raymond roy-camille, 10 ans deja…
Transcription
raymond roy-camille, 10 ans deja…
Tribune libre RAYMOND ROY-CAMILLE, 10 ANS DEJA… Claude Laville est il y a 10 ans déjà, à la fin du feu d’artifice du 14 Juillet à PARIS, que le Professeur Raymond ROYCAMILLE nous a quittés, laissant les siens et tous ses élèves dans une profonde tristesse. C’ LANCE, Lucien LEGER et bien sûr Robert JUDET à Saint-Louis tout d’abord puis à Raymond Poincaré à GARCHES ensuite. De la Martinique où il est né le 25 Avril 1927, il avait gardé ce côté rayonnant et généreux. Il y fit brillamment toutes ses études jusqu’à arriver à Paris en 1945. C’est R. J. qui l’oriente vers la chirurgie orthopédique et il publia son mémoire sur la pseudarthrose des os longs qui fut couronné par la médaille d’or de l’internat en 1958. Après son clinicat, il faut nommé maître de conférences agrégé en orthopédie en 1966. Nommé externe des Hôpitaux de Paris en 1948 puis interne en 1952, il fut également anatomiste, aide d’anatomie en 1955 puis prosecteur en 1957. A l’époque il s’intéresse beaucoup au traitement des tumeurs osseuses et au traitement des ostéites suppurées dont il rapporta du Canada la technique que PAPINEAU y avait développé en lui associant le fixateur externe. Il publia en 1959 un merveilleux travail de coupes horizontales du tronc qui servit de base de référence à la lecture des premiers scanners. Ce travail fut préfacé par un de ses maîtres qu’il affectionnait particulièrement : Gaston CORDIER. Dans le bouillonnant service de GARCHES, Robert JUDET avait déjà développé une ostéosynthèse du rachis cervical. R. ROY-CAMILLE aimait à rapporter le conseil de son Maître : “Si tu veux devenir célèbre, intéresse toi à ce qu’aucun chirurgien ne veut toucher : Le Rachis”!!! Il côtoya au cours de son internat les plus grands noms de la chirurgie : HEPP, COUVELAIRE, FEVRE, RACHIS - Vol. 16, n°3, Septembre 2004 155 Tribune libre mation adaptée à ce type de patient, merveilleusement secondé pour cela par son épouse Madeleine décédée accidentellement par la suite. C’est un jour de 1963 que naquit la visée pédiculaire : Madame Ben F… était hospitalisée en rééducation à GARCHES, paraplégique par une fracture instable du rachis lombaire, les rééducateurs ne pouvaient l’asseoir en raison de l’instabilité. R. R-C. l’opéra pour fixer sa colonne par deux plaques de Shermann et découvrit, ce faisant, que l’endroit le plus solide pour y fixer les vis de 4 millimètres était le pédicule vertébral. Le sujet fit alors l’objet d’une communication particulière. Sa curiosité le fait voyager énormément, aux Etats Unis, en Amérique du Sud d’où il revient avec beaucoup d’élèves passionnés, en Australie où il rencontre HUGDSON (qui l’avait frappé par le port d’une chemise blanche sur laquelle était inscrit en lettres rouges “I AM THE BEST”!!!). Le PEDICULE, l’histoire était née. Puissamment aidé par la quantité colossale de travail que fournissait Gérard SAILLANT, ils publièrent plus tard une étude anatomique des pédicules vertébraux. Il reçoit CLOWARD à POISSY et s’ouvre ainsi aux autres pathologies du rachis : tumorale, infectieuse, tuberculeuse et dégénérative. Il devint chef de service de l’Hôpital de POISSY en 1971. C’est dans ce service qu’il commença à fonder une véritable école de chirurgie du rachis. Peu à peu son nom devint indissociable des traumatismes du rachis. Il crée alors à POISSY un véritable centre du rachis avec déjà un héliport pour recevoir les urgences, une réani- Il ne délaisse pas pour autant l’orthopédie, et s’intéresse à la hanche où Robert JUDET avait été le pionnier avec la première prothèse de hanche puis la fixation sans ciment. R. R-C. poursuit dans cette voie développant à son tour une arthroplastie avec et sans ciment à fixation madréporique. RACHIS - Vol. 16, n°3, Septembre 2004 156 Tribune libre conseil ou d’apaiser une angoisse. Nous travaillions sans relâche et sans nous en rendre compte, sa gentillesse et sa bonhomie naturelle nous récompensait, souvent agrémentée d’un bon repas à “La Cigale” restaurant en face de la PITIE. La chirurgie occupait évidemment beaucoup de notre temps mais les publications également. La fièvre parvenait à son paroxysme au mois de Juin avant les Journées de la Pitié, héritière des Journées de Garches, où alternaient démonstrations opératoires retransmises en direct sur téléviseurs et communications où nous présentions l’expérience du service. Il excellait alors dans la synthèse et les réponses aux questions de l’auditoire ; les plus embarrassantes étant parfois éludées d’une pirouette humoristique dont il avait le secret. En plus des Journées il y avait les conférences internationales à préparer, les diapos de l’époque n’étaient souvent prêtes que quelques heures avant le vol pour QUITO ou SIDNEY. Dans les années 80, n’y suffisant plus à lui tout seul, il nous avait formés en Missi Dominici de la “bonne parole pédiculaire” et c’est ainsi que BENAZET, LAPRESLE, LAZENNEC, MAZEL et moi-même, jeunes internes ou chefs, furent propulsés dans les plus grandes conférences internationales pour parler du pédicule devant des parterres aux noms prestigieux : Bill FIELDING, BÖHLER, EDWARDS, SIMMONS et autres. Lorsque nous nous inquiétions de ne pas connaître la traduction anglaise de tel ou tel mot, il nous répondait “T’inquiète pas dis le en Français avec l’accent anglais mais surtout ne t’arrête pas” et… ça marchait !!! C’est en 1976 qu’il devient chef de service à la PITIE. Appuyé sur de solides et vigoureux capitaines que sont Gérard SAILLANT, Thierry JUDET et Yves CATONNE, le service s’ouvre encore davantage sur le monde entier. Le nombre de résidents étrangers ne cesse de croître tant l’attrait du Maître est important. Nous, les internes et chefs de clinique de l’époque sommes fascinés par ce Patron à l’esprit ouvert à tout, curieux de tout, qui démystifie en un coup de crayon le geste chirurgical qui nous semblait impossible de réaliser. Il nous dopait en nous insufflant son énergie à tel point que la direction de la visée pédiculaire était devenue la devise du service “DROIT DEVANT” et figurait en bonne place sur les ordonnances de l’Assistance Publique !!! Il était bien sûr membre de nombreuses sociétés savantes, Françaises, Américaines et internationales, mais son panache trouva surtout son éclat lorsqu’il fut président de la SOFCOT en 1989, l’année du bicentenaire de la révolution, où il déplaça la date du congrès de Novembre au 14 Juillet et où les plus grands noms de la chirurgie orthopédique étaient présents au dîner de gala inoubliable autour des grandes eaux du Château de Versailles. Au staff de 7 H 45 le matin, nous présentions les dossiers des patients opérés la veille ou durant la nuit. IL n’y avait jamais de sa part de réprimande stérile mais des conseils constructifs avec très souvent des phrases leit-motiv telle que “La confiance n’exclue pas le contrôle” et surtout “la faute technique est pardonnable, celle de l’esprit ne l’est pas”. Il se préoccupait de l’avenir de la chirurgie orthopédique Française et fut à l’origine du collège Français de chirurgie orthopédique et traumatologique dont il fut le secrétaire général pendant 15 ans. Sa disponibilité était telle qu’il laissait toujours la porte de son bureau ouverte au cas où nous avions besoin d’un RACHIS - Vol. 16, n°3, Septembre 2004 157 Tribune libre Il se souciait également du devenir de ses élèves en leur conseillant telle ou telle installation pour ceux qui quittaient l’hôpital. cité filiale. Nos liens s’étaient d’autant plus resserrés que Chantal sa seconde épouse lui a offert le bonheur immense d’avoir Julie sa fille, du même âge que Jeanne la mienne, et qui demeurent amies fidèles. Sa joie de vivre, son enthousiasme, sa générosité ont permis de créer autour de lui et dans le service en particulier, une ambiance conviviale, voire familiale qui lui donnait une autorité toute naturelle. Il m’a, certes appris, (je pense) la chirurgie, la Martinique que nous avons parcouru de mornes en ravines, la façon de faire le Ti-Punch et de bien tirer les perdreaux, mais il a surtout été pour moi un exemple de générosité, de droiture, de sincérité et de fidélité. Il avait en plus l’élégance, dans tous les sens du terme, l’élégance de l’homme, l’élégance du geste chirurgical tout comme celle de la précision de son tir, à la chasse, où il excellait. Profondément croyant c’était un homme bon avant tout, aimant surtout faire partager le bonheur qui l’habitait. Cette élégance se manifestait encore dans le soucis qu’il avait de son prochain, aussi bien pour ses patients que dans l’attention qu’il portait au personnel de l’Hôpital, ou d’ailleurs qui l’entourait et qui l’aimait. A tous ces titres le Professeur Raymond ROY- CAMILLE reste l’exemple d’un grand Patron à l’esprit ouvert curieux de tout enthousiaste et stimulant. A tous ces titres Raymond reste un exemple d’homme droit et généreux, que j’ai eu l’infini bonheur de côtoyer et d’aimer. ■ J’ai eu cette chance extrême d’opérer avec lui tous les Mercredis pendant 10 ans. Il s’était produit une compli- RACHIS - Vol. 16, n°3, Septembre 2004 158