Les fonds Christiane Rochefort - BIBLIOTHÈQUE

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Les fonds Christiane Rochefort - BIBLIOTHÈQUE
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2004 - Les fonds Christiane Rochefort
A la fin de l’année 2004, pour la première fois, toute l’Oeuvre romanesque (1) de
Christiane Rochefort (1917 – 1998) — du Repos du guerrier (1958) à La Porte du fond
(Prix Médicis, 1988) —
paraît en un seul volume, chez Grasset, dans la collection
« Bibliothèque ». L’œuvre d’une rebelle, qui, d’une manière unique, aborde des sujets alors
peu traités comme le droit des femmes, la vie dans les grands ensemble, l’homosexualité ou
l’inceste. L’œuvre d’une « écrevisse » — Dans sa langue, c’est le féminin d’écrivain —, qui
s’attaque aux langages convenus et bâtit un univers sémantique en décalage, à contre-courant,
avec mordant et humour.
Première édition posthume, avec une chrono-bibliographie et une préface, qui se veut
d’abord invitation à la relecture ou à la lecture des textes, mais aussi qui donne accès à la
fabrique de l’œuvre (2), renouant ainsi avec la question posée par Rochefort elle-même, dans
C’est bizarre l’écriture (1970) : « Comment diable ça va au papier ? »
Rochefort
est de ces écrivains qui s’interrogent sur la naissance de leur art et
conservent les documents de genèse, « pour information littéraire, en cas » (3). De son
vivant, elle avait envisagé de léguer ses archives à la BNF. Finalement, c’est à l’Institut
Mémoires de l’Edition Contemporaine que son ayant-droit, la dessinatrice et peintre Misha
Burgess, les a déposées.
Le fonds Rochefort de l’IMEC, dont le responsable est Albert Dichy, est important. Il
rassemble de nombreuses pièces :
notes préliminaires, manuscrits, dactylographies,
épreuves, notes pour adaptation filmique ou théâtrale, courriers de lecteurs, dossiers divers
(4).
Les premières investigations génétiques peuvent commencer et les chercheurs, munis des
autorisations nécessaires, peuvent entrer dans les arcanes de l’œuvre (5).
A ce fonds majeur, il faut ajouter le fonds Rochefort de la Bibliothèque municipale
Pauline Roland du Pradet (83), dirigée par Odile Le Borgne. Si le dépôt des archives à
l’IMEC s’entend aisément, on peut s’étonner du choix varois.
En fait, à partir de 1981, Christiane Rochefort avait élu domicile, plusieurs mois par
an, au Pradet. Elle y avait fait l’acquisition d’une maison , avec arbres, fleurs et oiseaux,
non loin de la mer. A l’entrée du jardin, vivait son éléphant de pierre (6) et Machat (féminin
de « mon chat ») partout batifolait. De la fenêtre de l’est, Christiane Rochefort regardait les
étoiles. Il faut relire Adieu Andromède et en particulier « A Hans Jonas (7) », « Mai » ou
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« Vie et mort de la Rue Courbe », pour la retrouver défendant la cause de la terre, tant les
orchidées sauvages de la Plaine des Maures que les rossignols ou les martinets. « C’est,
écrit-elle, que je fais partie de la Nature et quand on m’en enlève un bout, ça fait mal » (8)…
Rochefort est une lectrice assidue et à la bibliothèque municipale, le 6 avril 1995 et le
28 mars 1996, elle honore de sa présence deux manifestations, qui lui sont consacrées. Les
documents iconographiques conservés rendent compte de la fascination des jeunes, qui
après avoir lu l’œuvre, eurent la chance de rencontrer son auteur.
C’est donc le village du Pradet — proche de Hyères-les-Palmiers, où, des années
durant, Rochefort participa fidèlement au Festival du jeune Cinéma, et voisin de La Garde,
où à plusieurs reprises, elle avait signé ses livres et
qui abrite, en sa bibliothèque
universitaire, le fonds Pierre Caminade (9) —, le Pradet, où vit aujourd’hui l’écrivain Rachel
Mizrahi (10), que Christiane Rochefort avait choisi.
Et les Pradétans ne l’ont pas oubliée. A la Bibliothèque Municipale Pauline Roland, le
7 mai 2004, fut inaugurée par le maire du Pradet, Roland Joffre, la « salle Christiane
Rochefort » et, le 14 décembre 2004,
un hommage littéraire lui fut rendu. Le fonds
Rochefort, qui ne cesse de s’enrichir, grâce aux efforts conjoints de Misha Burgess et
d’Odile Le Borgne, comprend actuellement non seulement ses œuvres, des traductions, des
dossiers de presse et des critiques, des documents iconographiques (notamment les photos de
Roger Argentino sur les lieux rochefortiens) mais aussi des ouvrages (près de 450, tant
français qu’étrangers), provenant de sa bibliothèque privée. Et les lecteurs de pouvoir
découvrir des ouvrages que Christiane Rochefort a tenus en main.
Julien Gracq vient de léguer près de 400 livres lui ayant appartenu à la ville de SaintFlorent-le-Vieil, où il demeure. Une salle de la bibliothèque municipale a été baptisée pour
l’occasion « espace Julien Gracq ». Salle Christiane Rochefort. Espace Julien Gracq. Nos
bibliothèques municipales recèlent des trésors.
Une manne considérable (11) pour qui
cherche à articuler les œuvres entre elles, à rêver leur dialogue ininterrompu.
Martine Sagaert
Professeur de littérature du XXe siècle
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1. Christiane Rochefort, Œuvre romanesque, préface et chrono-bibliographie de Martine
Sagaert, 2004. Voir le dossier de Claire Devarrieux (Libération du 11 novembre 2004) et
les articles de Josyane Savigneau (Le Monde du 3 décembre 2004) et de Clo Caldairou
(Nice-Matin, 9 janvier 2005).
2. Cette question a fait l’objet d’un colloque. Voir Bibliothèque(s), 15 juillet 2004, p. 60-61.
3. La Porte du fond, Archives, IMEC.
4. Voir La Lettre de l’IMEC, nouvelle série n°2, automne-hiver 2004, p. 25.
5. Voir Martine Sagaert, « Ouverture d’un chantier génétique » et Catherine Viollet, « La
Fabrique d’une autobiographie rebelle, Ma vie revue et corrigée par l’auteur » in Martine
Sagaert éd., Manuscrits littéraires, Presses Universitaires de Bordeaux, IUT des Métiers
du Livre, coll. « Lecteurs, Bibliothèques, usages nouveaux », 2005.
6. Cette sculpture de Christiane Rochefort orne sa dernière demeure au Père Lachaise.
7. Selon le philosophe allemand Hans Jonas, la technique place l’humanité devant un risque
écologique planétaire.
8. Adieu Andromède, Grasset, 1997, p. 34.
9. Christiane Rochefort avait rencontré le poète Pierre Caminade (1911-1998) en 1938.
10. Rachel Mizrahi, à qui l’on doit notamment Harry (1969) et L’un meurt, l’autre aussi
(1982), a traduit en collaboration avec Christiane Rochefort En flagrant délire de John
Lennon (1965).
11. Voir Bibliothèques d’écrivains, sous la direction de Paolo D’Iorio et Daniel Ferrer, CNRS
Editions, 2001.

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