INTERPELLATION LAURENT BALLIF sur l`avenir de l`Ecole de

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INTERPELLATION LAURENT BALLIF sur l`avenir de l`Ecole de
INTERPELLATION LAURENT BALLIF
sur l'avenir de l'Ecole de photo de Vevey
Développement
Depuis plusieurs semaines, des étudiants régulièrement inscrits à l'Ecole de
photo de Vevey font la grève des cours de 2 e année. Cette attitude est la
conséquence des décisions prises par la direction de l'école à la suite de l'accord
intervenu au début de cette année, à propos des études de photographie dans le
canton.
Rappelons que, alors que l'Ecole supérieure (ES) de photographie offrait jusqu'à
l'année dernière un cursus en trois ans fort renommé, l'accord conclu sous
l'égide du canton avec l'Ecole cantonale d'art de Lausanne (ECAL) avait
dépouillé l'Ecole de Vevey de sa 3e année. Dorénavant, les étudiants qui désirent
obtenir un diplôme de niveau HES, ont l'obligation d'aller effectuer cette 3e
année à l'ECAL. Les étudiants ont d'ailleurs déposé plainte contre l'Ecole pour
rupture de contrat, les modifications ne respectant plus les clauses définissant
initialement leur formation. De plus, les changements leur ont été communiqués
si tardivement qu'ils n'avaient plus la possibilité de s'inscrire dans une autre
école pour cette 3e année.
La formation proposée par l'ECAL n'est pas spécifique à la photographie, mais
vise plutôt à former des spécialistes de la communication artistique, dont la
photo n'est qu'une discipline parmi d'autres. L'Ecole de Vevey au contraire, dans
sa conception antérieure, était plus orientée vers le design industriel et la
communication visuelle, et surtout était focalisée sur la photo. Malgré l'irruption
des nouvelles technologies de l'information, une telle formation demeure
essentielle et conserve toute son utilité.
Ce qui est pire, c'est que les étudiants concernés ont appris avec ahurissement,
de la bouche du directeur de l'ECAL lui-même, qu'il n'entendait offrir cet
accueil que pour une durée très limitée, deux ans au maximum, et que les
étudiants issus de Vevey ne bénéficieraient par la suite d'aucune formation
spécialement conçue à leur intention.
Cet accord léonin, outre les conditions désastreuses dans lesquelles il a été mis
en place, a également eu des conséquences dramatiques sur le contenu de la 2e
–2–
année. La réputation de l'Ecole de Vevey était bâtie sur le fait qu'elle accueillait
comme professeurs et comme intervenants extérieurs des photographes de
réputation mondiale, dont certains avaient fait leurs études à Vevey, parfois
même avec la fondatrice de l'école, Mme Gertrude Fehr.
Les étudiants accouraient du monde entier pour baigner dans cette ambiance et
se constituer les relations indispensables à leur future activité professionnelle.
Cette créativité peut être considérée, paradoxalement, comme une des causes du
refus de la Confédération de reconnaître à l'Ecole de Vevey un statut de HES.
Or, les normes HES étaient en réalité inférieures au niveau d'exigence de la
formation de Vevey, et elles n'auraient pas permis de garantir l'épanouissement
d'élèves venus de tous les horizons.
Le nouveau programme proposé aux élèves promus de 1 re année depuis l'été
2004 a été revu dans un sens purement technique et pratique. L'ancien
vice-directeur du CEPV, en charge de la section Photographie, a été
complètement mis sur la touche et déchargé de toute responsabilité, ce qui a eu
pour effet compréhensible son départ de l'institution. Ses compétences n'ont
d'ailleurs pas été perdues pour tout le monde puisqu'il a été engagé par le Musée
de l'Elysée, qui saura certainement tirer tout le parti souhaitable de son carnet
d'adresse !
La situation actuelle est donc — même sans vouloir faire du sensationnalisme
— réellement dramatique.
–
Un seul des huit étudiants de l'ancienne deuxième année de Vevey a
accepté d'aller poursuivre son cursus à l'ECAL.
–
Les huit étudiants inscrits dans l'actuelle deuxième année sont en grève et
en conflit ouvert avec le directeur du CEPV, qui s'est improvisé chef de
formation, et a bricolé le programme de cette année de cours.
–
Le recrutement de la volée de première année n'est plus garanti à terme : le
nouveau contenu de la formation n'ayant pas grand chose à offrir de plus
qu'un simple apprentissage.
Dans ces conditions, les personnes soucieuses de la pérennité d'une formation
de haut niveau en matière de photographie à Vevey s'inquiètent de l'avenir de
l'Ecole. On peut imaginer que le DFJ pourrait vouloir profiter d'une apparente
désaffection des étudiants pour supprimer cette filière et renvoyer tous les
candidats photographes à Genève ou ailleurs. Ce serait d'autant plus injuste que
l'Ecole de photo de Vevey, avec ses intervenants extérieurs et ses professeurs
motivés, coûtait précédemment plutôt moins qu'une ES classique. De plus, c'est
le DFJ qui, par son manque de soutien lors de la demande de reconnaissance
–3–
HES, et par sa volonté de fondre les formations de Vevey et de l'ECAL, a porté
le coup de grâce à une formation prestigieuse qui avait jusqu'ici réussi à
conserver son aura, malgré la hausse des exigences professionnelles.
En tant que municipal de Vevey directement intéressé à pouvoir conserver une
institution essentielle à la stratégie économique définie il y a dix ans pour
«Vevey, Ville d'images», je désire donc obtenir des réponses aux questions
suivantes :
1 . Le DFJ a-t-il le sentiment que l'accueil au sein de l'ECAL a été satisfaisant
pour les étudiants de la filière Vevey, en particulier a-t-il eu connaissance
des déclarations du directeur sur son intention de ne pas offrir ce débouché
au-delà de deux ans ?
2. Le fait que tous les étudiants de deuxième année refusent le programme qui
leur est imposé, est-il considéré comme un simple geste de mauvaise
humeur, ou pourrait-il amener le DFJ à faire pression sur la direction de
l'Ecole pour revenir au principe de l'ouverture aux intervenants extérieurs
de haut niveau, et donc à réintroduire la personne qui disposait des contacts
et du «goodwill» indispensables à ces interventions ?
3. Le DFJ est-il véritablement désireux de conserver une formation ES et HES
en matière de photographie dans le canton ?
4.
Quel est le niveau de fréquentation de l'Ecole de photographie de Vevey en
dessous duquel le maintien de cette filière ne pourrait plus être assuré ?
5.
Si la section de Photographie devait être fermée, le DFJ serait-il prêt à
apporter son plein soutien aux deux sections restantes pour maintenir
l'Ecole supérieure de Vevey ?
6. La section de Décoration, et en particulier sa spécialisation de « Visual
Merchandising », ne devrait-elle pas devenir un axe essentiel de la nouvelle
politique de formation du canton, compte tenu de ses succès commerciaux,
et malgré le fait qu'elle bouscule le cadre traditionnel des formations
professionnelles.
Vevey, le 16 novembre 2004.
(Signé) Laurent Ballif
Séance3 du mardi après-midi 23 novembre 2004
M. Laurent Ballif : — Le développement qui vous a été distribué la semaine
dernière retrace l’historique du problème de l’école de photographie de Vevey.
–4–
Je tiens à préciser que j’ai déposé cette interpellation en ma qualité de municipal
directement intéressé à ce que cet enseignement demeure à Vevey. Il y a
quelques mois, j’ai posé des questions concernant l’avenir de cette école et j’ai
reçu des réponses rassurantes de la part de M me la conseillère d’Etat.
Malheureusement, on constate que l’expérience pratique, soit la mise en œuvre
depuis le milieu de l’été de ce qui a été décidé auparavant, ne confirme pas la
réponse optimiste de la conseillère d’Etat en charge. Je ne vais pas redire ce qui
se passe puisque cela figure dans le développement. Je rappellerai simplement
que, sur tous les élèves qui étaient censés suivre les cours à l’ECAL, un seul a
accepté d’y aller, les autres s’étant inscrits à Genève pour poursuivre leur
formation ; tous les élèves de deuxième année sont en grève depuis trois
semaines et ils ont fait recours au Tribunal administratif contre la décision du
Conseil d’Etat. Il y a donc un risque évident de voir l’ensemble de cette
formation abandonnée puisque le Département de la formation et de la jeunesse
n’a naturellement pas intérêt à soutenir de toutes ses forces une formation qui
lui cause autant de souci.
Actuellement, on constate avec surprise comment se défend la direction face à
ces problèmes : elle jette le discrédit sur des élèves qu’elle considère comme
“ hors normes ”. C’est l’axe de défense essentiel qu’elle utilise. Elle les critique
parce qu’ils sont plus âgés que la moyenne et qu’ils ont suivi un cursus
universitaire. Personnellement, c’est la première fois que j’entends une école se
plaindre de la trop bonne qualité de ses élèves. En fait, actuellement, le
directeur et les responsables de cette formation voudraient “ se contenter ”
d’avoir simplement les deux années qui permettent d’aboutir au certificat de
capacité et les deux années d’école supérieure de photographie. Ils sont ennuyés
par cette troisième année qui s’est instaurée depuis quelque temps déjà — en
tout cas cinq ans — et par le fait qu’elle est devenue en quelque sorte le
rassemblement de tous les jeunes photographes désireux de se perfectionner, de
se faire connaître et qui viennent présenter leurs travaux dans le cadre de cette
école. Je ne sais pas quelle est la politique cantonale en matière de formation
supérieure, mais j’imagine qu’il y a passablement de hautes écoles qui se
plaignent de ne pas réussir à attirer des élèves. A Vevey, on trouve qu’ils sont
tellement bons qu’ils gênent le cursus normal et on veut les éliminer. Vouloir
être aussi modeste, c’est l’équivalent de vouloir être médiocre. C’est pourquoi
je pose des questions au Conseil d’Etat et j’espère vivement recevoir de
Mme Lyon des réponses un peu plus précises que celles qui m’ont été données ce
printemps, en particulier sur certains dysfonctionnements qui sont apparus.
Je terminerai par ce qui n’est malheureusement pas qu’une boutade. La solution
apportée pour l’école de photographie — qui n’avait pas obtenu sa
–5–
reconnaissance HES — consistait à tout regrouper sur Lausanne en mettant
l’école sous la coupe de l’ECAL. J’ai lu dans la presse d’hier qu’on vient de
faire exactement la même chose avec l’Ecole de jazz de Montreux : elle n’a pas
obtenu son diplôme HES et on vient de la mettre sous la coupe de l’EJMA et du
conservatoire de Lausanne. J’espère simplement que le canton n’ira pas jusqu’à
confier aux responsables du festival de la Cité l’organisation de la prochaine
Fête des vignerons ! (Rires.)
Le Conseil d’Etat répondra ultérieurement.
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