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Le 12 décembre 2016
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République Démocratique du Congo : Qui de Kabila ou
de ses Adversaires Triompherait si ces Derniers
Appelaient la Population à se Soulever le 19 Décembre
prochain ?
L’accord politique issu du dialogue national, conclu
entre une frange de l’opposition — avec à sa tête
l’opposant Vital Kamerhe — et le camp Kabila,
autorise ce dernier à rester au pouvoir jusqu’à
l’élection d’un nouveau Président.
Bien qu’ayant récemment remporté plusieurs
batailles pour rester au pouvoir1, Kabila doit
désormais surmonter un dernier obstacle : la
détermination du Rassemblement (une coalition
composée de la majorité de l’opposition)2 et des
mouvements citoyens (comme la LUCHA et FILIMBI)
à le « chasser » du pouvoir par l’organisation d’un
soulèvement populaire le 19 décembre prochain, date
à laquelle devrait s’achever son mandat.
Après avoir connu de grandes difficultés dans sa
mission de conciliation des deux camps (celui de
Kabila et celui du Rassemblement), la Conférence
Episcopale Nationale du Congo (CENCO) vient
d’annoncer la tenue, dans un futur proche,
d’entretiens « directs » entre les différents protagonistes, en vue d’un « large consensus », dont les chances
d’aboutir demeurent pourtant très maigres.
Les menaces du Rassemblement et des mouvements citoyens évoquées précédemment risqueraient donc de se
réaliser, sans l’intervention d’un compromis de dernière minute. Nous pouvons ainsi nous demander qui du camp
de Kabila ou de celui du Rassemblement détient le plus de chance de remporter ce qui pourrait être la dernière
bataille de cette longue crise électorale ? Pour répondre à cette question, le présent document va tenter d’analyser
les atouts et faiblesses des deux camps.
1. Le camp Kabila : du monopole de l’usage de la force au soutien régionale
Le fait d’être le Président reste sans nul doute l’atout le plus important de Kabila. Le risque de faire face à un
soulèvement populaire ayant été une menace réelle durant ces deux dernières années, Kabila et ses stratèges se
sont vraisemblablement préparés à y faire face. Après les manifestations sanglantes des 19 et 20 septembre
derniers, les autorités ont réussi à empêcher au moins deux manifestations prévues par le Rassemblement (les
19 octobre et 19 novembre derniers).
Si l’accord politique passé en octobre dernier n’a pas résolu l’impasse actuelle, il a cependant permis de légitimer
le probable maintien de Kabila au pouvoir au-delà de la fin de son dernier mandat le 19 décembre prochain. Par
La CENI s’est déclarée incapable d’organiser les élections dans les délais prévus par la Constitution ; sous la requête de
la majorité présidentielle (le camp Kabila), la Cour Constitutionnelle a déclaré que la Constitution autorise le président
actuel à rester en fonction jusqu’à l’élection d’un nouveau président. Ce que l’accord politique d’octobre dernier a confirmé.
2 Une plateforme regroupant des partis et opposants politiques n’ayant pas pris part au dialogue national.
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conséquent, la légitimité de Kabila comme Chef de l’état après cette date n’est plus disputée par la communauté
internationale. En revanche, cette dernière presse le Président congolais d’organiser les élections au plus tard en
2017 (et non en avril 2018 comme prévu dans l’accord politique) et de déclarer qu’il ne changera pas la Constitution
pour briguer un troisième mandat.
Ayant soutenu le dialogue national qui a conduit à l’accord politique évoqué précédemment, l’Union Africaine
devrait soutenir le régime de Kinshasa, ne fus-ce que moralement.
De surcroit, Kabila peut compter sur ses alliés régionaux : le Rwanda, l’Ouganda, le Congo-Brazzaville, l’Angola,
la Tanzanie et l’Afrique du Sud, en cas de besoin.
Vu leur proximité avec la ville de Kinshasa, l’Angola et le Congo-Brazzaville ne seraient vraisemblablement pas
favorables à la chute du régime de Kabila pour des raisons de sécurité. Les intérêts de la Tanzanie et de l’Afrique
du Sud pour le maintien de Kabila sont quant à eux majoritairement de nature économique. Par conséquent, ces
quatre états pourraient changer de camp d’un moment à l’autre, car leur rattachement à Kabila est de nature
opportuniste.
En revanche, pour le Rwanda et l’Ouganda, principaux alliés de Kabila, une intervention en RDC pour sauver le
régime de ce dernier serait primordialement une obligation morale, qui leur permettrait dans le même temps de
garantir la sécurité le long de leurs frontières avec la RDC.
Des camions transportant des militaires dans une rue de Kinshasa après des violences. Crédit : John bompengo/AP
2. Apparemment divisée, l’opposition peut-elle compter sur les « masses
populaires » pour faire partir Kabila ?
Si le camp Kabila détient une légitimité juridique (l’arrêt de la Cour Constitutionnelle évoquée ci-dessus) et politique
(l’accord issu du dialogue) ainsi que le monopole d’usage de la force pour gagner la bataille qui s’annonce, le
Rassemblement, s’appuyant sur l’Article 64 de la Constitution,3 ne compte quant à lui que sur les manifestations
populaires.
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« Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui
l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ».
http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2011/JOS.05.02.2011.pdf
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La capacité du Rassemblement à mobiliser les masses reste incertaine, surtout après la récente nomination, par
Kabila, de Samy Badibanga au poste de Premier Ministre, dans le cadre de l’accord issu du dialogue nationale.
Badibanga est un membre de l’UDPS4 ; il est aussi ressortissant de la province du Kasaï Oriental, tout comme le
principal leader de l’opposition Etienne Tshisekedi. Sa nomination pourrait donc avoir divisée l’UDPS ainsi que le
Rassemblement, et pourrait de ce fait limiter leurs capacités de mobilisation.
De plus, l’opposition a perdu un allié de taille en la personne de Vital Kamerhe de l’Union pour la Nation Congolaise
(UNC). Ayant été le principal architecte de l’accord politique, Kamerhe s’oppose désormais à l’idée de soulèvement
populaire prônée par le Rassemblement.
Moise Katumbi, un autre opposant de taille, pourrait quant à lui avoir du mal à influencer ses sympathisants depuis
son exil en Europe.
Même si l’opposition réussissait à mobiliser les masses, elle devrait faire face à un pouvoir déterminé à étouffer
toute forme de manifestation politique et qui n’hésiterait donc pas à déployer les forces de l’ordre dans les grandes
villes du pays, comme ce fut le cas les 19 octobre et 19 novembre derniers.
De plus, de telles manifestations ne réussiraient à faire tomber le régime que si elles alliaient à la fois longévité et
intensité. Or, les masses congolaises au chômage, qui sont les plus enclines à manifester pour faire changer le
système, sont aussi celles devant se débrouiller au quotidien pour nourrir leurs familles. C’est pour cela que bon
nombre d’observateurs et analystes expriment un certain scepticisme vis-à-vis d’un maintien dans la durée de
telles manifestations.
De surcroît, même en cas des manifestations prolongées, le régime ne pourrait tomber que s’il commettait des
exactions graves contre des civils, capables de susciter une condamnation de la part de la communauté
internationale. Mais, même dans ce scenario, le pouvoir pourrait survivre, aussi longtemps que les forces de l’ordre
demeureront loyales à Kabila.
Une mutinerie au sein de l’armée ou « une révolution de palais » reste une possibilité, le régime pourrait procéder,
peu avant la date fatidique du 19 décembre, à la neutralisation des éléments peu fiables (désarmement, par
exemple) au sein des forces de l’ordre, pour contrer toute tentative de mutinerie.
3. Conclusion et Projection
La crise électorale que connait actuellement la RDC a atteint un niveau critique ; la date du 19 décembre prochain
pourrait signer le début d’une longue période de violences dans les principales villes du pays.
Les alliances régionales et le monopole de l’usage de la force demeurent les deux principaux atouts de Kabila.
Pourtant, certains de ses alliés pourraient l’abandonner si la situation se dégradée ; et son monopole de l’usage
de la force pourrait s’avérer être une arme à double tranchant. Le président congolais pourrait ainsi voir son pouvoir
lui échapper en essayant de le conserver par des répressions sanglantes.
À défaut d’un « large consensus » de dernière minute, la victoire de l’un des camps ne pourrait pas résoudre la
crise sécuritaire qui se profile à l’horizon. Même dans le cas où les autorités de Kinshasa parviendraient à étouffer
toute tentative de soulèvement populaire, elles pourraient faire face à une longue période de violences et
d’instabilité politique, à l’instar du Burundi voisin.
Une chute présumée du pouvoir serait quant à elle encore pire, dans la mesure où elle occasionnerait une scission
au sein des forces de l’ordre, et pourrait ainsi conduire à une guerre civile. Les parties du sud-est (ex-Katanga),
du centre (province du Kasaï) et de l’est du pays, où sévissent de nombreux groupes armés, sont des poudrières
qui n’attendent qu’une étincelle pour exploser. Tout comme la partie nord-ouest du pays qui continue à voir affluer
des combattants issus du conflit Sud-Soudanais.
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L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, principal parti d’opposition.
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