«L`entretien d`actualité»: Innovations sur les prothèses de hanche

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«L`entretien d`actualité»: Innovations sur les prothèses de hanche
Innovations sur les prothèses de hanche
Aujourd’hui, la médecine peut remplacer de nombreuses parties du
corps. La prothèse de hanche est l’implant le plus répandu en Suisse.
Environ 20 000 prothèses de hanche sont implantées chaque année
dans notre pays. Les chercheurs travaillent continuellement à
améliorer ce type d’implants. Quelle valeur ajoutée les nouveaux
produits offrent-ils aux patients? Comment la collaboration entre
médecins et industriels s’organise-t-elle dans le domaine de la
recherche et du développement? Deux experts ont accepté de nous
donner des explications dans cet entretien: le Dr. Josef E.
Brandenberg, ex-président de la Société suisse d’orthopédie et de
traumatologie, et Armin Schrick, délégué de la section Implants de la
FASMED (Fédération des associations suisses du commerce et de
l’industrie de la technologie médicale).
A. Schrick
Armin Schrick, sur quel secteur l’industrie concentre-t-elle
actuellement ses recherches?
Aujourd’hui, les patients sont de plus en plus exigeants par rapport aux
implants. Ce que l’on peut dire pour commencer, c’est que l’espérance de vie J. E. Brandenberg
des patients implantés ne cesse d’augmenter. C’est pour cette raison que
nous travaillons particulièrement à augmenter la durée de vie des prothèses de hanche et à
adapter le cycle de soins à des vies de plus en plus longues. Par ailleurs, les implants doivent être
adaptés aux besoins de patients de plus en plus jeunes. Ceux-ci souhaitent non seulement ne plus
souffrir, mais aussi pouvoir reprendre le plus vite possible leur vie professionnelle et privée, voire
être à nouveau capables de pratiquer une activité sportive, dans la mesure du possible. Un
nombre croissant d’implants ont été conçus dans cet objectif au cours des dernières années. Ils
visent à conserver au maximum les os naturels en ne nécessitant qu’une intervention minime. Il
faut cependant accepter que, dans le domaine de l’orthopédie, les résultats cliniques de moins de
10 ans ne sont guère significatifs. C’est essentiellement ce qui la différencie d’autres disciplines
médicales avec des cycles d’innovation rapides.
Comment est-il possible d’allonger la durée de vie d’une prothèse de hanche?
Les matériaux jouent un rôle particulièrement important dans la durée de vie d’une prothèse.
Alors que, jusque dans les années 1980, c’était principalement les implants cimentés qui
dominaient, les prothèses de hanche sans fixation par ciment osseux se sont, par la suite,
progressivement imposées en Europe. Ces dernières présentent aujourd’hui, pour la plupart,
d’excellents résultats sur le long terme et durent jusqu’à 15-20 ans. Cet avantage est
particulièrement intéressant pour les patients jeunes. Le problème majeur reste cependant l’usure
du couple de frottement de la prothèse. Il ne faut pas oublier qu’un être humain réalise environ
un million de cycles de mouvement par an. Avec le temps, ces nombreux mouvements usent la
cupule en plastique et peuvent être responsable d’un descellement de l’implant.
Quelles sont les autres possibilités?
Les fameuses prothèses «low friction» – c’est-à-dire à faible friction entre la tête fémorale de
hanche et le cotyle – joue un rôle croissant. D’énormes progrès ont été faits dans ce domaine au
cours de ces dernières années grâce au recours à des couples à base de métal, de céramique ou
de polyéthylène hautement réticulé. Chaque couple a ses avantages et ses inconvénients. C’est
au spécialiste de choisir la solution le mieux adaptée aux besoins du patient, en sachant que tous
les couples partagent un même objectif de conception : conférer à la combinaison tige-cotyle une
durée de vie la plus longue possible.
Dr. Josef Brandenberg, avec quels implants travaillez-vous?
Les prothèses de hanche que mes confrères et moi-même implantons dépendent, en tout premier
lieu, du type d’affection, de l’état osseux et du degré d’activité du patient. Personnellement,
j’utilise aujourd’hui, lorsque le contexte s’y prête, du polyéthylène hautement réticulé. Les
produits les plus récents dans ce domaine présentent l’avantage de permettre l’utilisation de têtes
fémorales plus grosses, ce qui limite le risque de dislocation. Les très gros progrès qui ont marqué
ces dernières années ne concernent pas seulement les matériaux, mais aussi la technique
chirurgicale.
Quelles améliorations ont été apportées à la technique chirurgicale?
Les possibilités qu’offrent aujourd’hui les techniques opératoires peu invasives et la navigation
chirurgicale sont innovantes. Les techniques opératoires peu invasives permettent de ménager les
tissus. On ne sectionne plus les muscles, on les pousse de côté. Le temps de cicatrisation et de
rééducation s’en trouve généralement réduit, de même que la durée du séjour à l’hôpital. La
navigation chirurgicale aide le chirurgien à positionner chaque élément avec une très grande
précision. Ce haut degré de précision réduit le risque de dislocation de la tête et améliore le
réglage de la longueur de jambe.
Armin Schrick, quelles autres innovations l’avenir nous réserve-t-il?
Nous nous attendons à des progrès certains en biologie cellulaire. Les recherches s’orientent
notamment vers la reproduction en culture des tissus naturels. Cette avancée, qui constituera un
tournant pour le traitement de l’arthrose, ne sera cependant pas disponible avant longtemps. La
nanotechnologie offre également un grand potentiel. On peut ainsi envisager une future
amélioration du revêtement des implants. Des revêtements d’implants diffusant des
médicaments, comme il en existe déjà en cardiologie, pourraient, en orthopédie également,
contribuer à mieux gérer, par exemple, les cas d’infections. Cependant, nous sommes, là aussi,
encore loin de pouvoir envisager une application pratique.
Industriels et médecins travaillent-ils main dans la main au développement de nouveaux
produits?
Je suis convaincu que sans une bonne collaboration entre médecins et industriels, nous ne serions
pas aujourd’hui au stade où nous sommes. L’orthopédie est une discipline essentiellement
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expérimentale: l’ensemble des perfectionnements et améliorations qui ont pu être apportés aux
implants et aux techniques opératoires depuis 16 ans est le fruit d’un travail commun entre
chercheurs, médecins, ingénieurs et industriels. C’est ce qui nous distingue de l’industrie
pharmaceutique.
Dr. Josef Brandenberg, concrètement, de quelle manière s’organise cette collaboration?
Dans notre clinique, nous analysons des résultats de traitement conformément à des normes. Il
s’agit, par exemple, d’évaluer les clichés radiographiques, de répertorier les résultats cliniques ou
d’établir des statistiques sur les complications. Ces résultats sont présentés lors de congrès et mis
à la disposition de différents groupes de travail du secteur industriel. Les contacts entre les
médecins, qui se trouvent «sur le front», et les départements de développement des fabricants
d’implants sont extrêmement importants. Cette collaboration doit bien entendu être clairement
définie et réglementée contractuellement.
Il est très urgent de créer un registre national des implants qui permette l’observation des
implants sur le long terme et offre un système avertissant le corps médical de façon précoce en
cas d’échec. Certes, les orthopédistes ont pu créer, en 2007, en collaboration avec l’industrie de
l’implantologie et l’assurance-maladie santésuisse, une fondation gérant le registre suisse des
implants SIRIS. Mais certaines assurances-maladie et une grande partie des hôpitaux refusent
encore cet outil de qualité exceptionnel – pour des raisons de coûts.
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