LE SECTEUR DE L`ELECTRICITE AU GHANA

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LE SECTEUR DE L`ELECTRICITE AU GHANA
AMBASSADE DE FRANCE AU GHANA
SERVICE ECONOMIQUE D’ACCRA
Mai 2016
LE SECTEUR DE L’ELECTRICITE AU GHANA
Le Ghana est l’un des pays africains où l’accès à l’électricité est le plus élevé, avec près de 80% de la
population concernée contre 50% au Nigéria. Depuis 2012, le pays traverse une crise énergétique
majeure, en raison du creusement de l’offre structurellement déficitaire alors que la demande connait
une forte progression. En 2015, au plus fort de la crise, des millions de particuliers ont subi chaque
jour des « dumsor », ces délestages électriques mis en place par le gouvernement afin de rationner la
distribution. La réponse tardive de l’Etat à cette crise a de forts impacts économiques et sociaux, le
mécontentement populaire se faisant de plus en plus fort. Ainsi, le déficit d’électricité coûterait au moins
un point de croissance du PIB chaque année au pays d’après les estimations de la Banque Mondiale.
Le secteur est donc désormais l’une des priorités du gouvernement.
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Mix énergétique
Le mix énergétique ghanéen, historiquement équitablement réparti entre l’énergie hydraulique et
l’énergie thermique, est aujourd’hui à dominance thermique. La capacité installée est en effet passée de
2 900 MW à 3 700 MW grâce à l’addition en un an d’environ 800 MW à partir des centrales à gaz.
Néanmoins, au regard du faible niveau d’eau du Lac Volta et de l’approvisionnement erratique en
combustible, la capacité fiable ne fait que décroître. Par ailleurs, le Ghana exploite progressivement son
potentiel d’énergie renouvelable, avec une capacité de 22,5 MW en solaire.
Le taux d’électrification du pays est actuellement de 80%, mais des disparités existent entre les zones
rurales (52%) et les zones urbaines (90%). Afin de réduire ces écarts, le gouvernement a mis en place le
National Electrification Scheme dont l’objectif est d’atteindre l’accès universel national à l’électricité
en 2020.

Organisation du secteur
Le Ministry of Energy and Petroleum est l’organe chargé de la politique énergétique au Ghana, il
supervise en particulier l’activité de VRA, GRIDCo et ECG. Il est également en charge de la liaison
avec la Public Utilities Regulatory Commission (PURC) et l’Energy Commission. Créée en 1997, cette
dernière conseille le gouvernement dans ses politiques concernant l’électricité. Elle établit régulièrement
des plans de développement qui ont une valeur indicative pour les autorités ghanéennes. Elle délivre
également des licences pour les opérateurs du secteur, et favorise le développement d’une offre privée
dans le pays. La PURC a également été établie en 1997. Commission indépendante, elle assure la
régulation du secteur de l’électricité et est principalement en charge d’établir la tarification en vigueur
pour les acteurs du secteur.
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Production
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Volta River Authority (VRA), producteur historique du Ghana, est une entité publique
détenue totalement par l’Etat. Spécialisée au départ dans l’énergie hydroélectrique
(barrages d’Akosombo et de Kpong), VRA a également développé un parc d’usines
thermiques à Tema et Takoradi. Aujourd’hui, cela représente près de 75% de la capacité
de production.
Bui Power Authority (BPA) gère le développement et l’exploitation de l’usine
hydroélectrique de Bui. Il s’agit d’une entité indépendante de VRA créée en 2007 et
financée conjointement par des capitaux chinois. Inaugurée en décembre 2013, cette
usine de 400MW représente près de 14% de la capacité de production du pays.
Plusieurs independant power producers (IPP) existent aux côtés de VRA et BPA :
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 Takoradi International Company (joint-venture entre TAQA Energy Company
d’Abu Dhabi et VRA)
 Sunon Asogli Power Plant (joint-venture chinoise entre Shenzhen Energy Group
Ltd et China Africa Development Fund)
 Cenit
 Cenpower devrait devenir le quatrième IPP en 2016.
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Transmission
GRIDCo est l’opérateur public indépendant dont l’actionnaire unique est le
gouvernement ghanéen chargé de la transmission d’électricité au Ghana. Crée en 2008,
il a repris les actifs et missions de la branche transmission de VRA qui était auparavant
en charge de cette activité.
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Distribution
 Electricity of Ghana (ECG) est le distributeur principal du pays, couvrant
36% du territoire (tiers sud du pays) mais distribuant près de 90% du volume
total. Il s’agit de l’une des plus importantes entreprises publiques ghanéennes.
 Northern Electricity Distribution Company, filiale de VRA, s’occupe de
couvrir le centre et le nord du pays, distribuant les 10% restant.
1- Les défis structurels du secteur

La crise de l’offre
Depuis plusieurs années, la demande énergétique du Ghana augmente de plus de 10% par an et a dépassé
l’offre en 2011. En 2015, on estimait entre 400 et 700 MW la pénurie d’électricité lors des pics de
consommation, ce qui a conduit le gouvernement à mettre en place un programme de délestages (plus
communément appelés « dumsor »), pouvant entraîner des coupures jusqu’à 24 heures consécutives.
La mauvaise maintenance des infrastructures et le manque d’investissement, de même que le lent
développement des IPP sont les raisons principales de cette crise énergétique. De plus, les faibles
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précipitations ont pénalisé la production hydroélectrique, réduisant les rendements notamment du
barrage d’Akosombo.
Face à cette situation critique, le Ministère de l’Energie et des Hydrocarbures a établi un plan d’urgence
en 2014, nommant un ministre spécialement chargé du dossier électrique (K.Donkor). L’objectif de ce
plan était d’apporter près de 800 MW de capacité additionnelle d’ici fin 2015, et plus de 2 000 W à
l’horizon 2020. Le non-respect de la première échéance a conduit le ministre de l’époque à
démissionner. Néanmoins, la situation s’est progressivement améliorée, les dumsors n’étant plus
récurrents mais ponctuels. L’exploitation prochaine, à l’horizon 2017-2018, du champ gazier de Sankofa
devrait permettre de se rapprocher de l’objectif des 2 000 MW. Aujourd’hui, l’essentiel de la production
de gaz provient du gisement de Jubilee (environ 2.8 M m3/jour). Celle-ci est complétée par l’importation
de gaz nigérian, mais dont l’approvisionnement est irrégulier et coûteux.

Un secteur public peu performant
Le segment de la distribution est également défaillant. Le distributeur majoritaire du pays, et principal
client des opérateurs publics subit des déficits chroniques en raison non seulement d’une mauvaise
gestion et gouvernance de l’entité, mais également des problèmes opérationnels de collecte. Ses faibles
revenus financiers se répercutent ainsi sur l’ensemble de la chaîne de valeur électrique.
La fixation de tarifs trop bas par la PURC depuis 2012 n’ont pas permis aux opérateurs électriques de
recouvrir leurs coûts et la santé financière d’ECG, VRA et GRIDco s’est fortement dégradée.

Une santé financière des opérateurs dégradée
Un schéma de créances croisées entre les acteurs du secteur mine la performance de leurs opérations.
ECG ne payant pas l’intégralité des factures de VRA, ce dernier est dans l’incapacité d’honorer ses
dettes fournisseurs à Ghana Gas et le paiement de ses importations pétrolières et gazières.
VRA cumule désormais près de 180 M USD d’impayés provoquant un risque de rupture de
l’approvisionnement via le West African Gas Pipeline. Accumulant les arriérés, la société doit ainsi
importer du pétrole afin d’alimenter ses centrales. On estime que le groupe public aurait besoin de 30
M USD par mois pour se fournir en pétrole brut afin d’alimenter les centrales thermiques de Tema et
Takoradi, permettant la production de 520 MW. L’ensemble des centrales thermiques de Tema ont ainsi
dû fermer en novembre 2015, en raison de l’incapacité à payer l’approvisionnement nécessaire en
carburant.
L’ensemble de ces difficultés ont conduit, en fin d’année dernière, à une hausse de 59% des tarifs
publics, répercutant le coût de ces solutions de court terme et la nécessité de plan d’urgence.
Toutefois, la mise en place de solutions comme la location de centrales électriques flottantes est très
coûteuse et pas viable sur le long terme, comme l’accord signé en 2015 pour la fourniture de deux barges
productrices de 225 MW de la part de la société turque Karadeniz.
Des efforts restent également à accomplir dans le recouvrement des factures au secteur public (13%
contre 93% pour le secteur privé et les ménages).
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2- Vers une réorganisation du secteur
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Participation du secteur privé
Une modernisation et une restructuration de l’ensemble du secteur est donc nécessaire, notamment par
le biais d’investissements privés (IPP), compte tenu de la mauvaise santé financière des entreprises
publiques du secteur.
Le Ministre démissionnaire Donkor a ainsi indiqué en novembre 2015 sa volonté de renforcer le
partenariat public-privé dans le secteur électrique de la production à la distribution, où l’Etat garderait
un rôle de régulation. Ainsi, un projet de participation privé via une mise en concession d’ECG est en
cours. L’appel d’offre devrait être publié en juin 2016.
Mais le cadre réglementaire du secteur reste complexe, et en raison des exigences du programme FMI,
les avantages fiscaux sont revus à la baisse. Malgré cela, plus d’1 Mds USD ont été investis au cours
des cinq dernières années. General Electric a ainsi un projet de génération de 1 000 MW d’ici 2022 (une
première phase de 240 à 360 MW pourrait être finalisée d’ici la fin 2016). Cenpower Limited a lui signé
pour la construction d’une centrale thermique de 350 MW à Kpone d’ici 2018 pour un montant de 900
M USD.
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La restructuration de la dette du secteur
Si les réformes amorcées ont participé à un début d’assainissement du secteur, ce dernier continue de
crouler sous les dettes. En janvier 2016, le gouvernement a introduit l’Energy Sector Levy Act, qui
prévoit une taxe supplémentaire sur les produits pétroliers, entrainant une augmentation du prix à la
pompe de 25%. Cette dernière est censée soulager le besoin de liquidités du secteur de l’énergie.
A l’été 2014, l’agence gouvernementale américaine Millenium Challenge Corporation a signé le Ghana
Power Compact. Ce plan de 498 M USD sur 5 ans vise à soutenir la transformation du secteur
énergétique ghanéen, en stimulant l’investissement privé afin d’améliorer la capacité de production et
de transmission des infrastructures.
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La transition thermique confirmée
L’exploitation prochaine du champ TEN, et en 2018 de celui de Sankofa permettront un
approvisionnement à 80% par le gaz. Le Ghana envisage également la production d’électricité par le
« charbon propre » en suivant l’exemple allemand. Cela permettrait de réduire le déficit de l’offre à un
coût inférieur aux technologies existantes. Ainsi un projet de centrale de 2 000 MW est actuellement à
l’étude avec une coopération entre VRA et le groupe chinois Shenzhen Energy. Une première phase de
700 MW devrait être installée dès 2019.
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Les opportunités du secteur des énergies renouvelables
Dans ce contexte difficile, le secteur des énergies renouvelables représente une véritable opportunité
pour le pays, comme alternative aux approvisionnements coûteux. Dès 2011 le pays s’est doté d’une
législation incitative en adoptant le Renewable Energy Act, se plaçant comme précurseur en Afrique
Sub-Saharienne. Cette loi vise la promotion et le développement des sources d’énergies renouvelables,
l’objectif étant qu’elles représentent 10% au sein du mix électrique d’ici 2020.
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Au plan institutionnel, la politique ghanéenne est mise en œuvre par le Directorate of Renewable Energy
and Alternate Energy, rattaché au Ministry of Power et à l’Energy Commission. Cette institution a pour
rôle de conseiller le gouvernement, et de délivrer des licences pour les IPP dans ce secteur. Le
programme Scaling Up Renewable Energy Program a été initié en mai 2015 afin de stimuler le
Renewable Energy Act, et l’atteinte de l’objectif des 10% dans le mix énergétique du pays.
En février 2015, le président Mahama a annoncé vouloir installer 200 000 systèmes solaires pour
répondre à la crise énergétique. Une première usine solaire capable de produire 20 MW a été terminée
en novembre 2015, initié par BXC Ghana Limited, branche de la société chinoise BXC, à la suite d’une
convention d’achat passée avec ECG.
Le marché des énergies renouvelables au Ghana est donc aujourd’hui fortement attractif et plusieurs
dizaines de projets sont désormais en attente de licence par la commission énergétique dans les filières
solaires. Les demandes sont donc nombreuses, mais se heurtent à une même difficulté : la capacité
financière de l’acheteur ECG.