Lécithines biologiques

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Lécithines biologiques
Lécithines biologiques : seront-­‐elles obligatoires dans les produits bio? Dossiers, Ingrédients 27 nov 2015 Auteurs : Gaëlle Frémont & Catherine Ferté Soja et tournesol : 2 sources de lécithines biologiques -­‐ ©Ingrebio Lécithines biologiques : seront-­‐elles obligatoires dans les produits bio? • Lécithines biologiques : seront-­‐elles obligatoires dans les produits bio? • I-­‐ La lécithine biologique se distingue par son mode de production • II-­‐ Les utilisations de la lécithine en transformation biologique • III-­‐ Quelles perspectives réglementaires pour la lécithine ? • IV-­‐ La lécithine biologique : disponibilité et perspectives La lécithine, on a tendance à l’oublier, est une substance naturellement présente dans l’œuf et dans les huiles végétales. La lécithine – ou plutôt les lécithines – extraites de ces matières premières font partie des ingrédients additifs qui peuvent être utilisés en transformation agroalimentaire biologique. Émulsifiant dans les margarines ou le chocolat, la lécithine peut aussi avoir des fonctionnalités intéressantes dans les produits de panification et les produits céréaliers (biscuits, crackers…). Mais c’est aussi un complément alimentaire, riche en phosphatidylcholine, et notamment préconisée dans le maintien d’une cholestérolémie normale ou pour améliorer la mémoire. Exemple de produits contenant de la lécithine -­‐ ©Ingrébio On trouve aujourd’hui des lécithines de soja et de tournesol certifiées biologiques. La lécithine de colza qui est utilisée en conventionnel, n’est pas encore disponible en bio. Selon l’annexe VIII du règlement (CE) n°889/2008, la lécithine est jusqu’alors autorisée en qualité conventionnelle dans les produits biologiques d’origine végétale sans restriction, ainsi que dans les produits laitiers. Mais une révision de cette annexe en cours au niveau de la Commission Européenne serait susceptible de changer la donne, en rendant obligatoire l’utilisation de lécithine certifiée biologique dans les produits biologiques. Cette évolution réglementaire va bien sûr dans le sens d’une bio plus exigeante, qui sera l’un des fondements du futur règlement bio. Et l’on ne peut que s’en féliciter. Mais elle intervient à un moment charnière pour la filière, car les transformateurs bio ont dû faire face depuis 2014 à une situation de pénurie en lécithine biologique, que ce soit de soja ou de tournesol. Aujourd’hui, les fournisseurs tels que Novastell ou Actibio annoncent haut et fort un retour des lécithines de tournesol et de soja biologiques sur le marché. Une bonne nouvelle qui tombe à pic, alors que l’amendement devrait être voté en ce début de décembre. • Quelles sont les caractéristiques des lécithines biologiques par rapport aux conventionnelles ? • Quels usages fait-­‐on de la lécithine en agroalimentaire biologique ? • Quelles sont les perspectives réglementaires et les conséquences d’une évolution ? • Et surtout, la nouvelle offre en lécithine biologique saura-­‐t-­‐elle répondre aux attentes des transformateurs bio ? Ingrébio explore dans ce nouveau dossier toutes les facettes d’un ingrédient parfois controversé et pourtant si utile. I- La lécithine biologique se
distingue par son mode de
production
Différentes formes de lécithines bio présentées à Biofach 2013 - ©Ingrebio
Chimiquement, la lécithine est une assemblage de phospholipides, qui est
présente naturellement dans certaines huiles végétales, et en plus forte
proportion dans l’huile de soja, ainsi que dans les œufs. Cette substance
aurait été découverte et isolée par un français, Maurice Gobley en 1846. La
production de lécithine à usage industriel remonte aux années 1920.
PROCÉDÉ ET DIFFÉRENCIATION
La lécithine conventionnelle est considérée comme un co-produit de la
production d’huiles végétales raffinées. Du mucilage est extraite la lécithine.
Différentes techniques existent pour cette extraction, qui permettent
d’obtenir un vaste choix de lécithines avec des fonctionnalités spécifiques. La
production conventionnelle implique non seulement un raffinage des huiles
mais aussi souvent une acidification de l’huile, et donc l’usage de solvants.
Ce mode d’obtention ne peut être appliqué à la production biologique
puisque les huiles biologiques par définition ne sont pas raffinées, et l’usage
de solvant est interdit.
Pour obtenir de la lécithine biologique, on part donc d’une huile vierge
obtenue par pressage, à laquelle on va appliquer un procédé très doux.
Aucun solvant n’est normalement utilisé.
L’extraction de la lécithine de soja peut se faire par filtration ou par
hydratation.
Pour ce dernier procédé, de l’eau est ajoutée à l’huile vierge de soja pressée
à froid. La lécithine migre alors vers l’eau pour créer des liaisons hydrophiles
plus stables. Le précipité obtenu est alors centrifugé afin de séparer l’huile de
l’émulsion. Cette émulsion doit ensuite être concentrée à basse température
jusqu’à ce que la teneur en eau soit inférieure à 2%.
La lécithine essentiellement constituée de phospholipides est un produit
fragile, qui ne doit pas rester trop longtemps au contact de l’eau et qui est
sensible à la température.
Le produit obtenu suite à ce procédé est une lécithine de soja qualifiée de
crue ou pure. Elle se présente sous la forme d’une pâte visqueuse et de
couleur brun foncé.
Selon les qualités proposées par les fournisseurs, la lécithine pourra être
ensuite standardisée, voire déshuilée, même si cette étape peut poser
question en bio.
Le procédé dit par hydratation s’applique en revanche difficilement à l’huile
de tournesol ou de colza. D’une part, ces huiles contiennent naturellement
10 fois moins de lécithine, ce qui rend difficile la captation des phospholipides
par l’eau par simple migration. Et d’autre part, ces huiles issues d’un
pressage à froid sont aussi plus rares et donc plus précieuses.
Le procédé mécanique par filtration est donc en général privilégié pour ces
huiles. Il peut s’agir d’une microfiltration tangentielle, les molécules de
lécithine étant retenues par les pores d’une membrane adaptée.
La difficulté avec les procédés répondant aux critères biologiques, va être la
garantie d’une qualité stable. En effet, la lécithine obtenue est un produit
moins travaillé et donc plus variable. De la qualité de la matière première va
dépendre la qualité du produit obtenu, en particulier en terme de résidus de
pesticides et de métaux lourds. En effet, les lécithines concentrent par leur
structure biochimique les composés polluants.
« On peut trouver par l’analyse des résidus polluants dans la lécithine, même
si rien n’avait été détecté lors de l’analyse de la matière première ou de
l’huile », constate Gabriele Peruzzi, Directeur Général de Biopress.
LES GARANTIES DU BIO
La lécithine de soja, on le sait, n’a pas bonne presse auprès des
consommateurs[1]. Dérivé du soja, elle est suspectée d’allergénicité, de
toxicité et de présence d’OGM.
Issue de soja cultivé selon les principes de l’agriculture biologique, la
lécithine biologique ne devrait pas être suspectée d’origine OGM, de par les
fondamentaux qui régissent la bio.
Les lécithines biologiques viennent d’ailleurs souvent de Chine ou d’Inde, l’un
des derniers grands producteurs de soja non-OGM. La vigilance s’impose sur
les lécithines d’origine brésilienne, ou le risque de contamination croisée est
plus grand. Christophe Minnaar, directeur de Keramis le confirme : “Nous
contrôlons chaque lot de notre lécithine de soja pour le risque OGM”.
Comme évoqué plus haut, la complexité de la production de lécithine
biologique réside en grande partie dans la difficulté à pouvoir garantir des
teneurs en résidus pesticides au-dessous des seuils acceptables. Cela est dû
à la qualité de la matière première mais surtout au fait que les lécithines
concentrent ces résidus. Les fournisseurs de lécithine biologique sont
aujourd’hui très stricts sur les qualités qu’ils peuvent donc importer.
En revanche, par le principe de précaution, la lécithine de soja doit être
étiquetée comme source possible d’allergènes, en tant que dérivé d’une
matière première reconnue allergisante. Le risque est cependant reconnu
comme très faible car la lécithine ne comprend pas les fractions allergisantes
du soja et le taux d’incorporation dans les formules est souvent limitée à 1%.
SOJA, TOURNESOL, COLZA : QUELLES
DIFFÉRENCES ?
Les lécithines de soja n’ont pas vraiment bonne presse auprès des
transformateurs bio qui craignent les retombées marketing, même si la
qualité biologique prémunit de risque de contamination.
C’est pourquoi ils se tournent massivement vers l’origine tournesol. Les
lécithines de soja et de tournesol ne diffèrent que légèrement dans leur
composition physico-chimique, et donc dans leurs fonctionnalités.
Nutritionnellement, la lécithine de tournesol peut avoir un avantage car elle
contient plus d’acides gras insaturés.
La lécithine de tournesol est aussi plus neutre et plus agréable en terme
organoleptique. La lécithine de colza montre également un profil similaire
mais n’existe pas en bio aujourd’hui.
En conventionnel, les lécithines de tournesol et de colza bénéficient d’une
meilleure image car elles évitent le risque OGM. En bio, c’est surtout
l’argument non allergène, mais aussi une meilleure perception des
consommateurs qui prévalent.
FLUIDE OU POUDRE ?
Poudre de lécithine - ©Novastell
Les lécithines pures se présentent comme expliqué plus haut sous forme
fluide à pâteuse.
Cependant pour des facilités d’utilisations, les fournisseurs de lécithine
proposent aussi des formes poudre ou granulée. Ces produits sont obtenus
par sprayage de la lécithine sur un support qui doit être biologique
(maltodextrine, gomme d’acacia, farines…). Ces lécithines en poudre sont
donc « diluées » et ne se prêtent pas aux mêmes applications.
II- Les utilisations de la
lécithine en transformation
biologique
Panorama d'applications alimentaires de la lécithine - ©Ingrebio
Pour ce dossier, Ingrébio a passé en revue 145 produits bio du marché
contenant divers types de lécithine. Premier constat : aujourd'hui à peine 1/4
de la lécithine utilisée dans les produits alimentaires biologiques est d’origine
bio. La répartition des utilisations selon les circuits de distribution est assez
catégorique : 100% des références en GMS contiennent de la lécithine
conventionnelle. En circuit spécialisé, la lécithine biologique n'a été
maintenue aujourd'hui que dans 35% des références, du fait de la crise.
ZOOM SUR LES APPLICATIONS PRINCIPALES DE
LA LÉCITHINE EN BIO
Parmi eux, les biscuits sont la catégorie la plus importante avec 52
références identifiées (cf. graphique 1), pour 2/3 comptant du cacao :
gaufrettes, sablés chocolat, cookies… Le plus souvent utilisée dans la matière
grasse et la partie chocolatée des biscuits, la lécithine utilisée y est d’origine
végétale diverse : soja ou tournesol (AB ou non AB), voire même colza (non
AB).
Le chocolat, 2e rayon investi par les lécithines, ne compte pourtant que peu
de marques utilisant cet émulsifiant : plus de la moitié des tablettes de
chocolat en réseau spécialisé n’en contiennent plus. Pour des raisons
marketing ou dans le souci de formulations sans additifs, la plupart des
marques préfèrent aujourd’hui s’en passer, en trouvant des alternatives
technologiques. Et parmi les marques qui préfèrent compter sur la
fonctionnalité de la lécithine, on constate que la lécithine de soja n’est plus
utilisée que dans 50% des cas. La lécithine de tournesol, non AB, lui est
préférée.
Les viennoiseries, pâtisseries et le pain contenant de la lécithine représentent
près de 17% des produits de l’étude d’Ingrébio. Des catégories de produits
où la lécithine a en effet pleinement sa place, puisqu’elle améliore la capacité
de levage des pâtes. En biscuiterie, boulangerie et pâtisserie, elle renforce la
dispersion des matières grasses pour faciliter le démoulage des produits.
Grâce à toutes ces qualités, 80% des produits de ces catégories se trouvent
sur le marché du Sans Gluten : Pain à la farine de riz, sans gluten, moelleux
au chocolat. Les muffins sont le produit phare de la pâtisserie (souvent sans
gluten) utilisant de la lécithine. Ce marché est principalement utilisateur de
lécithine de tournesol non bio (cf graphique 2).
En babyfood bio, afin de se prémunir de tout risque allergique, la lécithine de
tournesol est exclusivement utilisée. Selon l’étude d’Ingrébio, seul 10% des
produits d’alimentation infantile bio contenant de la lécithine de tournesol
choisissent la variante AB : à l'exemple du lait de croissance liquide dès 10
mois par Babybio ou du lait en poudre Prémilait par Evernat intègrent
l’additif en bio. A noter : les laits infantiles à base de lait de vache intègrent
le plus souvent de la lécithine. Les laits en poudre bio d’origine végétale ou
animale (chèvre, jument, anesse) ne contenant pas de lait de vache ne
comptent que rarement de la lécithine dans leur recette.
Quant aux margarines, elles peuvent comprendre de la lécithine, toujours bio
provenant du soja, rarement bio quand elle est issue du tournesol. La
lécithine possède en effet des propriétés avantageuses pour ce type de
produit, puisqu’elle facilite l’action de découpe ou d’étalage de la matière
grasse en tant qu’agent séparateur.
En agroalimentaire, on retrouve finalement cet additif dans beaucoup de
catégories de produits : snacking, boulangerie-pâtisserie, babyfood,
margarine, compléments alimentaires, mais aussi confiseries, aides culinaires
et préparations salées : Boisson soja cacao, Crèmes végétales, Pâtes
carbonara sans gluten, Crackers apéritifs,…
LA LÉCITHINE COMME COMPLÉMENT
ALIMENTAIRE À PART ENTIÈRE
Mais, nutritionnellement, la lécithine de soja constitue aussi un émulsifiant
naturel de choix favorisant la solubilisation des corps gras dans le sang,
notamment le cholestérol, et empêche leur dépôt sur la paroi des
artères. Elle peut être consommée pure dans le cadre de la régulation de la
cholestérolémie… Toutefois, on pourra remarquer que seule la lécithine de
soja est disponible sur le marché sous sa forme pure, en gélule ou paillette,
en complément alimentaire dans la régulation du cholestérol. Encore une fois
pour ses bienfaits sur le cholestérol et la dissolution des graisses, la lécithine
de soja se retrouve dans les gammes de marques telles que Melvita,
Boutique Nature ou encore GPH Diffusion. Elle peut être aussi comprise dans
des formules stimulant la mémoire.
En compléments alimentaires, la lécithine peut aussi être utilisée dans la
formulation des gélules, en particulier celles d’origine marine. Ses propriétés
filmogènes et anti-agglomérant sont alors appréciées en particulier pour les
gélules souples.
L'AVENIR SERA-T-IL AVEC LÉCITHINE BIO OU
SANS LÉCITHINE?
Voilà une grande diversité d’utilisation de la lécithine, certes, mais où sa
version bio a perdu du terrain du fait de sa pénurie récente. On note même
que de nombreux produits qui contenaient de la lécithine biologique il y a
encore 2 ans, ont plutôt fait le choix de s'en passer complétement. C'est
notamment le cas de nombreux produits chocolatés qui se développent de
façon plus "clean label" avec la mention "sans lécithine".
III- Quelles perspectives
réglementaires pour la
lécithine ?
La lécithine, classée dans la catégories des émulsifiants (E322), est autorisée
conformément au règlement (CE) N°889/2008, comme additif alimentaire
dans les produits biologiques. Elle est aussi autorisée en alimentation
animale biologique pour l’aquaculture. L’utilisation de la lécithine dans les
denrées alimentaires est régie par le règlement additif qui ne fixe pas de
limites d’incorporation, excepté pour la nutrition infantile et les aliments pour
enfants en bas âge.
A l’aube d’un nouveau règlement bio, la Commission Européenne ne s’interdit
pas quelques amendements intermédiaires. Le 30 septembre dernier, suite à
la réunion du Comité réglementaire sur la production biologique, la DG de
l'Agriculture et du Développement Rural a donc émis une proposition
d’amendement au règlement (CE) N°889/2008 et en particulier aux annexes
du règlement (CE) N°834/2007.
Concernant l’usage de la lécithine, cet amendement prévoit la restriction
d’utilisation de lécithines uniquement d’origine biologique.
Le vote de cet amendement est prévu dans les prochaines semaines. Il
pourrait donc être publié dès début 2016 avec une entrée en vigueur 6 mois
après.
L'IMPACT DES RAPPORTS EGTOP
Cette évolution fait suite aux recommandations du groupe EGTOP, experts
mandatés par la Commission Européenne sur la production biologique.
En effet, en 2014, dans son « Final Report On Food (II) », l’EGTOP
concluait que l’usage de lécithine comme additif alimentaire était conforme
avec les principes de la réglementation bio, mais qu’il préconisait d’ajouter la
mention « in organic form only ».
A l’époque, le groupe d’expert estimait que la lécithine biologique était
suffisamment disponible en Europe, voire que l’Europe était exportatrice de
lécithine biologique vers les US.
Mais, si, en 2014, le marché européen était approvisionné suffisamment, cela
n’a pas été le cas en 2015. Dès l’été 2014, les fournisseurs de lécithines bio
alertaient sur des difficultés à pouvoir fournir des lécithines bio de qualité
standardisée en tournesol et en soja. En 2015, la crise s’est donc généralisée
et les utilisateurs de lécithine biologique ont dû se tourner vers des sources
conventionnelles.
L'INQUIÉTUDE DES TRANSFORMATEURS BIO
Dans ce contexte, les transformateurs bio ne peuvent que s’inquiéter de
cette perspective réglementaire.
Le Synabio, qui a pu recueillir le sentiment de ses adhérents, s’est fortement
mobilisé pour demander un délai d’au moins 2 ans avant l’entrée en vigueur
de cet amendement. « Dans l’absolu, cette évolution est une bonne chose
pour la filière bio, et les distributeurs s’en félicitent, explique Claire DimierVallet, responsable Filières et Marchés du Synabio. Mais, les transformateurs
faisant face à une pénurie de lécithine biologique, tous redoutent cette
obligation, et plus précisément son délai d’application. »
A l’échelle européenne, l’IFOAM EU se faisait le relai de la même position,
dans sa réaction aux rapports EGTOP du 22 septembre dernier, pour la
raison qu’actuellement, les qualités des lécithines biologiques disponibles sur
le marché ne répondaient pas aux critères technologiques requis. « Nos
membres (en particuliers les Français, Belges, Néerlandais, Anglais et
Allemands) sont tous d'accord pour dire que pour le moment la qualité de la
lécithine bio n'est pas suffisante pour obtenir des produits qui puissent
satisfaire les consommateurs », cite Kathleen Delage, assistante
Réglementation à l’IFOAM Europe. Néanmoins, l’IFOAM suggérait de
réévaluer ce sujet dans un délai de 5 ans, pour laisser le temps au marché
de se développer.
Mais, finalement, les discussions pour l’évolution réglementaire interviennent
à un moment charnière… où également l’offre réapparaît…
IV- La lécithine biologique :
disponibilité et perspectives
Graines et huile de tournesol biologiques - ©Ingrebio
Après plus d’un an de difficultés d’approvisionnement puis de réelles
pénuries, on commence à voir réapparaître des lécithines de soja et de
tournesol biologiques.
L’un des fournisseurs, spécialiste des phospholipides et des acides gras,
Novastell, commençait dès le mois de mai dernier à avoir identifié des
sources potentiellement intéressantes. Eric Dumont, Ingénieur TechnicoCommercial chez Novastell, nous confiait alors les difficultés à trouver des
producteurs pouvant fournir des lécithines biologiques de bonne qualité, de
manière fiable et en quantité suffisante.
Vu les points critiques évoqués en première partie, on comprend le soin
nécessaire à apporter au sourcing.
PARTICULARITÉS D'UN MARCHÉ TRÈS ÉCLATÉ
Le marché de la lécithine, même en conventionnel, est dominé
principalement par des grossistes. Les intervenants qui produisent de la
lécithine brute sont rares. La plupart des grossistes conventionnels n’opèrent
donc que le raffinage et la purification des lécithines.
La production de lécithines conventionnelles suppose de disposer
d’installations importantes, capables de traiter les volumes de lécithine brute
provenant du raffinage des huiles. Comme la lécithine biologique ne peut
provenir que d’huiles issues de pressage, des huiles vierges qui sont
produites à une échelle beaucoup plus petite, la production est très éclatée.
La crise depuis 2014 s’explique entre autre par la faillite de l’un de ces
opérateurs, le seul identifié en Europe.
« On s’aperçoit que la filière est vraiment fragile, constate Eric Dumont. Il y
aurait un réel besoin de structuration pour cette filière avec un regroupement
des moyens de production pour permettre de garantir un approvisionnement
à l’échelle industrielle ».
LE POIDS DE LA MATIÈRE PREMIÈRE
Pour la lécithine de tournesol, s’ajoute les contraintes supplémentaires d’une
moindre disponibilité de l’huile de tournesol biologique sur le marché, ainsi
qu’une teneur plus faible en lécithine dans l’huile.
Ces mêmes raisons expliquent aussi l’inexistence d’un marché pour la
lécithine de colza biologique, alors que celle-ci est plutôt bien placée en
conventionnel. Mais le colza est aussi une culture réputée techniquement
difficile et dont la réussite est plus délicate en bio.
Pour le soja, faisant aussi état de la difficulté à sourcer une matière première
(huile de soja) de bonne qualité pour l’extraction de la lécithine de soja
biologique, Gabriele Peruzzi de Biopress, seul extracteur par la méthode
d’hydratation en France, constate de plus que les transformateurs français ne
sont pas toujours prêts à payer le prix de la qualité du bio et du local. « Dans
ces conditions, difficile aussi pour nous d’investir pour augmenter les
volumes », regrette-t-il.
VERS UNE QUALITÉ IRRÉPROCHABLE...
La qualité des produits attendue est un facteur primordial dans les choix de
sourcing. C’est pourquoi il a fallu du temps pour identifier des opérateurs
pouvant fournir une qualité biologique, sans résidus de pesticides ni métaux
lourds.
Il se trouve qu’aujourd’hui le seul sourcing correspondant à ces critères est
asiatique.
On connaît les réticences que cela peut susciter. Mais les fournisseurs se
veulent rassurants. Tout comme Novastell, Actibio, le spécialiste en
ingrédients biologiques apporte les garanties d’un produit sélectionné en
terme de qualité, et avec un risque de contamination pesticides et de métaux
lourds maitrisé. « Nous sommes en mesure de fournir de la lécithine de
tournesol biologique dès maintenant, annonce Sandra Lourdais, chargée de
communication d’Actibio. Pour la lécithine de soja, il faudra attendre le début
d’année. »
Ainsi, si les lécithines de soja et de tournesol biologiques vont peu à peu
pouvoir réapparaitre sur le marché, le risque d’un nouveau problème
d’approvisionnement ou de qualité n’est pas totalement écarté. Les
transformateurs bio vont-ils se saisir de l’opportunité de ces nouvelles
disponibilités pour aller vers le 100% bio, et seront-ils prêts à payer le prix
d’une lécithine de qualité ?
Ou vont-ils renoncer à dépendre d’un marché trop lointain ou trop cher...
pour se passer de la lécithine ?