SURVEILLANCE DES INFECTIONS ASSOCIEES - CClin Sud-Est

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SURVEILLANCE DES INFECTIONS ASSOCIEES - CClin Sud-Est
SURVEILLANCE DES INFECTIONS
ASSOCIEES AUX SOINS (IAS)
Epidémiologie
BERTHELOT P., Saint Etienne, FABRY J., Lyon
Juillet 2010
Définition de la surveillance
Quel que soit son domaine d’application, la surveillance est définie comme "le recueil continu et systématique,
l’analyse et l’interprétation des données sur la santé nécessaires pour la planification, la mise en œuvre et
l’évaluation des pratiques de santé publique, ce qui est étroitement lié à la dissémination de ces données à ceux
qui doivent les utiliser ". Tout compte dans cette définition et particulièrement l’insistance sur l’utilisation des
données : la surveillance ne se limite pas à un simple recueil de données, mais doit permettre de réaliser un état
des lieux de la problématique surveillée, de dégager des caractéristiques spécifiques, des tendances et des
priorités, puis de documenter l’efficacité des mesures de prévention. Ceci est bien résumé par la formule
"surveiller pour agir".
D’une façon plus précise, la surveillance permet :
(1) de quantifier les événements pour déterminer des priorités pour l’action, cibler les actions à entreprendre et
générer une volonté politique,
(2) d’identifier des groupes à risque, d’objectiver l’efficacité d’un programme de contrôle et d’identifier des
épidémies (fonction d’alerte),
(3) de générer des hypothèses (pour des investigations complémentaires),
(4) éventuellement de fournir une source de cas et de témoins pour des études épidémiologiques approfondies.
Pour cela, la surveillance doit produire des indicateurs sous forme de taux : le nombre d’événements observés
(numérateur) est rapporté à la population observée (dénominateur) pour mesurer le risque d’apparition des
événements dans cette population.
La surveillance s’applique à de nombreuses pathologies aiguës ou chroniques, infectieuses ou non et
également à des pratiques (surveillance couverture vaccinale…) Elle est particulièrement recommandée pour
les maladies qui entraînent une morbidité et une mortalité importantes, ou dont le potentiel épidémique est
important, ou qui font l’objet de programmes d’action spécifiques, et chaque fois que l’information collectée est
utile à la réalisation d’actions de santé quel qu’en soit le niveau. Avec une morbidité importante (600 000 à 1
100 000 cas par an), une mortalité estimée entre 1 500 et 4 000 décès par an, des épidémies hospitalières
fréquentes dues à des micro-organismes dont la résistance ne cesse d’évoluer, et plusieurs programmes
nationaux de prévention, les infections associées aux soins (IAS) remplissent parfaitement ces conditions. De
plus ces infections génèrent des surcoûts importants, un argument supplémentaire en faveur d’une évaluation et
d’un suivi de ce type d’infection.
Efficacité de la surveillance des infections associées aux soins (IAS)
Plusieurs études ont bien documenté l’efficacité de la surveillance des IAS lorsqu’elle est associée à des actions
de prévention et bénéficie de l’appui de professionnels formés. Le projet américain SENIC a été le premier à
montrer un effet fort de la surveillance (un tiers de réduction des IAS) dans de telles conditions de mise en
œuvre. Ceci a été confirmé par l’expérience du programme NNIS avec une diminution de plusieurs types
d’infection, notamment en réanimation. En Europe, l’expérience des principaux réseaux de surveillance ayant
acquis une longue expérience va dans le même sens : PREZIES au Pays-Bas, KISS en Allemagne et RAISIN
en France. Plusieurs travaux français illustrent cette efficacité, pour les infections du site opératoire (ISO), les
infections à Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) ou les IAS en réanimation. Au-delà de ses
buts épidémiologiques, la surveillance peut répondre à des exigences réglementaires ou de certification, et
fournir des informations utilisables pour la communication interne (gouvernance, commissions, professionnels,
usagers) et externe.
Il est plus difficile de mesurer l’efficience de la surveillance en prenant en compte son efficacité et le temps
nécessaire pour le recueil et l’analyse des informations, temps qui peut réduire celui qui est imparti aux actions
de prévention. Plusieurs solutions sont proposées pour augmenter l’efficience de la surveillance : la
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dématérialisation des circuits d’information, l’automatisation du recueil, la sélection des cibles, la surveillance
tournante ou discontinue, et l’allègement des méthodes, une fois les taux cibles atteints.
Qualités attendues d’un système de surveillance
La qualité de la surveillance doit être évaluée sur des critères opérationnels et scientifiques :
la simplicité et l’acceptabilité du recueil,
l’existence et la rapidité de la rétro-information,
la représentativité des patients surveillés par rapport aux patients pris en charge,
la validité des résultats, c’est-à-dire la capacité à identifier correctement les sujets atteints d’IAS
(sensibilité) et ceux qui ne le sont pas (spécificité).
Par ailleurs, on prendra en considération d’autres éléments : le ciblage des situations à haut risque infectieux, la
possibilité d’ajustement des taux d’infection par rapport aux facteurs de risque, l’utilisation de définitions
standardisées rendant les résultats comparables dans le temps et l’espace.
Un des problèmes récurrents de la surveillance épidémiologique est la quantité et le niveau de complexité de
données à recueillir. Si l’objectif de la surveillance est de fournir une appréciation précise du risque infectieux et
de réaliser des comparaisons, des ajustements sur les facteurs de risque sont nécessaires et le nombre de
données à recueillir peut devenir important générant un travail et des coûts significatifs. A l’inverse, des
indicateurs plus simples peuvent permettre de suivre les efforts entrepris, d’adapter ces efforts et les moyens de
prévention, et d’informer les usagers de santé. Il apparaît donc nécessaire de trouver un compromis pour le
recueil des données entre la charge de travail et la nécessité de recueillir des données d’ajustement.
Les différentes méthodes de surveillance
Globalement, les systèmes de surveillance peuvent être classés de la façon suivante.
(1) selon leur niveau de continuité dans le temps :
- surveillance continue des nouveaux cas d’infection (incidence annuelle),
- surveillance discontinue des nouveaux cas d’infection : incidence pendant une période plus limitée, par
exemple : un trimestre par an,
- surveillance par réalisation d’études de prévalence ponctuelle (un jour donné) de façon répétée (ou non),
par exemple : tous les trimestres, tous les ans, etc.
(2) selon leur extension dans l’espace :
- surveillance coordonnée d’un ensemble d’établissements ou de services constituant un réseau de
surveillance,
- surveillance transversale de l’ensemble d’un établissement, par ex : surveillance des infections à bactéries
multirésistantes aux antibiotiques (BMR),
- surveillance d’un service ou d’une spécialité particulière (ex : chirurgie, réanimation, dialyse …),
- surveillance de patients en fonction de leur pathologie sous-jacente ou comorbidité (ex : patients
immunodéprimés) ;
(3) selon que les informations sont recueillies pour chaque patient individuellement, ou que des données
patients (numérateur) sont rapportées à des données agrégées disponibles au niveau de l’établissement ou du
secteur de soin (dénominateur) : nombre d’admissions, d’interventions, de séances de dialyse, etc…
(4) selon la méthode de recueil des données : signalement, visite des services, revue des dossiers patients,
utilisation des résultats de laboratoire ou des prescriptions, etc.
(5) selon qu’ils surveillent un évènement de santé (infection associée aux soins) ou des pratiques de prévention
de ces IAS. Cette évolution progressive vers une surveillance des mesures préventives a pour avantages de
mesurer un événement plus fréquent, de ne pas nécessiter d’ajustement, d’avoir un objectif simple
d’observance, et de cibler les efforts de prévention. Les inconvénients de cette surveillance des mesures
préventives sont le recueil de données souvent manuel (observations), les méthodes pas toujours
standardisées, et elle ne remplace pas l’indicateur de résultat qui correspond aux IAS.
Plusieurs études ont évalué différentes méthodes de recueil de données. En Grande-Bretagne, une étude a
comparé différentes méthodes de surveillance des IAS sur le plan de leur sensibilité, de leur spécificité et de
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leur coût : surveillance à partir du laboratoire de microbiologie, surveillance téléphonique à partir du laboratoire
de microbiologie, surveillance des "patients à risque", visite deux fois par semaine du secteur de soin par un
personnel extérieur au service, surveillance des feuilles de température, surveillance des prescriptions
antibiotiques, surveillance des feuilles de température et des prescriptions antibiotiques, surveillance à partir du
laboratoire combinée avec une visite du service deux fois par semaine. La surveillance à partir du laboratoire
associée à une surveillance clinique deux fois par semaine au sein du service a été la méthode la plus sensible
(76% [IC 95% : 59-88%]) avec une spécificité de 100% [IC 95% : 98-100%]. Cette méthode requiert seulement
1/3 du temps consacré à la surveillance par la méthode de référence de revue systématique des dossiers qui
nécessite 6,4 heures par 100 lits et par semaine. L’étude souligne l’importance de coupler les informations
cliniques et les données microbiologiques et donc de la collaboration entre les microbiologistes, les cliniciens et
les hygiénistes / épidémiologistes.
L’informatisation des laboratoires de microbiologie et l’utilisation de logiciels d’épidémiologie ont permis ces
dernières années de progresser dans la surveillance à partir du laboratoire. Mais les résultats du laboratoire
doivent être complétés par des informations cliniques pour distinguer les simples colonisations des infections,
mais aussi pour repérer les infections sans documentation microbiologique.
Il est également utile de distinguer les infections importées et acquises dans l’établissement et de prendre en
compte dans les analyses le nombre de prélèvements réalisés. De plus, certaines IAS, notamment virales, n’ont
pas toujours de documentation microbiologique ce qui renforce la nécessité de disposer d’informations
cliniques.
La surveillance des IAS et des bactéries multirésistantes aux antibiotiques est utilement couplée à la
surveillance de la consommation des anti-infectieux.
Exprimer les résultats de la surveillance
Les résultats de la surveillance sont exprimés selon des indicateurs de fréquence des IAS (taux) qui varient
selon la méthode utilisée. Les principaux indicateurs épidémiologiques sont exposés dans le tableau.
Tableau 1 : Principaux indicateurs épidémiologiques pour la surveillance des IAS
Indicateurs
Calcul
Exemple
Prévalence des
patients infectés
(ou des IAS)
Nombre total de patients infectés (ou d’IAS)
---------------------------------------------------------- x100
Nombre de patients hospitalisés
et présents le même jour
Prévalence des patients
avec IAS,
Prévalence des IAS
Incidence
cumulative
des IAS
Densité
d’incidence
des IAS
Ratio
d’exposition
aux dispositifs
invasifs
Nombre de nouveaux cas d’IAS
pendant une période donnée
---------------------------------------------------- x 100
Nombre de patients susceptibles de développer une
IAS pendant cette période
Nombre de nouveaux cas d’IAS
pendant une période donnée
--------------------------------------------------- x 1000
Total des durées d’exposition au risque d’infection
des patients durant la même période
Nombre de jours d’exposition à un dispositif médical
(cathéters, respirateur…)
----------------------------------------------------- x 100
Nombre de patients-jours d’hospitalisation
dans une population donnée
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Taux d’incidence des infections du
site opératoire pour 100
césariennes
Taux de pneumonies chez les
patients ventilés en réanimation
adulte
‰ jours de ventilation mécanique
Ratio d’exposition à un
cathétérisme veineux central en
réanimation
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Intérêt de la surveillance en réseau
La surveillance peut être utilement réalisée au sein de réseaux de surveillance, par exemple ceux du RAISIN
coordonnés par les CCLIN et l’InVS, ainsi que d’autres réseaux inter-régionaux. Cette mise en commun des
données permet de se situer par rapport aux autres établissements de soins, de constituer une base de
données épidémiologique utile pour affiner les indicateurs (taux, stratification par type de population à risque,
développement de scores …).
Toutefois on sera très prudent lors des analyses comparatives inter-établissements : tous les facteurs de
variabilité des taux ne peuvent être pris en compte dans les analyses sous peine d'alourdir à l'excès le recueil
des données, même lorsque les protocoles s’intéressent à la sévérité des patients et à leurs niveaux
d’exposition aux actes invasifs. L’analyse des évolutions temporelles – en intra et inter-établissement – pose en
principe moins de problèmes méthodologiques.
Informatisation des hôpitaux et surveillance des IAS
Récemment de nombreux auteurs ont publié des expériences réussies de surveillance des IAS à partir
d’extraction de données issues du système d’information hospitalier : infections du site opératoire, bactériémies
et infections urinaires. La production automatisée de ces données a pour avantages principaux l’allègement et
la simplification du recueil de données qui est intégré dans le travail de routine de chacun, la suppression des
doubles saisies et la possibilité d’un retour très rapide d’information aux équipes, quasiment en "temps réel".
Les performances de plusieurs expériences de surveillance informatisée ont été synthétisées dans un travail
récent.
Choisir un système de surveillance : cible, indicateurs, extension, accès à
l’information
Cette décision est d’abord arrêtée à l’échelon national dans le cadre de l’organisation de la lutte contre les IAS.
Le "tableau de bord" de la lutte contre les infections nosocomiales prend en compte l’extension de la
surveillance des ISO dans les établissements de santé ; il souligne par ailleurs l’importance de la surveillance
des infections à SARM et de celle des consommations antibiotiques. Le RAISIN propose l’organisation de cinq
réseaux nationaux coordonnés de surveillance (AES, ATB, BMR, ISO, REA). Les critères de certification
demandent que les établissements défissent leur politique de surveillance – incluant des possibilités de
comparaison inter-établissement - avec des actions d’amélioration des pratiques.
A l’échelon régional, en lien pour certaines surveillances avec le RAISIN, les CCLIN ont initié des réseaux de
surveillance des IAS.
A l’échelon local, ce sont le CLIN et l’EOH qui déterminent le type de surveillance à réaliser en fonction des
secteurs à risque et des possibilités locales.
Pour en savoir plus
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Haley WR, Culver DH, White JW, et al. The efficacy of infection surveillance and control programs in preventing
nosocomial infections in US hospitals. Am J Epidemiol 1985, 121: 182-205. (NosoBase n°864)
Problèmes méthodologiques de la surveillance : fiches méthodo-noso de la SFHH disponibles sur le site
Internet www.sfhh.net
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