Proposition rédigée (équipe de lettres de l`IUFM de Dijon) : Le

Transcription

Proposition rédigée (équipe de lettres de l`IUFM de Dijon) : Le
Proposition rédigée (équipe de lettres de l’IUFM de Dijon) :
Le dossier proposé est consacré au conte merveilleux. Un passage de l’article « conte » de
l’Encyclopædia Universalis éditée en 1990 expose les raisons de l’attirance des plus jeunes
pour ce type de récit. Dans La Psychanalyse des contes de fées publié en 1976, Bruno
Bettelheim analyse plus précisément les modalités grâce auxquelles le scénario du conte de
fées réconforte les enfants en leur permettant de prendre une revanche imaginaire sur un
monde adulte peuplé d’effrayants géants. Extrait de la version du Petit Poucet écrite par
Charles Perrault en 1699, le troisième texte fait le récit de la ruse employée par le jeune héros
pour échapper, ainsi que ses frères, à l’ogre chez qui ils passent la nuit.
En quoi le conte permet-il l’accès au monde des adultes ? Il s’agira tout d’abord de montrer de
quelle manière le conte permet aux plus jeunes d’apprivoiser et de comprendre le monde
adulte. L’étude portera ensuite sur le lien de confiance que le conte permet d’établir avec
l’enfant.
Confronté à un univers d’adultes souvent angoissant, l’enfant puise du réconfort dans le conte
de fées. Comme l’indique l’extrait de l’Encyclopædia Universalis, le conte met en scène des
oppositions clairement marquées entre bons et méchants, par exemple, ou bien encore entre
petits et grands, comme dans « Jack le tueur de géants » évoqué par B. Bettelheim ou dans
Le Petit Poucet. De ce fait, le récit merveilleux offre un univers aisément déchiffrable à l’enfant
qui n’est pas encore capable de se représenter la réalité sous un jour nuancé.
Le récit merveilleux peut être source d’angoisse pour les grands et les petits. Raconté par
l’adulte, il permet toutefois d’instaurer une relation de confiance avec l’enfant.
Les adultes rechignent parfois à raconter aux enfants des contes de fées, car ceux-ci leur
paraissent trop violents et susceptibles de traumatiser les plus sensibles. Ils rejoignent en cela
Freud (texte 1) qui critiquait la « pédagogie de la peur » dont relèvent les contes
d’avertissement comme Le Petit Chaperon rouge. Effectivement, quand on lit Le Petit Poucet,
on est frappé par la surenchère de violence et de sang sur laquelle se fonde le récit. Le
mouton « sanglant » n’en paraît que meilleur à l’Ogre dont l’appétit paraît sans limite puisque «
un veau, deux moutons et la moitié d’un cochon » l’attendent aussi pour son dîner. Le récit est
également susceptible de faire naître de l’angoisse à chaque fois que l’Ogre est sur le point de
tuer le petit Poucet et ses frères pour les manger. « Gibier », « friands morceaux » : des
métaphores culinaires suggèrent à chaque fois l’irréparable. Le climax de l’atrocité est
finalement atteint quand ce sont ses propres filles que l’ogre égorge. Quelques paragraphes
auparavant, le portrait des petites ogresses était inquiétant lui aussi : le narrateur attribue leur
bonne santé au fait qu’elles mangent de la « chair fraîche » et insiste sur leurs « longues dents
fort aiguës ». Tout cela a de quoi faire frissonner l’enfant qui écoute le conte.
B. Bettelheim explique que les parents sont également mal à l’aise à l’idée d’être perçus
comme des géants angoissants ou à l’idée que leur enfant prend plaisir à s’imaginer en train
de les berner. Pourtant, rejoignant en cela le texte 1, il insiste sur l’importance de raconter des
récits merveilleux aux plus jeunes afin de leur montrer que l’on ne condamne pas leur
fantasme de revanche sur le monde adulte. Fait pour être dit et écouté, non pas lu
solitairement, le conte permet d’établir un dialogue plein de réconfort entre les générations.
À la lecture du corpus, il apparaît donc que le conte permet l’accès au monde des adultes
selon une double modalité : « abécédaire » de symboles réconfortants et/ou transgressifs, il
permet aux enfants de s’approprier un monde menaçant ; raconté à haute voix, il permet
l’établissement d’un lien chaleureux avec l’adulte conteur, en dépit de la violence dont il est
souvent porteur.