Britannicus - Atelier Théâtre Jean Vilar

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Britannicus - Atelier Théâtre Jean Vilar
DOSSIER PEDAGOGIQUE
Britannicus
Jean Racine
Distribution
Mise en scène : Tatiana Stepantchenko
Avec
Agrippine : Claire Mirande
Néron : Jacques Allaire
Britannicus : Mathias Maréchal
Junie : Marion Delplancke
Narcisse : Damien Rémy
Burrhus : Laurent Letellier
Albine : Catherine Mongodin
Scénographie et costumes : Marina Filatova
Création lumières : Laurent Deconte
Création image : Mathieu Mullot
Création son : Gérard Hourbette
Régie lumières : Stéphane Deschamps
Régie son et images : Mathieu Boulet
Réalisation costumes : Léa Drouault et Colette Perray
Régie générale : Thibault Dubois
Assistants à la mise en scène : Catherine Mongodin et Mathieu Boulet
Une production Compagnie Or. Azur, aidée par la Ministère de la Culture (DRAC Nord/Pas-de-Calais)
et par la Région Nord/Pas-de-Calais / Coproduction Le Phénix-Scène Nationale de Valenciennes.
Coréalisation série parisienne : Théâtre de l’Atalante.
Dates : du 17 au 20 janvier 2012
Lieu : Théâtre Jean Vilar
Durée du spectacle : 2 h 15 sans entracte
Réservations : 0800/25 325
Contact écoles : Adrienne Gérard - 010/47.07.11 – [email protected]
Nʼoubliez pas de distribuer les tickets avant dʼarriver au Théâtre
Soyez présents au moins 15 minutes avant le début de la représentation,
le placement de tous les groupes ne peut se faire en 5 minutes !
N.B : - les places sont numérotées, nous insistons pour que chacun
occupe la place dont le numéro figure sur le billet.
- la salle est organisée avec un côté pair et impair (B5 nʼest pas à
côté de B6 mais de B7), tenez-en éventuellement compte lors de la
distribution des billets.
• En salle, nous demandons aux professeurs dʼavoir lʼamabilité de se
disperser dans leur groupe de manière à encadrer leurs élèves et à assurer le
bon déroulement de la représentation.
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I. Introduction
Britannicus est une tragédie en cinq actes et en alexandrins, représentée pour la première
fois le 14 décembre 1669 à lʼHôtel de Bourgogne.
Britannicus est la deuxième grande tragédie de Racine. Pour la première fois, lʼauteur prend
son sujet dans lʼhistoire romaine.
Le succès nʼest arrivé que peu à peu. Britannicus est aujourdʼhui la deuxième pièce de
Racine la plus souvent représentée à la Comédie-Française après Andromaque, et cʼest
lʼune des pièces les plus souvent étudiées à lʼécole.
« Toujours la tyrannie a dʼheureuses prémices.»
Mère possessive et manipulatrice, Agrippine nʼa reculé devant aucun forfait pour
placer son fils Néron à la tête de lʼEmpire romain, au détriment du prétendant
légitime au trône, Britannicus. Le puissant ascendant quʼelle exerce sur lʼempereur
en herbe fait dʼelle, en définitive, la secrète détentrice du pouvoir à Rome, dont elle
use avec un admirable sens politique. Tout va pour le mieux entre la mère et le fils,
jusquʼau jour où le jeune homme sʼéprend de la belle Junie, lʼamante de Britannicus.
Il sʼaffranchit alors soudainement de la tutelle de sa mère pour laisser libre cours à
ses passions et révéler ainsi son vrai visage, cruel et tyrannique. De lʼaube à la
tombée de la nuit – la tragédie nʼattend pas – lʼêtre pusillanime qui aura su faire
preuve de « trois ans de vertu » va se métamorphoser sous nos yeux en un
souverain brutal et sanguinaire, en un véritable monstre dont le destin sera
désormais de « courir de crime en crime ».
Cʼest au plus près de lʼépicentre de ce cataclysme dévastateur que se
propose de nous mener la mise en scène de Tatiana Stepantchenko, là où
sʼopère la singulière transmutation des êtres sous lʼeffet de la passion
(amoureuse et politique) et où se conçoivent les pires déraisons dʼÉtat.
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II. Résumé de lʼœuvre
Les personnages
Britannicus
Néron
Agrippine
Junie
Burrhus
Narcisse
Albine
Gardes
fils de l'empereur Claudius (Claude)
empereur, fils d'Agrippine
veuve de Domitius Ahenobarbus, mère de Néron, et, en
secondes noces, veuve de l'empereur Claudius (Claude)
amante de Britannicus
gouvernant de Néron
gouvernant de Britannicus
confidente d'Agrippine
Lʼintrigue
Agrippine, au petit matin, attend une entrevue avec son fils, lʼempereur Néron, qui, sans
prévenir sa mère, vient dʼenlever Junie, lʼamante de Britannicus. Celui-ci, fils de Messaline et
de Claude (mort dans des conditions douteuses, sans doute empoisonné par Agrippine), est
à ce titre prétendant légitime au trône, mais Agrippine lʼa écarté du pouvoir au profit de
Néron, né dʼun premier mariage.
Néron fait savoir, par lʼintermédiaire de son gouverneur Burrhus, quʼil refuse lʼentrevue.
Agrippine, inquiète de voir mise en péril la tutelle quʼelle exerce sur son fils, informe
Britannicus du sort de Junie et lui propose son soutien contre Néron. Britannicus accepte,
encouragé par Narcisse, son gouverneur, en vérité un traître à la solde de Néron.
Averti par Narcisse du complot qui se trame, Néron projette de répudier sa femme Octavie
pour épouser Junie. Celle-ci, malgré lʼempressement amoureux de Néron, lui refuse sa main.
Néron lui ordonne alors de rompre avec son amant, dont la vie dépendra de cet entretien.
Elle doit affecter devant Britannicus une froideur qui le désespère sans pour autant réussir à
apaiser Néron, qui observe la scène en cachette.
Tandis que Burrhus ne parvient à apaiser ni Agrippine ni Néron, Junie révèle à Britannicus le
stratagème de Néron. Mais ce dernier, averti par Narcisse, survient et fait emprisonner son
rival, tout en maintenant Junie enfermée au palais.
Agrippine rencontre enfin Néron. Cʼest la fameuse scène de « lʼaccouchement du monstre »
dans laquelle elle croit le contraindre, par un long plaidoyer-réquisitoire, à une réconciliation
avec Britannicus lors dʼun festin prochain. La promesse de Néron nʼest en réalité quʼune
feinte. Burrhus adjure alors Néron de laisser la vie sauve à son demi-frère et rival. Néron
semble ébranlé et prêt à écouter son gouverneur. Narcisse finit toutefois par le convaincre de
ne pas se laisser détourner de son intention et de liquider Britannicus.
Tandis quʼAgrippine se félicite de sa victoire sur Néron, Burrhus vient annoncer que
Britannicus a été empoisonné lors du festin. Narcisse est lynché par la foule, Junie sʼenfuit
chez les vestales, où le mariage est interdit, et Néron, maudit par sa mère, sʼabandonne à un
désespoir farouche.
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III. Le contexte dʼécriture, un sujet emprunté à lʼhistoire
Quelques vers de Boileau expliquent lʼétat dʼesprit de Racine composant Britannicus :
Mais pour les envieux un génie excité
Au comble de son art est mille fois monté.
Plus on veut lʼaffaiblir, plus il croît et sʼélance ;
Au Cid persécuté Cinna dut sa naissance ;
Et peut-être ta plume aux censeurs de Pyrrhus
Dois les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus.
En 1667, Racine avait déjà atteint la gloire avec Andromaque. Mais les amis de Corneille
semblaient défier Racine dʼégaler son vieux rival sur un sujet romain, cʼest alors quʼil prit
dans Tacite lʼidée de Britannicus.
Mais même si lʼépoque de cette histoire a déjà été traitée par Corneille, son but est de créer
des héros plus ou moins surhumains, alors que le but de Racine est de peindre avec vérité
des caractères purement humains.
Lʼhistoire de Britannicus avait été traitée par Tacite, aussi Racine commence-t-il par
sʼimprégner tout entier des Annales de Tacite, son modèle. Mais Tacite est un historien et
Racine un auteur dramatique : le premier dépeint toute une époque, le second doit la
suggérer par la représentation dʼun seul moment de cette époque.
Au final, Racine, tout en restant fidèle a son modèle, fait surtout œuvre originale et
indépendante, en changeant au besoin les détails des faits, en supprimant des caractères ce
quʼils ont de fugitif et dʼinstable pour ne laisser apparaître que lʼessentiel.
Dans Britannicus, comme dans toutes les pièces de Racine, où lʼaction est subordonnée aux
caractères, les faits sont le résultat des passions et des sentiments des personnages. Il
fallait donc, tout en respectant la vérité générale de lʼhistoire, disposer les événements
dʼaprès la logique intime des caractères.
Il existait déjà une rivalité entre Agrippine et Messaline, la première femme de Claude, qui fut
empoisonnée, très certainement par les soins de sa rivale. Il y a donc aussi une rivalité entre
Néron et Britannicus, motivée par une véritable jalousie de Néron à lʼégard de son demifrère, fils de Claude, lʼempereur régnant.
Lʼempereur Claude, lorsquʼil épouse Agrippine, adopte son fils Néron né dʼun précédent
mariage. Celui-ci est de trois ans lʼaîné de Britannicus. Toujours selon Tacite, il obtient ainsi
la « toge virile » avant Britannicus, peut être élu avant lui et est alors considéré comme un
héritier officiel. Il entre au Sénat et devient proconsul.
Les historiens sʼaccordent à dire que Claude lors de sa dernière visite au Sénat ait émis le
vœu que Néron et Britannicus règnent ensemble. Cela expliquerait le choix qu'avait fait
Claude en adoptant Néron.
Le partage du pouvoir est en effet possible, cela s'est déjà produit avec Tibère et Drusus I,
ainsi qu'avec Germanicus et Drusus II. Sinon, Claude aurait très bien pu promouvoir
Britannicus seul en le considérant comme son unique héritier.
Néron avait donc de bonnes raisons de tenter le coup de force : dʼune part, en se
débarrassant de son demi-frère Britannicus, qui aurait pu à tout instant réclamer
légitimement le pouvoir ; et dʼautre part, en sʼaffranchissant de la tutelle encombrante de sa
mère qui exerçait alors le pouvoir véritable à sa place, ou du moins prétendait continuer à le
faire.
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La scène de lʼempoisonnement de Britannicus (12 février 55), décrite par Racine, est
quasiment conforme à la vérité historique rapportée par Tacite.
Un breuvage encore innocent, mais très chaud, est servi après essai à
Britannicus ; puis, comme il le repoussait à cause de son extrême chaleur, on y
verse avec de lʼeau fraîche le poison qui se répandit dans tous ses membres
avec une rapidité telle que la parole et la vie lui furent ravies à la fois. Le trouble
sʼempare de ses voisins de table ; les moins prudents sʼenfuient ; mais ceux dont
lʼintelligence est la plus profonde demeurent à leur place, immobiles et les yeux
fixés sur Néron. Et lui, appuyé sur son lit et comme étranger à ce qui se passait,
dit que le fait nʼavait rien dʼextraordinaire : cʼétait la conséquence du haut mal
dont Britannicus était affligé dès sa première enfance.
(trad. Goelzer, Les Belles Lettres)
La pièce de Racine commence exactement au moment où le destin de Rome va basculer,
par la décision de Néron de se débarrasser à la fois de Britannicus et de sa mère Agrippine.
Sa passion subite pour Junie (ou sa présumée passion pour elle qui nʼest semble-t-il quʼun
prétexte inventé par Racine), fiancée de Britannicus, le pousse à se libérer de la domination
dʼAgrippine et à assassiner son frère.
Comme cʼest le cas généralement chez Racine (sans doute pour des raisons de censure
politique), son Néron, dans sa pulsion criminelle, est moins animé par la crainte dʼêtre
renversé par Britannicus que par une rivalité amoureuse. Son désir pour Junie et tout ce
quʼelle aime est empreint de sadisme. Agrippine est une mère possessive qui ne supporte
pas de perdre le contrôle de son fils et partant, des affaires de lʼEmpire.
IV. Une tragédie du pouvoir
En 1669, nous sommes à lʼapogée de la monarchie absolue de Louis XIV. Son pouvoir,
célébré par de nombreuses fêtes, est à son summum et oriente dans le domaine théâtral le
goût du public aristocratique vers lʼexpression et lʼanalyse des sentiments plutôt que vers
lʼexaltation des rêves et des actions héroïques.
Corneille nʼest plus à la mode.
En racontant la violente prise de pouvoir de Néron, Racine prend soin de dépeindre surtout
les aspects passionnels, les exigences intimes et contradictoires. Pour éviter tout
rapprochement malencontreux avec son époque et le pouvoir de Louis XIV, il insiste dans sa
première préface quʼil ne sʼagit pas de représenter « …les affaires du dehors. Néron est ici
dans son particulier ». Cette précaution prise, Racine met malgré tout en scène les jeux et
les enjeux liés à la quête du pouvoir et montre que celle-ci anime lʼaction tragique surtout
lorsque la nature du pouvoir est tyrannique. Ainsi, à travers Britannicus, Racine propose le
spectacle, quʼil veut édifiant, dʼune nature humaine plongée sans cesse au cœur dʼune lutte
entre le bien et le mal.
Pour qui saura le lire, il parle bien de son époque. Anton Tchekhov, trois siècles plus tard,
appellera cela, le « sous-texte »…
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V. La vie de Racine
Les œuvres de Racine sont en accord avec sa vie. Il est donc dès lors nécessaire de
connaître lʼhomme pour comprendre ses textes car ceux-ci furent parmi les plus personnels
de son temps.
Jean Racine est né à La Ferté-Milon, le 21 décembre 1639, dʼune famille noble. Il devint très
vite orphelin ; sa mère décéda en 1641 et son père en 1643. On le plaça alors sous la tutelle
de sa grand-mère.
Après avoir étudié au collège Beauvais, le jeune Racine fut appelé à lʼécole des Grandes où
se trouvaient déjà beaucoup de ses parents. On lui y enseigna le latin, le grec, la rhétorique
et il y fut également trempé dans la religion qui eut une forte influence sur lui. Pendant 3 ans,
de 16 à 19 ans, Racine y reçut cette éducation à la fois fortement chrétienne et janséniste, et
dʼautre part, imprégnée dʼantiquité, surtout dʼantiquité grecque, éducation qui va
profondément influencer sa vie et marquer sa dramaturgie.
En 1658, il fit une année de logique à Paris où il vécut chez son oncle Vitart, intendant de
lʼhôtel de Luynes où lʼon lisait les comédies antiques à la mode. Dans ce milieu, Racine
commença à côtoyer les poètes et autres intellectuels, et à sʼessayer lui-même à lʼécriture. Il
écrivit plusieurs poèmes dont une ode sur la Paix des Pyrénées en lʼhonneur du Cardinal
Mazarin. Racine rencontra peu après Jean de La Fontaine qui était marié à la fille dʼun
lieutenant basé dans sa ville natale. Une solide amitié naquit entre les deux hommes grâce à
leur passion pour lʼécriture.
Il écrivit ensuite un second poème pour célébrer le mariage de Louis XIV La Nymphe de la
Seine à la Reine qui connut un vif succès.
Dans le courant de lʼannée 1960, Racine commença à sʼessayer au théâtre. Il écrivit
LʼAmasie qui devait être jouée par la troupe du Marais mais ceux-ci changèrent dʼavis au
dernier moment.
Sa vie à Paris fut ensuite interrompue par un séjour dʼun an à Uzès, où son oncle le fit venir
pour le préparer à recevoir un bénéfice ecclésiastique. Il ne reçut finalement rien et retourna
sur Paris avec, néanmoins, les plans dʼune tragédie, La Thébaïde.
De 1663 à 1667, Racine retourna définitivement vers le théâtre malgré les reproches de sa
famille et de ses anciens maîtres. A cette époque, le théâtre est le genre littéraire qui
dispense le plus de renommée et cʼest sans doute une des raisons qui le poussa à lʼécriture
dramatique.
En 1664, La Thébaïde fut jouée par la troupe de Molière avec qui il était ami. Lʼannée qui
suivit, cette même troupe représenta Alexandre le Grand, Racine donna dans le même
temps le texte à la troupe de lʼHôtel de Bourgogne. Une querelle sʼensuivit entre Molière et
Racine étant donné que les troupes étaient rivales et interprétaient donc la tragédie en même
temps. Lʼamitié entre les deux hommes cessa lorsque Racine incita une comédienne, sa
maîtresse, à quitter la troupe de Molière pour leur concurrente. La même année eut lieu la
fameuse dispute entre Racine et ses anciens maîtres de Port Royal. Ceux-ci calomniaient la
manière dont la poésie était intégrée dans le théâtre. Racine répondit par une lettre fort
spirituelle mais également emplie de railleries et de paragraphes piquants.
En 1667, année de lʼécriture de Phèdre, il compose Andromaque qui sera pour lui ce que Le
Cid fut pour Corneille. Cette œuvre est majeure. Elle est la naissance dʼun nouveau système
de tragédie où tout le génie et la sensibilité de son écrivain sʼest exprimée. Ce système sera
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innovant par la divergence de motivation des personnages ainsi que par leur peinture.
Lʼaccent est mis sur la pluralité des visages et des amours, mais aussi sur la ligne
rédactionnelle où lʼinstinct triomphe de la volonté contrairement à ce quʼécrivait Corneille.
Jusquʼen 1677, Racine va faire représenter une série de chefs-dʼœuvre dans lesquels vont
sʼaffirmer de plus en plus des caractères dramatiques quʼon pourrait résumer par : une action
simple et commune – accomplie par des personnages dont lʼinstinct triomphe de la volonté –
et qui sʼexpriment dans un style naturel et poétique.
Après son apogée de 1677, lʼauteur va tout doucement sʼeffacer notamment à cause de ses
détracteurs (pour la plupart membres de lʼEglise ou partisans de Corneille), mais aussi par
son emploi dʼhistoriographe chargé par le roi. De plus, il se mariera cette année-là avec
Catherine de Romanet qui, par la suite, lui donnera sept enfants.
Jusquʼen 1699, lʼécrivain trouvera encore le temps dʼécrire deux pièces, Esther et Athalie. Il
sʼéteindra ensuite de vieillesse mais aussi de chagrin suite à une disgrâce royale mettant en
cause ses rapports amicaux avec Port-Royal.
VI. Le spectacle
Pourquoi monter Britannicus ? Parce que le texte est magnifique, cʼest un chefdʼœuvre. Cʼest très complexe, il y a tout dedans. Cʼest surtout cette beauté qui me
touche, du texte des mouvements… Racine a écarté les frontières, ouvert vers lʼinfini,
ça va rester pour lʼéternité.
Tatiana Stepantchenko, metteur en scène
La « musique » de Racine ?
Elle est certes dans ses mots et ses vers qui sʼimposent comme de véritables sculptures
vocales. Il faut les servir et non point s'en gargariser pour la transformer en incantation et
mélopée de fond, comme dans le mauvais « théâtre classique ». Le formalisme versificateur
tue Racine au lieu de le servir et anesthésie et son sens et son énergie. Racine mérite mieux
que les pédantes performances de diction française érigée en religion.
Son secret est en effet dans cette énergie formidable que libère le vers racinien et auquel
tous les acteurs depuis trois siècles se mesurent. Cette énergie ardente, vibrante au détour
de chaque syllabe, de chaque son, qui produit de véritables arcs électriques entre les
personnages. Sa vraie musique se conjugue bien sûr à la fascinante sonorité de ses vers,
mais plonge au-delà, vers ces vibrations harmoniques inaudibles, ces silences, ces
bruissements, puis ces hoquets telluriques des âmes en perdition.
Malgré les apparences et ce que la « tradition » colporte, nous sommes sur le pan inverse de
lʼharmonie pure. Cʼest aussi cela, le génie de Racine – le vrai…
Le travail vocal sur Britannicus consistera à débusquer les rémanences harmoniques au-delà
des mots. Le phrasé et la diction ne sont plus alors quʼun simple exercice de style, mais
aussi justes et nécessaires quʼelles ne le sont dans une partition musicale - quʼelle soit
baroque ou contemporaine. Un tissu sonore réunira comme une toile dʼaraignée les
personnages saisis par la béance du mal.
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La mise en scène
Cherchant à se détacher d'un respect, selon elle, souvent trop académique envers l'écriture
de Racine, Tatiana Stepantchenko puise dans la tradition théâtrale russe une expressivité du
jeu qui exacerbe physiquement les sentiments et donne une ampleur renouvelée à la
tragédie. Elle met également à profit sa formation de musicienne pour conférer à la langue
pure de Racine une mélodie qui en accentue l'intensité et rythme l'intrigue par-delà la beauté
classique des vers. Le travail remarquable sur la lumière et la vidéo souligne encore
lʼembrasement émotionnel qui assaille les personnages et les fait basculer dans la démesure
jusquʼau point de non retour.
Nord Eclair
http://www.nordeclair.fr/Locales/Tourcoing/2010/11/17/theatre-avec-britannicus-la-virgule-pren.shtml
Tatiana Stepantchenko, metteur en scène
Née à Prokopievsk en Russie, elle passe son enfance en Sibérie.
Formée au théâtre (dans la classe de Maria Knebel qui fut ancienne élève de Stanislavski et
assistante de Mikhaïl Tchekhov) et à la musique, elle débute une carrière d'actrice en
interprétant le rôle principal dans le spectacle musical-culte de la Perestroïka, La Punaise,
célébré par le public au cours de plus de 600 représentations en Russie et dans toute
lʼEurope.
Elle interprète quelques autres rôles de cette importance dans des grands théâtres de
répertoire de Moscou (Théâtre Maïakovski et Théâtre de lʼArmée Rouge notamment), puis
allemands (Nuremberg, Munich), tourne dans 9 films et met en scène une quinzaine de
spectacles (en Allemagne et en France).
Activités pédagogiques :
Depuis 1996, elle dirige des séminaires de formation dʼacteurs – basés notamment sur les
pédagogies de Mikhaïl Tchekhov
et Maria Knebel, héritiers de Stanislavski.
Activités de comédienne en France…
En France, elle aura interprété en 2000-2001, le rôle de Lili Brik dans Les Deux Soeurs de et
par Veniamin Smiechov, puis en 2004, le rôle de Lumir dans Le Pain dur de Paul Claudel, à
la Comédie de Béthune (repris à Paris et à Moscou en 2010, accueilli au Théâtre Jean Vilar
en 2011).
Elle a créé en 2006 à Moscou, le rôle dʼYsé dans Le Partage de midi de Paul Claudel. Rôle
pour lequel elle est nominée au Prix « Tchaïka » (La Mouette) en 2007, comme lʼune des
trois meilleures actrices russes de la saison.
À partir dʼoctobre 2009, elle interprète au Théâtre Pouchkine de Moscou (dans le cadre du
Festival International Tchekhov), le rôle-titre de Fedra (Phèdre) de Marina Tsvetaeva.
…et de metteur en scène :
Après LʼAffaire Elseneur ou Le Meurtre de Gonzague (dʼaprès Hamlet) de Nedjalko
Jordanov, elle met en scène Démons de Lars Noren. En 2005, elle dirige la création de La
Cuisine dʼArnold Wesker dans une distribution internationale.
En 2006, elle monte Mozart et Salieri de Pouchkine (spectacle dans lequel Alain Eloy,
interprétant le rôle de Mozart a été désigné en 2007 par la critique comme meilleur acteur
belge).
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Elle dirige en 2007 lʼopéra ubiquiste Kilda, lʼîle des hommes oiseaux (musique de David
Graham et Jean Paul Dessy - direction musicale Philippe Nahon et lʼorchestre Ars Nova).
Lʼopéra est joué simultanément et par liaisons satellite et Internet à haut débit, dans 5 pays
européens (Ecosse, Allemagne, Belgique, Autriche, France).
En octobre 2007, elle dirige la création dʼun « Tchekhov musical », Fleurs tardives (musique
Alexis Shelygin), dʼaprès une nouvelle dʼAnton Tchekhov. En avril 2008, elle met en scène
Richard Martin dans La Révolte des fous de Frédéric-Henri Blanc.
En avril 2010, elle met en scène Britannicus dans le cadre dʼune résidence de création au
Phénix, Scène Nationale de Valenciennes, ensuite repris au Théâtre de lʼAtalante à Paris
puis en tournée.
VII. Quelques pistes de réflexion
Pourquoi peut-on dire que Britannicus est un héros cornélien ?
Quelle est la contradiction majeure dans la crise politique de la pièce ?
Britannicus est un personnage tragique. Pourquoi ?
Que représente Albine ?
Quels sont les éléments qui annoncent la trahison de Narcisse ?
Qui sont les personnages confidents ? Quelle influence exercent-ils ?
Comment les confidents voient-ils le peuple romain ?
Comment Junie perçoit-elle la Cour ?
Dans quelle mesure lʼinstinct triomphe-t-il de la volonté ?
Comment la règle des Trois Unités est-elle exploitée dans Britannicus ?
Quels rapprochements peut-on faire entre la vie de Racine et cette pièce ?
A quel niveau intervient la religion ?
Quelle est la force du divin dans Britannicus ?
Bibliographie
Britannicus, Racine, 4ème édition, Paris, H. Didier, 1927, La Littérature Française Illustré,
123p.
Britannicus, Racine, édition de J. Morel, Paris, Flammarion, 2010, GF, 116p.
Dossier de présentation Britannicus
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