DOSSIER Les délais de paiement

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DOSSIER Les délais de paiement
1 mai 2016 - N°146
DOSSIER
Les délais de paiement
sous surveillance
C'est un enjeu économique majeur, la compétitivité des entreprises françaises passe nécessairement par une
réduction des délais de paiement.
La situation
en France
Sur les 10 dernièresannées, on constate
une augmentation des retards de paiement qui pénalisent et fragilisent les
entreprises. Ainsi, au troisième trimestre
2015, seuls 36,2 % des organisations
(secteurs privé et public) ont payé leurs
factures à l'heure, contre 39 % début
2014. Sur ce troisième trimestre, le
retard moyen global se situe à 13,2 jours
contre 12 jours un an plus tôt. Le secteur
public, en particulier ses plus grandes
structures, règle généralement ses
fournisseurs avec plus de retard que
dans le privé. Le retard se situant alors
en moyenne entre 17 et 19 jours (source
Altarès).
Délai légal actuel
Depuis la loi Macrondu 8 août 2015, les
professionnels
peuvent
convenir
entre eux d'un délai de règlement qui
ne peut pas dépasser 60 jours à compter
de la date d'émission de la facture.
Toutefois, un délai maximal de 45 jours
fin de mois, à compter de la date
d'émissionde facture, peut être retenu à
la double condition que ce délai soit
stipulé dans le contrat et qu'il ne
constitue pas un abus manifeste vis-à-vis
du créancier.
Autre précision en cas de facture périodique, le délai convenu entre les parties
ne peut pas dépasser45 jours à compter
de la date d'émission de la facture. En
revanche, si les entreprises ne conviennent d'aucun délai, la facture doit,
en ce cas, être réglée au plus tard le 30e
jour suivant la date de réception des
marchandisesou d'exécution de la prestation.
Délais de paiement légaux spécifiques
Pour certains produits alimentaires ou en
matière de transport, par exemple, l'acheteur doit régler sa facture dans un
délai beaucoup plus court que dans le
délai légal :
• Trente jours après la fin de la décade
de livraison pour les achats de produits
alimentaires périssables et de viandes
congeléesou surgelées, de poissonssurgelés, de plats cuisinés et de conserves
fabriqués à partir de produits alimentaires périssables, à l'exception des
achats de produits saisonniers effectués
dans le cadre de contrats dits de culture
visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du
Coderural,
• Vingt jours après le jour de livraison
pour les achats de bétail sur pied destiné
à la consommationet de viandes fraîches
dérivées,
• Trente jours après la fin du mois de
livraison pour les achats de boissons
alcooliques passibles des droits de
consommation prévus à l'article 403 du
Code généraldes impôts,
• Quarante-cinq jours fin de mois ou
soixante jours nets à compter de la date
d'émission de la facture pour les achats
de raisins et de moûts destinés à l'élaboration de vins ainsi que de boissons
alcooliques passiblesdes droits de circulation prévus à l'article 438 du Code
général des impôts sauf dispositions
dérogatoires figurant dans des décisions
interprofessionnelles prises en application de la loi du 12 avril 1941 portant
création d'un comité interprofessionnel
du vin de Champagne ou dans des accords interprofessionnels conclus en application du livre VI du Coderural et de la
pêche maritime et rendus obligatoires
par voie réglementaire à tous les
opérateurs sur l'ensemble du territoire
métropolitain.
La loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 a
permis aux professionnelsde formaliser
des accords dérogatoirespour une durée
maximale de 3 ans sous réserve de respecter trois conditions cumulatives. Le
secteur devait avoir été couvert par un
accord dérogatoire au sens de la loi n°
2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME).
Le nouvel accord devait concerner des
produits ou services comportant un
caractère saisonnier particulièrement
marqué. Enfin, ce nouvel accord ne
devait pas prévoir des délais de
paiement supérieurs au dernier plafond
prévu par l'accord dérogatoire conclu
sous l'empire de la LME.
Après avis de l'Autorité de la
concurrence, cinq accords dérogatoires
ont été homologués,pour une période de
trois années,par lesdécrets suivants:
• Le décret n° 2013-256 du 26 mars
2013 portant dérogation aux dispositions
relatives aux délais de paiement dans le
secteur des articles de sport a été publié
au Journalofficiel le 28 mars 2013.
• Le décret n° 2013-257 du 26 mars
2013 portant dérogation aux dispositions
relatives aux délais de paiement dans le
secteur du jouet a été publié au journal
officiel le 28 mars 2013,
• Le décret n° 2013-275 du 2 avril 2013
portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le
secteur du cuir a été publié au Journal
officiel le 4 avril 2013,
• Le décret n° 2013-545 du 26 juin 2013
portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le
secteur de l'horlogerie, la bijouterie, la
joaillerie et l'orfèvrerie a été publié au
Journalofficiel le 28 juin 2013,
• Le décret n° 2013-546 du 26 juin 2013
portant dérogation aux dispositions relatives aux délais de paiement dans le
secteur des matériels d'agroéquipement
a été publié au Journalofficiel le 28 juin
2013.
Ces décrets d'homologation arrivant prochainement à échéance, la loi n° 2015990 du 8 août 2015 pour la croissance,
l'activité et l'égalité des chances économiques a offert à ces secteurs de pérenniser les délais de paiements dérogatoires par le décret 2015-1484 du 16
novembre2015.
Ainsi lesdélais suivantssont institués:
• Filière de l'agroéquipement 55 jours à
compter de l'émission de la facture:
matérielsd'entretien d'espacesverts 110
jours à rémissionde la facture,
• Filièredu cuir: 54 jours fin de mois de la
facture,
• Horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie: 59 jours fin de mois de la facture
ou 74 jours à émission de la facture au
choix des parties,
• Commerce de jouets: de janvier à
septembre 95 jours à émission de la
facture et d'octobre à décembre 75 jours
à émissionde la facture.
Accords professionnels dérogatoires
Dans5 secteursoù l'activité présente un
caractère saisonnier particulièrement
marqué qui rend difficile le respect du
délai de paiement maximal légal, les
clients et fournisseurspeuvent appliquer,
sans limitation dans le temps, les délais
de règlement plus longs que le délai
maximal légal, qui ont été fixés par
accords professionnels conclus en 2012
et qu'un décret de novembre 2015 est
venu pérenniser.
n
à
1 mai 2016 - N°146
Délais/retards de paiement :
transparence exigée
Obligations d'information pesant sur
les professionnels
Plusieurs documents doivent comporter
des mentions impératives qui éclairent
sur la politique et la situation de l'entreprise au regard du crédit-fournisseur.
Conditions générales de vente
Entre professionnels, les conditions générales de vente (CGV)sont obligatoires et
doivent nécessairement mentionner les
conditions de règlement pratiquées.
L'entreprise peut ainsi préciser qu'elle
exige un paiement comptant ou, au
contraire, indiquer le délai dans lequel
elle entend être payée. En tout état de
cause, s'agissant des conditions de
règlement inscrites dans les CGV, la loi
exige qu'elles précisent les conditions
d'application et le taux des pénalités de
retard exigibles le jour suivant la date de
règlement figurant sur la facture ainsi
que le montant de l'indemnité forfaitaire
de 40 € pour frais de recouvrement
également due dans ce cas au créancier.
Sanctions
Lorsque les CGV ne comportent pas les
mentions prescrites par la loi sur les
pénalités de retard ou si leur taux est
fixé en dessous du minimum légal, le
fournisseur encourt une amende administrative pouvant atteindre 75 000 €
pour une personne physique et 375 000€
pour une personne morale.
Factures
Outre sa date de paiement, qui ressort
des délais de paiement accordés ou non,
la facture doit, comme les CGV, mentionner le taux des pénalités de retard
ainsi que le montant de l'indemnité
forfaitaire de 40 €.
Sanctions
À défaut, une amende pénale de 75 000€
peut être encourue ; cette amende pouvant être portée à 50 % de la somme
facturée ou de celle qui aurait dû être
facturée.
Dans le rapport de gestion
Les sociétés dotées d'un commissaire
aux comptes (obligatoire notamment
dans les SA et pour les SARL et SAS
dépassant certains seuils) doivent faire
figurer dans leur rapport de gestion des
informations sur les délais de paiement ;
schématiquement, il faut y indiquer le
solde des dettes de l'entreprise à l'égard
des fournisseurs par date d'échéance.
Pour les exercices ouverts à compter du
1er juillet 2016 (rapport 2017), ces informations sont étendues. Elles concerneront aussi bien les dettes de la société
vis-à-vis des fournisseurs que les créances clients échues et non réglées à
l'échéance.
Le commissaire aux comptes devra
attester de la sincérité des informations
et de leur concordance avec les comptes
annuels.
Montant des pénalités de retard
Sauf disposition contraire, qui ne peut
toutefois fixer un taux inférieur à 3 fois le
taux de l'intérêt légal (soit actuellement
3,03 %), le taux des pénalités de retard
est égal au taux d'intérêt appliqué par la
Banque centrale européenne à son
opération de refinancement la plus
récente (soit actuellement 10,05 %).
Sanctions encourues en cas de
retard de paiement
Payer ses factures en retard expose à
devoir verser des pénalités au créancier.
Autre risque en cas de contrôle : une
sévère amende administrative qui peut
être publiée.
Des pénalités de retard
Beaucoup de PMEhésitent à réclamer à
leurs clients mauvais payeurs les pénalités de retard, ceci afin de maintenir la
relation commerciale.
En pratique, c'est donc lorsqu'elles sont
contraintes de recouvrer leurs factures
impayées en justice qu'elles réclament le
paiement de ces pénalités. Cette demande est aujourd'hui toujours couronnée de
succès.
Elles sont dues de plein droit. Les
pénalités de retard calculées au taux de
la Banque centrale européenne majoré
sont dues de plein droit dès le lendemain
de la date de règlement figurant sur la
facture.
Ainsi, un entrepreneur, qui n'avait pas
mentionné de pénalités de retard dans
ses CGV, a néanmoins pu les réclamer à
son acheteur. Dans le même sens, un
sous-traitant a valablement pu réclamer
des pénalités de retard à l'entrepreneur
principal alors qu'elles n'étaient mentionnées dans aucun contrat les liant (cass.
civ. 3e ch., 30 septembre 2015, n° 1419249).
Elles peuvent produire des intérêts. Dès
lors que la facture est impayée depuis
plus d'un an, les pénalités de retard
qu'elle a produit peuvent être capitalisées et, à partir de là, produire ellesmêmes de nouvelles pénalités (cass.
com. 10 novembre 2015, n° 14-15968).
Frais de recouvrement
Le fournisseur impayé a aussi droit à
l'indemnité forfaitaire de 40 € prévue sur
ses CGVet factures. Toutefois, si les frais
de recouvrement exposés sont supérieurs, le créancier peut en principe demander une indemnisation complémentaire sur justification.
Des poursuites administratives
Sanctions. Les retards de paiement sont
passibles d'une amende administrative
qui peut atteindre 75 000 € pour une
personne physique et 375 000 € pour
une personne morale.
Ces montants sont doublés en cas de
récidive.
Procédure rapide. C'est aux agents de
la direction des fraudes (DGCCRF)de
contrôler le respect des délais de
paiement, y compris par les entreprises
publiques. Puis, le cas échéant, c'est à la
Direction régionale des entreprises, de la
concurrence, de la concurrence, du
travail et de l'emploi (DIRECCTE)de
prononcer les amendes.
Avant toute décision, la DIRECCTE
informe l'entreprise de la sanction
envisagée en lui indiquant qu'elle peut
prendre connaissance des pièces du
dossier et se faire assister par le conseil
de son choix, et l'invite à présenter, dans
les 60 jours, ses observations écrites,
voire orales. L'amende prononcée peut
être contestée devant le tribunal
administratif.
Publication à la clef.
Que l'entreprise conteste ou non la
sanction infligée, l'administration peut
décider de la publier, aux frais de
l'entreprise condamnée.
Seule contrainte pour la DIRECCTE:
avertir d'abord l'entreprise de la publicité
envisagée.
Rapport de gestion
Communication des délais de
paiement, les modèles sont
parus
Au titre des exercices ouverts à compter
du 1er juillet 2016, le rapport de gestion
des sociétés dont les comptes sont
certifiés par un CAC devra comprendre,
aussi bien pour les fournisseurs que les
clients, le nombre et le montant total HT
des factures reçues ou émises non
réglées à la date de clôture de l'exercice
dont le terme est échu.
Unarrêté vient de fixer deux modèles de
présentation des informations requises
selon que la société choisit de les communiquer pour :
les factures reçues et émises non
régléesà la date de clôture ;
- les factures reçues et émises ayant
connu un retard de paiement au cours de
l'exercice. Chaque modèle de tableau est
structuré en deux parties (factures
reçues, factures émises) avec, pour chacune, les informations par tranche de
retard de paiement et celles pour les
factures exclues pour cause de litige ou
de non comptabilisation).
En plus des informations requisesau plan
réglementaire, le modèle impose d'indiquer les délais de paiement de référence
pour le calcul des retards.