Jurisprudence À quels fonctionnaires le président du conseil

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Jurisprudence À quels fonctionnaires le président du conseil
Jurisprudence
 Organes des collectivités locales
À quels fonctionnaires le président
du conseil général peut-il
déléguer sa signature ?
Résumé
L’article L. 3221-3 du code général des collectivités
territoriales permet au président du conseil général
de donner délégation de signature aux « responsables » des services du département. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le président délègue
sa signature à des agents du département qui, sans
avoir la qualité de directeur ou de chef de service
dans l’administration départementale, exercent des
fonctions de responsabilité au niveau territorial ou
Organes du département ■ Président du conseil
général ■ Délégations de signature aux responsables des services du département ■ Notion
d’agent responsable.
CE (3/8 SSR) 29 juin 2005, Département des Hautsde-Seine c/ Mme N., req. n° 266686 – Mme Lemesle,
Rapp. – M. Séners, C. du G. – SCP Delaporte,
Briard,Trichet, Av.
➥ Décision qui sera mentionnée dans les tables du
Recueil Lebon.
fonctionnel.
Conclusions
François Séners, commissaire du gouvernement
Retrait d’agrément
Mme N. a été agréée en 1975 par le président du conseil général des Hauts-deSeine en qualité d’assistante maternelle.
Une succession d’incidents avec des
parents et les responsables du service
départemental de la protection maternelle et infantile (PMI) ont conduit le
président du conseil général à suspendre, le 2 novembre 1999, puis à retirer, le 4 février 2000, l’agrément de
Mme N. La décision de retrait de l’agrément a été signée par le médecin responsable de l’antenne territoriale compétente du service de la PMI, agissant
sur délégation du président du conseil
général. C’est un autre médecin, adjoint
au chef du service départemental de la
PMI, qui a signé la décision rejetant le
recours gracieux de l’intéressée. Ce
médecin était titulaire, lui aussi, d’une
délégation de signature du président du
conseil général.
M me N. a attaqué devant le tribunal
administratif de Paris ces deux décisions
et elle en a obtenu l’annulation, le tribunal ayant soulevé d’office le moyen
d’ordre public tiré de l’incompétence des
signataires des décisions du fait de l’illégalité des délégations de signature dont
ils étaient titulaires. Ce jugement a été
confirmé par l’arrêt attaqué de la cour
administrative d’appel de Paris qui juge
que le président du conseil général ne
pouvait, aux termes de la loi, déléguer
sa signature qu’au chef du service de la
PMI. Le département des Hauts-de-Seine
conteste cette analyse et se pourvoit en
cassation contre l’arrêt.
Il soutient que l’arrêt ne serait pas suffisamment motivé, mais il n’y aurait certainement pas lieu de l’annuler pour ce
motif. L’erreur de droit invoquée de
façon beaucoup plus sérieuse soulève,
en revanche, une question qui est intéressante et qui présente une grande
importance pratique pour les départements et les régions, soumis aux
mêmes règles en matière de délégations de signature données aux fonctionnaires.
L’analyse des juges du fond repose sur
les dispositions de l’article L. 3221-3 du
code général des collectivités territoriales, qui fixent les règles générales de
délégation de signature des présidents
de conseils généraux, et sur les dispositions, alors en vigueur, de l’article L. 148
du code de la santé publique fixant l’organisation du service départemental de
la PMI. Celles du code général des collectivités territoriales sont déterminantes pour apprécier la légalité d’une
délégation de signature, et il est exact
qu’elles comportent une part d’imprécision qui ouvre la voie à des interprétations divergentes.
Portée
de l’article L. 3221-3
L’article L. 3221-3 du code général des
collectivités territoriales, qui a son exact
pendant à l’article L. 4231-3 du même
code pour les présidents des conseils
régionaux, rappelle que le président du
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conseil général est seul chargé de l’administration de cette collectivité territoriale mais l’autorise à procéder à deux
catégories de délégations. Il peut, d’une
part, selon une rédaction qui a été modifiée par les lois des 5 avril 2000 et
27 février 2002, déléguer l’exercice d’une
partie de ses fonctions aux vice-présidents et à d’autres membres du conseil
général. Il peut, d’autre part, selon les
termes du dernier alinéa de l’article, qui
n’ont pas varié depuis la loi du 2 mars
1982, donner délégation de signature en
toutes matières aux « responsables » des
services du département. Ces responsables se limitent-ils, comme l’a jugé la
cour de Paris, aux chefs des services du
département, c’est-à-dire, outre les directeurs généraux et directeurs généraux
adjoints, aux directeurs des grandes unités fonctionnelles constituées au sein
des services départementaux, ou englobent-ils des chefs d’unités administratives de rang inférieur ? La notion de responsable d’un service n’est pas
dépourvue d’ambiguïté et c’est la difficulté de l’affaire. La question est d’autant
plus importante que, d’une part, en vertu
d’une règle fondamentale, une délégation de signature, comme toute délégation de compétence, n’est légale que
dans la mesure où elle est permise par
un texte adéquat 1 et que, d’autre part,
les subdélégations sont en principe interdites 2. On sait, par ailleurs, que l’illégalité de la délégation entraîne, pour
incompétence, celle de tous les actes pris
par le délégataire en application de la
délégation 3.
Notons, pour commencer, que les dispositions applicables aux communes
sont substantiellement différentes. Alors
que les dispositions de l’article L. 212218, qui fixent le régime des délégations
susceptibles d’être données par le maire
à ses adjoints, sont en parfaite harmonie
1
CE 25 février 1949, Roncin : Rec., p. 92 ;
CE S. 23 janvier 1959, Allotte de la Fuye : Rec.,
p. 57.
2
Pour une exception, v. article 38 du décret
2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs
des préfets. CE 3 juin 1953, Consorts Branellec :
Rec., p. 256 ; CE 9 février 1955, Université de
Paris X Nanterre : Rec.,T., p. 691 ; CE 2 octobre
1985, Bonnain : Rec.,T., p. 465.
3
CE 17 juin 1955, Adjemian : Rec., p. 334 ;
CE 20 février 1985, Sebe : Rec., p. 50.
4 Qualifiés de secrétaire général et secrétaire
général adjoint avant la loi du 12 avril 2000.
5 CE S. 5 avril 1974, Leroy : Rec., p. 214 ;
CE S. 29 octobre 1976, Rouillon, Pommeret et
Sion : Rec., p. 453, concl. pdt Massot.
6 CE 11 février 1953, Labelle : Rec.,T., p. 600 ;
CE 22 mai 1953, Mlle Comiti : Rec.,T., p. 600 ;
CE 20 février 1985, Sebe, préc.
7
CE 11 mars 1998, Préfet des PyrénéesOrientales : Rec., p. 73.
8
CE 8 février 1999, SDIS du Var, req. n° 179862.
avec celles qui s’appliquent aux conseils
généraux et régionaux, les règles relatives aux délégations de signature aux
fonctionnaires municipaux sont précises
et restrictives : l’article L. 2122-19 n’autorise en effet le maire à déléguer sa signature qu’à quatre personnes, le directeur
général des services, son adjoint 4, le
directeur général et le directeur des services techniques.
Les dispositions applicables aux
départements et aux régions permettent
ainsi, en tout état de cause, de donner
délégation de signature à un nombre
plus grand de fonctionnaires qu’au sein
des administrations communales. Il
nous semble révélateur, dans ce
contexte, que le législateur, fixant ainsi
des règles assouplies, ayant pour objet
de faciliter la déconcentration au sein
des départements et régions, n’ait pas
borné la facilité donnée aux exécutifs de
ces collectivités par des termes plus précis que ceux de « responsables » des
services du département. Il lui était en
effet aisé de fixer une liste limitative de
responsables de premier plan, comprenant les directeurs généraux des services et leurs adjoints, les directeurs des
services immédiatement placés sous
l’autorité directe de ceux-ci et, peut-être,
les directeurs de cabinet et chefs des
services placés immédiatement sous
leur autorité. Rien ne faisait non plus
obstacle à ce que le législateur précise le
champ restrictif qu’il aurait entendu donner aux règles de délégation de signature en mentionnant les directeurs ou les
chefs de service, termes plus précis et
plus restrictifs que ceux de « responsables des services ».
Il faut noter, par ailleurs, que les règles
très restrictives fixées, dans les communes, par l’article L. 2122-19 du code
général des collectivités territoriales
constituent un cas particulier dans notre
organisation administrative et que,
s’agissant des autorités de l’État, les
textes prévoient des possibilités étendues de délégation de signature. C’est
ainsi que le décret du 23 janvier 1947
modifié, qui régit les délégations de
signature des ministres, permettait, jusqu’à sa modification intervenue en
juin 1987, d’en faire bénéficier, outre
quelques membres des cabinets, l’ensemble des fonctionnaires d’administration centrale ayant au moins le grade
d’administrateur civil ou un grade équivalent, sans condition tenant aux fonctions exercées 5. Dans sa rédaction en
vigueur depuis 1987, le texte autorise les
ministres à déléguer leur signature,
d’une part, aux directeurs, chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs
des administrations centrales, ainsi
qu’aux autres fonctionnaires de catégo-
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rie A en cas d’absence ou d’empêchement des précédents, et, d’autre part,
aux chefs des services à compétence
nationale ainsi qu’à leurs collaborateurs
de catégorie A en cas d’absence ou
d’empêchement. S’agissant des préfets,
les décrets du 10 mai 1982, dont les dispositions ont été, en substance, reprises
par le décret du 29 avril 2004, et qui prolongeaient celles du décret du 10 mars
1964, permettent de nombreuses délégations de signature, non seulement aux
secrétaires généraux, directeurs de cabinet, sous-préfets et chargés de mission,
mais également aux chefs des services
déconcentrés de l’État ou à leurs collaborateurs ainsi qu’à l’ensemble des
« agents en fonction dans les préfectures », sans limitation de grade ou de
fonction.
État
de la jurisprudence
Ce panorama étant fait, qu’en est-il de
la jurisprudence ? Elle n’a que rarement été confrontée à la question des
limites du champ des délégataires de
signature.
Vous jugez, de façon générale, qu’un
texte qui énumère les personnes pouvant recevoir délégation de signature
fixe une liste limitative 6. Vous n’avez eu,
à notre connaissance, que deux occasions de faire application de cette ligne
aux présidents de conseils généraux,
dans des contextes bien particuliers.
La loi du 2 mars 1982 avait prévu, en
premier lieu, que des services ou des
parties de services déconcentrés de
l’État pouvaient être mis à disposition
des départements pour l’exercice des
compétences transférées à ces collectivités et elle autorisait le président du
conseil général à déléguer, dans ce
cadre, sa signature au chef du service de
l’État concerné, pour l’exercice des compétences transférées. En vous appuyant sur le fait que la loi n’avait mentionné que le chef du service, vous avez
jugé illégale une délégation de signature donnée à un fonctionnaire de
rang inférieur, alors même qu’il était
responsable de la partie du service
déconcentré mise à disposition du
département 7.
Vous avez jugé, en second lieu, que le
président du conseil général n’était pas
habilité à déléguer sa signature au président d’un établissement public départemental autonome ne pouvant, de ce fait,
être regardé comme un service du
département au sens de la loi 8.
Aucun de ces deux précédents n’apporte un éclairage utile pour la présente
question. Vous avez, en revanche, rendu
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une décision intéressante dans un
contexte juridique extrêmement proche
de l’espèce. Il se trouve que la loi du
31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Lyon et
Marseille, dont les dispositions ont été
reprises à l’article L. 2511-27 du code
général des collectivités territoriales, a
fixé une règle de délégation de signature
des maires de ces trois villes similaire à
celle que le code a retenue pour les exécutifs départementaux et régionaux :
délégation peut être donnée au secrétaire général 9 et aux « responsables de
services communaux » des trois métropoles. Interprétant cette disposition spéciale, vous avez jugé qu’elle ne faisait
pas obstacle à ce qu’une délégation soit
donnée à un chef de bureau de la ville de
Paris et même à un adjoint à un chef de
bureau, alors même que ce dernier
n’avait que le grade d’attaché d’administration 10. La décision n’est pas fichée
sur ce point, mais ses motifs sont aussi
clairs que détaillés.
Interprétation
de la loi
Cette analyse nous paraît devoir être
confirmée dans le cas des présidents de
conseils généraux et régionaux. En
renonçant à une énumération limitative
et détaillée des personnes pouvant recevoir délégation et en renonçant aux formulations génériques habituelles visant
des catégories limitées de hauts responsables administratifs, tels que les
directeurs ou les chefs de service, le
législateur a, selon nous, clairement
manifesté son intention de fixer une
règle moins restrictive concernant les
départements et les régions. Il n’a pas
entendu, pour autant, comme l’a fait le
pouvoir réglementaire s’agissant des
délégations des préfets, autoriser de
donner compétence à tous les fonctionnaires de ces collectivités et il a choisi
un moyen terme en visant la catégorie
des agents investis de fonctions de responsabilité. Cette notion n’est pas exagérément imprécise et, comme le révèle
l’arrêt Sté Parthéna, elle s’applique, dans
la chaîne hiérarchique habituelle, jusqu’au niveau des responsables d’unités
élémentaires, telles que des bureaux,
ainsi qu’aux adjoints de ces responsables.
Ce choix du législateur, qui diffère de
celui qui a été fait pour les communes,
n’est d’ailleurs pas sans logique. Les
départements et régions sont aujourd’hui investis de responsabilités très
nombreuses et disposent de services
étoffés comptant fréquemment plusieurs
milliers d’agents. Sauf à vouloir provo-
quer la thrombose de ces administrations, il est impossible de concentrer les
innombrables signatures de décisions
qu’elles sont appelées à prendre sur un
trop petit nombre de cadres. L’interprétation de la loi qui a été faite, en l’espèce, par les juges du fond, ne permettrait ainsi au président du conseil
général des Hauts-de-Seine de déléguer
sa signature qu’à une douzaine de chefs
de service de premier rang.
Il est vrai que le tribunal administratif
de Rennes, par un jugement du 4 mars
1998 11, a considéré qu’un responsable
d’une circonscription territoriale de la
direction des affaires sociales du département n’avait pas la qualité de responsable d’un service au sens du code général des collectivités territoriales, mais,
pour les motifs que nous venons de
développer, cette analyse nous paraît
erronée. Le ministre de l’Intérieur,
quant à lui, répondant à la question d’un
parlementaire, a exprimé l’avis que la
loi avait entendu donner une portée
extensive aux champs des délégations
permises 12.
Si vous validez cette analyse du code
général des collectivités territoriales, il
nous paraît exclu de considérer que les
dispositions du code de la santé
publique relatives à l’organisation des
services départementaux de la PMI
auraient une portée contraire dans le cas
particulier de ces services. Ces dispositions, qui étaient en l’espèce fixées aux
articles L. 147 et L. 148 du code et qui ont
été reprises depuis aux articles L. 2111-2
et 2112-1, se bornent à imposer de gérer
le service en régie directe et d’en
confier la responsabilité à un médecin. Ces règles spéciales ne font nullement obstacle à ce que le président
du conseil général organise librement
le service, pour le reste, notamment
en fixant les missions de ses différentes subdivisions et, particulièrement, celles de ses antennes locales
qui jouent un rôle important de proximité avec les administrés. Ces règles ne
font pas non plus obstacle à ce que, sous
l’autorité du médecin chef de service,
des responsables subordonnés soient
désignés à la tête de ces différentes
subdivisions.
Nous sommes donc d’avis que la cour
a commis l’erreur de droit qui lui est
reprochée en jugeant que les deux médecins qui ont signé, respectivement, le
retrait de l’agrément d’assistante maternelle et le rejet du recours gracieux de
l’intéressée, ne pouvaient pas avoir été
légalement habilités à signer ces décisions par délégation du président du
conseil général.
Si vous nous suivez, vous annulerez
l’arrêt attaqué et, statuant au fond, vous
constaterez que, contrairement à ce qu’a
jugé le tribunal administratif, les conditions formelles prévues par les dispositions alors en vigueur du code de la
famille et de l’aide sociale, donnant compétence au président du conseil général,
ont été respectées. Examinant, par la
voie de l’effet dévolutif de l’appel, les
autres moyens de la demande d’annulation présentée par Mme N., vous ne pourrez que les écarter : les deux décisions
contestées sont bien motivées et, au vu
des pièces du dossier, elles ne sont pas
entachées d’erreurs sur la matérialité
des faits, l’intéressée ayant manifesté à
plusieurs reprises des signes de fragilité
psychologique et de violence, difficilement compatibles avec ses fonctions
auprès de jeunes enfants.
Vous ne pourrez pas, dès lors, faire
droit à la demande de frais irrépétibles
présentée par l’intéressée et, par ces
motifs, nous concluons à l’annulation de
l’arrêt attaqué et du jugement de première instance et au rejet des conclusions de Mme N. ■
9
Désormais qualifié de directeur général des
services depuis la loi du 12 avril 2000.
10
CE 21 décembre 2001, Sté Parthéna SA,
req. n° 212987.
11
Mentionné au Recueil Lebon.
12
Rep. n° 15743 à M. Bourg-Broc, JO AN,
15 août 1994, p. 4204.
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Décision
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 avril 2004 et
19 août 2004 au secrétariat du contentieux du
Conseil d’État, présentés pour le département
des Hauts-de-Seine, représentée par le président du conseil général ; le département des
Hauts-de-Seine demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler l’arrêt du 2 février 2004 par lequel
la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa
demande tendant à l’annulation du jugement du
26 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris a, à la demande de Mme N.,
annulé sa décision du 4 février 2000 lui retirant
l’agrément d’assistante maternelle, ensemble la
décision du 18 mai 2000 rejetant son recours
gracieux ;
2°) statuant au fond, de rejeter la demande de
Mme N. ;
[…]
Considérant que par un arrêt du 2 février
2004, la cour administrative d’appel de Paris a
rejeté la requête du département des Hauts-deSeine tendant à l’annulation du jugement du
26 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé le retrait de l’agrément
de Mme N., assistante maternelle, signé le
4 février 2000 par Mme T., médecin chargé de la
subdivision territoriale 6B du service de protection maternelle et infantile du département des
Hauts-de-Seine, ensemble la décision du 18 mai
2000 signée du docteur S., sous-directrice, rejetant le recours gracieux formé par l’intéressée ;
que le département des Hauts-de-Seine se pourvoit contre cet arrêt ;
Considérant qu’aux termes de l’article 123-1
du code de la famille et de l’aide sociale, en
vigueur à la date des décisions litigieuses : « La
personne qui accueille habituellement des mineurs
à son domicile, moyennant rémunération, doit être
préalablement agréée comme assistante maternelle
par le président du conseil général du département
où elle réside. / L’agrément est accordé pour une
durée fixée par voie réglementaire si les conditions
d’accueil garantissent la santé, la sécurité et l’épanouissement des mineurs accueillis […]. Tout refus
d’agrément doit être dûment motivé » ; que l’article 123-1-1 du même code prévoyait que si les
conditions de l’agrément cessent d’être remplies, le président du conseil général peut, après
avis d’une commission consultative paritaire
départementale, modifier le contenu de l’agrément ou procéder à son retrait et que toute
décision de retrait ou de suspension de l’agrément ou de modification de son contenu doit
être dûment motivée ; qu’aux termes de l’article
L. 148 du code de la santé publique, alors en
vigueur : « Les compétences dévolues au département par le 3° de l’article 37 de la loi n° 83-663
du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du
7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les
régions et l’État et par l’article L. 147 sont exercées,
sous l’autorité du président du conseil général, par
le service départemental de protection maternelle
et infantile qui est un service non personnalisé du
département, placé sous la responsabilité d’un
médecin et comprenant des personnels qualifiés
notamment dans les domaines médical, paramédi-
cal, social et psychologique. Les exigences de qualification professionnelle de ces personnels sont fixées
par voie réglementaire. » ; que le décret du 6 août
1992 précise que le médecin responsable du
service départemental de protection maternelle
et infantile doit avoir la qualité d’agent titulaire
et remplir les conditions de diplômes, certificats
et titres posées par l’article L. 356 du code de la
santé publique ;
Considérant qu’en vertu des dispositions de
l’article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales, le président du conseil général
est « le chef des services du département. Il peut,
sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services » ;
Considérant que ni ces dispositions de portée générale du code général des collectivités
territoriales, ni les dispositions propres à la protection maternelle et infantile, contenues dans le
code de l’action sociale et des familles et le
code de la santé publique ne font obstacle à ce
que le président du conseil général délègue sa
signature à des agents du département qui, sans
avoir la qualité de directeur ou de chef de service dans l’administration départementale, exercent des fonctions de responsabilité au niveau
territorial ou fonctionnel, en matière de protection maternelle et infantile ; que, dès lors, en
estimant qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires particulières autorisant
le président du conseil général à déléguer sa
signature aux subordonnés du médecin dirigeant le service départemental de protection
maternelle et infantile, les signataires des décisions litigieuses n’étaient pas au nombre des
agents auxquels le président du conseil général
pouvait légalement déléguer sa signature, la cour
administrative d’appel a entaché son arrêt d’une
erreur de droit ; que l’arrêt attaqué doit, par
suite, être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu, en application des
dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme T., signataire de la décision de
retrait d’agrément, avait régulièrement reçu
délégation de signature du président du conseil
général en sa qualité de responsable du service
territorial 6B de la protection maternelle et
infantile ; qu’il en va de même de Mme S., sousdirectrice, qui a rejeté le recours gracieux de
Mme N. ; qu’ainsi qu’il a été dit, ces délégations
n’étaient pas illégales au regard des dispositions
législatives et réglementaires applicables ; que,
par suite, le département des Hauts-de-Seine
est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le
jugement attaqué, le tribunal administratif de
Paris a fait droit à la demande de Mme N. ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient au
Conseil d’État, saisi de l’ensemble du litige par
l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres
moyens soulevés par Mme N. ;
Considérant qu’en précisant, dans sa décision
du 4 février 2000, qu’il avait décidé de retirer
son agrément à Mme N. au motif que les « conditions de santé de l’intéressée n’apparaissent plus
compatibles avec l’accueil de jeunes enfants », l’auteur de la décision de retrait a suffisamment
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motivé celle-ci ; qu’il en va de même de la décision par laquelle a été rejeté, le 18 mai 2000, le
recours gracieux formé par Mme N., ce rejet
étant motivé par le fait que « d’après les éléments
recueillis concernant l’état de santé » de Mme N.
« la sécurité et l’épanouissement des enfants ne
sont plus assurés lors de leur accueil à [votre] domicile » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision de retirer l’agrément d’assistante maternelle de Mme N. fait suite non seulement au rapport de l’expertise psychiatrique
qu’elle avait elle-même sollicitée, et qui préconisait que soit surveillée l’évolution de l’état psychologique de l’intéressée, mais également à
plusieurs rencontres entre Mme N. et le médecin
de la protection maternelle et infantile, celui du
service territorial et l’équipe de la crèche au
cours desquelles celle-ci avait manifesté une
attitude agressive ; que, par suite, la décision litigieuse repose sur des constatations de fait qui
ne sont pas entachées d’inexactitude matérielle
quant à l’état de santé de l’intéressée, alors
même que le rapport d’expertise psychiatrique
du 27 septembre 1999 mentionnait que celui-ci
ne nécessitait, à l’époque, ni hospitalisation, ni
traitement, que, dès lors, Mme N. n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du
4 février 2000 lui retirant son agrément, ni de la
décision du 18 mai 2000 rejetant son recours
gracieux ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle
à ce que les sommes que Mme N. demande soient
mises à la charge du département des Hauts-deSeine qui n’est pas, dans la présente instance, la
partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative
d’appel de Paris du 2 février 2004 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 novembre 2002 est annulé.
Article 3 : La requête de Mme N. est rejetée.
[…] ■
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Observations
La solution dégagée par le Conseil d’État est
d’une grande importance pratique pour le fonctionnement interne des services départementaux et
régionaux.
Alors que la loi 13 ne permet aux maires de déléguer leur signature qu’à un petit nombre de hauts
fonctionnaires limitativement énumérés (directeur
général et directeur général adjoint des services,
directeur général et directeur des services techniques), les dispositions applicables aux présidents
de conseils généraux et régionaux 14 sont moins restrictives : délégation peut être donnée aux « responsables » des services du département ou de la
région. Fallait-il entendre cette notion de responsables comme n’englobant que les directeurs généraux, directeurs et chefs de service, ou fallait-il lui
donner une portée plus large, englobant tous les
agents exerçant, au sein des services régionaux et
départementaux, des responsabilités intermédiaires ? Telle était la question soumise au Conseil
d’État et qui n’avait jamais été appréhendée de
façon globale par sa jurisprudence.
Infirmant la position restrictive adoptée par la
cour administrative d’appel de Paris, l’arrêt Département des Hauts-de-Seine juge que l’article L. 32213 du code général des collectivités territoriales ne
fait pas obstacle à ce que le président du conseil
général ou régional délègue sa signature à des
agents qui, sans avoir la qualité de directeur ou de
chef de service dans l’administration départementale ou régionale, « exercent des fonctions de responsabilité au niveau territorial ou fonctionnel ». La
solution, bien explicitée par les conclusions
conformes du commissaire du gouvernement,
repose en partie sur un précédent relatif au statut
particulier de Paris, Lyon et Marseille. La loi du
31 décembre 1982 autorise les maires de ces trois
villes à déléguer leur signature aux « responsables
de services communaux » et cette disposition, similaire à celle qui concerne les départements et
régions, avait été interprétée comme autorisant une
délégation à un chef de bureau de la ville de
Paris 15. La solution est, de façon plus générale, justifiée par les nécessités du fonctionnement des administrations lourdes que constituent les services de la
plupart des départements et régions : limiter les
délégations de signature de l’exécutif à un très petit
nombre de hauts fonctionnaires aboutirait à une
thrombose de ces services et à une déresponsabilisation des cadres intermédiaires.
On notera que l’arrêt se garde de fixer un plancher de responsabilité susceptible de justifier une
délégation de signature du président. On ne voit
cependant pas de motif qui conduirait à s’écarter de
la ligne adoptée pour la ville de Paris et à ne pas
admettre la légalité d’une délégation donnée à un
chef de bureau ou au responsable d’un service d’importance équivalente. En l’espèce, le Conseil d’État
valide une délégation de signature donnée au responsable d’un service territorial de la protection
maternelle et infantile. ■
13
Article L. 2122-19 du CGCT.
14
Articles L. 3221-3 et L. 4231-3 du CGCT.
15
CE 21 décembre 2001, Soc. Parthéna, req. n° 212987.
Bulletin Juridique des Collectivités Locales n° 8/05  519