité ; l’orgueil de Mr Darcy le conduit à les mépriser parce qu’il a intégré la conscience de sa supériorité. Le roman de Jane Austen s’ingénie à faire accroire au lecteur que l’orgueil des uns n’est pas sauvé par la bonté d’âme de quelque autre personnage mais nous fait découvrir un orgueil plus grand encore. Mr Darcy dédaigne Elizabeth lors du bal sans ménagement pour la sensibilité de la jeune fille : « Elle n’est pas mal, mais pas assez belle pour me tenter, et je ne suis pas d’humeur aujourd’hui à donner de l’importance aux jeunes filles qui ont été laissées pour compte. » (orgueil) Les discussions entre les jeunes filles de la famille Bennet et Lucas après le bal sont l’occasion d’évoquer l’orgueil affiché par Darcy. C’est alors le personnage de Mary, l’une des sœurs Bennet, qui révèle une autre forme d’orgueil : la prétention intellectuelle. Leur conversation les amène à juger l’orgueil affiché de Darcy et Mary, « qui se piquait d’émettre des réflexions pleines de sagesse », entreprend de rappeler aux autres jeunes filles la distinction entre orgueil et vanité et de rappeler l’universalité du premier « si l’on en croit tout ce qu’elle en a lu » (chp V). (orgueil) L’épisode de la sœur malade accueillie chez Bingley. o La visite des sœurs Bennet à Jane est aussi l’occasion pour les sœurs de Bingley d’affirmer un profond mépris pour elles, mépris qui prend l’opposition ville-­‐province pour prétexte. Elles ne peuvent comprendre qu’on puisse salir sa robe et faire une longue marche à pied pour venir au chevet d’un proche malade. Tout au long du roman, les sœurs de Bingley affirmeront cet orgueil social qui condamne les mœurs des provinciaux parce que « cela dénote […] une indépendance d’esprit insupportable et pleine de présomption, une indifférence au décorum qui sent la province ». (chp VIII). Cette différenciation entre la campagne et Londres fait l’objet d’une conversation entre Darcy et Mme Bennet où les deux personnages opposent leur point de vue et révèlent leur orgueil (chp IX). (orgueil et préjugés) L’arrivée du personnage de William Collins chez les Bennet. William Collins est un cousin éloigné de Mr Bennet dont il doit hériter à sa mort. Il vient rendre visite à la famille de Mr Bennet et annonce sa visite par une lettre dont la politesse excessive et les précautions de style révèlent l’ampleur d’un orgueil sans limite. Son arrivée dans la famille confirme ce caractère ridicule. Alors qu’il croit avoir vexé Mrs Bennet, le narrateur affirme ainsi : « Il [Collins] continua cependant de s’excuser pendant près d’un quart d’heure » (chp XII). Autre signe de son orgueil, il croit pouvoir obtenir la main de Jane puis d’Elizabeth mais il est rapidement éconduit par les deux jeunes filles. (orgueil) La rencontre de Collins et Darcy. Le narrateur présente la rencontre de Collins et Darcy en empruntant le regard d’Elizabeth. Le lecteur n’entend pas la totalité des propos de Collins car leur conversation est suivie à distance, celle d’Elizabeth par rapport aux deux hommes. Ce procédé permet de réduire le discours de Collins aux deux traits suivants : il cite d’une part le nom de Catherine de Bourgh et rappelle qu’il fait partie de ses intimes dans l’espoir que le prestige de ce nom rejaillira sur lui et il multiplie les excuses comme s’il affirmait fièrement son infériorité à l’égard de Darcy. Le narrateur indique qu’Elizabeth « souffrit de le voir se donner en ridicule devant une personne de cette sorte ». Un peu plus loin, le ridicule du personnage est encore accentué lorsqu’il lui affirme avoir été bien reçu par Mr Darcy alors que celui-­‐ci l’a accueilli avec le plus grand mépris. L’orgueil du personnage est tel qu’il conduit à la fatuité et Jane Austen souligne à grands traits ce type de comportement tout au long du roman. Le personnage de Wickham et la révélation sur son identité. Le séduisant militaire Wickham apparaît dans le récit le contraire du ridicule Collins. Il semble avoir tout pour plaire. C’est justement sur sa connaissance des préjugés cultivés par la société de la province que Wickham a construit son personnage. C’est à la fin du roman qu’on apprend qu’il a trompé la confiance du père de Darcy et de sa sœur. Il trompe le monde en se jouant des préjugés de chacun et apparaît comme un dangereux manipulateur qui dissimule sa vraie nature. On pourra opposer la description qu’il fait de son passé aux côtés de Darcy au chapitre XVI avec celle qui est faite par ce dernier à Elizabeth à la fin du roman. Il la trompe en lui présentant une fausse image de l’orgueil de Darcy : « Son orgueil ne l’abandonne jamais, mais avec les riches il se montre ouvert, juste, sincère, raisonnable, agréable peut-­être seulement quand la fortune et la tournure sont à son goût ». (chp XVI) (préjugés) La première demande en mariage de Darcy à Elizabeth. Darcy déclare son amour à Elizabeth et lui propose de l’épouser au chapitre XI. Cet épisode, qui aurait pu fournir à la romancière un 3
élément de résolution proche de ceux des contes merveilleux, des romans d’amour, révèle au contraire le caractère immarcescible d’un orgueil de classe qui corrompt le personnage de Darcy et qui fait échec à la conciliation des cœurs. En effet, s’il lui avoue son amour, il lui confie aussi la répugnance qu’il ressent à aimer une femme de sa condition, sans compter l’antipathie profonde à l’égard de sa famille : « Il parlait bien, mais d’autres sentiments que les élans du cœur cherchaient à s’exprimer, et il ne fut pas moins éloquent pour dire sa tendresse que pour évoquer ce que souffrait son orgueil ». (chp XI) ⇒ La visite à Lady Catherine de Bourgh. Elizabeth rend visite à son amie Charlotte Lucas devenue la femme de Mr Collins. Celui-­‐ci est lié à Lady Catherine et il lui propose de la lui présenter. Avant même la découverte de ce personnage, Collins précise à Elizabeth à propos de sa tenue : « Il n’y a pas de raison de vous mettre davantage en frais. Lady Catherine n’aura pas plus mauvaise opinion de vous parce que vous serez vêtue avec simplicité. Elle tient à ce que l’on observe les distinctions de rang ». Tout, chez ce personnage, est dominé par l’orgueil et les préjugés. Les deux valeurs y sont portées à leur plus haut point ce qui rend le personnage particulièrement antipathique pour le lecteur. Ainsi, lors de leur rencontre, le narrateur, prenant le parti d’Elizabeth, la décrit ainsi : « la physionomie n’avait rien d’avenant, et sa façon de les accueillir n’était pas de nature à faire oublier à ses visiteurs l’infériorité de leur rang ». (volume II chp VI,) (orgueil et préjugés) ⇒ La visite de lady Catherine de Bourgh à Elizabeth dans l’intention de l’obliger à décliner toute proposition de mariage venant de Darcy. (orgueil et préjugés) Expliquez quelle est la condition de l’homme et celle de la femme d’après le roman dans l’Angleterre provinciale du début du XIXème siècle. Jane Austen décrit dans son roman la bourgeoisie et l’aristocratie de la province anglaise. On notera que les « prolétaires » ne sont pratiquement jamais mentionnés et n’ont surtout aucune part aux intrigues du récit. L’écrivain décrit donc un microcosme social qui s’organise selon des règles sociales très précises. Les libertés individuelles sont très réduites, notamment pour les femmes, et c’est cette organisation sociale corsetée jusqu’à l’étouffement que rejette l’héroïne Elizabeth. Les professions sont laissées de côté et c’est principalement le versant privé, les relations de loisir qui occupent toute la place dans le roman. De fait, Orgueil et préjugés place le mariage comme curseur de la réussite sociale pour la femme au centre des enjeux. Toute autre considération est reléguée au second plan tant le mariage détermine la vie des femmes. Le bonheur et l’amour sont laissés de côté car les unions sont avant tout des mariages de raison c’est-­‐à-­‐dire que chaque partenaire y voit son intérêt financier. Trois axes peuvent illustrer cette question : la réussite sociale par le mariage, l’éducation des jeunes filles et les figures masculines du roman. Le mariage — Le mariage est un accord financier. L’acharnement de « la mère » Bennet à voir marier ses filles prend l’apparence d’une entreprise familiale, d’un placement sur le long terme qui va assurer la sauvegarde de l’entreprise familiale. De fait, le mariage est pratiquement le seul moyen pour une jeune fille de la bonne société d’avoir une vie préservée de tout souci financier : une femme est dépendante d’un homme. Elle lui est subordonnée par un contrat qu’il est impensable de remettre en cause. Ainsi le narrateur et Elizabeth suggèrent assez clairement que le couple Bennet est « condamné » à vivre ensemble ou en tout cas que le père n’éprouve que dédain pour son épouse. — Le mariage des filles Bennet est le gage d’une conservation des biens immobiliers L’empressement de Mrs Bennet à voir marier ses filles révèle l’injustice sociale de la condition féminine dans cette société. Une femme ne peut pas hériter de la demeure familiale. Elle doit donc revenir à Collins à la mort de Mr Bennet puisqu’il n’a eu aucun garçon pour héritier. Le mariage préserve l’honorabilité des liens amoureux. L’amour ne semble pas pouvoir se concevoir en dehors des liens accordés par le mariage. La fuite de Wickham avec Lydia est vécue comme une infamie, une honte par toute la famille et par Darcy qui exerce tout son pouvoir pour retrouver les amants et les pousser à officialiser leur union afin de sauver l’honneur des Bennet. L’éducation des jeunes filles. — Une éducation qui les prépare au mariage. Puisque le mariage est la destinée féminine de prédilection à cette époque, toute l’éducation semble préparer les jeunes filles à devenir des épouses : coudre, broder, savoir diriger une cuisine et organiser une réception semblent être les principales matières de cette éducation. Il est fait aussi mention de certaines activités artistiques dans le roman, jouer du piano, chanter, pratiquées par les sœurs Bennet. On notera cependant que ces activités artistiques sont orientées vers une pratique mondaine. Il s’agit de faire bonne figure en société. o
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— Une culture de la mondanité. La lecture et la littérature sont évoquées dans le roman mais là aussi on note un fort clivage entre Elizabeth, pour qui la lecture s’apparente à notre pratique de la littérature alors que sa sœur, Mary, qui est pourtant présentée comme une grande lectrice, lit des livres de morale à destination des jeunes filles dont elle relève plusieurs citations pour leur caractère édifiant. Il s’agit d’une condamnation par Austen des lectures moralisantes de cette époque qui apparente la lecture à un endoctrinement des jeunes filles. La danse et le bal occupent également une place très importante dans le roman. Tous les personnages y prennent part à l’exception de Darcy qui se fait justement remarquer au début du roman à cause de son dédain pour cet exercice très codifié. Les figures masculines du roman. — L’aristocrate, le bourgeois de la haute société  Darcy et Bingley incarnent cet idéal masculin de la société anglaise du début du XIXème siècle. Ils sont propriétaires terriens et possèdent des demeures qui font impression en société. Ils ont une forte conscience des privilèges qui sont les leurs et dédaignent les personnes qui leur sont inférieures. On notera qu’il est impensable pour eux, sauf pour Darcy, mais seulement à la suite d’un étonnant cheminement intellectuel, d’épouser, même par amour, une jeune femme d’une condition qui soit inférieure à la leur. — Le clergyman  il est incarné par Mr Collins. Il a fait des études à l’université mais Elizabeth condamne pourtant l’intelligence du personnage qu’elle considère comme médiocre. On notera qu’il ne fait jamais allusion à sa foi dans le roman ce qui est assez étonnant pour un croyant. Il incarne le bourgeois dans ce qu’il a de plus ridicule. — Le militaire  Le roman évoque à plusieurs reprises le prestige de l’uniforme qui fait un grand effet sur les jeunes filles. La guerre semble bien lointaine et là aussi le narrateur souligne à grands traits la hiérarchie sociale qui distingue les officiers des simples soldats (qui d’ailleurs n’apparaissent pas en tant que personnages). —
Bierce A., Contes noirs Ambrose Bierce : 1842, sans doute 1913 (il aurait disparu en luttant aux côtés des paysans de Sancho Villa.) Journaliste et chroniqueur. a. Quelle image des Etats-­Unis ce recueil donne-­t-­il ? — On note que les contes se situent en Californie, ou dans le Sud des Etats-­‐Unis, régions encore pionnières et peu civilisées à l’époque où Bierce écrit. Cette « sauvagerie » permet de développer un certain nombre de thèmes. — Le premier d’entre eux est la croyance en un monde surnaturel. Nombre des contes évoquent des fantômes (« La route au clair de lune », « Un inconnu », « Le troisième orteil du pied droit »). Les morts suspectes sont également nombreuses (« Par une nuit d’été » « La fenêtre condamnée », « Les funérailles de John Mortonson », « Le décor approprié »). La peur, la terreur créées par des phénomènes qu’on ne s’explique pas sont très présentes dans le recueil. — Les Etats-­‐Unis, en tout cas les régions évoquées par le narrateur, apparaissent également comme des lieux de violence : présence des armes (« Une sacrée garce », « Le troisième orteil du pied droit »), de la misère sociale (« Histoire de fou », « Une sacrée garce »), violence de la justice (« Histoire de fou »), combats contre les Indiens (« Un inconnu »). — Surtout, le pays apparaît à la fois comme un lieu à découvrir et comme un lieu décadent, rongé par la mort : les bâtiments sont délabrés, ont eu leur heure de gloire mais l’ont perdue (« Une histoire de fou », « L’homme et le serpent » pour San Francisco, la cabane du vieillard dans « Le décor approprié »). Le village de chercheurs d’or dans « Une sacrée garce », Hurdy-­‐Gurdy, est caractérisé même à son apogée par sa misère et sa violence, et il apparaît comme un village fantôme lorsque le « héros » du conte y arrive. — Pour conclure, la mort et le fantastique sont très présents dans le recueil, comme pour rendre compte d’un pays difficile à comprendre, gouverné non par la raison mais par l’irrationnel, où l’absurde domine. Le narrateur, avec beaucoup d’humour noir, laisse à son lecteur le soin de se faire son opinion, sans lui donner vraiment de réponse. b. Dites pourquoi vous recommanderiez ce livre à un ami. Choisissez un conte en particulier pour développer votre point de vue. On peut attendre comme arguments pour recommander le livre : — L’humour noir : renversements de situation à la fois terrifiants et comiques (« Par une nuit d’été », « Histoire de fou », « Une sacrée garce »). Chutes. — Le suspense : tension qui monte dans certains contes : « Veillée funèbre », « L’homme et le serpent ». — Le mystère : « Les funérailles de John Mortonson », « Le décor approprié ». 5
— L’évocation d’un monde à la fois connu (cf westerns) et inconnu (San Francisco au milieu du XIXè siècle par exemple). Camus A., La Peste a. Dans La Peste, Camus imagine qu’une épidémie s’abat sur la ville d’Oran. Dans leur malheur, des hommes font l’apprentissage de la solidarité. Choisissez deux personnages qui se dévouent en combattant le fléau et décrivez leur comportement. Joseph Grand : modeste employé de mairie, insignifiant de prime abord et effacé, qui n’avait pour lui qu’un peu de bonté au cœur. C’est un homme simple et bon qui participe bénévolement à l’action des équipes sanitaires en écrivant, en faisant des statistiques. Il est sauvé de la peste. Le journaliste Rambert : venu à Oran pour un reportage, il a laissé sa maîtresse à Paris. Malgré son envie de la rejoindre, il ne quitte pas la Cité car « il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul. » Il demande à entrer dans les formations sanitaires. Le Père Paneloux : un prêtre, homme d’Eglise, il croit en la bonté divine. Il lutte contre la souffrance humaine. Il pense que la peste est un châtiment envoyé par Dieu et espère que les hommes vont se convertir. A son tour, il est atteint par la peste, refuse d’appeler un médecin et attend la mort en se confiant à Dieu. Tarrou : l’intellectuel qui, devant la souffrance est volontaire pour combattre le fléau afin de trouver une paix intérieure (ses sentiments d’homme révolté). Un lien fraternel l’unit au Docteur Rieux car tous deux veulent soulager la misère de leurs compatriotes. Tarrou propose au Docteur son aide pour constituer les Formations sanitaires volontaires. C’est un homme courageux qui connaît le risque mortel de la contagion. Il meurt de la peste alors que l’épidémie prend fin. Le Docteur Rieux : le narrateur médecin qui combat inlassablement l’épidémie de la peste. Il représente les idées de l’auteur ; pour lui, le Mal constitue un scandale, une injustice. Contrairement au prêtre, il refuse d’admettre l’agonie d’un enfant innocent. Lui aussi est conscient du danger mortel de la contagion, il exerce son métier avec lucidité, courage et énergie jusqu’au bout. b. Pour quelles raisons l’auteur fait-­il retracer la chronique de cette épidémie par un médecin ? A quel moment le lecteur découvre-­t-­il l’identité du narrateur ? La chronique de l’épidémie est retracée par le Docteur Rieux parce que ce médecin est apte à décrire les symptômes, la lutte, les échecs, les tentatives, l’espoir grâce à un nouveau vaccin, les agonies, les enterrements, les incinérations, la mort d’un enfant innocent… Le narrateur souhaite relater cette épidémie le plus objectivement possible pour dire ce qu’on apprend au milieu du fléau, montrer que l’on peut agir individuellement mais aussi collectivement, constater qu’il y a « dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser », mais que le danger du fléau ne disparaît jamais entièrement. C’est sa fonction de médecin qui le place comme un témoin qui affronte la maladie sans jamais se résigner. Au début de la première partie du roman, il est question de ce narrateur — mystère qui prend appui sur le journal de Tarrou et qui s’avère être le lien entre les différents protagonistes du roman. Une habile façon pour Camus d’entretenir l’intérêt du lecteur, le suspense… mais le lecteur ne connaîtra l’identité du narrateur d’une façon sûre qu’à la fin du roman. —
Giraudoux J., Ondine a. Giraudoux présente Ondine comme une « pièce en trois actes ». Pensez-­vous qu’elle puisse être considérée comme une tragédie, ou comme une comédie ? Justifiez votre réponse avec des éléments précis. Le dramaturge représente un amour impossible dans sa pièce où le merveilleux côtoie la rigueur d’une tragédie classique. Ondine est une comédie : - Des personnages ordinaires : Auguste et Eugénie, humbles pêcheurs, le chevalier, prosaïque, qui aime la cuisine, la truite au bleu… (cf. sa présentation sentencieuse Hans von Wittenstein zu Wittenstein qui dit que le véritable ennemi du chevalier errant est… la puce !) - Des personnages antithétiques : décalage comique entre l’univers de Hans et celui de Ondine qui vient du Royaume des Ondins. - Le comique de caractère : le Chambellan hypocrite, la satire des courtisans (II, 9), Ondine qui ne parvient pas à se concentrer quand le Chambellan lui parle. - Le comique de mots : les couplets-­‐refrains des prénoms enlacés (1, 5 ; III, 6) ou des « 15 ans » (II). —
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Le comique portant sur les conventions du couple dans la tradition médiévale, la farce : la femme soumise à l’homme, « Hans d’abord. C’est le garçon… il commande… » dit Ondine. Mais son comportement dément cette affirmation car son débit de paroles est alors plus important. Ondine est aussi une tragédie : - Les mises en garde fonctionnent comme des signes annonciateurs du destin tragique de l’héroïne éponyme. - L’amour est voué à l’échec : si Hans vient à tromper Ondine, il mourra (destin). - De même pour Ondine qui doit aimer le premier mâle rencontré : « le premier Ondin venu est pour toujours le seul Ondin ». Hans est le premier homme qu’elle voit. - L’amour d’Ondine est inconditionnel, proche de la passion de la Tragédie et d’une certaine façon, il la rend « effrayante ». - Le thème de la vue, fréquent dans la tragédie, celui de la jalousie (envers Bertha), moteur de la tragédie. Le lecteur peut à juste titre éprouver terreur et pitié suite à la scène fatale : II, 6 et au dénouement (« comme c’est dommage ! comme je l’aurais aimé » —ironie tragique). La seconde partie de la prophétie, l’oubli, est aussi réalisée. b. Caractérisez le personnage éponyme : son portrait, son rôle, ses relations avec les autres. Elle est fille des eaux, par sa nature, et parfaite. Lorsque le chevalier s’éprend et décide de l’épouser, c’est en raison de sa perfection physique —elle est encore plus belle que Bertha— et de ses pouvoirs magiques. Mais il ignore qu’elle n’est pas humaine. Comme la truite, son double, elle perd sa liberté et sa vie quand elle choisit les hommes : elle est responsable de sa perte. Elle est féminine, elle attire l’attention du chevalier, elle cherche à le séduire en le flattant, elle n’hésite pas à se projeter dans l’avenir et dans sa vie de couple, certaine de ses sentiments. Elle devient jalouse de Bertha, imagine un stratagème pour garder Hans : si cette dernière reste près de lui, il s’en détachera… Elle est naïve : même le chevalier cherche à ramener Ondine à la réalité en lui parlant de son très jeune âge et en la mettant en garde contre lui. Elle est idéaliste et paradoxale : elle veut être une ménagère parfaite pour plaire davantage à Hans, mais elle perd ainsi ses attributs magiques et il se détache d’elle. Elle est un personnage de tragédie, passionnée, entière, fidèle et volontaire : les Ondins l’avertissent, « il te trompera », en parlant de Hans. Ondine relève le défi : « Tu acceptes le pacte s’il te trompe ». Au contraire du chevalier, Ondine est prête à mourir pour lui dès la cinquième scène. Elle accepte son destin, la mort de son mari s’il la trompe, les conditions fixées par les Ondins et l’oubli pour elle, au nom de l’amour. Elle est touchante pour le spectateur, voire pathétique avec sa clairvoyance sur l’humanité où tout le monde ment, où les hommes sont inconstants. Avec ses doutes aussi : « je suis sûre que tu attends mon sommeil pour aller voir ton cheval. » —
Nemirovsky I., Le Bal a. Le personnage de la mère d’Antoinette : quel est son caractère ? quelles sont les motivations de ses actes ? Socialement, Mme Kampf est une ancienne dactylo qui a épousé M. Kampf qui avait multiplié les petits métiers et notamment celui d’employé de banque avant de s’enrichir brusquement à la suite d’un génial coup de bourse. Elle se trouve donc propulsée dans la sphère des nouveaux riches et essaie par tous les moyens d’asseoir sa légitimité en se donnant une nouvelle apparence (cheveux, vêtements), un nouvel appartement et des domestiques dont une gouvernante anglaise pour sa fille. Elle se reconstruit un passé plus en accord avec sa position sociale et veut donner un bal pour être reconnue dans le milieu parisien. Elle est donc à la fois orgueilleuse, fière de sa réussite sociale mais aussi angoissée de ne pas être à la hauteur, elle traque toutes les failles possibles. Personnellement, elle est également soucieuse du temps qui passe et veut enfin vivre la vie dorée qu’elle n’a pas vécue dans sa jeunesse d’où sa décision de ne pas permettre à Antoinette d’assister au bal pour retarder la rivalité avec sa fille. b. Comment cette nouvelle présente-­t-­elle le passage de l’enfance à l’âge adulte. Antoinette va faire l’apprentissage de la vie au cours de cette nouvelle en renversant le rapport de force avec les adultes. En effet, au début c’est une enfant en apparence soumise à la volonté de ses parents, de sa gouvernante. Cependant le lecteur se rend rapidement compte qu’elle n’en pense pas moins. Petit à petit la révolte va monter en elle jusqu’à un sentiment de haine et à la vengeance qui consiste à jeter les invitations au bal que sa mère lui a confiées au lieu de les poster. Elle attend ensuite avec une certaine délectation le fiasco final et triomphe devant la décomposition morale et physique de -
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sa mère qui laisse tomber le masque. Ainsi au lieu d’être punie comme une enfant, elle triomphe à la fin. Elle maîtrise le monde qui l’entoure et lorsque sa mère lui demande un peu de compassion, c’est la jeune fille qui avec une certaine condescendance dit : « Ma pauvre maman… ». —
Nothomb A., Une Forme de Vie a. Quels sont les éléments relevant de la fiction et ceux pouvant appartenir à la réalité ? La frontière entre la fiction et la réalité est mince car bien que toute cette histoire soit inventée, elle semble tellement rattachée au réel que le lecteur pourrait s'y laisser prendre. Tout d'abord le personnage principal est l'auteur elle même, Amélie Nothomb, qui prend en charge le récit à la première personne. Elle se met en abyme dans son roman parlant de sa véritable vie d'auteur avec un élément essentiel et vrai : elle répond toujours aux lecteurs qui lui écrivent. Une autre réalité identifiable serait le personnage du soldat américain basé en Irak : Melvin Mapple. Le conflit en Irak, les références à l'armée américaine, les armes de destructions massives, les missions, tout correspond. Les dates des événements cités, comme l'élection de Barak Obama par exemple sont autant de faits véritables et vérifiables. Le domaine de la fiction est incarné par l'histoire invraisemblable de cet homme qui grossit à cause des horreurs de la guerre, ceci même est un mensonge dans la fiction. Dans le roman, tout pourrait être vrai tant les protagonistes ont un côté un peu fou et décalé. On saisit que tout relève de la fiction mais on se dit aussi que tout cela finalement n'est pas si déraisonnable et pourrait être vrai. b. Comment Amélie Nothomb se présente-­t-­elle en tant que personnage dans son propre roman ? Amélie Nothomb se met en abyme dans son roman en évoquant sa vie personnelle et professionnelle. Elle fait référence à son travail d'écriture, son éditeur, les différents aspects du métier (comme les dédicaces, les cartes de voeux aux éditeurs étrangers...). Elle parle d'elle aussi en tant que personne, elle fait référence à ses origines (son grand père belge à qui elle doit écrire, sa vie à l'étranger), à différents événements qui ont eu lieu dans sa vie et que l'on retrouve dans d'autres romans (son anorexie). Mais surtout, elle reprend un fait central dans le roman et connu de ses lecteurs, sa correspondance avec eux. Le roman est parcouru par ses réflexions autour de cette activité, nous gratifiant de tout ce qu'il y a d'agréable ou de moins agréable, d'incongru, de répétitif, d'énervant, de pièges aussi parfois, dans cette activité. —
Reza Y., Le Dieu du Carnage a. Montrez en quoi la pièce est comique : indiquez pour cela au moins un élément illustrant chacun des différents types de comique (comique de caractère, de mœurs, de gestes, de mots et comique de répétition). La pièce de Yasmina Reza ne se présente pas comme une comédie. Pourtant de nombreux passages peuvent être cités comme appartenant à ce genre théâtral. L’ensemble de la pièce repose sur un paradoxe puisque deux couples veulent résoudre un conflit qui a opposé leurs enfants mais cette réunion en fait naître un nouveau parce que leur conversation, aussi civilisée soit-­‐elle, met au jour les tensions dissimulées entre les personnages. La civilité, la courtoisie, la politesse, tout ce qui s’articule autour de la raison fait lentement faillite tout au long du déroulement de la pièce. Ce renversement de situation est parcellé de passages comiques dont voici un relevé non exhaustif : Comique de caractère : La phobie des rongeurs de Michel. Le personnage de la mère de Michel qui se demande ce que deviendra sa prothèse en métal et en polyéthylène quand elle se fera incinérée. L. 243 (L’humour noir est un des ressorts du comique dans la pièce. En effet, le rire naît toujours d’un malaise lié à la condition de l’homme moderne. Les moments drôles de la pièce sont souvent ceux où les personnages s’emportent et révèlent ce malaise) Annette fait remarquer un paradoxe assez humiliant chez Michel : il se réclame de John Wayne mais il est incapable de tenir une souris dans sa main. L. 1082. Comique de gestes : Les empoignades entre Véronique et son mari. L. 1310 par exemple. Elles ponctuent surtout la fin de la pièce. Annette boit du rhum alors qu’elle a des hauts le cœur mais affirme « Si, si, ça me fera du bien ». L. 1320. Annette s’empare du portable et le plonge dans l’eau des roses. L. 1374. Annette « gifle » les tulipes à la fin de la pièce. L. 1629. Comique de mots « défiguré » est le premier mot qui oppose les deux couples. L. 270 8
Les passages d’un niveau de langue soutenu à familier voire vulgaire notamment de la part d’Alain lorsqu’il est au téléphone. Ex : « c’est très emmerdant / ce qui m’emmerde » L. 94. Annette emploie le mot « merde » pour exprimer son exaspération. L.599. Michel emploie « dégobiller » pour « vomir ». L. 857. L’image des « urnes qui discutent face à la mer » à propos de la mère de Michel. L. 249. L’ironie est employée à plusieurs reprises par plusieurs personnages. Notamment quand il s’agit de remarques blessantes de la part d’un membre d’un même couple. Autres exemples : Alain qui déclare s’intéresser aux mécanismes des W.C -­‐ L. 544. Annette qui affirme à son mari : « Ta tendresse me touche ». L. 1249. Michel révèle que sa femme l’a déguisé en « type de gauche ». L. 980 Alain affirme avoir été élevé dans « une idée johnwaynienne de la virilité » et rapproche John Wayne du chevalier Ivanhoé. L. 1059. (néologisme). Les ruptures discursives lorsque les personnages font des remarques sur la qualité de l’alcool alors qu’ils évoquent quelque chose d’autre au début de leur réplique. Ex : « Alain : Tu espérais quoi toutou ? – C’est vrai que c’est ridicule ce surnom. – Une révélation de l’harmonie universelle ? Extra ce rhum. ». Ces remarques sur la qualité du rhum deviennent un leitmotiv. Comique de répétition : Alain et son portable qui vibre ou sonne tout au long de la pièce à partir de la ligne 86. L’humour naît aussi du procédé de la mise en abîme d’une conversation qui évoque un procès, de preuves à l’encontre d’une entreprise médicale dont Alain a la défense. Ce contrepoint permet de révéler assez rapidement le masque dont il s’affuble pour paraître avenant et jouer les conciliateurs. Le comique naît alors du cynisme du personnage. Comique de situation : Au moment où le téléphone sonne chez les Houillé, Michel dit à sa mère « … nous sommes avec des amis » alors que la situation oppose très nettement les deux couples. L. 880. Annette annonce qu’elle va vomir et avoue trouver insupportable de devoir s’occuper des enfants. L. 604. Alain revient dans le salon et fait comprendre sans détours à Véronique et Michel qu’il les a entendus se moquer du surnom « toutou » qu’il donne à sa femme. L. 737. Alain accepte de boire un « petit verre » de rhum alors qu’il affichait son impatience à retourner au bureau quelques instants auparavant. L. 1043. La réplique d’Alain : « … Et ça les fait rire, ça les fait rire !... » L. 1402 indique que Annette et Véronique se moquent des deux hommes qui tentent de « sauver » le portable. Véronique veut empêcher les hommes de fumer le cigare car leur fils est asthmatique mais Michel lui fait remarquer qu’ils avaient auparavant un hamster alors que c’est contre-­‐indiqué chez les personnes asthmatiques. L.1459. La mère de Michel avoue prendre de l’Antril alors qu’Alain se trouve dans le salon de son fils. Alain est celui qui défend les intérêts de ce médicament dont il connaît pourtant les dangers. L. 1485. b. Expliquez en quoi la pièce de Yasmina Reza pourrait illustrer cette célèbre réplique de Huis clos, pièce de J.-­P. Sartre, « L’Enfer, c’est les autres ». Si la pièce de Yasmina Reza fonctionne en partie sur des ressorts comiques, la progression de la pièce l’oriente assez rapidement vers le drame. Le spectateur assiste à ce que l’on pourrait qualifier de drame psychologique devant le spectacle de ces deux couples dont l’opposition les amène jusqu’au déchirement entre les membres d’un même couple. On assiste bien à un « carnage », la scène, qui représente par métonymie le cadre rassurant de la bourgeoisie contemporaine, va se transformer en « Enfer » pour les personnages et aucun d’entre eux ne sera épargné. Nous pourrions proposer les éléments suivants qui organisent cet « Enfer » théâtral : - L’isolement des personnages Assez rapidement, chacun est laissé à sa solitude d’homme et de femme moderne. Chacun va trouver un allié dans le couple adverse si bien que celui duquel on attendait un soutien se trouve être celui qui vous condamne. Le couple n’est plus la cellule indivisible qui fait face uniment aux problèmes et à la réprobation d’autrui et se fissure parce que la société contemporaine privilégie l’indépendance de chacun. Cette liberté de pensée dans le couple libère les personnages de théâtre mais les conduit à faire la douloureuse expérience de l’isolement. Ex : Alain qui approuve Michel quand il dit qu’il est un « caractériel ». Michel révèle qu’il s’est laissé « embrigade[r] » par sa femme pour cette réunion. Cette révélation va l’opposer à sa femme tout au long de la pièce. L. 1020 : Michel. « On est tout le temps seul ! Partout ! Qui veut un petit coup de rhum ? » - L’espace du huis-­‐clos L’espace théâtral rappelle celui de Sartre notamment dans le choix de quelques éléments qui fonctionnent selon le principe de la représentation par métonymie de tout un cadre social (les roses, le fauteuil, le rhum d’exception, le téléphone portable, les livres d’art). De plus cet espace est construit comme un lieu d’affrontement duquel les personnages ne pourront pas s’extraire. 9
• Le salon est le seul espace représenté sur scène (les toilettes semblent avoir été disposées en coulisses, dans le hors-­‐champ du théâtre). • Les personnages sont comme pris au piège de leur propre invitation. Ils semblent incapables d’abandonner ce lieu de conflit. On n’échappe pas à l’enfer. Ex : Alain qui doit assez rapidement quitter le salon : « Bon, allons-­‐y Annette, on en a assez pour aujourd’hui en prêches et sermons. » L. 906, est présent jusqu’à la fin. - La violence des discours fait éclater le vernis de la culture. Il faut noter  la progression des répliques qui se traduisent par une transformation de la langue (ponctuation qui traduit la violence, les sentiments d’exaspération… la syntaxe des phrases : on passe de phrases verbales aux nombreuses phrases nominales, aux infinitives ou au mot-­‐phrase, le niveau de langue qui se relâche au fur et à mesure, les modes verbaux, etc.).  Le déchirement du voile des apparences se traduit dans la langue par un discours déconstruit, en lambeaux à la fin de la pièce. Les personnages sont comme épuisés par ce pugilat et incapables de finir leurs phrases. Le salon est devenu un ring où tous les coups sont permis. - La mise en abyme de la sauvagerie • Plusieurs conflits ethniques particulièrement violents sont rappelés par les personnages comme preuve de la barbarie de l’homme et ils l’opposent à la volonté de civilisation qui est représentée par Véronique. C’est la problématique qui court tout au long de la pièce : est-­‐on réellement civilisé ? La civilisation et la culture ne sont-­‐ils pas autre chose qu’un simple vernis qui recouvrirait la véritable condition humaine ? • Le Darfour, le Congo et les enfants soldats… -­‐ L’évocation du dieu du carnage par Alain (L. 1280) Õ La pièce, se déroulant pourtant dans un cadre profane, rappelle les origines tragiques du théâtre et les dieux « primitifs » auxquels les hommes sont confrontés. Cette curieuse image plonge la pièce dans un cadre sombre et inquiétant où la violence surgit des paroles mais aussi des actes. Les didascalies indiquent souvent cette violence scénique :  Annette qui vomit violemment L. 634. • Annette endommage les livres d’art, symbole d’une culture présentée comme prestigieuse. • Véronique qui réclame à plusieurs reprises du rhum et son mari qui s’y oppose (L. 1090) qui indique au spectateur un « penchant » pour l’alcool qui risque de lui faire perdre son image de femme conciliatrice et raisonnable. • Véronique qui « se saisit du sac d’Annette et le balance vers la porte ». L. 1023. • Michel qui interpelle sa femme sur la violence de son attitude : « C’est quoi ce psychodrame ? » L. 1124. • Véronique qui avoue ses gestes frénétiques pour asperger les livres d’art : « C’est moi qui ai pulvérisé névrotiquement... » L. 1145. • Véronique se jette sur son mari et le tape, plusieurs fois, avec un désespoir désordonné et irrationnel. L. 1309. • Annette qui arrache le portable des mains d’Alain et le plonge dans le vase de tulipes. L. 1374. • Annette qui gifle « violemment » les tulipes. L. 1629. —
Schmitt E.-­E., L’enfant de Noé a. Expliquez le choix du titre. Noé est un personnage biblique commun aux trois religions monothéistes qui, en raison d'une punition divine dont il était le seul Homme épargné avec sa famille, a fait le choix de sauver une partie des êtres vivants peuplant la terre. Il a ainsi fait construire une arche et a recueilli un couple de chaque espèce animale. Pour le père Pons, Noé a été « le premier collectionneur de l'histoire de l'humanité » et ce mythe est particulièrement important pour lui car l'homme d'église entreprend pendant la guerre de sauver la culture yiddish en accumulant le maximum d'objets, de livres évoquant ce qu'Hitler et les nazis sont en train de détruire. Plus tard dans le récit (et dans l'Histoire !), il commencera une autre collection, celle des poètes dissidents à Staline, après avoir constitué celle des Indiens d'Amérique, des moines tibétains... A chaque peuple et culture menacés, sa collection. Alors, qui est l'enfant de Noé ? Plusieurs interprétations possibles : le Père Pons, digne descendant spirituel du personnage biblique ; Joseph, le personnage principal, fils spirituel du Noé des temps 10
modernes incarné par le père Pons (il dira lui-­‐même se sentir plus proche du prêtre que de ses propres parents à la fin de la guerre), l'enfant de Noé peut être aussi un terme générique pour les enfants juifs sauvés par des non-­‐juifs, les fameux Justes... b. Montrer que les personnages sont bienveillants. Toutes les rencontres que fait Joseph mettent en valeur l'entraide entre les Hommes et c'est à ce seul prix que lui, et d'autres enfants, sont épargnés : le couple Sully le cache au début de l'histoire, le père Pons le cache, lui, et des dizaines d'enfants juifs dans son orphelinat et Mademoiselle Marcelle fabrique de faux-­‐papiers et préfère mourir sous la torture plutôt que d'avouer quoi que ce soit sur cette filière clandestine. Le récit est ainsi un antidote à la haine antisémite des nazis. Un autre personnage encore, pourtant très différent de lui, fraternise avec le personnage principal : Rudy, le grand dadais qui refuse d'apprendre et ne fait que des bêtises est désigné comme « parrain » du jeune Joseph, jeune garçon posé et raisonnable, à son arrivée dans l'orphelinat, puis les rôles s'inversent et une amitié indéfectible naît et perdure au-­‐delà du temps de l'histoire. C'est donc aussi un roman sur la fraternité. C’est sans doute à cause de cette bienveillance qu’il a rencontrée de la part de personnes si différentes que, lorsqu’il devient plus vieux et vit en Israël, Joseph décide à son tour de commencer une collection qui concerne à la fois la culture yiddish et la culture palestinienne, comme pour manifester la paix entre ces deux peuples. —
Voltaire, Micromégas a. Que veut faire comprendre Voltaire à ses lecteurs à travers ce conte ? La portée du conte réside dans l’expérience acquise par le voyage : découverte de la variété de l’univers, de la relativité des connaissances, mise en garde de se croire au centre du monde et de se fier aux apparences. Voltaire défend le mouvement des Lumières en montrant l’importance de la raison qui, seule, peut permettre d’appréhender le monde sans orgueil ni angoisse d’où les nombreuses références aux progrès scientifiques (physique, avec Newton —lois de la gravitation, de l’attraction universelle—, astronomie avec Huygens —anneau de Saturne—, exploration du Pôle Nord par Maupertuis et un groupe de savants, médecine avec Leuenhoek et Hartsoeker —découverte des spermatozoïdes—, entomologie avec Swammerdam et Réaumur —étude des abeilles et du comportement des autres insectes—) et la touche finale qui invite à la modestie : dans le dernier chapitre, Micromégas reconnaît la sagesse du partisan de Locke qui prône la modestie de l’homme ; celui-­‐ci doit s’en tenir à l’expérience de ses sens qui est la source de sa connaissance. Le philosophe montre qu’un certain bonheur est à la portée de l’homme pourvu qu’il ne se laisse pas emporter par l’orgueil et la démesure. b. Justifier le nom du personnage éponyme. En quoi ses caractéristiques sont-­
elles adaptées à l’objectif de Voltaire ? Le nom de Micromégas signifie en grec « petit-­‐grand » et est donc parfaitement adapté à la leçon de relativisme : successivement très petit ou très grand par rapport aux habitants des peuples qu’il visite, il adapte sa vision et son jugement. Lorsqu’il rencontre les Terriens, ceux-­‐ci n’ont même pas la taille de fourmis puisqu’il faut un diamant qui fasse loupe pour les voir : l’homme est ainsi invité à ne pas se croire la créature la plus importante de l’univers. — Wells H.G., La Guerre des Mondes o A partir de l’incipit (premier chapitre du roman), et de l’épilogue (le dernier chapitre du roman), expliquez quelle morale se dégage du roman. La lecture de l’incipit et de l’épilogue donne clairement la morale qui se dégage du roman La Guerre des mondes. Ces deux chapitres encadrent le récit principal des faits à la manière d’une véritable introduction et d’une conclusion. Dès la première phrase, tout est dit. « Personne n’aurait cru, dans les dernières années du XIXe siècle, que les choses humaines fussent observées, de la façon la plus pénétrante et la plus attentive, par des intelligences supérieures aux intelligences humaines et cependant mortelles comme elles (...) » (Page 11 – première lignes du récit – I. « À la veille de la guerre »). Toutefois le lecteur ne comprend cette phrase programmatique qu’après avoir achevé le roman et suivi entièrement le parcours du narrateur personnage qui lui a lui-­‐même permis d’aboutir à de telles conclusions générales... présentées dès l’introduction ! La Guerre des mondes est un roman à thèse, à visée argumentative. D’emblée, il est question d’un retournement de point de vue : ce ne sont plus les êtres humains, maîtres de la nature qui observent des êtres qu’ils maîtrisent et méprisent, mais ce sont eux qui deviennent la source des observations martiennes. 11
« À la veille de la guerre », premier chapitre de la première partie de La Guerre des mondes, évoque cette inversion : « tandis que les hommes s’absorbaient dans leurs occupations, ils étaient examinés et étudiés d’aussi près peut-­être qu’un savant peut étudier avec un microscope les créatures transitoires qui pullulent et se multiplient dans une goutte d’eau» (Page 11 – première lignes du récit – I. « À la veille de la guerre »). La thématique est la même que dans Micromégas de Voltaire : les hommes qui pensent être les maîtres de l’univers, (« vaquant à leurs petites affaires, dans la sereine sécurité de leur empire sur la matière » page14) n’en sont qu’une infime partie, « mortelle », qu’une simple goutte d’eau peut anéantir en un instant. L’auteur dénonce, dès les premières lignes la vanité de l’être humain « Pourtant l’homme est si vain et si aveuglé par sa vanité que, jusqu’à la fin du XIXe siècle, aucun écrivain n’exprima l’idée que là-­bas la vie intelligente, s’il en était une, avait pu se développer bien au-­delà des proportions humaines. » Car la supériorité martienne en matière de technique et de connaissances scientifiques est sans cesse mise en avant. Les Martiens considèrent donc les hommes « comme des animaux inférieurs », un vivier dans lequel il sera possible de puiser pour se nourrir... La critique de l’esprit de domination, de supériorité de la "civilisation" européenne point dès cet incipit et traversera tout le roman. La portée est donc philosophique, mais aussi politique, puisque H-­‐G Wells évoque à plusieurs reprises le rapport de l’homme occidental vis-­‐à-­‐vis des autres cultures, observées, analysées et asservies dans le reste du monde. Le narrateur personnage / H-­‐G Wells met en garde le lecteur contre une critique de cette propension à envahir et à coloniser la Terre. Les Martiens ne sont qu’un reflet, qu’un double plus avancé technologiquement de notre humanité : « Avant de les juger trop sévèrement, il faut nous remettre en mémoire quelles entières et barbares destructions furent accomplies par notre propre race, non seulement sur des espèces animales, comme le bison et le dodo, mais sur les races humaines inférieures. Les Tasmaniens, en dépit de leur conformation humaine, furent en l’espace de cinquante ans entièrement balayés du monde dans une guerre d’extermination engagée par les immigrants européens. » (page 18 – I. « À la veille de la guerre »). Et le narrateur de continuer par cette adresse à la conscience du lecteur avec la question rhétorique : « Sommes-­nous de tels apôtres de miséricorde que nous puissions nous plaindre de ce que les Martiens aient fait la guerre dans ce même esprit ? » Le narrateur reprend ces idées dans l’épilogue du roman. Après avoir évoqué les conditions de la défaite de l’invasion martienne et des "recherches" scientifiques effectuées conséquemment, il tire à nouveau la morale de l’histoire : « En tout cas, que nous attendions ou non une nouvelle invasion, ces événements nous obligent à modifier grandement nos vues sur l’avenir des destinées humaines. Nous avons appris, maintenant, à ne plus considérer notre planète comme une demeure sûre et inviolable pour l’homme. » (page 247 – Partie II -­‐ X. Épilogue.) Et, chose plus surprenante, il considère a posteriori comme salutaire cet horrible épisode : « Il est possible que, dans le plan général de l’univers, cette invasion ne soit pour l’homme sans utilité finale ; elle nous a enlevé cette sereine confiance en l’avenir, qui est la plus féconde source de la décadence ». Enfin, il reprend l’idée initiale de respect entre les peuples humains, en éliminant la propension à dominer les autres hommes. « Elle a (...) contribué dans une large mesure à avancer la conception du bien-­être pour tous, dans l’humanité. » Non seulement ce « cataclysme » a permis aux hommes d’inverser leur point de vue sur le monde, mais aussi a permis de voir « plus loin ». « Apôtres », « miséricorde », appartenant au champ lexical de la religion chrétienne semblent absents de l’épilogue. Concernant la morale de l’histoire, il est difficile de percevoir la présence de Dieu, si ce n’est comme une présence immanente, un grand horloger, un architecte se cachant derrière « le plan général de l’univers ». o Le roman donne-­‐t-­‐il une vision optimiste ou pessimiste de l’humanité ? La Guerre des Mondes donne une image particulièrement pessimiste de l’humanité. La morale qui se dégage du texte, comme nous l’avons vu, présente l’homme comme un être vain et orgueilleux, brutal et sanguinaire, avide seulement de coloniser et d’asservir la nature et les peuples ne répondant pas à l’idée de progrès de la civilisation. Les nombreuses descriptions des êtres humains, collectives ou individuelles, sont négatives. C’est au contact des hommes que le narrateur réfléchit à la/sa situation, progresse en effectuant des choix décisifs. Inconscient du danger qui le guette (dans les premiers chapitres), l’Homme se jette, tel une bête, dans un exode désordonné où la loi du plus fort devient rapidement la meilleure chez des Anglais, summum de la "civilisation"... « Tous s’enfuirent aussi confusément qu’un troupeau de moutons. À l’endroit où la route était plus étroite et plus obscure entre les talus, la foule s’écrasa et une lutte désespérée s’ensuivit. Tous n’échappèrent pas : trois personnes – deux femmes et un petit garçon – furent renversées, piétinées, et laissées pour mortes dans la terreur et les ténèbres. » (page 43 – Partie I -­‐ VI. Le Rayon Ardent sur la route de Choham.) Dans ce chapitre de terreur, les groupes nominaux utilisés dans 12
la description de la fuite sont sans appel : « les curieux » ; « la foule frappée de fureur » ; « la foule confuse, la main sur la tête et hurlant de douleur ». L’Homme dans sa dimension de multitude est toujours associé à l’image de l’animalité, passant de la passivité aveugle à la sauvagerie la plus sanguinaire. Un chapitre comme « La panique » (Premier Livre, XVI) illustre parfaitement cette triste image de l’Homme développée dans le roman : « Ainsi s’explique l’affolement qui, comme une vague mugissante, passa sur la grande cité du monde, à l’aube du lundi matin – le flot des gens fuyant, grossissant peu à peu comme un torrent et venant se heurter, en un tumulte bouillonnant, autour des grandes gares, s’encaissant sur les bords de la Tamise, en une lutte épouvantable pour trouver place sur les bateaux (...).» (I.XVI. pages 127). Ces grands mouvements de foule qui aboutissent à d’odieux crimes, bien pires moralement que l’invasion Martienne, mettent à jour les fissures qui affleurent sous le tissu social et son organisation : « À dix heures, la police était en désarroi, et aux environs de midi, les administrations de chemins de fer, complètement bouleversées, perdirent tout pouvoir et toute efficacité, leur organisation compliquée sombrant dans le soudain écroulement du corps social. » Le narrateur personnage et son double (son frère cadet, étudiant en médecine) vont, à travers leur périple, croiser une galerie d’êtres humains. Tous les noms de ces personnages sont fictifs mais ils s’entremêlent à ceux de personnages historiques (surtout scientifiques) reconnus au temps de H-­‐G Wells. Les plus notables des personnages fictifs semblent reproduire chacun un pan de la société occidentale. Chacun aussi fera don au narrateur personnage d’un pan de récit. Ogilvy « l’astronome bien connu » périra car, contrairement au narrateur, il ne saura prendre le recul nécessaire par rapport aux événements et n’aura pas su, comme lui, croire en l’existence possible des extraterrestres capables, au sens propre, d’atterrir. Ogilvy mourra d’ « imprudence » : sans doute le lot des véritables scientifiques. (Premier livre Chapitres I à VII) Ensuite un « soldat », un « artilleur » fera son apparition, chapitres XI, XII en tant que personnage et porteur d’un pan de récit que relaiera le narrateur. Il incarne l’armée, la puissance des armes mais aussi le défaitisme total, la résignation face à l’invasion, l’absence de solidarité, à l’opposé de ses devoirs de soldats. Il réapparaîtra seul et muni d’un coutelas, tâchant de survivre par la seule loi du plus fort page 210 (Livre second – Chapitre VII) : son image se sera notablement dégradée : « Il répéta ces mots qui exprimaient une conviction absolue : -­ Nous sommes battus. »(page 210) Il développe alors sa théorie de la lutte pour la (sur)vie : « -­‐ Je veux dire que les hommes comme moi réussiront à vivre, pour la conservation de l’espèce. (...) Au large les faibles ! » Le narrateur démasque bientôt le « gouffre qu’il y avait entre ses rêves et son courage ». (page 221) Le personnage offrant sans doute l’image la plus pessimiste de l’homme est celle du vicaire, battant en brêche la présence d’un Dieu bénéfique parlant par l’intermédiaire de ses serviteurs... Le vicaire est un lâche, un égoïste qui manque de peu de faire périr le narrateur. Sacrilège absolu, c’est lui qui, après avoir parlé au nom du Christ, volera le pain, la nourriture qui manquait aux deux hommes lorsqu’ils durent se terrer. Ce vicaire présente paradoxalement le visage humain le plus sombre – méprisable -­‐ du roman. Pour conclure, le roman La Guerre des mondes est un texte au pessimisme noir qui laisse au lecteur un reflet bien sombre de sa propre humanité. —
Et une bande dessinée : E. Guibert et D. Lefèvre, Le Photographe, Volume 1 a. Qu’apporte l’alternance entre la photographie et le dessin ? La présence de véritables photographies (et d’un discours sur la photographie) ancre la bande dessinée dans un univers réaliste, celui de l’Histoire. Au contraire, le dessin édulcore la crudité des images, atténue la dureté de la réalité, d’autant plus que la couleur tranche sur le noir et blanc de la photo. Peut-­‐être aussi le dessin rend-­‐il l’histoire plus universelle, élargit-­‐il la portée de l’œuvre qui n’est pas simplement un reportage daté. b. En quoi cette œuvre est-­elle autobiographique ? Fin Juillet 1986, Didier Lefèvre quitte Paris pour sa première grande mission photographique : accompagner une équipe de Médecin Sans Frontières au cœur de l'Afghanistan, en pleine guerre entre Soviétiques et Moudjahidin. A la fois auteur, narrateur, personnage principal et photographe, il rend compte de cette mission au jour le jour, se mettant parfois en scène lui-­‐même par ses photos. Il accompagne ce que l’on pourrait appeler une chronique, de réflexions sur la photographie (et donc sur son métier, son rôle), quand, par exemple, il explique comment il cherche « la » bonne photo. 13