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RÉFORME
RÉACTIVITÉ
RÉSULTATS
AFFIRMER LE RÔLE PILOTE
DE L'OMS POUR RELEVER
LES NOUVEAUX DÉFIS DE
LA SANTÉ MONDIALE
Professeur Philippe Douste-Blazy
Candidat au poste de directeur général
de l'Organisation mondiale santé
–
Octobre 2016
© 2016 MAEDl - Conception et réalisation: Direction de la presse et de la communication - Impression: reprographie de La Courneuve, DlL.
SOMMAIRE
Biographie du professeur Philippe Douste-Blazy
..................................................................................................................................... 5
Une vision pour l'OMS : réforme, réactivité, efficacité
..................................................................................................................................... 7
Réforme : L'OMS doit faire preuve d'excellence organisationnelle et technique........... 7
Réactivité : L'OMS est aujourd'hui considérée comme l'organisation chef de file dans les
situations d'urgence sanitaire mondiale ....................................................................8
Résultats : L'OMS doit centrer ses efforts sur ses avantages comparatifs et doit constamment
prouver l'impact de ses programmes sur le terrain.....................................................9
Les cinq défis prioritaires pour l'OMS
................................................................................................................................... 11
Priorité n° 1 : Réagir efficacement aux épidémies de maladies infectieuses, nouvelles
ou anciennes................................................................................................... 11
Priorité n° 2 : Faire face à la croissance sans précédent des maladies non
transmissibles..................................................................................................14
Priorité n° 3 : Renforcer les systèmes de santé afin de mettre en place une couverture
sanitaire universelle.......................................................................................... 15
Priorité n° 4 : Promouvoir l'innovation et l'accès universel aux médicaments
essentiels.........................................................................................................17
Priorité n° 5 : Lutter contre l'antimicrobiorésistance.............................................. 19
3
4
BIOGRAPHIE
Professeur Philippe Douste-Blazy
Philippe Douste-Blazy, médecin français, a
exercé de hautes responsabilités politiques
dans son pays et est considéré par la communauté internationale comme l'un des
pionniers des financements innovants pour
la santé mondiale.
plus d'un milliard d'euros.
Le professeur Douste-Blazy, 63 ans, est
cardiologue de formation. Il a été nommé
professeur de médecine à l'université de Toulouse en 1988. Après son entrée en politique,
il a connu une ascension rapide, devenant
maire de Lourdes, puis maire de Toulouse
et président de la communauté urbaine de
Toulouse, dirigeant une administration de
10 000 agents et gérant un budget total de
Élu député européen, il a ensuite été ministre de la Santé à deux reprises (1993-1995 et
2004-2005), ministre de la Culture et de la Communication (1995-1997) et ministre des
Affaires étrangères (2005-2007).
En 2006, alors ministre des Affaires étrangères, le professeur Douste-Blazy a créé le
Groupe pilote sur les financements innovants du développement qui réunit 64 pays, les
principales agences des Nations unies, des ONG et des fondations. Il a également été
l'un des cofondateurs de l'initiative « Diplomatie et Santé » avec l'Afrique du Sud, le Brésil,
l'Indonésie, la Norvège, le Sénégal et la Thaïlande, regroupant les ministres des Affaires
étrangères s'intéressant tout particulièrement aux sujets de santé mondiale. À ce titre, il
a été cosignataire de la déclaration ministérielle d'Oslo en 2007.
« Nous sommes convaincus que la santé est un thème majeur de politique étrangère et doit
se voir accorder une priorité stratégique plus marquée dans l'agenda international. Dans nos
pays, nous sommes convaincus que « l'impact sur la santé » de nos programmes doit être pris
en compte pour déterminer l'efficacité de notre politique étrangère et de nos stratégies de développement.
»
Les ministres des Affaires étrangères d'Afrique du Sud, du Brésil, de France (professeur Douste-Blazy), d'Indonésie,
de Norvège, du Sénégal et de Thaïlande ; Oslo, 2007.
C'est aussi en 2006 que le professeur Douste-Blazy a cofondé UNITAID, mécanisme
de financement innovant mis en place par la France, le Brésil, le Chili, la Norvège et le
Royaume-Uni, dont il est devenu le premier président du conseil d'administration (20062016). Hébergé par l'Organisation mondiale de la santé, UNITAID est le premier laboratoire
de financements innovants pour le développement. Les fonds récoltés sont utilisés pour
lutter contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, tout particulièrement chez les
enfants. Le financement choisi est une microtaxe sur les billets d'avion pour les vols au
départ de la France. Il s'agissait, en 2006, d'une première mondiale. Le professeur DousteBlazy a ensuite convaincu huit autres pays – Cameroun, Chili, Congo, Madagascar, Mali,
Maurice, Niger et République de Corée – de se joindre à ce projet. À ce jour, cette taxe a
permis de recueillir plus de 2,5 milliards de dollars et a contribué au financement du traitement de 760 000 enfants vivant avec le VIH et de 350 millions de personnes atteintes
du paludisme. UNITAID a été le premier à façonner les marchés des produits de santé
5
(médicaments, tests diagnostic…) pour permettre aux plus démunis d'y avoir accès en
obtenant des baisses de prix de 80 % sur les médicaments pédiatriques contre le VIH,
de 60 % sur l'artémisine pour traiter le paludisme, de 40 % sur de nouveaux tests rapides
contre la tuberculose et de 60 % sur les traitements de deuxième intention contre le VIH.
L'action d'UNITAID a également contribué à permettre l'accès à la combinaison à doses
fixes d'antirétroviraux actuellement utilisée par plus de 80 % des personnes vivant avec
le VIH en Afrique subsaharienne. Ainsi, Bill Clinton, ancien président des États-Unis, a
qualifié UNITAID de « don de la France au monde ».
Le professeur Douste-Blazy a également défendu la création et le financement de la Communauté de brevets pharmaceutiques, seule communauté au monde de brevets dans
le domaine de la santé. Ce partenariat public-privé permet aux plus pauvres d'accéder
aux médicaments les plus récents, jusque-là réservés aux plus riches par un système de
licences réservées aux pays à faible ou à moyen revenus. Ce mécanisme permettra à
l'avenir d'économiser des milliards de dollars sur le prix des médicaments.
Le professeur Douste-Blazy est actuellement conseiller spécial du secrétaire général des
Nations unies, chargé des financements innovants du développement. Dans ce cadre, il
travaille depuis plusieurs mois, à mettre en place un nouveau financement innovant à partir
de ressources extractives (pétrole, gaz) dans les pays africains afin de créer UNITLIFE.
Les fonds ainsi récoltés permettront de lutter contre la malnutrition chronique. Si elle était
appliquée par six pays d'Afrique, cette taxe de 10 cents par baril de pétrole rapporterait de
100 à 200 millions de dollars par an, et une mise en œuvre à l'échelle mondiale permettrait de recueillir plus de 1,6 milliard de dollars par an. Enfin, le professeur Douste-Blazy
s'attache également à promouvoir le modèle adopté par la France, qui consiste à affecter
une partie de la taxe sur les transactions financières à la lutte contre la pauvreté dans le
monde. Il est coauteur de l'ouvrage La solidarité sauvera le monde (Plon).
Il est chevalier de la Légion d'honneur et a récemment été élevé au grade de commandeur de l'Ordre royal norvégien du mérite pour sa contribution à la santé mondiale et aux
financements innovants du développement.
6
UNE VISION POUR L'OMS :
RÉFORME, RÉACTIVITÉ, EFFICACITÉ
«À une époque où de nouvelles crises sanitaires menacent le monde, la communauté interna-
tionale a plus que jamais besoin de l'autorité et de l'efficacité de l'OMS. Pour conserver son rôle
pilote, l'OMS a besoin de nouvelles réformes pour assurer son excellence en matière d'organisation et d'expertise technique. Elle doit prouver qu'elle agit sur les priorités les plus urgentes
et qu'elle obtient des résultats ayant un impact sur le terrain, démontrant ainsi son efficacité.
Elle doit enfin être prête à agir rapidement en temps de crise sanitaire en assumant son rôle de
chef de file.
»
Philippe Douste-Blazy
Les États membres ont l'ambition, à juste titre, de voir une OMS forte et efficace, capable
de réaliser le troisième objectif de développement durable en renforçant la sécurité sanitaire internationale et en généralisant la couverture sanitaire universelle.
Au niveau mondial, l'OMS doit être l'organisation qui définit la santé comme une priorité
politique, certes en tant que droit de l'Homme essentiel, mais aussi parce qu'elle constitue
le meilleur investissement pour développer la croissance économique. Elle doit souligner
l'urgence de cette démarche au plus haut niveau politique au moment où tellement de
sujets sont également majeurs. Elle doit faire usage du pouvoir qui lui est conféré par les
États membres pour peser dans le débat international et pour réunir de nombreux acteurs
(banques de développement, autres agences onusiennes, société civile, secteur privé…).
C'est comme cela qu'elle pourra bâtir des alliances solides permettant d'agir aussi sur
les déterminants sociaux, économiques et environnementaux de la santé – en particulier
pour les plus pauvres et les plus vulnérables. Affirmons que définir et obtenir un consensus mondial sur les stratégies, les normes et les standards en matière de santé est un
acte hautement politique. Au niveau national, l'OMS doit continuer à être une organisation
à l'écoute des États membres tout en offrant un haut niveau d'expertise lui permettant
d'émettre des recommandations fondées sur des données objectives pour faire face aux
défis sanitaires nationaux et soutenir ainsi les autorités nationales.
L'accélération de la réforme de l'organisation et la mise en œuvre du programme de préparation, d'anticipation et de réponse aux situations d'urgence, y compris l'organisation
des secours, doivent figurer parmi les principales priorités du prochain directeur général.
L'incapacité à atteindre ces priorités réduira la confiance dans l'OMS ; les ressources dont
elle a besoin diminueront et l'organisation perdra progressivement son autorité. Pour remplir son rôle d'organisation pilote en santé mondiale, l'OMS doit, avant tout, être dirigée
de manière efficace, ses ressources doivent être orientées vers les principales priorités,
et elle doit constamment évaluer ses résultats ainsi que l'impact qu'ils ont sur le terrain.
RÉFORME
L'OMS doit faire preuve d'excellence organisationnelle et
technique
44Unique organisation internationale ayant une légitimité universelle pour les questions
de santé mondiale, l'OMS doit développer une conception organisationnelle globale et
une stratégie négociée avec les États membres. Elle pourra ainsi se concentrer sur les
principaux défis de santé mondiale et définir des programmes pour y faire face.
7
44Un dialogue permanent et un partage des responsabilités clairement défini entre le
directeur général, les directeurs régionaux et les bureaux nationaux permettront une
meilleure coordination. Cette cohésion nécessite une impulsion politique et une expertise
technique fortes de la part du siège.
44Au niveau national, l'OMS doit être un partenaire fort pour les ministères de la Santé
et l'ensemble des pouvoirs publics, en offrant des recommandations de grande qualité
sur les programmes de traitement des maladies, les réformes des systèmes de santé,
les financements, les ressources humaines, l'achat et l'utilisation des médicaments. Des
bureaux nationaux forts et efficaces sont indispensables pour que l'OMS réussisse à
remplir son rôle.
44L'OMS devrait avoir un système de gestion des ressources humaines moderne, maintenant des effectifs flexibles d'experts de renommée mondiale. Par ailleurs, des efforts
importants doivent être faits pour atteindre la parité, y compris à la direction générale,
mais aussi au sein des bureaux régionaux comme nationaux.
44L'organisation devrait évaluer les compétences dont elle dispose et celles dont elle
a besoin. Elle doit être capable de déployer ou de repositionner de manière plus souple
les personnels là où ils sont le plus nécessaire, en particulier dans les affectations nationales. Pour atteindre ces objectifs, la confiance et un dialogue permanent entre cadres
et personnels sont indispensables.
44Une culture de l'écoute et du débat respectueux sera insufflée au sein de l'organisation, en tout premier lieu par le directeur général et son équipe de direction, qui devront
montrer l'exemple en matière d'éthique.
44L'OMS devrait être un exemple en matière de formation et d'acquisition de compétences pour son personnel. Pour cela, la mise en place d'un système d'évaluation solide,
doté d'une équipe internationalement respectée, est nécessaire.
44Il est par ailleurs important de mesurer l'impact concret de l'Organisation dans les
pays en se dotant de données de performance et de gestion claires avec des normes de
transparence rigoureuses. Ainsi, nous pourrons lier le budget aux résultats.
44De plus, une fonction d'audit minutieux est cruciale. Les recommandations issues des
audits doivent être mises en œuvre rapidement et intégralement.
44Enfin, les États membres et le directeur général doivent travailler de manière très
proche afin de s'assurer de la conformité des programmes de l'OMS avec les différentes
initiatives mondiales. Cela est d'autant plus nécessaire que nous assistons à une fragmentation de plus en plus importante de la santé mondiale (OMS, Fonds mondial, GAVI, Stop
TB, le partenariat Roll Back Malaria, UNITAID, les autres agences onusiennes...). Ainsi,
nous aurions une meilleure coordination de l'action en santé mondiale et parviendrions à
un consensus international dans ce domaine.
44Concernant la collecte de fonds, l'OMS doit se montrer davantage proactive pour
garantir des financements plus durables et, donc, plus prévisibles dans l'avenir, en confortant le budget de base. En tant que directeur général, je m'inspirerai de mon expérience
des financements innovants dans le domaine de la santé (UNITAID et Communauté de
brevets de médicaments) et j'ouvrirai un département qui sera chargé d'étudier les nouvelles sources additionnelles de financement pour compléter les contributions des États
membres et les autres ressources déjà existantes.
8
RÉACTIVITÉ
L'OMS est aujourd'hui considérée comme l'organisation chef
de file dans les situations d'urgence sanitaire mondiale
44Le Health Emergencies Programme (HEP) doit être rapidement mis en place, avec
une attribution claire des pouvoirs. Les liens entre ce programme spécifique et les autres
départements doivent être transparents. De plus, la gravité des épidémies doit être évaluée par une autorité indépendante, étant bien sûr établi que la décision finale est prise
par l'OMS. Enfin, une surveillance et un suivi par le Comité consultatif indépendant sont
nécessaires.
44L'expérience montre ‎que la réponse aux crises sanitaires dépend étroitement de l'efficacité des systèmes de surveillance d'émergence des épidémies.‎L'OMS se doit donc de
renforcer ces systèmes, qu'il s'agisse du niveau mondial ou du niveau national.
44De même, le respect du Règlement sanitaire international ‎(RSI), la mise en place de
la couverture sanitaire universelle et le renforcement des systèmes de santé sont des
facteurs majeurs pour anticiper les crises. L'Organisation se doit de concentrer ses efforts
sur eux et de les évaluer, pays par pays, prête à réagir et à apporter l'aide nécessaire pour
faire face aux priorités sanitaires nationales.
44Le programme de prévention des urgences sanitaires et de préparation des secours
de l'OMS doit être financé de manière pérenne et fiable, réduisant la dépendance aux
appels ponctuels aux donateurs. Concernant les moyens, une stratégie de financement
à long terme devrait définir les actions à prioriser en cas d'urgence, les actions sur lesquelles on réallouera les ressources existantes et les manières de trouver de nouvelles
sources de financement.
44Cependant, même si le HEP est une priorité, l'OMS doit pouvoir réagir aux autres
grands défis sanitaires, qu'il s'agisse des maladies non transmissibles, des conséquences
sanitaires du changement climatique ou de la résistance aux antimicrobiens.
RÉSULTATS
L'OMS doit centrer ses efforts sur ses avantages comparatifs
et constamment prouver l'impact de ses programmes sur le
terrain
44L'OMS doit évaluer ses résultats aux trois niveaux de l'Organisation. Elle ne peut pas
tout faire dans le domaine sanitaire et elle n'en aura jamais le budget. C'est la raison pour
laquelle elle doit pouvoir, davantage que maintenant, prioriser ou déprioriser ‎telle ou telle
action en expliquant pourquoi.
44Les priorités de l'OMS doivent systématiquement être définies en fonction de leur impact
sur les principaux défis sanitaires mondiaux. L'élaboration, avec les États membres, d'une
vision mondiale des priorités sanitaires offrira un cadre de référence à l'action de l'OMS
et permettra une meilleure cohérence entre l'Organisation et les pays.
44Le renforcement de la santé publique et des soins de santé primaires doivent être au
cœur des efforts de l'OMS afin de promouvoir la mise en œuvre d'une couverture sanitaire
universelle. Les responsables politiques au plus haut niveau doivent être convaincus du
bien-fondé économique de l'action en faveur de la santé publique et des résultats concrets
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qui peuvent être atteints à court, moyen et long terme.
44Bien que des améliorations aient été réalisées ces dernières années, le processus
budgétaire doit être défini de manière plus transparente. Le budget des programmes doit
être réaliste, financé intégralement et en lien direct avec les résultats escomptés. D'autre
part, la présentation des résultats doit être conforme à tous les niveaux au processus budgétaire. Le budget pour l'exercice biennal 2018-2019 devra être totalement transparent et
refléter cette approche plus efficacement que jamais auparavant.
44Par ailleurs, l'OMS doit s'engager durablement dans des partenariats avec les autres
acteurs de la santé, de l'aide humanitaire et du développement pour harmoniser les efforts
internationaux. Il s'agit notamment de jouer le rôle qui lui revient dans le système des
Nations unies et de faire participer plus efficacement la société civile, qu'il s'agisse des
organisations non gouvernementales ou des communautés de patients et le secteur privé.
44En effet, tirant les nombreux enseignements de la lutte contre le VIH, le virus Ebola,
la poliomyélite ou d'autres maladies, l'OMS doit s'engager fermement à faire participer la
société civile et à encourager la participation des communautés dans une approche de la
santé fondée sur les droits de l'Homme.
44De même, l'OMS devra lier des partenariats précis avec les autres agences de l'O‎NU
pour obtenir une meilleure complémentarité et partager les informations.
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LES 5 DÉFIS PRIORITAIRES POUR L'OMS
La Déclaration du Millénaire adoptée en 2000 par les Nations unies a permis un effort
sans précédent et concerté au niveau mondial pour réduire la pauvreté et améliorer la
santé mondiale. Les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont suscité une
hausse inégalée des financements pour la santé, qu'ils soient nationaux, multilatéraux ou
innovants. L'aide au développement concernant la santé est passée d'environ 12 milliards
de dollars en 2000 à plus de 36 milliards de dollars en 2015. La Déclaration du Millénaire
a également favorisé l'émergence de nouvelles institutions et de nouveaux partenariats
public-privé pour lutter contre le VIH, le paludisme et la tuberculose, et ainsi améliorer
la santé des femmes et des enfants au niveau mondial, notamment le Fonds mondial,
GAVI, Stop TB, le partenariat Roll Back Malaria, UNITAID ainsi que d'autres organismes.
Les efforts déployés dans le monde entier pour atteindre les OMD dans le domaine de la
santé ont eu un succès considérable, en particulier dans les pays les plus pauvres où les
besoins sont les plus forts. La mortalité des enfants de moins de cinq ans et la mortalité
maternelle ont diminué de moitié ces 25 dernières années, et des progrès considérables
ont été réalisés plus récemment dans la lutte contre certaines maladies infectieuses.
Aujourd'hui, à l'ère des objectifs de développement durable (ODD), nous devons améliorer
la lutte contre le VIH, le paludisme et les maladies tropicales négligées tout en continuant
à faire baisser le taux de mortalité maternelle et infantile et en abordant les nouveaux
défis sanitaires dans le cadre d'un plan global de développement.
Je voudrais ci-dessous présenter les cinq priorités de santé mondiale que devrait avoir
l'OMS dans les dix prochaines années. Elle ne pourra le faire que grâce à une action collective, en droite ligne avec les ODD définis par tous les pays du monde. Toutefois, cela
ne signifie pas que ce seront les seules priorités de l'organisation. Beaucoup de travaux
importants doivent être poursuivis, notamment des activités qui font de l'OMS l'unique
organisation normative dans le domaine de la santé. Il s'agit d'une fonction essentielle
tout comme la préqualification des médicaments et d'autres produits de santé.
Enfin, l'OMS doit continuer à affirmer que l'état de santé d'un individu dépend d'une combinaison de multiples facteurs (biologiques, socio-économiques et environnementaux, tout
particulièrement alimentaires) ainsi que de l'accès à des services de santé de qualité et
aux médicaments essentiels.
Dans un monde de plus en plus interdépendant, la lutte contre la plupart des défis sanitaires mondiaux exige d'une part un ensemble d'actions au niveau mondial et d'autre part,
des réponses nationales coordonnées entre les différents ministères (Santé, Finances,
Éducation, Agriculture, Environnement…).
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PRIORITÉ N° 1
Réagir efficacement aux épidémies
de maladies infectieuses, nouvelles ou anciennes
« Les récentes épidémies dues au virus Ebola, au virus Zika ou à la fièvre jaune prouvent que
la communauté internationale se tourne toujours en premier vers l'OMS en période de crise
sanitaire. L'Organisation doit répondre à cette attente de manière efficace. Personne ne pourrait
accepter une réponse insuffisante de l'OMS face à une pandémie infectieuse mondiale.
Philippe Douste-Blazy
»
Aucun pays n'est à l'abri des effets dévastateurs de catastrophes, qu'elles soient naturelles
ou d'origine humaine, et de l'apparition de maladies infectieuses, nouvelles ou réemergentes. Comme les virus Ebola, Zika et plus récemment la fièvre jaune, nous l'ont rappelé
avec acuité, l'apparition d'une maladie dans un seul pays ou une seule région peut rapidement avoir des conséquences mondiales. Le rôle pilote de l'OMS dans la prévention et la
réaction aux urgences sanitaires est essentiel. Il est clairement attendu de l'Organisation
qu'elle tire les enseignements nécessaires des récentes crises sanitaires.
L'Organisation doit maintenant répondre à cette attente de manière plus efficace. Cette
idée est au cœur de la décision prise par l'Assemblée mondiale de la santé en mai 2016
d'approuver le Health Emergencies Programme (HEP) afin d'améliorer le rôle pilote de
l'OMS dans ses capacités de réponse ainsi que dans le soutien qu'elle apporte aux États
membres.
Des comités d'experts internationalement reconnus ont publié une série de recommandations stratégiques concernant les urgences sanitaires, en particulier à la suite de l'épidémie
à virus Ebola. Ces travaux doivent maintenant être traduits concrètement pour améliorer réellement les réponses internationales comme locales. C'est là l'objectif premier du
HEP. Ce programme permet de définir des priorités et de prendre des décisions difficiles
là où c'est nécessaire afin que les ressources soient utilisées de manière efficace et que
les recommandations sanitaires internationales soient financées et mises en œuvre de
manière plus rigoureuse dans chaque pays. On sait que la prévention et la préparation
sont les clés du succès de l'action.
L'OMS doit maintenant mettre en place rapidement le HEP. Il doit être efficace, bien financé
et jouer au niveau mondial le rôle de chef de file en matière de réponse aux situations
d'urgence. Pour cela, il doit soutenir efficacement la capacité de résilience des systèmes
nationaux de santé et permettre à d'autres acteurs de réagir efficacement et de manière
coordonnée.
La priorité immédiate doit aller à un net renforcement de l'analyse et de la cartographie
des risques pour mieux prévoir quels sont les pays à plus haut risque, afin d'y affecter le
personnel, les ressources financières et le renforcement des capacités de manière ciblée
et par ordre de priorité.
Dans ce domaine, des enseignements pourront être tirés des efforts positifs du Bureau
régional OMS de l'Afrique ainsi que de l'Organisation panaméricaine de la santé dans sa
réaction au virus Zika.
Pour réussir, le HEP devra renforcer les capacités de réaction immédiate de manière aussi
décentralisée que possible, tout en maintenant une supervision centralisée au siège de
l'OMS.
12
Action n° 1 - Assurer au HEP un financement fiable à long terme
44Comme pour les autres fonctions essentielles de l'OMS, le HEP nécessite un financement sûr et prévisible. Ses besoins de financement à long terme devraient être gérés
avec la souplesse nécessaire pour réagir à toute une série de scénarios. Les 194 États
membres ont approuvé le HEP et devraient contribuer en fonction de leurs moyens. L'OMS
doit davantage collaborer avec les États membres, les principaux bailleurs de fonds, la
Banque mondiale, le FMI et les autres partenaires concernés pour faire en sorte que les
sources de financement pour la préparation aux situations d'urgence et l'organisation des
secours soient bien coordonnées.
44Enfin, il faut éviter la prolifération des fonds, source de complications et de mauvaise
coordination.
Action n° 2 - Assurer le rôle pilote, superviser et associer les partenaires
44Au siège de l'OMS, les fonctions de préparation aux situations d'urgence et d'organisation des secours, d'une part, et le soutien au respect du Règlement sanitaire international,
d'autre part, devraient être colocalisées dans un même département afin d'assurer une
meilleure coordination et une planification ‎plus complète.
44Les responsabilités et les processus de prise de décisions dans le cadre du HEP
devront être clairement définis sur la base de protocoles opérationnels pour garantir des
réactions efficaces en cas d'urgence.
44Les résultats issus de la surveillance sanitaire et de l'évaluation des risques devraient
guider la définition des priorités et l'affectation des ressources aux niveaux national et
régional.
44Ainsi, le HEP aura une forte capacité d'action sur le terrain, soutenue et supervisée
par l'équipe centrale au siège. Cela impliquera une décentralisation des budgets et du
personnel vers les régions et les pays clés. Une cartographie sera établie visant à fixer
les priorités en fonction des risques et des besoins les plus importants. La préparation
aux situations d'urgence comme l'organisation des secours doivent concrétiser la notion
d'une OMS mieux coordonnée et d'un personnel flexible et international.
44Une évaluation en temps réel et une responsabilisation forte de chaque acteur sont
indispensables, avec un Comité consultatif indépendant de contrôle disposant des moyens
adéquats et en mesure d'examiner toutes les prises de décisions et toutes les réactions
à des épidémies importantes.
44L'OMS et l'OCHA des Nations unies devraient développer un partenariat efficace et
des mécanismes de partage d'informations pour assurer, à l'échelle de l'ensemble des
Nations unies, des réactions coordonnées aux situations d'urgences sanitaires aux niveaux
mondial, régional et national. Ces mécanismes devraient faire participer étroitement les
ONG internationales et locales ayant une expérience en matière d'intervention sanitaire
et humanitaire.‎ L'exemple de Médecins sans frontières durant l'épidémie à virus Ebola
est éloquent. La réponse de l'OMS aux épidémies devrait également consister à réunir
pouvoirs publics, industriels, bailleurs de fonds et chercheurs afin d'accélérer la production
de médicaments et de vaccins nécessaires en urgence.‎Le récent exemple concernant la
fièvre jaune en Afrique le prouve.
Action n° 3 - Faire du soutien aux pays une priorité
44Des pays prioritaires doivent être définis. Dans chacun d'entre eux, ‎des évaluations
objectives des besoins sont nécessaires.
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44Les bureaux nationaux et régionaux de l'OMS dans les pays les plus exposés devront
disposer d'équipes renforcées et entraînées, en situation d'urgence, à diriger et à coordonner des pôles de santé s'inscrivant dans le cadre d'interventions humanitaires plus larges.
44Pour améliorer les capacités des États à réagir aux crises sanitaires, un dispositif plus
efficace est nécessaire au niveau mondial afin que les pays rendent compte régulièrement
de leur respect du Règlement sanitaire international. Comment améliorer la sécurité sanitaire internationale si tous les pays ne respectent pas ce règlement ?
44Des exercices réguliers d'intervention d'urgence sont nécessaires dans les pays et
les régions les plus exposés afin de garantir que l'OMS, les pouvoirs publics et les partenaires se sont régulièrement entraînés et ont identifié leurs points faibles et corrigé leurs
principales vulnérabilités.
44Au total, la mise en œuvre efficace du HEP est directement liée aux réformes plus
larges au sein de l'OMS dans des domaines comme les ressources humaines, le budget,
la fonction d'audit et l'évaluation des résultats.
44Enfin, compte tenu de l'importance que revêtent, pour la sécurité mondiale, les réponses
aux situations d'urgence sanitaire, l'OMS devra régulièrement informer l'Assemblée générale des Nations unies des avancées sur la mise en place et l'efficacité du programme,
par l'intermédiaire du secrétaire général des Nations unies.
PRIORITÉ N° 2
Faire face à la croissance sans précédent des maladies non
transmissibles
« Les maladies non transmissibles (MNT) traduisent les conséquences néfastes des nouveaux
facteurs environnementaux sur l'homme (style de vie, nutrition, activité physique, pollution…).
‎La seule manière de les combattre efficacement est de le faire avec une approche multisectorielle.
»
Philippe Douste-Blazy
Les MNT – essentiellement maladies cardio-vasculaires, cancers, affections respiratoires
chroniques, diabète – sont la principale cause de décès dans le monde. Plus de 36 millions de personnes meurent chaque année de MNT (36 % des décès), dont 14 millions
avant l'âge de 70 ans et 8 millions de moins de 60 ans. Plus de 90 % de ces décès prématurés surviennent dans des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire et peuvent
largement être évités. On estime que les pertes économiques cumulées dues aux MNT
dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire s'élèveront, entre 2011 et 2025,
à 7 000 milliards de dollars si rien n'est fait.
Les objectifs de développement durable reconnaissent la nécessité d'allier plusieurs
acteurs pour contrer l'augmentation sans précédent des MNT. Pourtant, au niveau mondial,
on ne sent pas de volonté politique pour adapter les systèmes de santé et les économies
à combattre ce véritable phénomène épidémiologique rapide, en particulier dans les pays
à faible revenu ou à revenu intermédiaire où les MNT connaissent la croissance la plus
forte. Seul une réponse plurisectorielle, soutenue et coordonnée au plan mondial, dans
laquelle l'OMS jouerait un rôle moteur, peut relever ce défi.
14
Action n° 1 - Accélérer la mise en place de l'objectif de développement durable 3.4
dans le domaine des MNT
Il s'agit de créer les mécanismes de coordination pour parvenir à des résultats efficaces
comme la structure inter organisations des Nations unies pour la lutte contre les MNT. En
qualité de directeur général, je veillerai à y affirmer fortement le rôle pilote de l'OMS. Tout
cela permettra d'être au rendez-vous des déclarations politiques de 2011 et 2014 et du
Plan d'action mondial 2013-2020 de l'OMS pour la lutte contre les MNT.
Action n° 2 - Impulser le dialogue nécessaire entre les gouvernements, le secteur
public et le secteur privé pour lutter efficacement contre les MNT
Les différents acteurs doivent se parler, seule solution pour élaborer des normes acceptées
par tous et fondées objectivement sur des éléments scientifiques. Cela permettra de développer la prévention et la lutte contre les principaux facteurs de risque, dont le tabagisme
et l'obésité, particulièrement l'obésité infantile. L'OMS devrait, en particulier, collaborer
de manière pragmatique avec les autres acteurs, extérieurs au secteur de la santé, qui
exercent une forte influence dans ce domaine, notamment les entreprises, les défenseurs
des patients et les prestataires de soins.
Action n° 3 - Mettre la santé publique en avant dans notre agenda avec, en particulier, la mise en place d'une action multisectorielle pour réduire les inégalités
dans le domaine des MNT
Les éléments de cette approche de santé publique sont en particulier les suivants :
44La promotion et l'éducation à la santé au niveau des populations, les actions de prévention des maladies axées sur les facteurs de risque et les déterminants de la santé,
des systèmes de santé conçus sur la base des besoins sanitaires et sociaux des communautés et des personnes, l'intégration de la santé publique ‎à l'agenda de la couverture
sanitaire universelle, des soins de santé primaire permettant d'assurer un continuum entre
promotion de la santé, prévention, dépistage, diagnostic précoce, puis services curatifs,
de réadaptation et palliatifs.
44Une main-d'œuvre formée et motivée, des médicaments et des tests diagnostics abordables, des systèmes d'orientation forts, des services axés sur les besoins de la population
et des personnes, un dispositif solide de surveillance et de suivi.
44Les liens entre santé et changement climatique doivent être soulignés et faire l'objet
de programmes spécifiques.
44Dans la lutte contre le tabagisme, la mise en place de la Convention cadre de 2005
est cruciale ainsi que la nécessité de ratifier le protocole de l'OMS contre tout trafic de
tabac. Ce deuxième aspect est moins connu mais très important.
44L'approche multifactorielle de la prévention des maladies chroniques n'est que la seule
possible comme le prouve l'importance de l'éducation dans les futurs comportements
nutritionnels, sportifs, etc.
Action n° 4 - Disposer d'un financement accru et durable pour lutter contre les MNT
Cette action inclut le développement de mécanismes de financement innovants, la mobilisation et le suivi des ressources internes et externes au niveau national, en se fondant
sur le meilleur rapport qualité-prix pour améliorer les résultats en santé, réduire les inégalités et faire baisser les conséquences économiques des MNT dans les pays à revenu
faible et intermédiaire.
15
Action n° 5 - Considérer que la lutte contre les MNT doit durer toute la vie
En particulier durant les mille premiers jours de la vie en luttant contre la malnutrition
chronique qui s'accompagne d'une surmorbidité et d'une surmortalité à venir ; ‎de même,
les déterminants environnementaux et la santé bucco-dentaire doivent être considérés
comme des facteurs de risque dans le temps d'une vie.
Action n° 6 - Développer et renforcer les actions en santé mentale
Cette action inclut des politiques de santé relatives aux ressources humaines, à la prévention, à la déstigmatisation des maladies mentales et au respect de la dignité des malades.
PRIORITÉ N° 3
Renforcer les systèmes de santé afin de mettre en place une
couverture sanitaire universelle
«Les soins de santé primaires sont au cœur des systèmes de santé dans chaque pays et sont essentiels pour parvenir à une couverture sanitaire universelle. Leur renforcement est la priorité absolue.»
Philippe Douste-Blazy
La faiblesse des systèmes de santé entrave les efforts destinés à mettre en place une
couverture sanitaire universelle. Leur renforcement, en particulier pour les soins de santé
primaires, est essentiel pour atténuer les inégalités, réduire la mortalité maternelle et
infantile et assurer un développement durable.
Trop de personnes, en particulier les plus pauvres, n'ont pas accès à des systèmes de
soins primaires de qualité, dispensés par des personnels de santé et des sages-femmes
qualifiés et motivés. Des millions de personnes sont encore réduites à la pauvreté en raison de l'absence de mécanismes de protection financière et sociale.
Des systèmes de santé primaires équitables, efficaces et réactifs, axés sur les besoins
sanitaires et sociaux des populations et des communautés, sont essentiels pour mettre
en place une couverture sanitaire universelle et pour assurer à chacun un accès équitable
aux services de santé.
Les systèmes de santé ne devraient jamais exclure un être humain.
Dans l'objectif de développement durable 3, la cible 3.8 souligne l'importance de la couverture sanitaire universelle. Pour la mettre en place et nous doter ainsi de soins primaires
de qualité, nous devons agir de manière globale avec, d'un côté, l'ensemble des pouvoirs
publics et, de l'autre, l'ensemble de la société. Comment par exemple traiter les plus
démunis s'ils sont totalement exclus de la société ?
Action n° 1 - Réaffirmer fermement l'engagement en faveur des valeurs et des
principes énoncés par la Déclaration d'Alma-Ata et dont la philosophie est plus
que jamais d'actualité : « La Santé pour tous »
Les soins de santé primaires sont au cœur des systèmes de santé et contribuent au
développement économique et social. L'OMS devrait saisir l'occasion du quarantième
anniversaire de la Déclaration d'Alma-Ata en 2018 pour réaffirmer fortement la place
des soins de santé primaires et communautaires au cœur de l'agenda de la couverture
sanitaire universelle. Elle devra également faire en sorte que les besoins des catégories
vulnérables – telles que les femmes et les enfants, les personnes touchées par le VIH,
les personnes atteintes de maladie mentale et celles qui ont besoin de soins palliatifs –
soient pris en compte de manière appropriée et digne.
16
Action n° 2 - Mieux financer la mise en place de systèmes de santé de qualité
En agissant plus directement sur les États membres, en mobilisant des financements
innovants et en apportant la preuve de l'incidence des investissements.
Concernant le financement de tous les systèmes de santé, l'une des préoccupations fondamentales réside dans l'évolution future de leur base de recettes. La question clef pour
les décideurs consiste à s'assurer que les sources de financement soient stables afin de
s'adapter à l'évolution du contexte économique.
Agir contre l'inefficacité des systèmes de santé est essentiel pour gagner le soutien politique et populaire nécessaires pour mettre en place une couverture sanitaire universelle.
Cela devrait être une priorité pour tous les pays.
Action n° 3 - Ancrer fermement la santé publique au cœur de toute politique de santé
Des résultats significatifs ont été obtenus ces dernières années en matière de lutte contre
les maladies infectieuses grâce à des approches innovantes de santé publique. Toutefois,
la part des budgets consacrée à la santé publique demeure inadmissiblement faible et a
même baissé dans certains pays à la suite de la crise financière de 2008.
Et pourtant, les pays ont besoin de personnels de santé publique modernes, motivés et
pluridisciplinaires. Nous devons améliorer le statut des personnels de santé publique en
leur assurant une rémunération appropriée et une formation reposant sur les fonctions
essentielles de la santé publique. L'intégration de la santé publique aux soins de santé
primaires constitue également un moyen efficace pour préparer, à moindres coûts, de
bons systèmes de santé, permettant notamment la mise en œuvre du Règlement Sanitaire International.
En qualité de directeur général, je m'attacherai à démontrer, au plus haut niveau des États,
que les investissements consacrés à la santé publique sont d'une grande valeur ajoutée.
Action n° 4 - Mettre en place, au niveau mondial, une équipe chargée de la santé
des migrants et des réfugiés
Plusieurs agences onusiennes et autres institutions collaboreront au sein de cette équipe.
Cela permettra à ces enfants, ces femmes et ces hommes qui ont tout perdu et sont
hautement vulnérables d'avoir accès à des soins de santé de manière digne.
Action n° 5 - Lutter avec détermination pour réduire les violences faites aux femmes
Les violences physiques et sexuelles contre les femmes constituent un défi majeur en
termes de santé et aggravent considérablement leur vulnérabilité à l'égard d'autres pathologies. Nous devons tout faire pour prévenir, au sein de nos systèmes de santé, les violences
fondées sur le sexe. Une collaboration avec l'agence onusienne consacrée aux femmes
est souhaitable dans ce domaine.
Action n° 6 - Promouvoir des systèmes d'information sanitaire
L'information sanitaire constitue aujourd'hui un élément fondamental de la santé publique
de demain. L'OMS devra demander aux États d'investir davantage dans le renforcement
des capacités de collecte et d'analyse des données dont disposent les pays afin d'alimenter
la planification des programmes et la prise de décisions. ‎Les plates-formes numériques
joueront demain un rôle central dans l'épidémiologie analytique et pharmacologique. Les
États comme les différents acteurs privés se devront de respecter les valeurs éthiques,
à commencer par la confidentialité des données. Les enjeux sont tels pour eux que tout
porte à penser qu'ils le feront pour préserver le long terme.
17
PRIORITÉ N° 4
Promouvoir l'innovation et l'accès universel aux médicaments
essentiels
« Développer l'accès universel aux médicaments est au cœur de mon engagement depuis plus
de 15 ans. À la tête d'UNITAID, j'ai souhaité que nous soyons les premiers à nous intéresser
aux dynamiques de marché afin de faire baisser les prix des médicaments contre le VIH, la
tuberculose et le paludisme. De même pour les tests diagnostics. J'ai également créé, avec
le conseil d'administration d'UNITAID, la Communauté de brevets pharmaceutiques (Medicines
Patent Pool ou MPP) qui permet, pour la première fois dans le domaine du sida, aux plus pauvres
d'accéder aux mêmes médicaments que les plus riches.
Philippe Douste-Blazy
»
Les objectifs de développement durable montrent à quel point l'accès universel aux médicaments et aux vaccins essentiels est une composante clef du droit à la santé. Pourtant, un
tiers de la population mondiale n'y a pas accès. Les données sont même alarmantes et
traduisent une terrible réalité.
■ La plupart des huit millions de décès d'enfants pourraient être évités par un accès aux
médicaments essentiels.
■ Un tiers seulement des cas de diarrhée aiguë est traité au moyen de sels de réhydratation
orale.
■ Moins d'un enfant sur trois atteints de pneumonie reçoit des antibiotiques.
■ 250 000 femmes n'ont pas accès aux moyens modernes de contraception et près d'une
femme enceinte sur trois est anémiée mais ne reçoit ni fer, ni vitamine B12, ni acide folique,
ni vitamine A.
■ Dix millions de personnes touchées par le VIH doivent commencer un traitement le plus
vite possible.
■ Sur les 500 000 nouveaux cas de tuberculose multirésistante par an, deux tiers vivent
dans des pays à revenu intermédiaire où les médicaments sont trop chers pour être
accessibles.
■ Des millions de malades dans le monde pourraient être guéris de l'hépatite C si les
nouvelles thérapies étaient plus accessibles.
■ 80 % des patients atteints d'hypertension ne reçoivent pas de médicaments et la moitié
des diabétiques qui ont besoin d'insuline n'y ont pas accès.
‎ ependant, des progrès significatifs ont été accomplis au cours des dix dernières années
C
pour améliorer l'accès aux médicaments contre le VIH, le paludisme, la tuberculose et
certaines maladies négligées. Dans les cas du sida et de la tuberculose, la mortalité a
baissé de 27 % durant les 10 dernières années. Pour le paludisme, la mortalité durant
cette période a chuté de 37 %, soit 430 000 vies sauvées en 2015 par rapport en 2005. Le
Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est essentiellement
la raison de ce succès. S'il y a beaucoup à retenir de ces expériences, il apparaît aussi
que des stratégies innovantes sont nécessaires.
Quatre grands défis sont devant nous et des partenariats public-privé innovants offriront
la possibilité de les relever :
■ nous devons créer des dynamiques de marché pour que les médicaments nouveaux
et faisant l'objet de brevets puissent être disponibles à des prix abordables pour les plus
démunis ;
■ nous devons surmonter ‎les problèmes d'ordre réglementaire afin que des produits
efficaces, de qualité et d'un coût abordable – dont des produits biologiques – soient à la
disposition de ceux qui en ont besoin ;
18
■ nous devons inciter l'innovation technologique afin de disposer de nouveaux outils de
diagnostic plus précis et plus précoces, permettant ainsi d'affiner les prises de décision
thérapeutiques ;
■ enfin, il faut inventer les moyens de stimuler la mise au point et la production de médicaments essentiels qui n'ont pas trouvé de marchés parce qu'ils ne génèrent pas de profit.
L'OMS ne peut accepter de compromis sur le principe de l'accès universel aux médicaments essentiels. L'autorité de l'Organisation doit reposer sur le socle de la solidarité
mondiale et de l'équité dans l'accès à l'innovation, afin que les besoins fondamentaux
de tous en matière de soins soient satisfaits et que personne ne meure d'une maladie curable. L'une des tâches essentielles de l'OMS consiste à apporter aux pays le
soutien nécessaire pour élaborer et mettre en œuvre les stratégies qui permettront d'assurer cet accès. Aujourd'hui, si nous voulons que les biens publics mondiaux soient
des biens publics universels, c'est-à-dire accessibles à tous, nous devons inventer de
nouveaux mécanismes. Dans le domaine de la santé, ces mécanismes passent par la
« recherche-developpement » médicale. Oui, l'OMS a un rôle à jouer dans l'élaboration
d'accords régissant la création de produits de santé essentiels
Action n° 1 - Favoriser l'accès à des produits nouveaux
L'OMS devrait favoriser la disponibilité accélérée de médicaments essentiels nouveaux
et efficaces, souvent largement brevetés, à des prix abordables pour les populations les
plus pauvres.
Action n° 2 - Assurer un financement approprié
L'OMS devrait agir auprès des partenaires internationaux et des bailleurs de fonds pour
disposer de financements appropriés et disponibles afin que chacun puisse accéder aux
médicaments essentiels de base, notamment en recourant à des modes de financement
innovants.
Action n° 3 - Inciter les fabricants à assurer la continuité de la production et de la
distribution des médicaments essentiels plus anciens.
Action n° 4 - Renforcer la gouvernance des pays dans ce domaine
L'OMS doit aider les pays à se doter de capacités nationales fortes de sélection, de distribution, de réglementation et de financement d'achat de médicaments. Dans ce cadre,
le programme de préqualification de l'OMS devra favoriser et harmoniser l'enregistrement
des médicaments et produits de santé essentiels au niveau des pays.
Action n° 5 - Accroître la transparence et développer l'obligation de rendre compte
Cette action concernera le développement des médicaments, mais aussi la production,
la distribution et la réglementation.
Action n° 6 - Élaborer un mécanisme de suivi des politiques globales dans le
domaine des médicaments essentiels.
Action n° 7 - Promouvoir des incitations du marché
Cela permettra à des médicaments essentiels, vaccins et autres produits de santé qui n'ont
pas de marché rentable, d'être développés, produits et distribués, tout particulièrement
pour les produits antimicrobiens prioritaires (Priorité n° 5).
19
Action n° 8 - Mettre en place les recommandations du Groupe de haut niveau sur
l'accès aux médicaments, mis en place par le secrétaire général des Nations unies.
L'OMS doit jouer un rôle moteur de négociateur afin de rendre compatibles différents
objectifs divergents, qu'ils soient d'ordre commercial, juridique, sanitaire ou relatifs aux
droits de l'Homme dans un seul but : l'accès universel aux médicaments essentiels.
PRIORITÉ N° 5
Lutter contre l'antimicrobiorésistance
« En qualité de directeur général, je m'attacherai à développer des partenariats forts avec l'Or-
ganisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et‎l'Organisation mondiale
de la santé animale (OIE) pour faire face au défi de la résistance aux antimicrobiens (RAM). Je
m'appuierai également sur mon expérience des financements innovants en faveur de la santé
pour promouvoir de nouvelles approches de recherche-développement de nouveaux produits
de santé et d'accès à ces produits. Même si les investissements nécessaires pour lutter contre
la RAM sont appelés à être élevés, ils le sont bien moins que le coût humain et financier de l'inaction.
»
Philippe Douste-Blazy
L'accès à des agents antimicrobiens efficaces est un pilier majeur de la médecine moderne. Or,
la résistance aux antimicrobiens (RAM) concerne aujourd'hui tous les pays du monde. Si nous
n'agissons pas, un grand nombre des progrès importants réalisés au cours du dernier siècle en
matière de santé seront remis en question. En raison du caractère mondial des causes et des
conséquences de la RAM, qui vont bien au-delà du simple domaine de la santé, nous devrons
traiter cette menace de manière coordonnée aux niveaux mondial, continental et national. Des
partenariats devront être mis en œuvre, en particulier entre la médecine humaine et vétérinaire,
l'élevage, l'agriculture, la finance, le commerce, l'environnement et les consommateurs.
On estime, dès à présent, que la RAM est la cause de 700 000 décès chaque année, dont plus
de 200 000 par septicémie du nouveau-né et 200 000 dus à la tuberculose multirésistante. Rien
qu'en Inde, 60 000 nouveau-nés meurent chaque année d'infections résistantes aux antibiotiques.
Outre son coût humain, le coût économique de la RAM est en augmentation. Aux États-Unis,
plus de deux millions d'infections sont causées chaque année par des bactéries résistantes aux
traitements antibiotiques de première intention et représentent, pour le système de santé, un
surcoût de 20 milliards de dollars.
L'ampleur réelle de la RAM est mal comprise car sa surveillance, que ce soit à l'échelle mondiale
ou nationale, est loin d'être appropriée. Néanmoins les scénarios, qui font état d'une résistance
croissante aux antibiotiques d'usage courant, laissent entendre que le nombre de victimes de la
RAM pourrait s'élever à 10 millions par an et coûter à l'économie mondiale jusqu'à 100 000 milliards de dollars de pertes de production d'ici à 2050.
Les défis de la RAM intéressent à la fois l'offre et la demande. L'offre de produits nouveaux est
inadaptée pour faire face à l'augmentation de la pharmaco-résistance. Aucune grande classe
nouvelle d'antibiotiques, par exemple, n'a été produite depuis 1987, et trop peu sont en cours de
mise au point en raison d'un marché commercialement peu attrayant. Parallèlement, la demande
est mal gérée : des quantités colossales d'antimicrobiens (en particulier d'antibiotiques) sont
gaspillées chez des patients et des animaux qui n'en ont pas besoin, tandis que ceux qui en ont
besoin n'y ont pas accès.
L'OMS doit affirmer son rôle de chef de file dans la lutte contre la RAM, notamment grâce à la mise
en œuvre du Plan d'action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens approuvé en
2015 par l'Assemblée mondiale de la santé. L'OMS doit apporter son soutien directement aux
20
pays. Elle devra, dans le même temps, demeurer fermement attachée à son partenariat tripartite
avec la FAO et avec l'OIE, conformément à l'approche « Un monde, Une santé ».
Par ailleurs, les décès dus chaque année à un accès restreint ou retardé aux antimicrobiens
sont aujourd'hui plus nombreux que ceux qui sont causés par la résistance aux médicaments.
Ceci explique l'importance cruciale de la couverture sanitaire universelle et de l'accès aux médicaments essentiels pour lutter contre la RAM.
Action n° 1 - Diminuer la demande
44Élaborer un vaste plan de communication mondiale pour réduire la demande et la
surprescription, de manière concertée avec la FAO, l'OIE ‎et les États membres. Il s'agit
de convaincre le public de ne pas réclamer ou d'acheter d'antibiotiques sans besoin réel
et d'élaborer des programmes de formation dans les domaines de la santé humaine, de
la médecine vétérinaire et de l'agriculture traitant du problème de la RAM.
44Définir des normes appropriées de prescription et d'usage des antimicrobiens tout
en veillant à ne pas en limiter l'accès.
44Réduire l'incidence des infections en développant l'hygiène, l'assainissement et la
vaccination. L'OMS et ses partenaires devraient poursuivre leur action de prévention
des maladies diarrhéiques – pour lesquelles des antibiotiques sont couramment prescrits
mais inefficaces – en développant les infrastructures hydrauliques et l'assainissement,
en encourageant le lavage des mains et en améliorant la lutte contre les infections dans
les établissements de santé, ainsi qu'en promouvant un usage plus large des vaccins
disponibles.
44Renforcer sa collaboration avec la FAO, l'OIE et d'autres partenaires pour réduire
l'usage inutile d'antimicrobiens en agriculture et leur dissémination dans l'environnement, notamment dans le cadre de l'enseignement vétérinaire et agricole, en définissant
clairement les produits utilisés en agriculture qui ont le plus de conséquences néfastes
pour l'homme et en favorisant des solutions de rechange chez les animaux.
Action n° 2 - Renforcer la surveillance de la résistance et de la consommation
d'antimicrobiens chez l'homme et chez l'animal :
44Conformément au Plan mondial d'action, l'OMS doit jouer un rôle affirmé de chef de
file et de coordonnateur dans la mise en place d'un système mondial harmonisé de surveillance de la RAM et dans la création d'une plate-forme de transmission des données,
en étroite coordination avec d'autres initiatives déjà en cours (celles de la FAO et de l'OIE,
les réseaux régionaux de surveillance de la RAM…).
Action n° 3 - Accroître l'offre, qu'il s'agisse de médicaments, de tests diagnostics
ou de vaccins nouveaux pour vaincre la RAM en investissant dans la recherche,
en particulier grâce à un système d'incitations du marché
44Promouvoir la mise au point de nouveaux antimicrobiens, d'outils de diagnostic rapide
délocalisés, de vaccins et de produits de substitution, notamment en mettant en place
un Fonds mondial pour l'innovation reposant sur les dispositifs multilatéraux et bilatéraux
existants destinés à financer des travaux de recherche prometteurs au stade précoce et
à des fins non commerciales.
44La découverte de nouveaux antibiotiques, antifongiques, antituberculiniques et outils
de diagnostic doit constituer une priorité absolue. Seuls des mécanismes d'accès aux
marchés et de garanties d'achat peuvent inciter à leur production. Ces systèmes seraient
gérés soit au niveau mondial soit par une masse critique de pays participants.
21
44L'OMS doit pouvoir accueillir la plate-forme technique permettant de concevoir de
telles approches en matière d'investissement. Cela se ferait en collaboration avec les
partenaires appropriés tels que les Nations unies, la Banque mondiale et les organismes
bilatéraux comme multilatéraux qui ont l'expérience dans ce domaine comme l'Alliance
mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI), la Facilité internationale d'achat de
médicaments (UNITAID), le Programme pour l'application des technologies appropriées
dans le domaine de la santé (PATH), la Fondation pour de nouveaux tests diagnostics
(FIND) et la Communauté de brevets pharmaceutiques (MPP).
44Enfin, l'OMS doit soutenir d'autres approches qui pourront être nécessaires pour mettre
de nouveaux produits sur le marché, qu'il s'agisse : de la reconnaissance mutuelle des
autorisations de mise sur le marché par les principaux organismes de réglementation ;
des méthodologies d'essais innovantes et des plates-formes ou réseaux internationaux
d'essais cliniques.
22
23
« Mon
expérience de médecin, de responsable d'administrations centrales et
territoriales et d'acteur de la vie politique
nationale comme internationale, tout particulièrement aux Nations unies, me permettra
d'apporter les compétences requises pour
réaffirmer le rôle de chef de file de l'OMS
dans le domaine de la santé mondiale.
»
Professeur Philippe Douste-Blazy
Candidat au poste de directeur général de l'Organisation
mondiale de la santé