La Grande Peur de 1789

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La Grande Peur de 1789
La Grande Peur de 1789
La Page Historique de notre Région
L’hiver 1788-1789 avait été très rude : les récoltes – celles du blé en particuliers’annonçaient désastreuses. Le printemps avait été troublé par ces réunions inhabituelles
destinées à rédiger les cahiers de doléances ; puis on avait appris partout que Paris était
agité (20 Juin et 14 Juillet). Ces cloches (tocsin) retentissant dans nos campagnes chaque
fois qu’il y avait une communication à faire :(annonce d’une nouvelle, levée « de
volontaires » pour une corvée…) devenaient alarmantes et entretenaient une peur panique.
Est-ce ainsi que naquit cette agitation que
l’on appela La grande peur de 1789, ou
fut-ce un complot ?
Il est difficilement concevable de penser
que tous ces troubles aient pu commencer,
exactement à la même période (fin Juillet
1789), un peu partout en France
Je ne parlerai que de la Grande Peur
charentaise qui prit sa source vers Ruffec
et qui sans doute, a beaucoup affecté nos
ancêtres.
Voici ce que le 11 Août 1789, écrivait le Juge-Sénéchal de la Juridiction de Ruffec au
Duc De La Rochefoucauld député à Paris :
« Le 28 du mois dernier, à 7 H. du matin, un homme vint nous dire qu’il avait vu 16
personnes dans la forêt de Ruffec avec des sabres et habillées en hussards. Nous avions
appris la veille que du côté de Niort, des brigands avaient brûlé et pillé en plusieurs
endroits… Nous ne doutâmes pas un instant que ce ne fussent les mêmes qui s’étaient
réfugiés en forêt de Ruffec. A cette nouvelle, les femmes crièrent : « les voici, nous
sommes perdus », elles fermèrent leurs portes, s’armèrent de pierres et montèrent dans
leurs chambres. Les 4 compagnies bourgeoises nouvellement formées prirent les armes…
Nous fîmes plusieurs perquisitions dans la forêt de Ruffec et ne trouvâmes personne…
Mais ce faux bruit se répandit aussitôt à plus de 20 lieues, on disait Ruffec pillé et brûlé.
En moins de 2 H., plus de 10.000 hommes déterminés arrivèrent armés de fusils, de
broches et de faux… Ils montèrent la garde la nuit craignant toujours que ces brigands que
l’on assurait être cachés dans la forêt, ne surviennent inopinément.
Cependant comme on a fait partout des perquisitions, on regarde aujourd’hui ces bruits
comme fabuleux. »
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Et De Bresmes-Desganiers dans le Journal Patriotique pour Angoulême :
« Le mardi 28 Juillet, vers les 5 H. du soir, une rumeur générale se répandit dans la
ville : on entendit partout crier : Aux armes, Aux armes et sonner le tocsin sur le bruit
qu’au moins 15.000 brigands allaient attaquer la ville après avoir mis Ruffec et Mansle, à
feu et à sang. Le commandant fit armer les Compagnies et les habitants en état de porter
les armes ; des canons amenés des forges royales de Ruelle et pris sur le port de
l’Houmeau furent placés avantageusement ; on fit aussi voiturer des boulets, de la mitraille
et des poudres et en peu de temps les vieillards, les femmes et les enfants garnirent les
remparts, depuis le Châtelet jusqu’à Beaulieu, de pierres à jet qui devaient être lancées sur
les prétendus brigands ; on établit des patrouilles… un piquet de près de 4.000 hommes
avec des batteries gardait les remparts du Palet et les différents postes aboutissant à
l’Houmeau , un autre de près de 5.000 hommes se rendit au Pontouvre et sur la route de
Ruelle . Quiconque était sans arme, tâchait de s’en procurer, les fusils des particuliers ne
suffisant pas, on épuisa ceux du Château, ceux des armuriers et ceux que l’on trouva bien à
propos dans une gabarre en partance pour Rochefort. On s’arma aussi de pistolets, de
baïonnettes, de broches, de fourches de fer, de bâtons, de sabres, d’épées et de couteaux de
cuisine. A 3 H. du matin, l’alarme se renouvela et le tocsin sonna plus vivement, mais
aucun de ces bruits ne trouva de fondement.
Le 29, nouvelle alerte à 9 H. du matin : les habitants des campagnes arrivaient de
toutes parts armés de fusils, de faux emmanchées à l’envers, des haches, des hallebardes
antiques, des instruments de charpenterie et de cuisine, des bâtons ferrés et d’autres
endurcis au feu et autres armes pour défendre la capitale de leur province... Le
commandant de la Légion d’Angoulême se mit à la tête des premiers arrivés, les remercia
et les conduisit de la porte du Palet à la porte St-Pierre en passant par les place de Beaulieu
et du Mûrier. Et ils repartirent, suivis par les autres… Heureusement se dirent les
habitants, car ils auraient affamés la ville par leur grand nombre si le Comité n’avait eu la
prudence d’aller au-devant et de les faire retourner dans leurs paroisses en les persuadant
qu’il n’y avait aucun danger et que le pont de Mansle avait été rompu pour couper le
passage aux ennemis… »
Vu le peu de fondement des différentes alarmes, le Comité de la ville d’Angoulême
prit l’arrêté suivant :
Le Comité s’étant assuré, par les recherches faites à huit lieues à la ronde, que l’alarme
répandue dans cette ville était sans fondement, a provisoirement arrêté :
« Que pour maintenir la sûreté publique & le repos des Citoyens, il y aura une Grade
Patriotique, formée de tous les Habitants en état de porter les armes, qui veillera nuit &
jour sous la conduite de ses Officiers qui en détermineront le nombre faisant le soin; & en
conséquence la Troupe Patriotique déjà formée continuera ses services comme elle a
commencé, sous le commandement de M. DUBOIS DE BELLEGARDE, Chevalier de
l’Ordre Royal & Militaire de Saint-Louis, & des vôtres Officiers qu’elle s’est choisie
…/… »
Jany Bouleau
(Vous pouvez trouver la photo de l’arrêté de la Ville d’Angoulême,
dans les fichiers du forum CGCP)
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