FLORENCE L`ARNO ET SES PONTS

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FLORENCE L`ARNO ET SES PONTS
FLORENCE
L'ARNO ET SES PONTS
Avec ses 241km de cours, le "fleuve d'argent" draine un bassin d'environ 2847 km2 et
présente deux maxima : au printemps et en automne. Il arrose Florence puis Pise
avant de se jeter dans la mer Tyrrhénienne, au nord de Livourne (cf. fiche "Toscane").
L'ARNO, LE FLEUVE D'ARGENT
Un peu de géographie
N
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L'Arno prend sa source au mont Falterona, en plein cœur de
l'Apennin toscan. Il contourne les monts Pratomagno. Dans sa
haute-vallée, le Casentino, il descend vers le Sud, puis met le cap
au Nord, dessinant les boucles du Valdarno.
Quand il reçoit les eaux du Sieve, venu du Mugello (terre d'origine
des Médicis), l'Arno change une dernière fois de direction et coule
vers l'Ouest, vers Florence (tout un symbole !).
25km
Arno, miroir ou “furioso” !
Dans sa traversée de Flore n c e, l'Arno se pro m è n e, sur plus de 4 km de
long, entre de grands boulevards aménagés le long de ses rives et appelés
chacun "lungarno".
Ses crues sont subites et violentes. Outre celle de 1333, celle de 1966 restera dans l'histoire. Pendant tout l'automne, des pluies diluviennes s'abattent sur toute l'Italie et l'Arno grossit. L'aimable "fleuve d'argent" devient un
m o n s t re incontrôlable. Le ve n d redi 4 nove m b re 1966, Florence agonise,
sous un ciel de plomb, noyée par les eaux de son Arno (voir encadré).
QUATRE PONTS AU CŒUR DE LA VILLE
Dès le 13e siècle, quatre ponts enjambent le fleuve : le "Ponte Vecchio", les
ponts "alla Carraia" (1218), "alle Grazie" (1237) et "Santa Trinita". Chacun
d'eux possède une histoire tourmentée, succession d'effo n d rements, de
réfections, de remaniements ou d'élargissement. Voici, d'amont en aval :
Le pont "alle Grazie", plus fort que tous !
Construit sur ordre du podestat milanais Rubaconte da Mondello (1237), il
est le seul des quatre que n'emporte pas la terrible crue de 1333. Elle
"laisse les rues pleines d'eau et de boue puante qui ne peut être entièrement déblayée en six mois".
Jacopo degli Alberti orne ce pont, en 1374, d'un petit reposoir (sorte de
chapelle, démolie par la suite) dédié à Notre-Dame des Grâces, d'où son
nom.
UNE CATASTROPHE SANS PRÉCÉDENT
Le débit de l'Arno atteint ce jour-là 4200m3/s (2000m3/s pour
une crue habituelle) pendant 12 heures interminables. La violence du fleuve est telle que les quais cèdent : Santa Croce se
trouve engloutie sous 5 mètres d'eau. À plus de 70 km/h,
l'Arno envahit tout le centre historique, éventre les portails,
les devantures de magasins ou d'ateliers, fait exploser les
cuves de mazout et les installations de chauffage central,
enfonce les portes du Baptistère, arrache les panneaux de la
porte du Paradis (deux d'entre eux seront retrouvés à plus de
1 km de la place Saint-Jean)…
Chaque palais, chaque maison n'est plus qu'une île perdue au
milieu d'un torrent fou.
Le crucifix peint par Cimabue, les fresques de Santa Maria
Novella, et tant d'autres sont ravagés.
Dans la bibliothèque nationale, installée sur le lungarno, des
centaines de milliers d'ouvrages, de manuscrits s'entassent,
endommagés ou détruits. Les archives photographiques
n'existent plus, anéanties alors qu'elles conservaient l'ultime
trace d'œuvres volées par les Allemands pendant la 2e guerre
mondiale.
Dans le sous-sol des Offices, 8000 toiles de la Renaissance
baignent dans 2 m d'eau, pendant qu'au musée archéologique, les conservateurs, à genoux dans la boue, recherchent
les bijoux étrusques.
Quand le Christ de Cimabue quitte Santa Croce sur un char
militaire et traverse la ville, tous, ouvriers, volontaires, soldats, suspendent leur lutte contre la boue, se relèvent, se
découvrent et font le signe de croix.
Avec l'aide de l'UNESCO, l'inflexible Florence mettra 10 ans
pour panser ses plaies et retrouver son visage.
Le "Ponte Vecchio", de Rome à Florence
"SPRENGT DIE BRÜCKEN"
"Coupez les ponts" : tel est l'ordre qui fuse dans la
nuit du 4 au 5 août 1944 à l'état-major allemand.
Flore nce possède mainte nant 6 ponts. Deux
ouvrages du 19e siècle, "San Nicolo" à l'Est et "della
Vittoria" à l'Ouest, encadrent les quatre ponts historiques du cœur de la ville.
Les Alliés libèrent Rome (4 juin 1944) et la V e
armée américaine remonte rapidement vers le nord
de l'Italie. Pour entraver cette avance, les parachutistes allemands du colonel Adolf Fuchs font sauter
tous les ponts de Florence dans la nuit du 4 au 5
août. Tous, sauf un : le Ponte Vecchio, épargné sur
ordre du maréchal Kesselring, grâce au plaidoyer du
consul de Suisse Charles Steinhauslin (qui sera fait
citoyen d'honneur de Florence). Mais ses abords
sont impitoyablement détruits.
Les explosions provoquent de telles secousses qu'un
grand nombre de maisons-tours s'effondrent.
De 1952 à 1958, en six ans d'efforts, Florence reconstruit ses ponts.
L'origine du plus beau pont de Florence remonte à l'époque romaine.
A cet endroit, le plus étroit du fleuve, un peu en amont de l'ouvrage
actuel, un simple pont de bois relie les deux rives de l'Etrurie.
La crue de 1333 balaye le premier pont de pierres construit en 1080,
puis rebâti en 1170.
En 1345, Neri di Fioraventi (selon les uns) ou Ta ddeo Gaddi (selon
Vasari), dirige la réfection du pont : une longue artère flanquée d'une
double file de boutiques repose sur trois grandes arches de pierres.
La location des échoppes ap p o rte à la commune une source ap p r éciable de revenus (elles sont vendues à des particuliers dès 1495).
Sur ce pont-marché, les bouchers égorgent puis débitent leurs bêtes,
les poissonniers garnissent leurs étals, les tanneurs travaillent les peaux
en utilisant de l'urine de cheval … d'où un bouquet d'odeurs très
variées ! Une brèche, ménagée entre les boutiques, à la hauteur de la
petite place centrale, permet de laver le marché et de rejeter dans la
rivière les abats invendus, les déchets …
Cosme Ier (très prudent !) fait construire le corridor reliant le palais
Pitti, son domicile, au Palazzo Vecchio, ses bureaux. Vasari réalise cet
astucieux dispositif anti-attentat en cinq mois (printemps - automne
1565). Il abrite actuellement une superbe collection d'œuvres des 17e
et 18e s.
Incommodé par les odeurs, Ferdinand I, fils de Cosme, chasse tous les
a rtisans (1593) et re l o u e, deux fois plus cher, les boutiques aux
orfèvres et bijoutiers.
Le pont Santa Trinita :
"Où il était, comme il était !"
Pendant six siècles, il reste le quatrième et dernier pont construit
(1257).
Bartolomeo Ammanati lui donne son aspect définitif, de 1567 à
1570, d'après des plans de Michel-Ange : de formidables piliers en
é p e ron aigu qui fendent l'eau, une pente vigo u reuse au départ de
chaque rive, puis une partie centrale rectiligne.
Pour le mariage de Cosme II et de Marie-Madeleine d'Autriche (1608),
quatre statues représentant les saisons viennent orner les entrées du
pont. A l'angle de ce pont et du lungarno Acciaioli, Dante aurait rencontré Béatrice, celle qui l'inspirera toute sa vie.
Détruit en 1944, ce pont est, selon la volonté des Florentins, reconstruit "là où il était, comme il était" (1955 - 1958). La tête de la statue
du Printemps n'est retrouvée, dans l'Arno, qu'en 1961 !
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Le pont "alla carraia" : un bal y est donné !
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Reliant les quartiers industriels, il sert, dès 1218, au passage des chariots de marchandises, d'où son nom, et assure le trafic "poids lourds".
Lors des fêtes du Calandimaggio (en mai), les Florentins dansent sur ce
pont. En mai 1304, il s'effondre en plein bal!
Les ponts modernes
Les ponts "Vespucci" (1957), "Da Ve rrazzano" (1965/69), le viaduc
"all'Indiano" (1969-1976) et celui de Varlungo, portent aujourd'hui à 10
le nombre des ponts florentins.
1 - Pont de Varlungo
2 - Pont da Verrazzano
3 - Pont San Nicolo
4 - Pont alle Grazie
5- Ponte Vecchio
6 - Pont Santa Trinita
7 - Pont alla Carraia
8 - Pont Vespucci
9 - Pont della Vittoria
10 - Viaduc all'Indiano
Texte : René CUBAYNES - Conception et réalisation : Michèle GOZARD - Edition 2007