LES ANNÉES VINCE TAYLOR

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LES ANNÉES VINCE TAYLOR
LES ANNÉES VINCE TAYLOR
de Jacques
Barsamian
Compagnon
de route de
Vince Taylor,
d’abord comme
admirateur
puis comme
manager, Jacques
Barsamian se
souvient des
bons comme
des mauvais
moments passés
au contact du
créateur de
« Brand New
Cadillac ». Le
regretté Bernard
Boyat avait
recueilli ses
confidences.
- JBM : Quand as-tu entendu parler de Vince
Taylor pour la première fois ?
- Jacques Barsamian : Dans la chronique de
l’hebdo Disc de Jack Good, le producteur des
émissions télévisées 6.5 Special, Oh Boy ! et
Boy Meet Girls en Angleterre, puis Shindig !
aux USA. Good a produit Billy Fury dans
« Wondrous Place » et le 25 cm rockabilly
« The Sound Of Fury ». Dans sa rubrique, j’ai
lu pour la première fois quelque chose sur Cliff
Richard avant qu’il ne chante « Move It » dans
Oh Boy ! le 13 septembre 1958. Jack Good
écrivait : Terry Dene, Marty Wilde, Jim Dale,
Terry Wayne, Laurie London... mon esprit n’a
cessé de penser aux premières auditions de
ces sensationnelles jeunes découvertes... Et
pas plus tard qu’hier, j’ai entendu, stupéfait, le
premier enregistrement d’un jeune adolescent...
L’intro à la guitare est un véritable choc ; puis
intervient cette voix. Celle de Cliff Richard qui
fera avec les Drifters ses débuts télévisés dans
Oh Boy ! J’ai vu cette émission chez ma mère
à Londres. En Angleterre, pas question que je
loupe Oh Boy ! Vince Taylor y est passé les 20
décembre 1958, les 3 et 10 janvier 1959. Il m’a
raconté que Jack Good a voulu qu’il coupe ses
rouflaquettes comme il l’avait demandé à Cliff :
Good était complètement fou ! Les pattes me
donnaient un look de vrai Américain. N’étant pas
d’accord, il m’a viré de son show où j’ai chanté
avec Cliff Richard et Terry Dene. Fatal pour
Vince quand sort « Brand New Cadillac » en
avril. J’ai longtemps confondu Vince Taylor et
Vince Eager, chanteur plus modeste vocalement
et scéniquement, aussi engagé dans Oh Boy !
puis Wham !, qui a repris « Five Days, Five
Days » de Gene Vincent et « Lonely Blue Boy »
de Conway Twitty, rebaptisé « Dany » par Marty
Wilde, Cliff Richard, en France par les Pirates
et Danny Boy. Lorsque Vince Taylor a débarqué
dans notre pays, quand on m’en a parlé, j’ai dit
que Cliff Richard et Billy Fury étaient meilleurs
showmen que lui, que Billy était plus sensuel
dans ses premières télés. Cela lui a valu d’être
interdit dans certaines salles.
OLYMPIA
- Quand as-tu vu pour la première fois Vince
Taylor ?
- Mon ami Bernard Bisch était fan de
Helen Shapiro, tous deux nous aimions les
Chaussettes Noires. Lorsqu’ils ont partagé
l’affiche d’un Musicorama à l’Olympia le 7
novembre 1961, nous nous y sommes rendus.
N’ayant pas beaucoup de sous, on s’est
retrouvé tout en haut au balcon. Après Helen
Shapiro, Eddy Mitchell et les Chaussettes, sont
passés en vedettes-surprise Vince Taylor et les
Play-Boys que j’ai regardés fasciné. Par leurs
interprétations, ils donnaient une nouvelle vie à
tous ces classiques du rock. Vince a présenté
un show magistral comme on n’en avait jamais
vu en France, même de la part de Johnny
Hallyday. Bien qu’ayant vu les films Loving You
et King Creole, j’ai été époustouflé par son jeu
de scène. Il se montrait félin, glissait le long de la
scène, jonglait avec une facilité déconcertante
avec son micro qu’il enlaçait comme une
femme. On ne pouvait pas alors marcher dans
Paris sans voir des affiches de Vince Taylor
et ses Play-Boys. En janvier 1962, je me suis
procuré le 25 cm « Le Rock C’est Ça ! » avec
sa superbe photo de Herman Leonard. « Sweet
Little Sixteen », « Twenty Fight Rock » et la
reprise du « Shakin’ All Over » de Johnny Kidd
ont rapidement pris la tête de mon hit-parade.
Plus tard, j’ai longtemps prêté ce disque à
mon copain guitariste-chanteur Jacques
Mercier quand il a accompagné Vince. J’ai été
solidaire quand Jean-Claude Berthon a lancé
une campagne de soutien dans Disco Revue
à l’automne 1963 pour que Barclay publie un
nouveau disque de Vince Taylor, en février 1964.
La face en anglais est géniale avec « A Shot Of
Rhythm’n’Blues » d’Arthur Alexander, repris
par Johnny Kidd fin 1962. Et on est gâté avec
l’indémodable « Memphis Tennessee » dans
lequel Vince est soutenu par Bobbie Clarke et le
guitariste Joey Greco, tous deux de Joey & Les
Showmen, l’orchestre de Johnny. Cette version
s’est classée en tête du Goût des lecteurs de
Disco Revue. Mais le public en France a retenu
celles de Danyel Gérard et Eddy Mitchell.
- Plus tard, tu as enfin rencontré Vince.
- Bien plus tard ! En 1965, il y a eu ce désastreux
passage à la Locomotive où il s’est pris pour
Dieu. Le samedi, Vince a fait faux bond ; le
dimanche il est monté sur scène mais n’a
pas voulu chanter. La tournée américaine que
projetait d’organiser son beau-frère Joe Barbera
a été annulée. Pour Bobbie Clarke, Vince était
devenu fou, il avait pris trop de LSD et n’était
jamais redescendu ! En septembre est paru le
30 cm « Vince...! ». Bobbie Clarke m’a raconté
que Vince était si défoncé qu’il avait fallu ajouter
des sons d’ambiance pour en faire un faux
public parce qu’il ne chantait pas toujours très
juste. Quand, à l’automne 1966, j’ai fait écouter
« Vince... ! », parce qu’il y avait Ivan Julien à
la trompette, à Philippe Koechlin, le rédacteur
en chef de Rock&Folk, m’a dit : Par moment,
il chante faux ton poulain ! Après mon service
militaire, d’avril 1963 à septembre 1965, j’ai été
agent commercial à Air France avant que JeanClaude Berthon ne m’engage comme secrétaire
de rédaction à Disco Revue le 1er octobre. J’avais
déjà écrit plusieurs articles pour lui dans DR sur
Little Richard, Jerry Lee Lewis, Eddie Cochran,
Buddy Holly, qui sont mes rockers favoris avec
Elvis Presley. Au début de l’été 1966, Vince est
venu dans notre bureau rue Lafayette.
- Quel effet cela t’a-t-il fait de le connaître
enfin ?
- J’avais déjà interviewé Eddy Mitchell, Dick
Rivers, Wanda Jackson, les Who, Yardbirds,
Pretty Things... Vince Taylor, c’était le premier
rocker anglais que je voyais de près ; d’aussi près
qu’Eddie Cochran et Gene Vincent à la sortie
des artistes après leur concert le 7 avril 1960
à l’Empire de Finsbury Park. Vince a demandé
à Berthon s’il pouvait lui trouver du travail,
précisant qu’il désirait tout reprendre à zéro.
Quand il est parti, Jean-Claude m’a déclaré :
Puisque tu cherches déjà des engagements pour
des groupes comme les Heartbreakers et les CiDevant, ce ne serait pas mal que tu en fasses
autant pour Vince. Les Ci-Devant, deux jeunes
Noirs, les frères Desarmes, et deux Blancs,
reprenaient de fort belle manière des succès
Tamla-Motown. A la batterie, il y avait Patrick
Beauvarlet. A l’automne 1966, je leur ai proposé
de jouer avec Vince qu’ils ont accompagné le 5
novembre au Memphis Club à Seloncourt dans
l’un des nombreux galas qu’on a faits pour JeanClaude Pognant, fondateur du fanzine Shake et
plus tard manager de Ange. Les Heartbreakers
jouaient les Them et les Kinks. C’est le premier
groupe dont a fait partie Lionel Gaillardin, futur Il
Etait Une Fois. L’un des chanteurs avait travaillé
à Air France avec moi, l’autre m’a emprunté le
deuxième 33 tours français des Kinks... que
je n’ai jamais revu ! Brièvement, le bassiste a
été Christian Bois, un ancien Vautours de Vic
Laurens.
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