SpanioMénorrhée de l`adoleScente Quelles pathologies

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SpanioMénorrhée de l`adoleScente Quelles pathologies
Gynécologie
Spanioménorrhée de l’adolescente
Quelles pathologies rechercher ?
On appelle spanioménorrhée l’allongement de l’intervalle qui sépare deux épisodes
de règles, parfois au-delà de 6-8 semaines. A l’âge de 13 ans, la durée des cycles
(5-95e percentile) est comprise entre 19 et 64 jours. La persistance de cycles longs
Dr Claire Bouvattier
Endocrinologie pédiatrique,
Hôpital Bicêtre,
Le Kremlin-Bicêtre
ne doit pas être négligée. En effet, les troubles du cycle persisteront chez la moitié
environ des filles qui ont des cycles longs après les premières règles.
Introduction
90 % des filles entre 11 et 14 ans (en
moyenne 12,8 ans), environ 2 ans après
le début du développement des seins.
Les premières règles sont une étape de
la maturation de l’axe hypothalamohypophyso-ovarien et les cycles vont
La puberté chez les filles survient dans
95 % des cas entre 8,5 et 13 ans, âges
compatibles avec un début dit “normal” de la puberté. Aujourd’hui, les
premières règles surviennent chez
HYPOTHALAMUS
Neurones
ANTEHYPOPHYSE
Système porte
hypothalamo-hypophysaire
GnRH
POST-HYPOPHYSE
Cellules glandulaires
FSH
Cycle des
gonadotrophines
hypophysaires
circulation sanguine général
LH
Pic ovulatoire
GnRH
FSH
LH
Phase folliculaire
14
Ovulation
Phase lutéale
Cycle
ovarien
Follicules privilégiés
Follicules de
de Graaf
Cycle des
hormones
ovariennes
Corps jaune
28
CORTEX
OVARIEN
Dégénérescence
fibreuse
Progestérone
Œstrogènes
1 2 3 4 5
28e jour
14e jour
Menstruation
Destruction de
la zone fonctionnelle
de l’endomètre
Figure 1 - Le cycle menstruel.
46
UTERUS
se régulariser en 2-3 ans (Fig. 1). La
première année, 50-80 % des cycles
sont anovulatoires et 50 % des cycles
sont irréguliers, leur longueur pouvant
varier de 15 jours à plusieurs mois.
Parallèlement à ces caractéristiques
cliniques, les cycles post-pubertaires
immédiats présentent des particularités biologiques et échographiques.
L’absence ou l’insuffisance en progestérone est constante et il existe une
hyperandrogénie modérée, avec des
concentrations circulantes de LH, androsténédione et de testostérone significativement plus élevées chez les
jeunes filles qui ont des cycles longs
que chez celles qui ont des cycles réguliers. A l’échographie, les ovaires ont
un volume supérieur à celui de l’âge
adulte. Ils sont multi-folliculaires. Au
décours de la puberté, les troubles
du cycle sont fréquents, très souvent
fonctionnels et transitoires.
Approche diagnostique
bbInterrogatoire
Après l’analyse des dates des règles
dans l’année, des antécédents médicaux notables (radiothérapie, chimiothérapie), on notera l’âge auquel la
pilosité pubienne est apparue, l’âge
auquel les premières règles sont survenues. Les signes d’accompagnement
des règles seront précisés : douleurs,
abondance… Sur le plan familial, seront précisés l’âge de la puberté des
femmes de la famille, et l’existence de
syndrome des ovaires polykystiques.
Adolescence & Médecine
Spanioménorrhée de l’adolescente
bbExamen clinique
L’examen clinique confirme que le développement pubertaire est complet,
note le poids et ses variations récentes
et la taille. La courbe staturo-pondérale sera reconstituée.
bbUn objectif : rechercher
l’hyperandrogénie
L’objectif essentiel de l’examen est de
rechercher des signes d’hyperandrogénie. L’acné est peu significative, de
nombreuses adolescentes présentant
de l’acné. L’hirsutisme, c’est-à-dire la
pilosité dans les zones androgéniques
(lèvre supérieure, favoris, pilosité inter-mammaire, péri-mammelonaire,
sur la ligne blanche de l’abdomen)
doit être côté (Fig. 2). Sa présence est
d’autant plus significative qu’il est apparu à la puberté et progresse. Une séborrhée et une alopécie androgénique
seront notées. La galactorrhée, rare,
est notée.
de 2 ans, et qu’il n’y a ni douleur ni
signe clinique d’hyperandrogénie : la
terstitielles) et surrénalienne (zone
réticulée du cortex) et de la conver-
spanioménorrhée est très probable-
sion périphérique par le foie, la peau
ment fonctionnelle et transitoire. Au-
et le muscle, des précurseurs peu ac-
cune exploration n’est nécessaire, une
surveillance simple est requise. Les
cycles vont se régulariser.
tifs. La SDHA est exclusivement surré-
bbEn cas de signes
d’hyperandrogénie
S’il existe des signes cliniques d’hyperandrogénie : un bilan biologique
et échographique est nécessaire, une
hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle transitoire est le plus souvent
en cause. La LH, et/ou la testostérone
et/ou l’androsténédione, mesurées
le matin, en aménorrhée ou dans les
5 premiers jours du cycle, sont élevées.
A l’échographie, pratiquée à cet âge
par voie abdominale, les ovaires sont
gros, multi-folliculaires ou polykystiques.
Approche étiologique
Rappel de la physiologie
des androgènes
bbAbsence de signe cliniques
culants proviennent de la stéroïdo-
Si les premières règles datent de moins
genèse ovarienne (cellules théco-in-
Chez la femme, les androgènes cir-
nalienne, alors que la D4 androsténédione provient pour moitié de l’ovaire
et de la surrénale. La testostérone circulante provient à 50 % de la conversion périphérique de la D4, la DHA et
la SDHA.
Les 50 % restants sont sécrétés par
l’ovaire et la surrénale en quantités
égales. La DHT est quasi totalement
formée en périphérie par la conversion périphérique de la testostérone
par la 5 alpha-réductase.
Difficulté du diagnostic
de syndrome des ovaires
polykystiques
Le diagnostic de syndrome des ovaires
polykystiques, difficile à cet âge, ne
doit pas être asséné de façon définitive
à une jeune fille dans les quelques années qui suivent l’installation des premiers cycles, tant ses conséquences
sont grandes en termes de suivi et
de fertilité future. Certains auteurs
Figure 2 - Cotation de l’hirsutisme par le score de Ferriman.
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Gynécologie
préconisent de ne pas poser ce diagnostic avant 18 ans. Une méta-analyse récente recommande de poser le
diagnostic de syndrome des ovaires
polykystiques seulement au moins
2 ans après les règles, chez les filles
présentant une spanioménorrhée, une
hyperandrogénie, et des ovaires polykystiques à l’échographie (ovaires >
10 cm3). Le diagnostic ne doit pas être
posé si l’un seul de ces critères est présent. Il est à discuter devant une hype-
randrogénie et une spanioménorrhée
traînante, sans ovaires polykystiques à
l’échographie.
Les autres causes
d’hyperandrogénie
Elles sont très rares. Le déficit en 21-hydroxylase, dans sa forme non classique,
est confirmé par des concentrations
de 17-hydroxy progestérone élevées le
matin. Toute spanioménorrhée accompagnée de signes d’hyperandrogénie
sévères et surtout d’évolution rapide
doit faire évoquer le diagnostic de syndrome de Cushing ou de tumeur ovarienne ou surrénalienne.
bbSpanioménorrhée persistante
sans signe d’hyperandrogénie
Si la spanioménorrhée persiste alors
que les règles sont installées depuis
plus de 2 ans, et qu’il n’y a pas de signe
clinique d’hyperandrogénie : un bilan est nécessaire. Le syndrome des
ovaires polykystiques peut ne don-
ner que des troubles des règles et des
signes biologiques et échographiques.
Toute spanioménorrhée qui s’aggrave
peut être le reflet d’une insuffisance
ovarienne primitive qui s’installe,
congénitale ou acquise. La FSH et la
LH sont élevées.
bbSpanioménorrhée persistante
associée à une galactorrhée
Si la spanioménorrhée est associée à
une galactorrhée : ceci fait évoquer le
diagnostic, rare à cet âge, d’adénome
à prolactine. L’hyperprolactinémie
doit être confirmée biologiquement,
de façon certaine, avant la réalisation
d’une IRM hypophysaire.
Quelles sont
les approches
thérapeutiques ?
Les indications thérapeutiques dépendent des symptômes dont se plaint
la patiente (hirsutisme, cycles irréguliers…) et des résultats des explorations.
met la régression des signes cliniques
d’hyperandrogénie en quelques mois.
Une fenêtre thérapeutique au bout de
18 mois par exemple, permet de vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une hyperandrogénie ovarienne fonctionnelle
transitoire, et non d’un authentique
syndrome des ovaires polykystiques.
bbRégularisation des cycles
Si la patiente ne souhaite qu’une régularisation des cycles, la prescription
d’un progestatif de type Duphaston® ou
Luteran® 5 mg, 10 jours par mois, est
suffisante. Une surveillance régulière
vérifiera l’absence de survenue d’une
hyperandrogénie. La pilule estroprogestative permet, par son effet antigonadotrope, de freiner la sécrétion
de LH et de normaliser la production
ovarienne d’androgènes.
bbCorrection des signes
d’hyperandrogénie
Si les cycles longs sont le reflet d’une
insuffisance ovarienne, un traitement
hormonal substitutif est prescrit.
L’hydrocortisone est le traitement de
choix de première intention de l’hyperplasie congénitale des surrénales.l
La correction des signes d’hyperandrogénie nécessite l’utilisation d’anti-androgènes. L’acétate de cyprotérone (Androcur®) est le médicament
de choix. Il a un effet anti-androgène,
anti-gonadotrope et progestatif. Il
est prescrit 3 semaines/mois, associé à 2 mg d’estradiol (Provames®,
Oromone®…). Cette association per-
Mots-clés :
Spanioménorrhée, ­Diagnostic,
­Hyperandrogénie, Cycles, ­Syndromes
des ovaires polykystiques,
­Galactorrhée.
Pour en savoir plus
• Alemzadeh R, Kansra AR. New adolescent polycystic ovary syndrome
women: a comparison of polycystic ovary syndrome and
perspectives. Minerva Pediatr 2011 ; 63 : 35-48.
21-hydroxylase-deficient nonclassic adrenal hyperplasia. Fertil Steril
• Fothergill DJ. Common menstrual problems in adolescence. Arch Dis
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Child Educ Pract Ed 2010 ; 95 : 199-203.
• Wiksten-Almströmer M, Hirschberg AL, Hagenfeldt K. Prospective
• Carmina E, Oberfield SE, Lobo RA. The diagnosis of polycystic
follow-up of menstrual disorders in adolescence and prognostic
ovary syndrome in adolescents. Am J Obstet Gynecol 2010 ; 203 :
factors. Acta Obstet Gynecol Scand 2008 ; 87 : 1162-8.
201-10.
• Hickey M, Balen A. Menstrual disorders in adolescence: investigation
• Pall M, Azziz R, Beires J, Pignatelli D. The phenotype of hirsute
and management. Hum Reprod Update 2003 ; 9 : 493-504.
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